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21 janvier 2025 2 21 /01 /janvier /2025 03:49

« Nourri par les années 50 (celles de la Nouvelle Vague et de son père Bernard Blier), et père des années 90 de Claude Sautet, Patrice Leconte et Claude Chabrol, Bertrand Blier nous a livré une vision du cinéma qui n’est ni tout à fait comique ni complètement sérieuse, mais qui plutôt offre avec un humour acerbe un commentaire de la réalité sociale de son temps. » (Christophe Dilys, le 3 novembre 2021 sur France Musique).




 


Le grand réalisateur français Bertrand Blier s'est éteint « paisiblement chez lui », à Paris, ce lundi 20 janvier 2025 alors qu'il n'était pas loin de ses 86 ans (dans deux mois). Cela faisait depuis longtemps, depuis plusieurs décennies que le réalisateur, par ailleurs fils du grand acteur Bernard Blier (qu'il a enrôlé trois fois dans ses films), faisait partie du patrimoine culturel français.

L'un des derniers engagements, certainement maladroit, de Bertrand Blier fut sans doute de cosigner une tribune de soutien à l'acteur Gérard Depardieu intitulée "N'effacez pas Gérard Depardieu" et publiée le 25 décembre 2023 dans "Le Figaro" alors que l'acteur en question a été accusé d'agressions sexuelles, de viols et de propos sexistes. Ce n'était pas trop étonnant lorsqu'on sait que Bernard Blier l'a embauché huit fois dans ses aventures cinématographiques et en particulier, dans le film qui l'a fait connaître du grand public ("Les Valseuses").

Bertrand Blier avait une vision très particulière de cet acteur, comme il l'avait expliqué dans "Le Nouvel Obs" le 9 mars 2019 : « Quand je l'ai connu, sur "les Valseuses", il était turbulent, mais plus professionnel qu'on ne l'a dit. Il était vif, il savait son texte, et on s'est suffisamment bien entendus pour faire huit films ensemble (…). Au cours des ans, je l'ai vu évoluer vers le meilleur. Je le trouve formidable. Il y a quelque chose qui s'est accumulé en lui, des douleurs qui sont passées. Il a 70 ans, il a pris des coups dans la gueule, a perdu un enfant, a eu une vie très agitée. On a dit qu'il était ingérable, ce qui est faux. Certes, ce n'est pas un garçon facile, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais comme c'est un génie, il a forcément raison. Les grands acteurs, ça a le droit de faire chier. C'est des mecs, il faut remercier Dieu de les avoir devant une caméra. Une fois qu'ils sont devant l'objectif, le film est fait. » (propos recueillis par François Forestier).


Depuis l'annonce de sa disparition, il y a même un courant de fond qui voudrait interdire la rediffusion des films de Bertrand Blier dans lesquels a joué Gérard Depardieu. Mot d'ordre qui serait complètement dément puisqu'un film n'est pas l'œuvre d'un seul acteur mais de dizaines voire de centaines d'artistes et de techniciens qui n'ont rien à voir avec les éventuelles frasques de Gérard Dapardieu (j'écris "éventuelles" dès lors qu'il n'a pas encore été condamné définitivement par un tribunal, à ma connaissance). Anny Duperey a soutenu ces rediffusions sur BFMTV le 21 janvier 2025 : « Il faut montrer ses films ! Je veux dire, l'homme, s'il a mal viré, mal vieilli, sur un certain plan, ce n'est pas pour autant qu'il faut jeter l'acteur et y compris le metteur en scène qui l'a employé ! (…) Dans ces cas-là, s'il faut bannir, pour les mauvaises paroles et les mauvais gestes d'un acteur, dans la vie courante, s'il faut bannir toutes les œuvres auxquelles il a participé... (…) On va quand même très loin (…). Il faut séparer l'œuvre et l'acteur de l'homme ! ».

Bertrand Blier, c'était des acteurs fétiches, Gérard Depardieu, bien sûr, mais aussi Patrick Dewaere, Jean-Pierre Marielle, Miou-Miou, Isabelle Huppert, Coluche, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko, Gérard Jugnot, Michel Blanc, etc.

 


Bertrand Blier, c'était de l'anticonformisme, de l'humour grinçant allant parfois jusqu'à l'absurdité, de la provocation qui a pu faire scandale, un humour souvent au second degré, des chroniques sociales qui sont des comédies pas si drôles que cela, des comédies corrosives, etc.

Pour moi, son bijou n'est pas "Les Valseuses", mais d'abord "Buffet froid" (sorti le 19 décembre 1979), où jouent Bernard Blier, le flic, Jean Carmet, l'assassin tendrement vulnérable, Gérard Depardieu, le chômeur cavalier, et Michel Serrault, le comptable. Atmosphère sinistrement glauque mais aussi surréaliste des grandes tours modernes, de la pensée noire et de la pensée absurde digne d'un Ionesco.

Mais on ne peut pas évoquer Bertrand Blier sans évoquer "Les Valseuses" (sorti le 20 mars 1974), son succès originel, qui l'a autant révélé comme réalisateur que les acteurs qui y ont joué : Gérard Depardieu, Patrick Dewaere (les deux voyous dans l'histoire), et Miou-Miou. Y jouent aussi Jeanne Moreau, Brigitte Fossey et quelques figurants du Splendid qui ont pris un peu d'importance par la suite. Avec ce film regardé par près de 6 millions de Français, considéré comme subversif, provoquant, d'un humour graveleux tout autant que sexiste, bien de son époque, les années 1970, qui a un peu vieilli à notre époque du tout aseptisé, non seulement Bertrand Blier a montré son énorme talent de réalisateur mais aussi d'écrivain puisque le film est l'adaptation de son propre roman.


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D'autres films ont marqué encore l'œuvre de Bertrand Blier. On peut citer "La Femme de mon pote" (sorti le 31 août 1983 ; 1,5 million d'entrées), dans un tableau d'amour (pas heureux) à trois sur fond de neige à Courchevel, avec Thierry Lhermitte, Coluche et Isabelle Huppert dans le clivage fidélité à l'amitié ou à l'amour. C'est un film intéressant car Coluche, jouant ici un ami dépressif, n'a rien du comique de ses films précédents et annonce son rôle dramatique dans "Tchao Pantin" de Claude Berri (sorti le 21 décembre 1983). Patrick Dewaere (qui s'était suicidé entre-temps) et Miou-Miou auraient dû jouer à la place de Thierry Lhermitte et Isabelle Huppert.

Il y a aussi "Préparez vos mouchoirs" (sorti le 11 janvier 1978 ; 1,3 million d'entrées), avec Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Carole Laure ; "Calmos" (sorti 11 février 1976), qui fut un échec commercial et qui est aujourd'hui considéré comme odieusement sexiste (ce qu'a regretté par la suite le réalisateur), avec Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Bernard Blier, Claude Piéplu, Brigitte Fossey, etc. ; "Tenue de soirée" (sorti le 23 avril 1986 ; 3,1 millions d'entrées), avec Michel Blanc (à la place de Patrick Dewaere), Gérard Depardieu, Miou-Miou, Michel Creton, Jean-François Stévenin, Mylène Demongeot, Jean-Pierre Marielle, Bruno Cremer, etc. ; "Trop belle pour toi" (sorti le 12 mai 1989 ; 2 millions d'entrées), avec Gérard Depardieu, Carole Bouquet, Josiane Balasko, Roland Blanche et François Cluzet ; "Merci la vie" (sorti le 13 mars 1991 ; 1,1 million d'entrées), avec Charlotte Gainsbourg, Michel Blanc, Jean Carmet, Anouk Grinberg, Annie Girardot, Catherine Jacob, Jean-Louis Trintignant, Gérard Depardieu, etc. ; "Un, deux, trois, soleil" (sorti le 27 juin 1993), avec Anouk Grinberg, Myriam Boyer, Jean-Pierre Marielle, Claude Brasseur, Patrick Bouchitey, Eva Darlan, Marcello Mastroianni, etc. ; "Les Côtelettes" (sorti le 28 mai 2003), avec Philippe Noiret et Michel Bouquet.

Une mention particulière pour "Le Bruit des glaçons" (sorti le 25 août 2010), dans un dialogue entre Jean Dujardin (l'écrivain alcoolique déprimé) et Albert Dupontel (sa maladie), dont le sujet est assez original, et pour "Convoi exceptionnel" (sorti le 13 mars 2019), avec Gérard Depardieu, Christian Clavier, Sylvie Testud, Farida Rahouadj, Alexandra Lamy, Audrey Dana, Guy Marchand, Philippe Magnan, etc., qui fut le dernier long-métrage de Bertrand Blier (qui n'a pas eu de succès).

Dans son hommage, le Centre national du cinéma a publié sur Instagram : « Bertrand Blier nous laisse une filmographie à son image : anticonformiste, irrévérencieuse, parfois provocante et briseuse de tabous, mais toujours teintée de tendresse et parcourue d’une poésie foutraque. Il maniait le verbe et l’absurde avec maestria, pratiquait l’art de la transgression, aimait s’entourer d’acteurs qui l’inspiraient, (…) [comme] son père Bernard, qu’il fit jouer à plusieurs reprises comme dans "Buffet froid", modèle d'humour noir et de cynisme. ».


Quant à Georges Lautner (1926-2013), qui fut le patron de Bertrand Blier à ses débuts comme assistant réalisateur au début des années 1960, il a eu un excellent souvenir : « On se marrait ensemble. Bertrand a un humour sarcastique, destructeur, se souvient Lautner. Des bonnes plaisanteries, assez méchantes, plus pernicieuses que celles de Bernard ! ».


Bertrand Blier, c'était le résultat de deux hommes : « Dans l'ombre de mon père et dans celle de Lautner, j'ai appris mon métier. L'ambiance était très chaleureuse, marrante. Lautner, c'était un homme qu'on pouvait aborder. (…) J'ai eu une relation parfois conflictuelle avec mon père, à un moment, puis nous nous sommes réconciliés. Il était très abrupt. Moi, je suis beaucoup plus agréable que lui. Mais il y a des gens qui me trouvent… urticant. (…) Mon père disait qu'il écoutait les chauffeurs de taxi, notait leurs phrases, et les rapportait à Michel Audiard qui les collait dans les dialogues de films. Ça circulait comme ça, entre eux. Mais les dialogues, c'est un mystère. C'est ma vocation, d'écrire. Je peux faire autre chose que des dialogues, je signale. Des paragraphes, des descriptions. J'aime fabriquer un monde. » ("Le Nouvel Obs").

Enfin, sur la mort : « La mort, qui est une bonne copine dans certains de mes films, est le sujet numéro un. De quoi parler ? On ne va pas s'emmerder à raconter des histoires d'amour toute notre vie, non ? Le cinéma, c'est une histoire de fantômes. Même quand ils sont morts, on peut continuer à les voir. On n'a pas ça au théâtre. De Gérard Philipe, sur scène, il ne reste aucune trace. La mort, c'est une de mes obsessions. » (le 9 mars 2019, à l'aube de ses 80 ans).

Avec ses films, qu'il a aussi scénarisés, Bertrand Blier a gagné à la fois ses galons dans la profession (il a reçu trois Césars, deux du meilleur scénario et un du meilleur film, le Grand Prix du Festival de Cannes, et l'Oscar du meilleur film étranger, c'était à une époque où les États-Unis n'étaient pas dirigés par Donald Trump) et sa récompense auprès du public qui a apprécié certains films et moins apprécié d'autres films. Wikipédia a fait le total des entrées en salle française pour ses dix-neuf films : 21,3 millions ! Chapeau l'artiste !



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 janvier 2025)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Bernard Blier.
Bertrand Blier.
Pierre Arditi.
Pierre Palmade.
Carla Bruni.
Valeria Bruni Tedeschi.
Teddy Vrignault.
Pierre Richard.
François Truffaut.
Roger Hanin.
Daniel Prévost.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.
 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250120-bertrand-blier.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/bertrand-blier-et-son-258822

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/21/article-sr-20250120-bertrand-blier.html



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1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 03:37

« Mais je suis très proche de Marine Le Pen, vous ne le saviez pas ? Non non, de plus en plus, on peut écouter ce son-là, il n'est pas totalement inutile... » (Pierre Arditi).




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L'acteur Pierre Arditi fête son 80e anniversaire ce dimanche 1er décembre 2024 (comme le romancier Daniel Pennac) et on imagine qu'il en est le premier étonné tant il se sent toujours aussi éveillé et alerte dans la vie.

L'un des sujets qui l'irrite souvent est de le mettre dans la case de la gauche caviar car il ne se considère pas comme ainsi. Évidemment, à force de jouer le vrai et le faux, il risque d'être un peu plus incompréhensible. Pour ne pas se laisser enfermer dans une case, peut-être ?

Pour preuve, sa fausse interview lors de son passage chez Thierry Ardisson, à "Salut les Terriens !" diffusée le 3 octobre 2015 sur Canal Plus, où il précisait très doctement à propos de Nadine Morano : « C'est surtout une fine analyse de ce qu'est la société française d'aujourd'hui. ». Tout en avouant sa vénalité théâtrale : « Mais c'est-à-dire, si vous voulez, forcément, c'est là où il y a un peu de pognon, alors moi, je défends là où ça casque à la caisse, sinon, ça ne m'intéresse pas ! ». On peut l'écouter sur la vidéo de l'INA à la fin de l'article.

Bien sûr, tout était faux, mais c'était à une époque où le jeu, la légèreté n'étaient pas pollués par la crédulité pour les choses du premier degré, et surtout par les fake news. Pierre Arditi est un comédien et aime d'abord jouer (voire fanfaronner) et jouer à celui qu'il n'est pas, c'est un rôle qu'il aime bien (et qui le protège peut-être, d'ailleurs, de sa propre réalité). Des âmes sensibles pourraient s'en offusquer.


Dans une interview pour "Le Bien public" publiée le 29 mai 2013, Pierre Arditi assurait de toute façon : « Je continue d’être un homme engagé à gauche. C’est comme ça depuis toujours. Et ça finira comme ça. Mais, avec le temps, je me suis calmé. Mes convictions sont les mêmes, mais je suis beaucoup moins manichéen que lorsque j’étais beaucoup plus jeune, ce qui est tout à fait normal. Aujourd’hui, les choses sont beaucoup plus complexes. Maintenant, après avoir vécu déjà un long moment de ma vie, je suis à même de les analyser autrement. Il y a des gens qui ne sont pas de mon bord que j’estime profondément et vice et versa. Je pense qu’on ne peut pas passer sa vie à donner des leçons de morale. D’abord parce que lorsque l’on en donne, il faut commencer à se les appliquer à soi-même et qu’on ne le fait pas toujours. Dans ces cas-là, on est mal en point. Mais simplement, on peut essayer de convaincre, parfois sur certains thèmes, certaines choses, qu’à un moment donné il faudrait être plus généreux, plus solidaire, etc. Après, la vie est ce qu’elle est, les sociétés sont ce qu’elles sont. Elles sont difficiles, elles sont égoïstes, elles sont parfois trop repliées sur elles-mêmes. C’est compliqué. La vie est de plus en plus compliquée et de plus en plus féroce. Alors, ce n’est plus un problème d’être de droite ou de gauche, il suffit simplement d’être un humain. C’est plutôt comme ça que j’essaye de me redéfinir. Je tente de ne pas perdre cette part d’humanité que j’ai encore, avec laquelle je me bagarre pour la conserver. » (propos recueillis par Vincent Lindeneher). Une longue tirade certainement issue de sa sincérité spontanée, mais pour finir par dire ceci : « Avant d’être de gauche, je suis Français. Ce que je souhaite, c’est que ce Président-là réussisse pour le bien de notre pays. Et si c’était un autre, je lui souhaiterais la même chose. » (il parlait à l'époque de François Hollande).

Un an et demi plus tard, le 3 octobre 2014, tout aussi sincèrement, le comédien disait à Audrey Crespo-Mara sur LCI : « Diaboliser le FN, c'est une imbécillité. À partir du moment où un nombre important de gens, des millions, finissent par voter dans ce sens-là, ça commence à devenir un vote d'adhésion. Pourquoi ça le devient ? Parce que ce qu'on attend des partis politiques traditionnels ne vient pas. Des promesses ne sont pas tenues, les résultats pour le moment ne sont pas là, c'est difficile, mais c'est comme ça. Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On bâillonne les gens qui votent pour le FN ? On sait que c'est le premier parti ouvrier de France, il y a beaucoup d'anciens membres du Parti communiste qui votent pour le Front national... Qu'est-ce qu'on fait ? On les brûle ? Non ! On les déporte ? Non ! Donc, ce qui peut empêcher Marine Le Pen d'entrer à l'Élysée, c'est que la classe politique, quelle qu'elle soit, de gauche ou de droite, sache que la parole donnée doit être, à un moment ou à un autre, tenue ! Parce que, sinon, quand on donne sa parole et qu'on ne la tient pas, c'est très ennuyeux, on n'en a plus ! Je ne jette pas la pierre, c'est mon camp, c'est mon bord. ».


Rejetant une éventuelle appartenance au PS (au pouvoir à l'époque), il enrageait de la fronde menée par les ministres Arnaud Montebourg et Benoît Hamon : « Il y a un minimum de solidarité gouvernementale. Ce qu'on pourrait dire à des membres du gouvernement, je ne citerai personne, c'est qu'il faut qu'ils se mettent dans le crâne qu'ils ne sont pas au bureau national du PS, mais qu'ils appartiennent au gouvernement de la France, cela n'a rien à voir ! ». Mais de là à devenir proche d'Alain Juppé... pourquoi pas : « Ne me demandez pas non plus de ne pas être objectif avec l'autre camp quand il a des qualités, et c'est le cas d'Alain Juppé ! ».

Dans "Le Divan" de Marc-Olivier Fogiel, le 21 mars 2017, en pleine campagne présidentielle, Pierre Arditi est revenu sur la politique en répondant à ses détracteurs qui trouveraient qu'il gagnerait beaucoup trop d'argent pour être un homme de gauche : « Mais vous devriez au contraire m'estimer davantage. Parce que j'ai tout dans ma condition sociale pour être un homme de droite. (…) Je trouve tout à fait normal, que moi gagnant bien ma vie, j'aide ceux qui la gagnent bien moins que moi ! ». D'autant plus qu'il n'a jamais autant payé d'impôt que depuis que la gauche est revenue au pouvoir, avouait-il !


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Saut dans le temps. Nous voici maintenant dans l'émission "C à Vous" le 5 septembre 2023 sur France 5. L'acteur s'est un peu lâché contre la Nupes dont l'attitude irresponsable allait apporter, selon lui, la victoire de l'extrême droite sur un plateau d'argent : « J’ai un âge, malheureusement, qui me permets d’en avoir connu une autre, d’autres gauches, avec lesquelles je me sentais plus en accord. Aujourd’hui, elle est où exactement ? C’est quoi l’identité de la gauche ? Moi, je ne la connais pas et je ne la reconnais pas. (…) Quand est-ce que ces gens vont comprendre qu’on est en train de faire le berceau de l'extrême droite ? Je ne citerai pas de nom, mais vous pouvez imaginer à qui je fais allusion. (…) Ça finira par arriver, si la gauche continue de donner ce spectacle. ». Il faut penser aussi qu'entre-temps, Pierre Arditi a soutenu Emmanuel Macron.

Comme il a soutenu le 12 janvier 2024 au micro de RTL la nouvelle ministre Rachida Dati qui venait d'être nommée la veille : « Le procès qu'on lui fait c'est qu'elle n'est pas du bon bord, qu'elle n'est pas spécialiste. Mais qui est spécialiste ? Personne, absolument personne. Qui sait tout sur la culture ? Qui sait ce qu'il faut faire et ce qu'il faudrait faire et surtout qui le fait ? Personne ou pratiquement personne ! (…) On les décapite avant qu'ils aient pu se servir de leur tête. Comment peut-on juger quelqu'un avant qu'il ait fait quoi que ce soit ? C'est grotesque ! ».

Après l'incompréhensible dissolution, Pierre Arditi a refusé de soutenir la nouvelle farce populaire (NFP) dans une tribune intitulée "La question n'est pas Macron ou non" publiée le 23 juin 2024 dans "La Tribune Dimanche" qui commençait ainsi : « Depuis l'annonce de la dissolution, nous avons l'impression de vivre un cauchemar au ralenti. Celui d'une France blessée et divisée, en route vers son suicide. Celui d'une classe politique indécente, inconséquente, avide de sauver ses intérêts, "l'anatomie d'une chute" vers le chaos. Un moment de bascule historique, celui de la fin d'une ère de démocratie et de liberté, comme nous l'avions lu, jadis, dans les livres, comme nous l'avaient raconté nos parents ou nos grands-parents. Comme si nous vivions, comme au siècle dernier, le délitement inexorable de nos fondamentaux. Cette situation est l'addition que nous payons aujourd'hui de décennies de colère populaire et de la détestation souvent injuste de la classe politique. ».

Inquiet du risque de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, il a affirmé : « Laisser le RN prendre Matignon, c'est accepter au nom d'une pseudo-souveraineté d'abandonner notre indépendance. ». Mais il n'était pas possible pour lui de soutenir le NFP : « Le nouveau front populaire s'est formé avec des cœurs sincères, remplis d'espérance. Ces cœurs sincères sont ma famille, j'ai passé ma vie à les soutenir, à voter comme eux et avec eux. Si certains d'entre eux sont des sociaux-démocrates sincères, je le sais, cette alliance contre-nature est désespérante. (…) La question n'est pas Macron ou non. La question est le chaos ou le sursaut, pas une question de personnes mais une question de survie. ».


Il faut dire que le 15 avril 2024, le soir à l'Élysée, Pierre Arditi a reçu des mains du Président de la République les insignes de commandeur de l'Ordre national du Mérite. Après avoir fait allusion aux deux malaises sur scène du comédien, Emmanuel Macron, devant une quarantaine d'invités, s'est interrogé en connaisseur : « On peut se poser une question : pourquoi Pierre Arditi n’est pas démodé ? Au fond, vous n'avez jamais joué votre époque, vous avez joué des rôles intempestifs. Vous êtes devenu un style, intemporel. ». Réaction de l'intéressé, ému : « Il n'a pas fait un discours, il a fait une déclaration d'amour ! ».

À ses détracteurs qui lui reprochaient d'avoir été présent à la Rotonde le soir de la victoire d'Emmanuel Macron en 2017, Pierre Arditi a répondu le 28 juin 2024 sur la chaîne C8 qu'il se sentait plus de la "gauche cassoulet" que de la "gauche caviar" : « Je ne peux pas dire que ça m’a été reproché. Ça a surpris de me voir avec Macron (...) Le Président de la République, je l'aime bien. Il y a des choses avec lesquelles je suis d'accord, d'autres avec lesquelles je suis moins d'accord. (…) Il fait des choses, il est courageux (…). Je suis plutôt un homme de gauche, plutôt gauche cassoulet que caviar ! ».

Et de poursuivre : « Et de toute manière, même s’il m’arrivait de manger du caviar et d’être de gauche, ce serait d’autant plus louable chez moi. Si j’avais ces moyens-là, je devrais plutôt être de droite. Donc, si je me bagarre pour que des gens qui n’ont pas les moyens que j’ai, finissent par en avoir aussi, c’est plutôt mieux que le contraire, c'est-à-dire préserver mes petits privilèges ! ».

Pierre Arditi a ajouté qu'il n'avait aucune vocation à entrer au gouvernement : « Un acteur n'est pas fait pour être Ministre de la Culture. ». Il jouerait pourtant forcément bien ce rôle. Resterait alors à trouver un scénariste pour l'histoire...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 novembre 2024)
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Pour aller plus loin :
Aimez-vous... ?
Pierre Arditi.
Pierre Palmade.
Carla Bruni.
Valeria Bruni Tedeschi.
Teddy Vrignault.
Pierre Richard.
François Truffaut.
Roger Hanin.
Daniel Prévost.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.








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17 novembre 2024 7 17 /11 /novembre /2024 03:42

« Un tournage est comme un pays où il y a des lois et des langages. » (Valeria Bruni Tedeschi, le 18 février 2019 sur France Inter).


 


L'actrice franco-italienne Valeria Bruni Tedeschi fête ses 60 ans ce samedi 16 novembre 2024 (elle est née à Turin ; elle est la grande sœur de la chanteuse et mannequin Carla Bruni, et donc la belle-sœur de Nicolas Sarkozy). Issue de la famille très riche de l'industriel Virgino Bruni Tedeschi (son grand-père qui a fait fortune dans les pneumatiques), Valeria est la fille d'une actrice et pianiste et d'un industriel qui était aussi compositeur d'opéra. La famille a dû se réfugier en France dans les années 1970 parce qu'elle était devenue une cible des Brigades rouges, ce qui a été un douloureux déchirement à l'âge de 9 ans.

Elle est une actrice très attachante, presque familière, comme si c'était une intime, une bonne amie, une mère proche, une sœur complice... J'ai un petit faible pour elle dont la sensibilité est très forte, des yeux exceptionnellement pleins de vie, capable, dans un personnage secondaire, de voler la vedette à des personnages plus centraux dans un film.

Un exemple frappant est l'excellent film de Claude Chabrol "Au cœur du mensonge" (sorti le 13 janvier 1999). Dans un jeu à quatre, elle s'est octroyée sans doute le rôle le plus captivant, même si tous sont intéressants. Les deux rôles principaux sont tenus par Sandrine Bonnaire et Jacques Gamblin, jouant un couple bien étrange, l'une médecin un peu désolée et déboussolée par son mari, peintre sans inspiration qui a été blessé dans un attentat (celui de la rue de Rennes le 17 septembre 1986 qui a tué 7 personnes et blessé 55 autres dont le personnage du film). Antoine de Caunes joue le journaliste écrivain odieux et imbu de lui-même, dandy séducteur de la médecin, qui a le don d'agacer voire de rendre jaloux le peintre. Le journaliste meurt dans d'étranges conditions et la commissaire Valeria Bruni Tedeschi enquête.

Dans ce film, l'actrice n'est pas seulement policière, elle est aussi mère, et c'est une chose importante car elle a confié la garde de sa fille (attention, spoiler !) à la compagne d'une personne accusée de l'assassinat d'un enfant (donc, dans une autre affaire). La commissaire ne semble pas vraiment efficace dans ses investigations, mais elle tient un rôle assez surprenant dans le film de Claude Chabrol chez qui rien n'est jamais blanc ou noir.

 


Commençant par le théâtre et la télévision, Valeria Bruni Tedeschi a obtenu son premier grand rôle au cinéma en 1987 ("Hôtel de France" de Patrick Chéreau, sorti le 20 mai 1987) et depuis ses débuts, elle a tourné dans plus d'une centaine de films, mais aussi en a réalisé sept, car elle est aussi réalisatrice (et scénariste). Patrick Chéreau était son mentor et son initiateur au théâtre et même au cinéma pour son premier rôle principal : « Je lui serai éternellement reconnaissante de m'avoir appris le sens du mot travail. » (a-t-elle dit à la mort du metteur en scène le 7 octobre 2013). Il était son professeur et elle avait pour camarades de classe Agnès Jaoui, Vincent Perez, Eva Ionesco et Marianne Denicourt. Réalisatrice et actrice, un peu comme Emmanuelle Bercot. Valeria Bruni Tedeschi a fait jouer souvent de nouveaux comédiens, apprécie les nouvelles têtes, encourage et promeut les nouvelles pousses.

Parmi les films qu'elle a réalisés, souvent intimistes et très personnels (tout en étant très collectifs), on peut citer "Actrices" (sorti le 26 décembre 2007) avec Noémie Lvovsky, Valeria Golino, Mathieu Amalric et Louis Garrel ; "Les Estivants" (sorti le 10 décembre 2018) avec Noémie Lvovsky, Valeria Golino, Pierre Arditi, Yolande Moreau, Laurent Stocker, etc. ; et (encore à visée autobiographique) "Les Amandiers" (sorti le 16 novembre 2022) avec Nadia Tereszkiewicz, Louis Garrel (qui joue le rôle de Patrick Chéreau), Sofiane Bennacer, Micha Lesco... sans oublier à la télévision, la comédie "Les 3 Sœurs" (diffusée le 4 septembre 2015 sur Arte) qui s'inspire d'une pièce de Tchekhov sur le deuil du père de trois sœurs dans la Russie de la fin du XIXe siècle, avec notamment Florence Viala, Coraly Zahonero, Éric Ruf, Bruno Raffaelli, Michel Vuillermoz et Laurent Stocker (ainsi que le succulent et regretté Michel Robin pour un petit rôle).

Malgré la présence dans le casting de sa mère Marisa Borini et de sa fille Oumy Bruni Garrel, "Les Estivants" n'a pas de vocation autobiographique si ce n'est dans l'imaginaire de Valeria Bruni Tedeschi qui a distribué les rôles selon sa famille, parfois avec les propres rôles (sa mère, par exemple). Quant à son dernier film "Les Amandiers", il a été sélectionné par le Festival de Cannes de 2022, et a reçu en 2023 un César (meilleur espoir féminin pour Nadia Tereszkiewicz) et sept nominations de César (dont meilleur film et meilleur scénario). Présentant ce film (qui raconte sa jeunesse) le 10 novembre 2022 sur France Inter, Valeria Bruni Tedeschi a fait un parallèle avec les jeunes d'aujourd'hui : « J'ai l’impression qu'on a insufflé à nos enfants la peur de l'avenir, je les trouve très angoissés, en train d'essayer de bien construire leur avenir. Nous, on ne construisais rien du tout, on voulait vivre, travailler, on s'en foutait de construire une carrière, on voulait juste jouer. ».


Les films qu'elle a réalisés, comme je l'ai écrit plus haut, sont souvent ou vaguement à visée autobiographique et familiale. Ainsi, Valeria Bruni Tadeschi évoquait sa sœur et la mort de son père dans "Il est plus difficile pour un chameau..." (sorti le 16 avril 2003) avec Chiara Mastroianni, Jean-Hugues Anglade, Marisa Borini (sa mère), Denis Podalydès, Lambert Wilson, Yvan Attal, Emmanuell Devos, etc. (Prix Louis-Delluc du premier film), ainsi que la mort de son frère, succombant du sida en 2006, dans "Un château en Italie" (sorti le 30 octobre 2013) avec Louis Garrel, Marisa Borini et Xavier Beauvois (ce qui a valu à Valeria d'être la seule femme candidate à la Palme d'Or au Festival de Cannes 2013). Du reste, Valeria Bruni Tedeschi a pu tourner dans le propre château familial, le château de Castagneto Po, à 25 kilomètres de Turin, vendu par la famille en 2009 à un prince saoudien pour la somme de 17,5 millions d'euros et son mobilier, vendu aux enchères à Londres pour 10 millions d'euros, qui ont été versés à la Fondation Virginio-Bruni-Tedeschi (le frère décédé) contre le sida.
 


En fait, Carla Bruni n'est que la demi-sœur de Valeria Bruni Tedeschi, mais elles ne l'ont su que tardivement, au début de l'année 1996. Le père biologique était un homme d'affaires installé au Brésil et le père qui l'a élevée, Alberto Bruni Tedeschi, qui l'avait su, l'a toujours chérie comme sa propre fille. Toutefois, le choc de la révélation n'en a pas été moins grand, d'autant plus qu'elle a eu lieu peu avant la mort du père affectif (le 17 février 1996).

Louis Garrel a été le compagnon de Valeria Bruni Tedeschi après le tournage de son film "Actrices" et le couple a adopté alors en 2009 une petite fille Oumy qui a joué avec eux en 2018. Elle a aussi adopté en 2014 un petit garçon, Noé. Son nouveau compagnon Sofiane Bennacer a eu l'un des rôles principaux dans "Les Amandiers" (et la procureure de la République de Mulhouse a annoncé le 22 novembre 2022 qu'il a été mis en examen en octobre 2022 pour des accusations de viols et d'agressions sur trois voire quatre de ses anciennes compagnes, mais il a clamé son innocence ; à cause de cette mise en examen, et alors qu'il a été une révélation dans "Les Amandiers", son nom a été prudemment retiré de la liste des "talents émergents" pour les Césars 2023 par respect pour les victimes présumées).

Reconnue par la profession, Valeria Bruni Tedeschi a reçu de nombreuses récompenses, en particulier un César du meilleur espoir féminin pour "Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel" de Laurence Ferreira Barbosa (sorti le 1994), avec Melvil Poupaud, Frédéric Diefenthal, Sandrine Kiberlain et Jackie Berroyer (et nommée pour cinq autres Césars), quatre David di Donatello de la meilleure actrice en 1996, 1998, 2014 et 2017 (l'équivalent italien des Césars), également le Prix spécial du jury au Festival de Cannes en 2007 et une citation pour un Molière de la meilleure comédienne, car elle joue aussi au théâtre (des pièces de Molière, Tchekhov, Tourgueniev, etc.).

L'un des récents films dans lesquels Valeria a joué (très nombreux, depuis le début de la décennie ; elle a joué dans treize films !) est "Les Amours d'Anaïs" de Charline Bourgeois-Taquet (sorti le 15 septembre 2021) avec la très séduisante Anaïs Demoustier et Denis Podalydès. L'actrice devenue écrivaine se retrouve alors au centre d'un triangle amoureux où deux doubles hétérosexualités évoluent vers une seule homosexualité féminine sans identification d'orientation sexuelle mais avec pour seul guide le désir, comme l'a expliqué la jeune réalisatrice le 16 septembre 2021 à Mégane Choquet pour le site Allociné : « La seule chose qui guide Anaïs, c'est son désir. Et elle a cette capacité à suivre son désir de manière aveugle, sans se poser de questions. Elle se laisse emporter par ses pulsions et ses envies. Je trouvais ça beau qu'elle aille jusqu'au bout sans se poser de questions. (…) Le film commence à Paris et plus on avance, plus il s'ouvre quand on arrive à la campagne verdoyante en Bretagne et vers la fin on est carrément au bord de la mer avec cet horizon infini. Sans vouloir tomber dans trop de symbolisme, c'était aussi une trajectoire vers la liberté et le fait de suivre son désir jusqu'au bout et sans limites. ».


 

 


Quant à Valeria Bruni Tadeschi, voici ce qu'en dit Charline Bourgeois-Taquet pour cette première collaboration : « J'ai adoré travailler avec Valeria. Encore aujourd'hui, quand je vois le film, je suis subjuguée, je la trouve sublime. C'était assez intéressant parce que j'avais envie de lui proposer ce personnage qu'elle a rarement joué, voire presque jamais, c'est-à-dire une femme solide, puissante, accomplie. Et Valeria aime bien faire rire, donc les premiers jours de tournage, elle était assez déstabilisée. Je pense même qu'elle était un peu frustrée parce qu'elle voyait qu'Anaïs et Denis [Podalydès] nous faisaient rire. Je n'avais vraiment pas envie qu'elle soit en souffrance sur le tournage mais j'ai quand même tenu bon, je lui ai expliqué qu'il fallait qu'elle me fasse confiance et que son personnage allait être marquant même s'il ne faisait pas rire. Et elle a fini par comprendre ce que j'avais derrière la tête et par accepter de s'abandonner. ».

Dans "Paris Match", Valeria Bruni Tedeschi a déclaré de son côté, le 8 juillet 2022 à Karelle Fitoussi : « J'aime les metteurs en scène qui m’obligent à aller dans des endroits nouveaux. Charline m’a demandé d’incarner une femme qui assume sa beauté et sa puissance. Je crois n’avoir jamais été regardée par des cinéastes hommes hétérosexuels comme un objet de désir. ». Réponse de la réalisatrice : « Mais parce que tu résistes à ça ! Au début du tournage, ce qui t’aurait vraiment fait plaisir, c’était plutôt de faire rire tout le monde ! Il y a chez toi une fragilité qu’on perçoit derrière tous tes rôles. ».

 


Complexée par le caractère très riche de sa famille (elle s'en sent coupable), mais pas du tout complexée par son physique (contrairement à sa sœur, elle ne se maquille pas, ne se coiffe pas, ne se chirurgie-esthétique pas, ne se photoshope pas dans les magazines aux pages glacées), Valeria Bruni Tadeschi aura un mal fou à atteindre la sérénité, faute d'un bonheur qu'elle n'assumerait pas : « J’ai le sentiment que rien ne m’a apaisée, que rien ne m’apaise, que rien ne m’apaisera jamais. » (a-t-elle lâché à Vanessa Schneider le 17 mai 2013 pour "Le Monde"). Toujours anxieuse, la religion catholique peut lui apporter cette sérénité qu'elle désire tant : « Je vais parfois à l’office du [dimanche] soir, que je trouve plus solitaire, moins familial et bourgeois que celui du matin. J’ai beaucoup de mal avec ce qui se dit à l'Église, de nombreuses choses ne me plaisent pas du tout, mais je peux y trouver des instants d’apaisement. C’est la religion de mon enfance, le langage qui m’est le plus naturel, même si je n’ai reçu que des miettes de foi. » (s'est-elle confiée le 28 mai 2022 à Baptiste Thion dans le "Journal du dimanche").


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 novembre 2024)
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Pour aller plus loin :
Carla Bruni.
Valeria Bruni Tedeschi.
Teddy Vrignault.
Pierre Richard.
François Truffaut.
Roger Hanin.
Daniel Prévost.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.
 



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241116-valeria-bruni-tedeschi.html

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31 octobre 2024 4 31 /10 /octobre /2024 03:58

« Les gens bien intentionnés les qualifient d'amuseurs. Les gens moins bien intentionnés les classent parmi les "rigolos". Ils valent beaucoup mieux que ça. Le délire verbal, le coq-à-l'âne, la gymnastique des mots, est probablement le genre exigeant le plus de maîtrise, le plus de rigueur, en un mot : le plus de style. Ce n'est pas Raymond Devos qui me contredira. » (Michel Audiard, à propos des Frères ennemis).


 


C'est l'histoire banale du mec qui sort un dimanche soir pour chercher un paquet de clopes. Et il ne revient jamais. La femme est pourtant sûre qu'il reviendra. Une disparition sans préavis comme en font les romans ou les films à New York. Il y a quarante ans, le 1er novembre 1984, c'était le tour de Teddy Vrignault. Il allait avoir 56 ans le 22 novembre 1984. Il habitait à Montmartre avec son épouse Simone.

Il a dit à sa femme : je vais chercher des clopes. Il a pris sa voiture, une 504 Peugeot de couleur dorée avec le toit noir, sans son carnet de chèque mais avec quelques billets de banque, et il est parti. On le cherche encore aujourd'hui. L'enquête n'a rien donnée. On n'a jamais retrouvé ni l'homme pourtant assez facilement identifiable (avec de belles moustaches) ni sa voiture. Par l'article 112 du code civil sur les disparitions, il a été considéré par l'État comme décédé le 1er novembre 2004, mais rien n'indique qu'il ne serait pas encore vivant aujourd'hui, auquel cas il aurait presque 96 ans. Sa femme n'avait rien remarqué d'anormal, si ce n'était que Teddy avait des problèmes d'argent, était déprimé et prenait des somnifères pour dormir.

En France, il y a environ 50 000 à 60 000 personnes signalées disparues chaque année ; et chaque année, on retrouve entre 800 et 2 000 corps non identifiés. Certains, d'une famille de disparus, militent pour créer un fichier des empreintes ADN des cadavres anonymes à analyser systématiquement. En 2008, il y a eu 5 650 recherches administratives pour des disparitions présumées volontaires de personnes adultes (notre cas ici), et 2 456 (soit 44%) ont été découvertes après enquête, mais seulement la moitié de celles-ci ont accepté de communiquer leurs coordonnées. Je ne sais pas si l'année 2008 est statistiquement représentative d'une moyenne, et certainement pas de l'année 1984, mais cela signifie que Teddy Vrignault a fait partie de plusieurs milliers d'adultes qui se sont volatilisées a priori volontairement chaque année. Son cas, malheureusement, n'est donc pas très rare.

Rappelons que la liberté de circulation implique aussi le liberté de disparaître (dès lors qu'on ne trouble l'ordre public et qu'on respecte la loi). Les enquêtes sont motivées par la légitimité de la détresse familiale, mais la procédure administrative de recherche dans l'intérêt des familles (datant de la
Première Guerre mondiale et organisée selon la circulaire n°83-52 du 21 février 1983) a été abrogée par la circulaire du 26 avril 2013 en raison de la possibilité de faire des recherches, accessible à tous, grâce à l'Internet et aux réseaux sociaux.

Enfin, si, un petit signe pourrait laisser entendre qu'il n'est hélas plus de ce monde. Un détective privé (un généalogiste) a retrouvé, sur le site Geneanet l'acte de décès (qu'on peut lire dans le fichier de l'INSEE) de Pierre Édouard Georges Vrignault (le vrai nom d'état-civil de Teddy Vrignault), correspondant à la bonne date de naissance, bon lieu de naissance, et qui serait décédé le 29 janvier 1999 à l'âge de 70 ans au 18
e arrondissement de Paris. S'il s'agissait de la même personne, cela signifierait qu'elle serait restée dans la même ville (et dans le même arrondissement) pendant quatorze ans sans avoir été retrouvée, ce qui est difficile à imaginer car l'homme était une célébrité. C'est le journal "France Dimanche" qui a donné cette information le 17 avril 2020, malheureusement après le décès d'André Gaillard.
 


Car il faut en effet rappeler qui est Teddy Vrignault à qui il faut absolument associer André Gaillard (1927-2019). Tous les deux étaient des humoristes. Ils s'étaient rencontrés par hasard au cours de leur service militaire en Allemagne, ils faisaient un spectacle ensemble mais n'étaient pas du même escadron. Après leur retour dans le civil, ils se sont perdus de vue (déjà) et se sont recroisés quelques années plus tard par hasard aux Champs-Élysées à Paris. Très vite, ils ont apprécié l'un chez l'autre l'humour sophistiqué, basé principalement sur des jeux de mots, sur la richesse du vocabulaire. Ils ont suivi des cours de théâtre et leur première représentation a eu lieu le 24 octobre 1953 dans un cabaret parisien. Ils étaient lancés.
 


Avec un petit côté désuet, Teddy Vrignault, le grand chevelu à moustaches, André Gaillard, le chauve avec des rouflaquettes d'avant-guerre, ont formé un duo, les Frères ennemis, très connus dans les années 1960. Ils se sont produits de 1953 à 1984, pendant trente et une années, et en faisant rigoler un public bon enfant au cours de 750 sketchs différents (qui ont fait l'objet de publications livresques). Comme l'a rappelé Jérémy Gallet le 5 octobre 2019 sur le site Avoir-alire : « Des Frères Ennemis, duo comique injustement oublié, on retient les sketchs absurdes, qui lorgnent sur l’humour de Raymond Devos et Pierre Dac, avec des réparties débitées à la mitraillette, un art consommé du coq-à-l’âne et le contraste physique entre le chevelu Teddy Vrignault, brun ténébreux, sorte de mélange entre Claude Giraud et Lee Van Cleef, et André Gaillard, le dégarni, avec moustaches et rouflaquettes d’antan. Le binôme avait commencé, tel Richard et Lanoux, Darras et Noiret, par écumer les cabarets, dans les années 50, dont L’Écluse, lieu incontournable du rire, avant que le petit écran ne les rende populaires. ».
 


Ils ont eu la chance de démarrer à Saint-Germain-des-Prés, un quartier parisien très encourageant pour les artistes. Ils ont aussi tourné dans plusieurs films, notamment de Jean Yanne et Pierre Richard, dans des seconds rôles, avec un humour qui n'a jamais été vulgaire et que certains (anciens) regrettent beaucoup. Cependant, les années 1970 ont vu leur succès décliner à cause de nouveaux modes de l'humour, plus audacieux, plus féroces (à l'instar de Coluche, Thierry Le Luron, Pierre Desproges et Michel Leeb, préférés des émissions de télévision).

Quand Teddy Vrignault a disparu, les deux frères d'humour avaient encore un contrat pour des représentations en province toute l'année. Le site
Wikipédia (qui ne semble se baser sur aucun indice sérieux) laisse entendre que c'est le désespoir d'une perte de succès qui lui aurait fait abandonner sa vie d'artiste pour retrouver l'anonymat, mais ce n'est pas très convainquant. En 2010 (ou 2011), André Gaillard, invité de Thierry Ardisson, a plutôt laissé entendre un problème avec son épouse (mais sans plus de conviction). Teddy était (à l'imparfait ?) quelqu'un de pas très tendre, très distant dans les relations personnelles, dur au contact, et ce ne devait peut-être pas être très facile avec sa femme. Il n'aurait peut-être pas osé lui dire en face qu'il voulait se séparer (mais partir sans rien dire est pour moi une forme très avancée de la goujaterie). Supputations de café du commerce. Le mystère restera.
 


Toujours est-il qu'on n'a jamais eu de nouvelles par la suite. André Gaillard a tenté de continuer les sketchs à deux, notamment avec leur régisseuse Colette Duval (1930-1988), championne de saut en parachute et mannequin, avec qui ça a bien marché, aidés par Thierry Le Luron qui leur a proposé de se produire devant 4 000 spectateurs. Hélas, sa nouvelle partenaire est morte d'un cancer au bout de trois ans (le 22 mai 1988), ce qui a fait dire à un copain : c'est dur de travailler avec toi ! En 1993-1994, le seul Frère ennemi non disparu a trouvé un nouveau partenaire de réparties en la personne de Jean-Louis Blèze (1927-2012), cancre récurrent de "La Classe", l'émission présentée par Fabrice sur France 3, mais sans retrouver les heures glorieuses de son duo initial.

André Gaillard a poursuivi sa carrière de comédien et d'humoriste, au cinéma, à la télévision, au théâtre et aussi chez Philippe Bouvard, aux "Grosses Têtes". Affecté jusqu'à sa mort par la disparition de son ami, au point d'aller chez Jacques Pradel, dans l'émission "Perdu de vue" dans les années 1990, sans succès, le dernier Frère ennemi, qui est mort le 30 septembre 2019 (à 91 ans et demi), a eu la satisfaction de voir ses deux filles Silvia et Valérie reprendre les sketchs paternels en 2010 sous le nom de Sœurs Z'ennemies. Quant à l'ami Teddy, il aura parfaitement réussi sa dernière (mauvaise) blague.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 octobre 2024)
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Pour aller plus loin :
Teddy Vrignault.
Pierre Richard.
François Truffaut.
Roger Hanin.
Daniel Prévost.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.










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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 03:16

« La vie est pleine de paradoxes et le cinéma doit refléter ces paradoxes. Dans les soi-disant films politiques, il n'y a pas de vie parce qu'il n'y a pas de paradoxes. Le metteur en scène va au travail en sachant à l'avance qui est l'inspecteur de police corrompu, qui est le promoteur malhonnête, qui est le jeune brave reporter, etc. Pendant longtemps, en France, André Cayatte était le seul metteur en scène à faire ce genre de film. Depuis 1968, il y a eu une vogue de ce que j'appelle le "néo-cayattisme", qu'en tant que spectateur je refuse absolument de voir, et qu'en tant que metteur en scène je refuse absolument de pratiquer. » (François Truffaut, textes réunis par Anne Gillain, éd. Flammarion, 1992).


 


La réalisateur français François Truffaut est mort il y a quarante ans, le 21 octobre 1984, à l'hôpital américain de Paris à Neuilly-sur-Seine. Il avait, à 52 ans, une tumeur au cerveau, soignée sans doute trop tardivement, qui ne lui a guère laissé le choix, malgré encore sa trentaine d'idées de film. Jeune cinéaste pionnier de la Nouvelle Vague, François Truffaut est, selon moi, l'un des meilleurs réalisateurs, voire le meilleur. Sa finesse et sa douceur se ressentent dans les chefs-d'œuvre qu'il a tournés. Amour, ambiguïté, complexité... Rien n'est simple dans la vie, et c'est ce qu'a tenté de retranscrire Truffaut dans ses œuvres.

Autodidacte, il s'est beaucoup inspiré de Jean Renoir (son maître absolu), Orson Welles, Roberto Rossellini qu'il a assisté pour trois films qui ne sont finalement pas sortis (en 1956), et surtout, Alfred Hitchcock qu'il a interviewé en 1955 en qualité de critique cinéma aux "Cahiers du cinéma", son métier d'origine. Son intérêt pour Hitchcock, il l'a précisé en 1975 : « Alfred Hitchcock (…) s’est appliqué toute sa vie à faire coïncider ses goûts avec ceux du public, forçant sur l’humour dans sa période anglaise, forçant sur le suspense dans sa période américaine. C’est ce dosage de suspense et d’humour qui a fait de AH [Hitchcock] un des metteurs en scène le plus commerciaux au monde (…) mais c’est sa grande exigence vis-à-vis de lui-même et de son art qui fait de lui, également, un grand metteur en scène. (…) Hitchcock a acquis une telle science du récit cinématographique qu’il est devenu en trente ans beaucoup plus qu’un bon conteur d’histoires. Comme il aime passionnément son métier, qu’il n’arrête pas de tourner et qu’il a résolu depuis longtemps les problèmes de la mise en scène, il doit, sous peine de s’ennuyer et se répéter, s’inventer des difficultés supplémentaires, se créer des disciplines nouvelles, d’où l’accumulation dans ses films récents de contraintes passionnantes et toujours brillamment surmontées. ».

François Truffaut a amorcé la vague du cinéma d'auteurs, en France, cette si fameuse Nouvelle Vague qui a commencé avec "Les Quatre Cents Coups" de lui-même (sorti le 3 juin 1959), en guise de vague autobiographie (Truffaut s'en est défendu : « Contrairement à ce qui a été souvent publié dans la presse depuis le festival de Cannes, "Les Quatre Cents Coups" n'est pas un film autobiographique. ») avec son personnage récurrent Antoine Doinel joué par Jean-Pierre Léaud (qui s'est poursuivie avec quatre autres films), et qui a continué avec "À bout de souffle" de
Jean-Luc Godard (sorti le 16 mars 1960), dont il a participé au scénario, avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg.

La Nouvelle Vague, selon l'expression de
François Giroud (citée le 3 octobre 1957 dans "L'Express"), a rassemblé aussi d'autres réalisateurs comme Éric Rohmer, Claude Chabrol, Louis Malle, Agnès Varga, Jacques Demy, Jacques Rivette, Alain Resnais, etc. Comme Truffaut, certains étaient d'abord critiques de cinéma et ils dénigraient le cinéma de divertissement, qui devait être avant tout commercial et plaire au plus grand nombre, au profit d'un cinéma d'auteur, visant à révolutionner la narration cinématographique par des narrations autobiographiques, des mises en abyme, des voix off, etc. Les héros sont capables de s'affranchir de la loi voire de la morale, le happy end n'est plus systématique, etc. Et, non sans prétention, elle visait aussi à hisser le cinéma au statut d'art. Les réalisateurs de la Nouvelle Vague furent également soutenus par le Ministre des Affaires culturelles André Malraux. Beaucoup de réalisateurs, à la suite de cette période de la Nouvelle Vague (années 1960), s'en sont inspirés (parfois ou tout le temps), comme Claude Lelouch, André Téchiné, Jean Eustache, Jacques Doillon, etc. ...et même Jean-Pierre Mocky.

Le seul véritable essai que François Truffaut a publié a été "Le Cinéma selon Alfred Hitchcock" (éd. Robert Laffont) en 1966, dont la réédition en 1983 (chez Gallimard) lui a valu une invitation le 13 avril 1984 à l'émission "Apostrophes" sur Antenne 2 (sa dernière apparition publique, semble-t-il). Sur le plateau de
Bernard Pivot (qui est hélas mort de la même méchante maladie), il y avait alors aussi l'acteur Marcello Mastroianni, le réalisateur Roman Polanski et la productrice Caterina D'Amico.

François Truffaut a été invité auparavant à une autre émission "Apostrophes", celle du 8 avril 1983, pour présenter la biographie de Dudley Andrew consacrée au critique de cinéma André Bazin (1918-1958) qui fut pour lui un maître à penser mais aussi un maître à agir et à tourner, fondateur des "Cahiers du cinéma" et théoricien du cinéma (voir dernière vidéo en fin d'article).


En tout, sur une (courte) carrière qui n'a duré que vingt-cinq ans, il a tourné vingt-deux films longs-métrages et la plupart sont devenus "culte", comme on dit. Il a été parfois également acteur dans ses propres films, mais aussi dans un excellent film de Steven Spielberg, lui-même grand admirateur des films de Tuffaut, qui lui a offert le rôle du scientifique dans l'extraordinaire "Rencontre du Troisième type" ["Close Encounters of the Third Kind"] (sorti le 16 novembre 1977), avec Richard Dreyfuss, Teri Garr et Melinda Dillon (il a été doublé en anglais parce que son anglais laissait à désirer) : « Je me suis habitué, dis-je à Steven, à l'idée qu'il n'y aura jamais un film intitulé "Close Encounters" mais que vous êtes un type qui fait croire qu'il tourne un film et qui réussit à grouper beaucoup de gens autour de sa caméra pour accréditer cette immense blague. Je suis content de faire partie de cette blague et je suis prêt à vous rejoindre de temps à autre n'importe où dans le monde pour "faire semblant" de faire un film avec vous. ».
 


Les professionnels (français et étrangers) ne sont pas restés indifférents à François Truffaut, lui qui a obtenu deux Prix au Festival de Cannes en 1959 (mise en scène et prix du jury œcuménique) pour "Les Quatre Cents Coups" (et deux nominations pour la Palme d'or), un triple César en 1981 (meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario) pour "Le Dernier Métro" (et trois autres nominations), un Oscar en 1974 pour "La Nuit américaine" (et cinq autres nominations), deux BAFTA en 1974 (quatre autres nominations), cinq Prix du Syndicat français de la critique de cinéma, ex-Prix Méliès (meilleur film français) en 1959, 1968, 1970, 1973 et 1976, enfin, quatre nominations aux Golden Globes et quatre nominations pour l'Ours d'or aux Berlinales.

La plupart des films de Truffaut ont connu le succès commercial, ce qui n'était pourtant pas l'objectif de leur auteur. Près de la moitié de ses films ont dépassé le million d'entrées en salles et deux ont fait sauté les compteurs, "Les Quatre Cents Coups" avec 4,2 millions entrées et "Le Dernier Métro" avec 3,4 millions d'entrées. Et à part trois films (dont celui que je préfère qui a été le moins apprécié des spectateurs de cinéma), tous ont eu au moins 700 000 entrées.

Pour tout dire, tous ses films sont excellents. Néanmoins, certains sont encore plus excellents que d'autres ! Alors, je propose mon petit Top 7 qui est très personnel et très arbitraire, donné par ordre décroissant de préférence selon moi (pourquoi les 7 meilleurs et pas les 5 ou les 10 ? pourquoi pas ? un tiers ?).

1. Le premier est, pour moi, incontestablement "La Chambre verte" (sorti le 5 avril 1978), avec François Truffaut et Nathalie Baye parmi les acteurs (avec également, entre autres, Antoine Vitez). Le personnage principal (joué par Truffaut) est effondré par le deuil de sa femme et la solitude. Il a aménagé chez lui une chambre dédiée à la disparue dans une sorte de véritable culte des morts (et d'amour). L'idée principale de ce film, adaptation personnelle de plusieurs nouvelles d'Henry James avec quelques inspirations de l'œuvre de
Georges Bernanos, se retrouve dans plusieurs fictions ultérieures.

2. "La Femme d'à côté" (sorti le 30 septembre 1981), avec l'éclatante
Fanny Ardant (son meilleur film à mon avis), Gérard Depardieu, Henri Garcin et Michèle Baumgartner. L'histoire se déroule dans une région que je connais bien, la région grenobloise (à Bernin) dont l'atmosphère provinciale est très bien ressentie. Un couple bien installé dans leur maison (joué par Gérard Depardieu et Michèle Baumgarner) voit l'arrivée de nouveaux voisins, un autre couple, dont la femme (jouée par Fanny Ardant) est son ancienne amante d'une passion très forte. Les anciens amoureux se retrouvent en secret, jusqu'à ce que cette relation soit révélée et s'interrompe. Dépression de l'amoureuse et ...et je ne continue pas pour ne pas spoiler, sinon cette conclusion finale : « Ni avec toi, ni sans toi ». Pas d'effet de scène et neutralité très déconcertante de la narration (cela commence même par une voix off). Fanny Ardant y a joué de manière exceptionnelle, elle était alors la dernière compagne de François Truffaut. Michèle Baumgartner est morte quelques années après le tournage d'un accident de la circulation à l'âge de 31 ans (avec son mari).

3. "L'Homme qui aimait les femmes" (sorti le 27 avril 1977), avec
Charles Denner (son seul véritable film où il a la vedette), Brigitte Fossey, Nathalie Baye, Leslie Caron, Geneviève Fontanel, Nelly Borgeaud, Valérie Bonnier, etc. Le personnage vaguement autobiographique joué par Charles Denner est un amoureux des femmes et même de "la" femme en général. Pas aimé ni par sa mère et ni par sa compagne qui a rompu, il va alors collectionner (les relations avec) les femmes au point d'en faire un répertoire détaillé. C'est là où il prononce cette phrase "truffaldienne" bien connue : « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie. ».

4. "Le Dernier métro" (sorti le 17 septembre 1980), avec
Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Jean Poiret, Andréa Ferréol, Paulette Dubost, Maurice Risch et Heinz Bennent. Ce film a fait un triomphe à la cérémonie des Césars en 1981 en remportant dix prix dont les cinq plus prestigieux (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur acteur, meilleure actrice), ce qui est unique pour les Césars (et encore, il y avait deux autres nominations dont le second rôle féminin pour Andréa Ferréol qui a été battue par une actrice fétiche de Truffaut, Nathalie Baye ; 1981 au cinéma était l'année Truffaut). L'histoire (qui s'est inspirée d'œuvres antérieures) se passe pendant l'Occupation nazie à Paris, la vie d'un théâtre parisien. Son directeur d'origine juive (joué par Heinz Bennent) est officiellement parti aux États-Unis mais en fait, vit encore dans la cave du théâtre et continue clandestinement à diriger le théâtre et la troupe par l'intermédiaire du metteur en scène (joué par Jean Poiret) et de sa femme également comédienne (jouée par Catherine Deneuve) qui lui parle d'un jeune comédien plein d'avenir (joué par Gérard Depardieu) qui souhaite s'engager dans la Résistance.
 


5. "Fahrenheit 451" (sorti le 15 septembre 1966), avec Oskar Werner et Julie Christie (film entièrement en anglais), adaptation de la célèbre œuvre de Ray Bradbury. Le personnage principal (joué par Oskar Werner) est un pompier chargé de détruire par le feu tous les livres qu'il peut repérer (car trop dangereux pour le pouvoir en place et officiellement ils empêchent d'être heureux). La température d'auto-inflammation du papier est de 232,8°C, soit 451°F. La rencontre avec une jeune fille dite asociale car lettrée (jouée par Julie Christie) remet en cause son métier. Sur l'histoire elle-même, il y aurait beaucoup à dire aujourd'hui avec le livre remplacé par le smartphone et les réseaux sociaux.

Dans une interview avec la journaliste Aline Desjardins diffusée en décembre 1971 par Radio-Canada (et publiée en 1973 chez Ramsay), François Truffaut a raconté sa relation avec les livres : « Ayant envie de faire un film sur les livres, j'ai tourné "Fahrenheit" qui est un film sur tous les livres en général. D'autres de mes films comme "Jules et Jim" ou "La Mariée était en noir" sont des films tirés de livres que j'aimais et j'ai essayé non seulement d'en tirer un bon film, mais aussi de faire aimer le livre. Lorsqu'un de mes films peut éveiller la curiosité pour un livre, comme pour le roman "Jules et Jim" qui était passé inaperçu, ou "Deux Anglaises et le Continent", je suis très content ; je dois dire que si un jour j'ai l'occasion de faire un film qui serait toute l'histoire d'un livre, depuis le moment où il est à l'état de manuscrit jusqu'au moment où il est publié et diffusé chez les libraires, si je trouve une histoire qui se prête à cela, je suis sûr que je le ferai avec un grand enthousiasme. ».

6. "La Mariée était en noir" (sorti le 17 avril 1968), avec
Jeanne Moreau, Claude Rich, Michel Bouquet, Michael Lonsdale, Charles Denner, Jean-Claude Brialy, etc. dans une adaptation du roman de William Irish. Le jour de son mariage, la mariée (jouée par Jeanne Moreau) voit son mari se faire assassiner sur le parvis de l'église. Elle se venge, les uns après les autres, de tous ceux qui l'ont tué. L'atmosphère du film est très hitchcockienne. Mais dans "L'Express", Truffaut a regretté d'avoir tourné ce film : « Le seul que je regrette d'avoir fait, c'est "La Mariée était en noir". Je voulais offrir à Jeanne Moreau quelque chose qui ne ressemble à aucun de ses autres films, mais c'était mal pensé. (…) Le thème manque d'intérêt: l'apologie de la vengeance idéaliste, cela me choque en réalité. ».

7. "L'Enfant sauvage" (sorti le 26 février 1970), avec François Truffaut, Jean-Pierre Cargol, Françoise Seigner et Jean Dasté. C'est l'adaptation d'une histoire vraie de l'enfant sauvage appelé Victor de l'Aveyron (1785-1828), enfant sauvage trouvé en 1797, et pris en charge et instruit par le docteur Jean Itard (joué par Truffaut). Ce film est devenu un classique, parodié d'ailleurs par
Gotlib. Jean-François Stévenin a repéré Jean-Pierre Cargol (12 ans) pour le rôle de l'enfant sauvage, dans un camp de gitans (il est le neveu du musicien Manitas de Plata). Choix tout de suite approuvé par le réalisateur-acteur : « Jean-Pierre, le petit gitan que j'ai finalement choisi pour jouer ce rôle, est un enfant très beau mais je crois qu'il a bien l'air de sortir des bois. ».

J'ai bien sûr conscience de l'arbitraire et je sais que j'ai "oublié" d'autres films majeurs de Truffaut comme "Jules et Jim" (sorti le 24 janvier 1962), avec Jeanne Moreau, Oskar Werner,
Marie Dubois et Henri Serre ; "La Sirène du Mississipi" (sorti le 18 juin 1969), avec Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve et Michel Bouquet (dans "Le Figaro" du 10 octobre 2014, Bertrand Guyard a écrit : « Faire du "Magnifique" un homme soumis à la passion amoureuse, l'idée était osée. On se souviendra du charme vénéneux et candide à la fois de Catherine Deneuve. L'obstination de Michel Bouquet dans son rôle de détective est parfaite. Comme toujours. ») ; ou encore, "La Nuit américaine" (sorti le 24 mai 1973), avec Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Léaud, Nathalie Baye, Valentina Cortese, Dani, Jean-Pierre Aumont, Alexandra Stewart, etc. ; mais comme je l'ai indiqué plus haut, tout est beau dans le Truffaut ! J'accroche un peu moins avec la saga Antoine Doinel parce que j'ai un peu de mal à m'identifier personnellement au personnage.

Dans l'émission "Apostrophes" du 13 avril 1984, François Truffaut a expliqué, à propos d'Hitchcock : « Ses scènes d'amour sont filmées comme des scènes de meurtres et ses scènes de meurtres comme des scènes d'amour. C'est la même chose, c'est un déversement qui arrive là et qui est très puissant. Mais je pense que c'est ça aussi qui fait que les films sont forts, qu'ils sont beaux et qu'ils traversent les années. Vous voyez, un film d'Hitchcock de 1940, vous allez le voir aujourd'hui, vous n'avez pas l'impression de voir un film de 1940, vous voyez un film qui a une forme très pure, très serrée, et qui est, s'il était poignant quand il est sorti, il est encore poignant aujourd'hui [1984].
 Ça, c'est ce que j'aime ! ».

Nous sommes maintenant encore quarante ans plus tard : les films d'Hitchcock ont un peu vieilli, mais à peine (surtout à cause du noir et blanc), ...en revanche, ceux de Truffaut n'ont pas pris une ride. En quelque sorte, sa postérité plaide pour lui. Il a réussi son pari, mettre en action ce qu'il disait être ses rêves d'adolescent : « Je fais des films pour réaliser mes rêves d'adolescent, pour me faire du bien et, si possible, faire du bien aux autres. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 octobre 2024)
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Pour aller plus loin :
François Truffaut.
Daniel Prévost.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.




















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20 octobre 2024 7 20 /10 /octobre /2024 02:52

« Je n’ai jamais été à la mode, comment voulez-vous que je devienne ringard ? Tandis que vous, vous êtes pour l’instant à la mode, donc vous deviendrez ringard ! » (Daniel Prévost à Marc-Olivier Fogiel, "On ne peut pas plaire à tout le monde" sur France 3, le 19 octobre 2001).


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L’humoriste Daniel Prévost a fêté son 85e anniversaire le 20 octobre 2024. Quatre-vingt-cinq ans, c’est quasiment un vieillard ! Il paraît que les humoristes font rarement de vieux os. J’espère que Daniel Prévost démentira cette (fausse) rumeur aussi longtemps que possible. Daniel Prévost est un touche-à-tout du spectacle, un peu comme Sim, il est un acteur au cinéma et à la télévision, un comédien au théâtre, à l’occasion un chroniqueur à la télévision, un chanteur et même un écrivain puisqu’il a sorti une quinzaine de livres, certains qui racontent son enfance, son origine familiale, ses deuils…

Daniel Prévost a le don pour faire les personnages plutôt négatifs, petits, lâches, les rôles de petit chef prêt aux mesquineries, capable d’abuser de son petit pouvoir, avec le petit rictus pour bien montrer sa joie d’être sadique. Tendre sadique au grand cœur, car finalement, cette face si réussie du sadique, il ne l’assume évidemment pas dans la vie civile. Pour lui, c’est la manière d’user et d’abuser de l’humour et de l’esprit comique. Pourquoi réussit-il si bien à faire ce bas sadique ? Sûrement grâce à son sourire inimitable, son petit grincement de dents (les héhéhé des méchants dans les  bandes dessinées) et, bien sûr, à sa grande présence scénique.

Dans "Moustique", Yannic Duchesne dit le 14 janvier 2018 pour le décrire : « Prévost, c’est à la fois un homme mûr (…) et un enfant qui ne renonce jamais devant une farce. Il a la bouclette rieuse, les yeux vifs, la silhouette gainée et une propension à faire de tout tout le temps. (…) On honore trop peu les comiques au cœur chaud. ». Je suis évidemment de cet avis. Honorons-le !

Ses participations au cinéma sont très nombreuses, mais rarement avec le premier rôle. C’est le propre du second rôle, être connu par endurance, à force d’être présent un peu partout, surtout lorsque le partout, ce sont des films à grand succès commercial. En fait, Daniel Prévost a été connu très rapidement. S’il a commencé en 1961 (à 22 ans) au théâtre et en 1968 au cinéma, il a vite gagné en notoriété dès le début des années 1970 avec "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" de Jean Yanne (sorti le 5 mai 1972) avec Jean Yanne, Michel Serrault, Bernard Blier et Jacques François. D’ailleurs, il est yannique, le Prévost, il a commencé sur les planches avec Michel Serrault et Jean Yanne, ce qui était pour lui une excellente école de l’art comique et absurde, du loufoque féroce, de l’humour vache et coriace, de l’esthétique caustique.

Daniel Prévost a ensuite gagné en notoriété avec sa participation dans l’émission satirique dominicale "Le Petit Rapporteur" animée par Jacques Martin de janvier 1975 à juin 1976 sur TF1 : il était l’un des chroniqueurs aux côtés de Pierre Bonte, Stéphane Collaro, Pierre Desproges et Piem, entre autres, et s’était particulièrement fait remarquer lors de son reportage dans le village de Montcuq en interrogeant son maire et en faisant beaucoup de plaisanteries avec le nom de ce village du Lot. Daniel Prévost et Pierre Desproges étaient à l’époque de sacrés complices dans leur audace. C’était l’époque (et l’émission) où Pierre Desproges, qui jouissait encore de l’anonymat, interviewait une Françoise Sagan très polie et patiente sur sa santé et ses vacances (la santé et les vacances de Desproges !).

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La voix de Daniel Prévost est également très connue car il l’a "prêtée" depuis une trentaine d’années à une marque de supermarché, Super U, pour des spots publicitaires tant à la télévision qu’à la radio. Je croyais que c’était un imitateur, mais ce n’est en fait pas le cas (d’ailleurs, je me demande quelles sont les conditions juridiques pour faire l’imitation d’un personnage célèbre pour un but publicitaire, au point peut-être de ternir la réputation dudit personnage). Daniel Prévost a utilisé sa voix aussi pour d’autres marques, comme Rivoire et Carret (avec Pierre Desproges), la MAAF, etc.

À ce jour, Daniel Prévost a joué dans quatre-vingt-sept films au cinéma et trente-trois téléfilms, ainsi que dans une trentaine de pièces de théâtre. L’un des rôles les plus dramatiques, ce fut dans le téléfilm "René Bousquet ou le Grand Arrangement", de Laurent Heynemann, diffusé sur Arte le 16 novembre 2007, où il était René Bousquet lui-même.

Restons au cinéma. Les vingt et un films qui ont obtenu le plus de succès, et dans lesquels il a participé, ont eu 65 millions d’entrées rien qu’en France ! Difficile de passer inaperçu, même dans un rôle mineur et discret.

Et le premier d’entre eux (12,3 millions d’entrées dans le monde, dont 9 en France), le film qui lui a fait d’ailleurs obtenir à juste titre le César du meilleur acteur pour le second rôle masculin en 1999, ce fut "Le Dîner de cons", excellent film-pièce de Francis Veber (sorti le 15 avril 1998) où Daniel Prévost a été au sommet de son art de montrer son sourire sadique tout en ne "punissant" pas. Il est en effet l’inspecteur des impôts, vantard mais cocu, venu aider un copain chez un grand bourgeois, et qui détecte tout de suite, dans le grand appartement, les tableaux rangés, les meubles luxueux cachés, mais qui est trop déprimé pour prendre plaisir à sévir… Dans son rôle de véritable "enfoiré", il est vraiment excellent, plus que les autres personnages, je trouve, même que Jacques Villeret qui a lui aussi obtenu un César pour son premier rôle dans ce film.

Voici quelques autres rôles intéressants de Daniel Prévost dans le cinéma français…

Dans "Uranus" de Claude Berri (sorti le 12 décembre 1990), avec Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Michel Blanc, Philippe Noiret, Michel Galabru, Fabrice Luchini, etc., film pour lequel il a été sélection à la cérémonie des Césars, Daniel Prévost joue le cheminot communiste qui dénonce (injustement) un cafetier de cacher un ancien collabo après la Libération.

Dans "Astérix et Obélix contre César" de Claude Zidi (sorti le 3 février 1999), qui est la première adaptation cinématographique de la célèbre bande dessinée Astérix, Daniel Prévost joue Prolix, le charlatan qui se fait passer pour un devin, exploitant la crédulité des villageois.

Dans "La vérité si je mens ! 2" de Thomas Gilou (sorti le 2001), Daniel Prévost est le méchant directeur des achats d’une grande surface qui tente de profiter de sa position dominante pour étouffer les petits producteurs (et qui se fait finalement duper par eux, la morale est sauve).

Dans "Les Petits Ruisseaux" de Paul Rabaté (sorti le 23 juin 2010), avec Gilbert Melki, Gad Elmaleh, Bruno Solo, Richard Anconina et José Garcia, Daniel Prévost, qui a le rôle principal, joue un vieux pépère veuf qui se réveille à la vie grâce à un voisin et qui finit par fréquenter des hippies.

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Dans "Je sais rien, mais je dirai tout" de Pierre Richard (sorti le 6 décembre 1973), satire antimilitariste avec Pierre Richard, Bernard Blier et Luis Rego, Daniel Prévost joue un policier (dont le patron est Pierre Tornade).

Dans "La Maison du bonheur" de Dany Boon (sorti le 7 juin 2006), avec Michèle Laroque, Line Renaud, Laurent Gamelon et Michel Vuillermoz, Daniel Prévost joue un rôle ordinaire pour lui, celui ici de l’escroc cynique, un agent immobilier véreux qui cherche à duper un acquéreur de maison surendetté.

Dans "Le Petit Nicolas" (sorti le 30 septembre 2009) et "Les Vacances du Petit Nicolas" (sorti le 9 juillet 2014), tous les deux de Laurent Tirard, adaptation du célèbre personnage de René Goscinny et Sempé, avec Valérie Lemercier, Kad Merad, Sandrine Kiberlain, Anémone, etc., Daniel Prévost joue le rôle de Mouchebourne, le patron du père du Petit Nicolas.

Dans "Le plus beau métier du monde" de Gérard Lauzier (sorti le 11 décembre 1996), Daniel Prévost campe le voisin épieur et lâche, dans une cité HLM, de Gérard Depardieu, devenu prof de banlieue difficile après un divorce.

Enfin, je termine par "Musée haut, musée bas" de Jean-Michel Rives (sorti le 19 novembre 2008), avec Isabelle Carré, Pierre Arditi, Michel Blanc et Gérard Jugnot, film assez déconcertant et intéressant, composé de beaucoup de sketchs, où Daniel Prévost est à la recherche d’une place de parking.

Dans "On est pas couché" le 28 avril 2018 sur France 2, Daniel Prévost faisait de l’amour son hymne à la vie en disant à Laurent Ruquier : « Depuis le début de la vie, tout le monde cherche l’amour (…). Le chien, l’homme, la femme, tout le monde cherche quelque chose. Pourquoi ? Parce que je pense que sans amour, on s’emmerde. Sans amour, il n’y a rien, il n’y a pas de vie (…). Je ne peux pas croire une fois que quelqu’un qui est seul soit heureux, tu vois ce que je veux dire… ».

Paroles d’autant plus fortes qu’il est lui-même veuf. Paroles qui accompagnent son dernier livre qui parle de la mort de sa femme ("Tu ne sauras jamais combien je t’aime" éd. Le Cherche Midi, 2018) : « Je rumine des pensées, des points de vue : après tout, c’est un chagrin ordinaire, chaque être humain est passé par là, moi-même n’ai-je pas déjà éprouvé des deuils dans ma famille, parmi mes proches (…) ? Et tous ces morts autour, tous les morts du monde que je ne connais pas ? C’est trop ! J’arrête. Non ! Pas elle, pas Kirsten ! Pas besoin d’être raisonnable. Cela ne m’est d’aucun secours. »


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 octobre 2019)
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Pour aller plus loin :
Daniel Prévost.
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Sim.
Élie Kakou.
Pierre Desproges.
Thierry Le Luron.
Pierre Dac.

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11 octobre 2024 5 11 /10 /octobre /2024 03:33

« Michel Blanc avait endossé ses premiers rôles mythiques aux côtés de la troupe du Splendid, pour composer ensuite des personnages plus troubles, glaçants ou lâches, vaincus par leurs fragilités. Sa disparition (…) est celle d’un grand acteur du cinéma populaire qui osait prêter son talent à l’exploration, lumineuse ou sombre, comique ou tragique, de nos vagues à l’âme. (…) Michel Blanc inventa (…) un personnage de séducteur sans succès (…), un "Bronzé" à la silhouette étriquée, hypocondriaque et désarmant, irrésistible dans sa gaucherie et touchant dans ses illusions brisées. (…) S’il joua toute sa vie des hommes qui ne s’aimaient pas, Michel Blanc pouvait compter depuis cinquante ans sur l’amour du public. » (Communiqué de l'Élysée, le 4 octobre 2024).


 


En présence de Brigitte Macron, de Rachida Dati et de très nombreuses personnalités du monde de la culture, les obsèques de l'acteur et réalisateur Michel Blanc ont été célébrées ce jeudi 10 octobre 2024 à l'église Saint-Eustache de Paris, en plein centre de Paris, sa paroisse, celle des artistes et celle aussi de la soupe populaire. 700 places étaient réservées dans l'église et malgré la pluie, des centaines de personnes étaient venues pour lui rendre hommage, des hommes du peuple, à l'extérieur.

La mort brutale de Michel Blanc le 3 octobre 2024 à l'âge de 72 ans a profondément ému le pays. Il n'était pas une star, ou plutôt, il ne jouait pas à la star, il était resté simple, mais il faisait partie de la vie de ces Français qui ont grandi et vieilli avec lui, depuis les années 1970. Un anti-héros, quelqu'un qui n'avait jamais d'autorité, pas de chance, angoissé... ces personnages peu valorisants, Michel Blanc les regrettait et les appréciait, cela lui a fait sa notoriété, mais il voulait aussi s'en dégager pour vivre des rôles plus différents, plus diversifiés, comme dans "Monsieur Hire" ou encore "L'Exercice de l'État".

C'est presque un comble. Michel Blanc n'était pas in articulo mortis, il était en forme. Hypocondriaque (dans la vraie vie), il craignait de tomber malade. Il est mort brutalement, d'un effet pas de chance de sa santé. Précisons que la manière de mourir fait partie de la vie privée et même du secret médical. Néanmoins, il faut préciser que pendant un jour, certains médias ont répété, parfois par l'affirmative, que Michel Blanc serait mort d'un choc anaphylactique dû à une allergie après l'injection d'un produit de contraste pour faire un scanner ou une IRM. C'était faux et cela a rendu très difficile la relation des radiologues avec leurs patients ce jour-là (vendredi dernier), en faisant naître la peur d'avoir une telle allergie (ultra-rare). Cette allergie seraient plutôt consécutive à la prise d'un antibiotique dans la matinée. Le choc anaphylactique aurait pris la forme d'un œdème de Quincke qui aurait provoqué un malaise cardiaque.
 


La disparition montre à quel point il pouvait être familier. Peut-être que le meilleur rapport implicite, c'était de l'avoir toujours considéré comme un copain, un peu collant, un peu énervant, mais indispensable, attachant, comme dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" (avec le regretté Bernard Giraudeau et l'éblouissante Thérèse Liotard). L'émotion, c'est aussi parce Michel Blanc a eu l'audace d'être le premier de la bande du Splendid à sortir, à partir, sans crier gare. On est loin de la réaction à la disparition d'Alain Delon, pourtant véritable monstre du cinéma. Emmanuel Macron a parlé de Michel Blanc comme d'un « monument du cinéma français », je préciserai : un monument populaire car aimé de tous.
 


Cet humour du Splendid au cinéma, nouveau à l'époque et toujours aussi vivant, qui n'a pas pris une seule ride malgré plus de quarante-cinq ans d'âge, basé sur des chroniques sociales, des enjeux de société (vacances, amour, logement, chômage, petits boulots, etc.), après les grands comiques qui étaient partis depuis longtemps (Fernandel, Bourvil, Louis de Funès, Coluche, etc., sauf Michel Serrault). De plus, c'est rare, au cinéma, le fait d'avoir eu une troupe aussi nombreuse et aussi soudée, aussi longtemps, sans empêcher que chacun puisse avoir sa propre carrière solo en même temps.

Partenaire dans un film, Lio, qui fut la compagne de Michel Blanc au début des années 1990, a témoigné le 4 octobre 2024 sur RTL : « Michel a fait partie d’une parenthèse enchantée de ma vie. Il est vraiment dans mes meilleurs souvenirs (…). Même si je ne le voyais pas et qu’on se parlait peu, chaque fois qu’on se parlait c’était bien. Chaque fois qu’on se croisait, c’était chouette. Je suis très triste (…). C’était un compagnon attentif, qui aimait faire des surprises. La vie avec lui était surprenante. Je n’ai rencontré que des gens intéressants pendant que j’étais avec lui. Il regardait, il était intéressé, il était passionné par l’Angleterre. Il était so British ! C’était un type bien, quoi... ».


Pourtant, pas d'enfant pour Michel Blanc ; il ne se voyait pas père, il le disait : « Je ne suis pas fait pour être père. Je suis trop gosse moi-même. On ne fait pas élever un enfant par un autre enfant. ».
 


Parmi les nombreuses réactions dans les réseaux sociaux et dans les médias, je retiendrai deux extraits de l'interview intéressante de l'émission "Le Divan" diffusée sur FR3 le 11 juin 1988.

Interrogé par Henry Chapier, Michel Blanc s'est exprimé sans retenue sur la notoriété, la sienne, et celle des autres : « [Ma notoriété ?] Ça change des choses dans la vie, si ! J'espère que ça ne change pas la bête, mais ça change des choses. Parce que je peux vous dire que quand les gens vous reconnaissent dans la rue, quand les gens vous disent "J'aime beaucoup ce que tu fais, ce que vous faites", quand ils vous demandent des autographes, quand ils font tout pour vous faire plaisir quand vous entrez... C'est très injuste ! C'est très injuste ! Vous entrez dans un restaurant, il n'y a pas de place, on vous en trouve une. C'est extraordinaire ! Mais c'est vrai, c'est épouvantable ! Mais bon, moi, j'en suis ravi parce que c'est extrêmement gentil, et puis parce que ça me facilite la vie d'une manière extraordinaire. Mais il y a des moments où je suis gêné parce qu'il y a des endroits où on se dit "non, quand même pas là". Il m'est arrivé d'accompagner une amie aux urgences, dans un service hospitalier, pour un truc qui n'était pas dramatique, et d'un seul coup, de me dire "non, quand même pas là...", il ne faut pas que là, il y ait un passe-droit... Il y a peut-être un type en train de mourir sur un brancard. On ne va pas me dire "je vous en prie, j'aime bien ce que vous faites, vous voulez signer un truc pour mon fils ?". Bon, mais enfin, c'est quand même plutôt agréable en général. Donc, ça change beaucoup de choses ! Finalement, ça révèle, voilà. Ça révèle. C'est-à-dire que les gens qui sont profondément des salopards ou des cons, à partir du moment où on leur donne la possibilité d'épanouir ça, ils n'hésitent pas. Alors, j'espère ne pas tomber là-dedans. ».

Et il y a parlé aussi de son obsession de la mort : « Oui, c'est cela... La dégénérescence du corps, la maladie, tout ça, oui oui, et la mort au bout... Bien sûr, ce n'est pas une phobie, c'est une obsession. Enfin, chez tout le monde, chez tout le monde. (…) Je suis un surdoué pour ça. Mais c'est vrai que j'y pense tous les jours, un peu. Tous les jours, un peu, oui oui. Par exemple, quand je dis que je sens le besoin de travailler de plus en plus, c'est une forme d'angoisse de l'échéance. C'est qu'on va ramasser les copies, un moment... ». Vox populi, vox dei : apparemment, la copie aura une bonne note !
 


Un hommage sera rendu à Michel Blanc lors du Festival Film Courts de Dinan du 20 au 24 novembre 2024, par la projection de l'excellent film "Monsieur Hire" dont le réalisateur Patrice Leconte est également le président de ce festival.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2024)
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Pour aller plus loin :
Authentique névrosé ?
Marche à l'ombre.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.

 




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4 octobre 2024 5 04 /10 /octobre /2024 09:36

« Putain Michel… Qu’est-ce que tu nous as fait !… » (Gérard Jugnot, le 4 octobre 2024 sur Instagram).




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Le comédien Michel Blanc est mort à l'âge de 72 ans dans la nuit du 3 au 4 octobre 2024, à l'hôpital des suites d'un malaise cardiaque à son domicile. Une nouvelle qui a de quoi émouvoir de nombreuses personnes tant l'acteur était populaire.

Michel Blanc avait deux caractéristiques : il était un excellent acteur tant dans les comédies que dans les drames (ce qu'on a pu entrevoir aussi avec Coluche, avec "Tchao Pantin"), mais aussi, il fait partie des rares acteurs (il y en a quelques-uns) qui ont pu se faire une réputation également dans la réalisation de films. Il était aussi comédien au théâtre, là où il a débuté (avec la troupe du Splendid) et en même temps metteur en scène.

Le monde du théâtre et le monde du cinéma l'avaient d'ailleurs récompensé plusieurs fois : prix du scénario au Festival de Cannes en 1994, prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes en 1996, deux Césars (un du meilleur acteur dans un second rôle et 2012, un d'anniversaire avec la troupe du Splendid) et sept autres nominations aux Césars, un Molière de l'adaptateur en 2004 (et cinq autres nominations aux Molières).

À l'origine du Splendid, une bande de copains au lycée Pasteur, à Neuilly-sur-Seine.
Gérard Jugnot était à côté de Michel Blanc en classe de terminale et leur bureau était collé à celui du prof, ce qui leur permettait de chahuter sans trop se faire voir... jusqu'au jour où ils ont été pincés : « Blanc et Jugnot, plus jamais ensemble ! ». Gérard Jugnot était aussi copain avec Thierry Lhermitte lui-même copain avec Christian Clavier. Le Splendid s'est constitué rue du Faubourg Saint-Martin, à Paris, avec aussi Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel et Bruno Moynot. Du rire, des pièces de théâtre, et puis plusieurs films qui ont fait leur succès, la série des Bronzés de Patrice Leconte et "Le Père Noël est une ordure" de Jean-Marie Poiré (sorti le 25 août 1982). Ensuite, chacun est allé de son côté au cinéma et au théâtre.

Le jeu de Michel Blanc parlait à beaucoup de Français parce qu'il était avant tout un anti-héros, ou, au mieux, un individu ordinaire, monsieur tout-le-monde. Bien entendu, parce que cela lui est resté collé à la peau comme pour les autres acteurs de la série, Michel Blanc est mémorable dans "Les Bronzés" (sorti le 22 novembre 1978) et surtout, "Les Bronzés font du ski" (sorti le 21 novembre 1979) dans sa recherche pitoyable, désespérée et lourdement obsédante (presque
houellebecquienne !) de vouloir absolument "conclure" (profitant de circonstances néfastes).

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Lors de retrouvailles de la bande du Splendid le 13 avril 2024, Michel Blanc expliquait à "Paris Match" : « C’est un peu tout le problème. À l’époque, on a écrit des personnages qui étaient assez proches de nous. Jean-Claude Dusse, c’était clairement pour moi, pas pour Thierry Lhermitte. J’ai très vite eu peur qu’on m’y associe toute ma vie. ». Avec ses compères, il avait une grande envie de recommencer l'aventure commune, mais absolument pas dans le cadre des Bronzés.

Heureusement, le rôle de Jean-Claude Dusse n'a pas tant que ça collé à la peau de Michel Blanc car il s'est beaucoup renouvelé. Étrangement, son seul véritable César, il l'a dû pour "L'Exercice de l'État" de Pierre Schoeller (sorti le 26 octobre 2011) dont je n'ai pas du tout apprécié la non-histoire. Certes, il faisait excellemment le directeur de cabinet du ministre, mais il a été peu servi par le scénario qui voulait en mettre plein les yeux du pouvoir sans pour autant en montrer le fond (les choses concrètes, les décisions, les difficultés de prendre des décisions, les enjeux politiques, économiques, sociaux). Je n'ai jamais compris pourquoi ce film a eu tant de bonnes critiques alors que pour mieux comprendre le mécanisme du pouvoir, "
Quai d'Orsay" de Bertrand Tavernier (sorti le 6 novembre 2013) vaut mille fois mieux (avec un autre membre du Splendid, Thierry Lhermitte). Le monde du cinéma paraît très hermétique à celui du pouvoir politique, et pour que ce soit un vrai succès, il faut que parmi les scénaristes, il y ait au moins une personne de ce monde politique, pour avoir la connaissance de l'intérieur (comme ce fut le cas pour "Quai d'Orsay" avec Antonin Baudry alias Abel Lanzac).

L'intérêt de "L'Exercice de l'État", c'est qu'on peut dire que Michel Blanc était un véritable acteur, c'est-à-dire que la personnalité se collait, s'adaptait au personnage et pas l'inverse. Il se moquait de lui-même en affirmant qu'il aimait le rôle de névrosé, comme il le reconnaissait le 12 janvier 2010 pour la sortie de "Une petite zone de turbulences" d'Alfred Lot : « Je n’aime pas les habitudes, les charentaises dans lesquelles on pantoufle, mais comment résister aux névroses, si jouissives à interpréter ? C’est comme un exorcisme. Et puis, je n’ai pas besoin de me documenter ! ».

J'écrivais
il y a deux ans : « Il y aurait en effet deux Michel Blanc… Le jeune chauve et moustachu, qui est un chauve triste, solitaire, à la limite de la dépression, en tout cas, désespéré, en opposition avec un autre chauve du Splendid, le sympa, le jovial, le collectif, le bon compagnon, qu’est Gérard Jugnot… enfin, je suis dans la caricature et je parle évidemment des rôles de Michel Blanc et pas de sa propre personnalité, c’est parfois difficile de faire la différence tant des réalisateurs utilisent justement la personnalité de leurs principaux acteurs pour raffermir les personnages de leurs fictions. Mais ce n’est pas toujours le cas, qui de l’acteur ou de son personnage l’emporte sur l’image publique ? En tout cas, il est dans la vraie vie l’hypocondriaque et l’angoissé de nombreux de ses personnages, ce qui le rend bien sûr authentique, authentiquement névrosé ! ».

Et un peu plus loin : « En tout cas, il y avait manifestement, et depuis longtemps, un second Michel Blanc qui mijotait, effectivement plus dramatique que comique, avec des personnages de plus de maturation, et le jeu de plus de maturité, presque le physique a changé, pas forcément l’âge qui enlève le lissage de la jeunesse, mais peut-être la moustache en moins et les lunettes en plus. ».

Il y a eu bien sûr de grands succès pour l'acteur et même le réalisateur, qui prenait l'audace d'évoquer la situation des SDF, l'homosexualité, les agressions sexuelles, ou d'autres sujets sociétaux rarement évoqués à l'époque au cinéma, comme notamment dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" de Patrice Leconte (sorti le 28 janvier 1981), "Marche à l'ombre" de lui-même (sorti le 17 octobre 1984), "Tenue de soirée" de Bertrand Blier (sorti le 23 avril 1986), "Grosse Fatigue" de lui-même (sorti le 18 mai 1994), etc. Il y a eu également d'autres succès avec "Papy fait de la Résistance" de Jean-Marie Poiré (sorti le 26 octobre 1983), pour un petit rôle, et "Uranus" de Claude Berri (sorti le 12 décembre 1990).

On peut aussi apprécier des rôles plus improbables de Michel Blanc, comme dans "Je vous trouve très beau" d’Isabelle Mergault (sorti le 11 janvier 2006), où il semble jouer un remake du "Bonheur est dans le pré", agriculteur en recherche de compagne après la mort de sa femme, ou dans "Les Souvenirs" de Jean-Paul Rouve (sorti le 14 janvier 2015), une adaptation très réussie de l'excellent roman de
David Foekinos, avec Annie Cordy, Mathieu Spinosi et Chantal Lauby.

De tous ses rôles, je choisirais, s'il ne fallait en choisir qu'un seul, celui de "Monsieur Hire", un film de (encore) Patrice Leconte (sorti le 24 mai 1989) : il y est un commerçant peu aimé de son quartier, solitaire, misanthrope et taciturne, tombé amoureux de sa (jeune) voisine (jouée par la succulente
Sandrine Bonnaire) qu'il espionne. Il se trouve alors entraîné dans une mécanique infernale due à son obsession. Cette adaptation de George Simenon (mort peu après la sortie du film) est particulièrement réussie, avec un flou voulu sur l'unité de temps et l'unité de lieu. Patrice Leconte avait d'ailleurs souhaité confier ce rôle à Coluche avant qu'il ne mourût. Le choix de Michel Blanc proposé par le réalisateur était donc un pari sur l'acteur. Réussi.

Ses trois derniers films sont sortis l'année dernière : "Les Cadors" de Julien Guetta (sorti le 11 janvier 2023), avec Jean-Paul Rouve, Grégoire Ludig et Marie Gillain ; "Les Petites Victoires" de Mélanie Auffret (sorti le 1er mars 2023), avec Julia Piaton, où il est un illettré qui veut retourner à l'école, et "Marie-Line et son juge" de Jean-Pierre Améris (sorti le 11 octobre 2023), avec Louane Emera et Victor Belmondo, où il est le juge.


Quitter ainsi une bande de copains. En solitaire. Michel Blanc manquera beaucoup aux cinéphiles parce qu'il était toujours à la recherche d'une permanent renouvellement. Mais son dernier rôle n'est pas terrible du tout... RIP.


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Sylvain Rakotoarison (04 octobre 2024)
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Authentique névrosé ?
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Gérard Jugnot.
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Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
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28 septembre 2024 6 28 /09 /septembre /2024 03:01

« Tu sais, tu es tout, Sylvia, tout ce qu'un homme peut désirer. Tu es la première femme du premier jour de la Création du monde. Tu es la mère, la sœur, l'amante, tu es le diable et tu es l'ange. Tu es la terre, le foyer... Ah, voilà : tu es le foyer ! » (Marcello Mastroianni, dans "La Dolce Vita" sorti le 5 février 1960).



 


L'acteur Marcello Mastroianni est né il y a 100 ans, le 28 septembre 1924. Il est probablement le plus grand acteur italien de tous les temps et aussi l'un des plus grands acteurs au monde. Avec près de cent cinquante films à son actif, beaucoup d'italiens mais aussi des films français, des américains, des grecs, etc., pour une carrière qui s'est étendue pendant cinquante-sept ans (de 1939 à 1996), Mastroianni a tourné dans des dizaines de films "culte" du cinéma mondial et réussissait autant dans les comédies que dans les drames. Il a donc joué dans de nombreux chefs-d'œuvre du cinéma et lui-même était un chef-d'œuvre !

Au début, il était figurant et travaillait comme géomètre du bâtiment, et c'est Luchino Visconti qui l'a véritablement "lancé" au théâtre dans deux pièces "Comme il vous plaira" (Shakespeare) créée le 26 novembre 1948 à Rome, puis "Un tramway nommé désir" (Tennessee Williams) créée le 23 janvier 1949 à Rome. C'est par le théâtre qu'il a connu Federico Fellini, mari d'une comédienne. Parallèlement, il a repris le cinéma (plus comme figurant) et ce fut rapidement la reconnaissance (avec "Jours d'amour"). Visconti lui confia un grand rôle dans "Nuits blanches", puis Mario Monicelli dans "Le Pigeon" qui lui donna une reconnaissance internationale.

Le partenaire douze fois de Sophia Loren au cinéma a reçu un très grand nombre de récompenses nationales et internationales, dont sept David di Donatello du meilleur acteur (dont deux d'honneur), sept Rubans d'argent du meilleur acteur (dont un pour un second rôle), trois prix à la Mostra de Venise (un Lion d'or, un prix de la meilleure interprétation masculine, un autre pour un second rôle) et deux prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes, deux BAFTA, un Golden Globes, une Coquille d'argent du Festival de Saint-Sébastien, etc. À cela se sont ajoutées deux nominations aux Oscars.


Atteint d'un cancer au pancréas, Marcello Mastroianni est mort le 19 décembre 1996 à Paris, à l'âge de 72 ans, entouré de son ancienne compagne Catherine Deneuve, de sa fille Chiara et de son ami Michel Piccoli. Les eaux de la fontaine de Trevi à Rome furent arrêtées à cette occasion en signe d'hommage au grand acteur et de clin d'œil à "La Dolce Vita".

À l'occasion de son centenaire, la Cinémathèque française (51 rue de Bercy, dans le douzième arrondissement de Paris), traduisant ainsi le lien très fort qu'unissait Mastroianni à la France, a organisé du 11 au 29 septembre 2024 une grande rétrospective Mastroianni, un cycle de vingt-cinq grands films de Mastroianni avec une séance d'ouverture le 11 septembre 2024 à 20 heures présentée par Chiara Mastroianni, la fille du grand acteur, pour "La Dolce Vita".
 


Voici donc la sélection du cinéma mastroiannien rediffusée par la Cinémathèque française, dans l'ordre des sorties historiques : "Nuits blanches" de Luchino Visconti (sorti le 15 septembre 1957), avec Maria Schell et Jean Marais ; "Le Pigeon" de Mario Monicelli (sorti le 24 septembre 1958), avec Claudia Cardinale, Vittorio Gassman et Renato Salvatori ; "La Dolce Vita" de Federico Fellini (sorti le 5 février 1960), avec Anita Ekberg et Anouk Aimée ; "Le Bel Antonio" de Mauro Bolognini (sorti le 4 mars 1960), avec Claudia Cardinale, Pierre Brasseur et Rina Morelli ; "La Nuit" de Michelangelo Antonioni (sorti le 1961) ; "Divorce à l'italienne" de Pietro Germi (sorti le 24 janvier 1961), avec Jeanne Moreau et Monica Vitti ; "Journal intime" de Valerio Zurlini (sorti le 6 septembre 1962), avec Jacques Perrin et Louise Sylvie ; "Huit et demi" de Federico Fellini (sorti le 14 février 1963), avec Claudia Cardinale, Anouk Aimée, Sandra Milo, Rossella Falk et Barbara Steele ; "Les Camarades" de Mario Monicelli (sorti le 25 octobre1963), avec Renato Salvatori, Annie Girardot, François Périer et Bernard Blier ; "Mariage à l'italienne" de Vittorio De Sica (sorti le 20 décembre 1964), avec Sophia Loren ;
 


"Drame de la jalousie" d'Ettore Scola (sorti le 18 janvier 1970), avec Monica Vitti et Giancarlo Giannini ; "La Femme du prêtre" de Don Mario Carlesi (sorti le 22 décembre 1970), avec Sophia Loren et Venantino Venantini ; "Liza" de Marco Ferreri (sorti le 3 mai 1972), avec Catherine Deneuve, Michel Piccoli et Corinne Marchand ; "Rapt à l'italienne" de Dino Risi (sorti le 8 mars 1973), avec Oliver Reed, Carole André, Nicoletta Machiavelli et Lionel Stander ; "La Grande Bouffe" de Marco Ferreri (sorti le 17 mai 1973), avec Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Andréa Ferréol, Monique Chaumette et Bernard Ménez ; "Allonsanfàn" de Paolo et Vittorio Taviani (sorti le 6 septembre 1973), avec Lea Massari, Mimsy Farmer et Laura Betti ; "Vertiges" de Mauro Bolognini (sorti le 9 août 1975), avec Françoise Fabian, Marthe Keller, Barbara Bouchet et Lucia Bosé ; "La Femme du dimanche" de Luigi Comencini (sorti le 23 décembre 1975), avec Jean-Louis Trintignant, Jacqueline Bisset et Claudio Gora ; "Todo modo" d'Elio Petri (sorti le 30 avril 1976), avec Gian Maria Volonté, Mariangela Melato, Renato Salvatori et Michel Piccoli ; "Une Journée particulière" d'Ettore Scola (sorti le 12 août 1977), avec Sophia Loren et Alessandra Mussolini ;"La Terrasse" d'Ettore Scola (sorti le 8 février 1980), avec Jean-Louis Trintignant, Serge Reggiani, Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi ; "Fantôme d'amour" de Dino Risi (sorti le 3 avril 1981), avec Romy Schneider ; "Ginger et Fred" de Federico Fellini (sorti le 22 janvier 1986), avec Giuletta Masina et Jacques Henri Lartigue ; "Les Yeux noirs" de Nikita Mikhalkov (sorti le 9 septembre 1987), avec Marthe Keller, Elena Safonova, Vsevolod Larionov, Silvana Mangano et Pina Cei ; "Splendor" d'Ettore Scola (sorti le 9 mars 1989), avec Marina Vlady et Massimo Troisi.
 


Pour ces derniers jours, ce week-end, sont programmés le samedi 28 septembre : "La Femme du prêtre" (à 18 heures 30) et "La Femme du dimanche" (à 20 heures 45) ; et le dimanche 29 septembre : "Vertiges" (à 14 heures 30) et "Liza" (à 20 heures 00). Chapeau, maestro Mastroianni !


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Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
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Marcello Mastroianni.
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27 septembre 2024 5 27 /09 /septembre /2024 03:44

« Il reste encore de grandes batailles à gagner car les êtres humains se sont déshumanisés, particulièrement dans la politique et aussi dans nos gouvernements successifs. » (Brigitte Bardot, 2014).


 


Les années passent et heureusement, les stars ne passent pas, ou pas toutes, du moins. Elle est née exactement dix ans après Marcello Mastroianni, huit jours après Sophia Loren : Brigitte Bardot fête ses 90 ans ce samedi 28 septembre 2024. Pour cette ancienne actrice au cœur du culte de la beauté et de la jeunesse, de la modernité et de l'audace, le fait de devenir une vieille dame n'est pas nouveau. Cela fait cinquante ans qu'elle est devenue une vieille dame, depuis qu'elle a arrêté sa courte et dense carrière au cinéma, une vingtaine d'années en tout.

C'était un choix, conscient, mûri, et sans doute a-t-elle dû décevoir des armées de réalisateurs qui auraient souhaité continuer à exploiter ce filon (et des bataillons de cinéphiles), d'autant plus que les années 1970 furent les plus osées et les plus chaudes du cinéma français. Brigitte Bardot devait en avoir ras-le-bol de la virilité, du machisme, et elle voyait bien ce qui l'attendait, avec l'âge et les rides, une sorte de reclassement dans des rôles de grand-mère que certaines de ses collègues ont su merveilleusement s'approprier (par exemple, la pimpante Catherine Deneuve) mais qu'elle-même ne voulait pas. Pas pour laisser une image éternelle de la jeunesse, mais parce qu'elle a saisi des choses plus importantes pour sa vie.

Changer de vie. Le destin des bébés phoques, alertée par Marguerite Yourcenar, puis, plus généralement, les animaux, la souffrance des animaux, ont eu largement gain de cause par rapport à une carrière cinématographique qu'elle ne souhaitait plus.

Malgré son enthousiasme pour Jordan Bardella et le RN aux dernières élections, on ne l'a pas entendue parmi les protestataires du nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier, mais elle aurait pu en être. Pas forcément parce qu'il n'a pas la couleur politique qu'elle aurait souhaitée, mais parce qu'il n'y a pas de ministère des animaux (d'autres protestent parce qu'il n'y a pas de ministère des personnes en situation de handicap, ni de ministère de la ville). Il faut bien dire qu'il n'y en a jamais eu mais les défenseurs des animaux militent pour qu'il y en ait un, à l'égal d'un ministère de la bouffe (euh, de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire) et d'un ministère de l'environnement.

C'est étonnant qu'un gouvernement s'occupe des humains, de la planète, de l'environnement et des plantes, mais pas spécifiquement des animaux. Certes, il y a eu déjà des sous-ministères de la biodiversité, mais rester déjà dans le basique, dans l'élémentaire : lutter contre la souffrance animale, ce qui, aujourd'hui, depuis une dizaine d'années, est reconnu juridiquement, les animaux sont des êtres sensibles. Difficile de rendre compatible cet aspect des choses avec les abattoirs, avec la viande à produire et à manger, surtout lorsqu'on doit, par compétitivité, être le moins cher, produire au moindre coût. Toujours est-il que dans la nouvelle Commission Européenne qui prendra ses fonctions le 1er décembre 2024, un commissaire européen chargé des animaux a été institué.


Tout naturellement, ce combat de Brigitte Bardot a abouti à un combat contre une certaine religion (tout le monde la connaît) qui abat rituellement les animaux sans leur empêcher la souffrance. Son combat est devenu une guerre de religion et elle a déjà été blâmée par la justice pour des propos publics qui mettaient en cause cette religion. Le droit des animaux en contradiction avec le droit de manger de la viande, mais aussi la liberté du culte. Cette société compliquée n'est faite que de contradictions, d'injonctions paradoxales multiples, et finalement, la représentation démocratique de l'Assemblée Nationale de l'été 2024 en apporte une certaine illustration.
 


En 2014, dans un bouquin sur ses "as de cœur", elle a présenté en quelque sorte son Panthéon des défenseurs des animaux. Citons quelques-unes des personnalités qui l'ont éblouies (peut-être celles-ci en seraient étonnées, sans doute elles-mêmes éblouies par l'ancien star ?).

Par exemple, Théodore Monod : « En près d'un siècle de sa riche existence, Théodore Monod rédigea près de 2 000 volumes d'œuvres scientifiques, regroupa 20 000 échantillons et enrichit notre connaissance de la flore et de la faune de respectivement 35 et 130 espèces nouvelles. Il était l'un des derniers grands voyageurs naturalistes. Son humilité ne se démentit jamais. (…) Il faisait partie de ces qui donnent une légitimité scientifique à toutes les actions en faveur des animaux et de la nature. ».

Dian Fossey : « Si elle était aussi réfractaire aux visites, c'était surtout à cause du risque de contagion des maladies humaines aux gorilles, animaux fragiles entre tous. Dans sa guerre contre les zoos occidentaux, toujours avides de les exposer ignoblement, Dian obtint quelques victoires, mais subit aussi de nombreuses défaites. (…) Le matin du 27 décembre 1985, l'étudiant américain Wayne McGuire, qui l'avait rejointe depuis peu, la découvrit morte à côté de son lit, le crâne fendu d'un coup de machette. Aujourd'hui encore, on ne sait pas qui a tué Dian Fossey ; l'hypothèse la plus probable étant bien évidemment qu'elle a été assassinée par un braconnier. ».

Saint François d'Assise : « Une histoire "écologique" avant l'heure. François reconnaît à l'animal une dignité similaire à celle de l'homme. Il attend de ses semblables qu'ils remplissent leur devoir d'assistance face aux animaux lorsqu'ils souffrent. (…) Personne mieux que saint François n'a exprimé une telle volonté de retrouver une humanité débarrassée de tout ce qui la pollue. Il refusa tout idée de pouvoir, de domination. La pauvreté pour lui n'était pas seulement une privation corporelle, mais un état d'un homme humble, dépouillé de tout désir qui empêcherait la communion parfaite avec son Créateur et avec l'univers. ».


Mylène Demongeot : « Une actrice qui a du chien ! Mylène ne s'est pas entourée d'animaux pour combler un quelconque manque affectif, argument idiot qu'on entend bien trop souvent. Non, cet engouement vient plutôt d'une vision jubilatoire de l'existence, à laquelle l'actrice a décidé de tout subordonner, bien inconsciemment sans doute, car elle a eu dans sa vie, comme tout un chacun, de quoi alimenter ses douleurs... ».

Le dalaï-lama : « Ses paroles sont douces, ses yeux extrêmement vifs savent capter au-delà des mots les ressentis de ses interlocuteurs. Il est pacifiste dans le plus profond de son cœur, vénère et respecte toute vie, humaine ou animale. Il fait du bien. ».

Paul Watson : « Watson est un homme d'action. La bureaucratie lui déplaît, comme les discours inutiles. Il ne veut pas de "campagne de sensibilisation", il ne vaut pas faire de compromis, il veut agir concrètement. (…) Les baleines... Paul les a vues mourir par centaines sous le coup des harpons et des flèches explosives. Il a entendu leur cri pareil à celui d'un être humain. Il les a vues agoniser en gémissant. Il se souvient de ce jour où un cachalot frappé à mort, au lieu de chavirer son Zodiac venu s'interposer, l'a épargné, après avoir fixé son œil sur lui, un regard qu'il n'oubliera jamais de sa vie et qui scellera sa vocation de "justicier des océans". (…) Il tire la certitude que notre monde obéit à des lois de symbiose et d'équilibre. À ses détracteurs qui l'accusent volontiers d'être un misanthrope, il répond : "Si l'on détruit les mers, on détruit l'homme". ».

Ce sera sans doute la réponse de BB à ses propres détracteurs qui la traitent de misanthropes. On ne peut pas aimer les humains sans aimer les animaux. Elle pourrait aussi citer Gandhi : « On reconnaît le niveau d’évolution d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. ». Depuis la loi n°2015-177 du 16 février 2016 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le nouvel article 515-14 du code civil précise que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité, soumis, sous réserve des lois qui les protègent, au régime des biens ». C'est une grande avancée juridique pour consacrer le statut de l'animal, même s'il y a encore beaucoup de progression à venir dans des lois à prévoir.

Le 28 septembre 2014 (il y a juste dix ans), Brigitte Bardot disait que tout restait encore à faire malgré cette loi (dont l'amendement crucial pour reconnaître l'être vivant doué de sensibilité chez l'animal a été voté le 15 avril 2014) : « Il reste encore tant à faire, tant d’horreurs. La vie des animaux n’est pas prise en considération ni leurs souffrances. Ils sont toujours considérés comme des objets de rapports et sont massacrés quotidiennement pour du fric dans la plus grande indifférence. ».


On le voit : pour Brigitte Bardot, les animaux, c'est son dada ! « Ma Fondation est le but essentiel de ma vie. J'ai tout donné pour la construire. (…) Depuis, je vis chez mes animaux. ». Eh oui, quand on a des bestioles chez soi, qui ont un nom, on sait bien qu'on n'est plus chez soi mais chez elles. J'ai connu des chats qui se choisissaient leur maison dans un quartier, ils changeaient de "propriétaires" (ou plutôt d'esclaves) au gré des déménagements des lieux !

Parce qu'elle est déjà très âgée, Brigitte Bardot a pensé à sa mort. Sa fortune irait pour sa fondation et elle serait enterrée dans sa propriété de La Madrague, dans le Var, transformée en musée : « J'ai choisi un petit coin, proche de la mer, qui a été entériné par les autorités. ». Il faut l'accord de l'État pour être enterré hors des cimetières. Elle préfère éviter le cimetière de Saint-Tropez pour laisser en paix ses parents et grands-parents. Elle enverrait ses visiteurs chez elle, dans un musée, pour alimenter financièrement sa fondation.

Dans une interview au journal "Le Parisien" le 20 septembre 2024, elle confiait qu'elle marchait maintenant très difficilement (« Je me déplace avec mes cannes anglaises. ») et qu'elle a été très affectée par la disparition de son ami Alain Delon. À 90 ans, Brigitte Bardot a consacré 50 ans aux animaux et 20 ans au cinéma. Rappelons-nous... Et BB créa Saint-Tropez ! Vidéo.


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Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
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