Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
31 octobre 2024 4 31 /10 /octobre /2024 03:58

« Les gens bien intentionnés les qualifient d'amuseurs. Les gens moins bien intentionnés les classent parmi les "rigolos". Ils valent beaucoup mieux que ça. Le délire verbal, le coq-à-l'âne, la gymnastique des mots, est probablement le genre exigeant le plus de maîtrise, le plus de rigueur, en un mot : le plus de style. Ce n'est pas Raymond Devos qui me contredira. » (Michel Audiard, à propos des Frères ennemis).


 


C'est l'histoire banale du mec qui sort un dimanche soir pour chercher un paquet de clopes. Et il ne revient jamais. La femme est pourtant sûre qu'il reviendra. Une disparition sans préavis comme en font les romans ou les films à New York. Il y a quarante ans, le 1er novembre 1984, c'était le tour de Teddy Vrignault. Il allait avoir 56 ans le 22 novembre 1984. Il habitait à Montmartre avec son épouse Simone.

Il a dit à sa femme : je vais chercher des clopes. Il a pris sa voiture, une 504 Peugeot de couleur dorée avec le toit noir, sans son carnet de chèque mais avec quelques billets de banque, et il est parti. On le cherche encore aujourd'hui. L'enquête n'a rien donnée. On n'a jamais retrouvé ni l'homme pourtant assez facilement identifiable (avec de belles moustaches) ni sa voiture. Par l'article 112 du code civil sur les disparitions, il a été considéré par l'État comme décédé le 1er novembre 2004, mais rien n'indique qu'il ne serait pas encore vivant aujourd'hui, auquel cas il aurait presque 96 ans. Sa femme n'avait rien remarqué d'anormal, si ce n'était que Teddy avait des problèmes d'argent, était déprimé et prenait des somnifères pour dormir.

En France, il y a environ 50 000 à 60 000 personnes signalées disparues chaque année ; et chaque année, on retrouve entre 800 et 2 000 corps non identifiés. Certains, d'une famille de disparus, militent pour créer un fichier des empreintes ADN des cadavres anonymes à analyser systématiquement. En 2008, il y a eu 5 650 recherches administratives pour des disparitions présumées volontaires de personnes adultes (notre cas ici), et 2 456 (soit 44%) ont été découvertes après enquête, mais seulement la moitié de celles-ci ont accepté de communiquer leurs coordonnées. Je ne sais pas si l'année 2008 est statistiquement représentative d'une moyenne, et certainement pas de l'année 1984, mais cela signifie que Teddy Vrignault a fait partie de plusieurs milliers d'adultes qui se sont volatilisées a priori volontairement chaque année. Son cas, malheureusement, n'est donc pas très rare.

Rappelons que la liberté de circulation implique aussi le liberté de disparaître (dès lors qu'on ne trouble l'ordre public et qu'on respecte la loi). Les enquêtes sont motivées par la légitimité de la détresse familiale, mais la procédure administrative de recherche dans l'intérêt des familles (datant de la
Première Guerre mondiale et organisée selon la circulaire n°83-52 du 21 février 1983) a été abrogée par la circulaire du 26 avril 2013 en raison de la possibilité de faire des recherches, accessible à tous, grâce à l'Internet et aux réseaux sociaux.

Enfin, si, un petit signe pourrait laisser entendre qu'il n'est hélas plus de ce monde. Un détective privé (un généalogiste) a retrouvé, sur le site Geneanet l'acte de décès (qu'on peut lire dans le fichier de l'INSEE) de Pierre Édouard Georges Vrignault (le vrai nom d'état-civil de Teddy Vrignault), correspondant à la bonne date de naissance, bon lieu de naissance, et qui serait décédé le 29 janvier 1999 à l'âge de 70 ans au 18
e arrondissement de Paris. S'il s'agissait de la même personne, cela signifierait qu'elle serait restée dans la même ville (et dans le même arrondissement) pendant quatorze ans sans avoir été retrouvée, ce qui est difficile à imaginer car l'homme était une célébrité. C'est le journal "France Dimanche" qui a donné cette information le 17 avril 2020, malheureusement après le décès d'André Gaillard.
 


Car il faut en effet rappeler qui est Teddy Vrignault à qui il faut absolument associer André Gaillard (1927-2019). Tous les deux étaient des humoristes. Ils s'étaient rencontrés par hasard au cours de leur service militaire en Allemagne, ils faisaient un spectacle ensemble mais n'étaient pas du même escadron. Après leur retour dans le civil, ils se sont perdus de vue (déjà) et se sont recroisés quelques années plus tard par hasard aux Champs-Élysées à Paris. Très vite, ils ont apprécié l'un chez l'autre l'humour sophistiqué, basé principalement sur des jeux de mots, sur la richesse du vocabulaire. Ils ont suivi des cours de théâtre et leur première représentation a eu lieu le 24 octobre 1953 dans un cabaret parisien. Ils étaient lancés.
 


Avec un petit côté désuet, Teddy Vrignault, le grand chevelu à moustaches, André Gaillard, le chauve avec des rouflaquettes d'avant-guerre, ont formé un duo, les Frères ennemis, très connus dans les années 1960. Ils se sont produits de 1953 à 1984, pendant trente et une années, et en faisant rigoler un public bon enfant au cours de 750 sketchs différents (qui ont fait l'objet de publications livresques). Comme l'a rappelé Jérémy Gallet le 5 octobre 2019 sur le site Avoir-alire : « Des Frères Ennemis, duo comique injustement oublié, on retient les sketchs absurdes, qui lorgnent sur l’humour de Raymond Devos et Pierre Dac, avec des réparties débitées à la mitraillette, un art consommé du coq-à-l’âne et le contraste physique entre le chevelu Teddy Vrignault, brun ténébreux, sorte de mélange entre Claude Giraud et Lee Van Cleef, et André Gaillard, le dégarni, avec moustaches et rouflaquettes d’antan. Le binôme avait commencé, tel Richard et Lanoux, Darras et Noiret, par écumer les cabarets, dans les années 50, dont L’Écluse, lieu incontournable du rire, avant que le petit écran ne les rende populaires. ».
 


Ils ont eu la chance de démarrer à Saint-Germain-des-Prés, un quartier parisien très encourageant pour les artistes. Ils ont aussi tourné dans plusieurs films, notamment de Jean Yanne et Pierre Richard, dans des seconds rôles, avec un humour qui n'a jamais été vulgaire et que certains (anciens) regrettent beaucoup. Cependant, les années 1970 ont vu leur succès décliner à cause de nouveaux modes de l'humour, plus audacieux, plus féroces (à l'instar de Coluche, Thierry Le Luron, Pierre Desproges et Michel Leeb, préférés des émissions de télévision).

Quand Teddy Vrignault a disparu, les deux frères d'humour avaient encore un contrat pour des représentations en province toute l'année. Le site
Wikipédia (qui ne semble se baser sur aucun indice sérieux) laisse entendre que c'est le désespoir d'une perte de succès qui lui aurait fait abandonner sa vie d'artiste pour retrouver l'anonymat, mais ce n'est pas très convainquant. En 2010 (ou 2011), André Gaillard, invité de Thierry Ardisson, a plutôt laissé entendre un problème avec son épouse (mais sans plus de conviction). Teddy était (à l'imparfait ?) quelqu'un de pas très tendre, très distant dans les relations personnelles, dur au contact, et ce ne devait peut-être pas être très facile avec sa femme. Il n'aurait peut-être pas osé lui dire en face qu'il voulait se séparer (mais partir sans rien dire est pour moi une forme très avancée de la goujaterie). Supputations de café du commerce. Le mystère restera.
 


Toujours est-il qu'on n'a jamais eu de nouvelles par la suite. André Gaillard a tenté de continuer les sketchs à deux, notamment avec leur régisseuse Colette Duval (1930-1988), championne de saut en parachute et mannequin, avec qui ça a bien marché, aidés par Thierry Le Luron qui leur a proposé de se produire devant 4 000 spectateurs. Hélas, sa nouvelle partenaire est morte d'un cancer au bout de trois ans (le 22 mai 1988), ce qui a fait dire à un copain : c'est dur de travailler avec toi ! En 1993-1994, le seul Frère ennemi non disparu a trouvé un nouveau partenaire de réparties en la personne de Jean-Louis Blèze (1927-2012), cancre récurrent de "La Classe", l'émission présentée par Fabrice sur France 3, mais sans retrouver les heures glorieuses de son duo initial.

André Gaillard a poursuivi sa carrière de comédien et d'humoriste, au cinéma, à la télévision, au théâtre et aussi chez Philippe Bouvard, aux "Grosses Têtes". Affecté jusqu'à sa mort par la disparition de son ami, au point d'aller chez Jacques Pradel, dans l'émission "Perdu de vue" dans les années 1990, sans succès, le dernier Frère ennemi, qui est mort le 30 septembre 2019 (à 91 ans et demi), a eu la satisfaction de voir ses deux filles Silvia et Valérie reprendre les sketchs paternels en 2010 sous le nom de Sœurs Z'ennemies. Quant à l'ami Teddy, il aura parfaitement réussi sa dernière (mauvaise) blague.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Teddy Vrignault.
Pierre Richard.
François Truffaut.
Roger Hanin.
Daniel Prévost.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.










https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241101-teddy-vrignault.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/ou-est-donc-passe-teddy-vrignault-256593

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/25/article-sr-20241101-teddy-vrignault.html




 

Partager cet article
Repost0
21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 03:16

« La vie est pleine de paradoxes et le cinéma doit refléter ces paradoxes. Dans les soi-disant films politiques, il n'y a pas de vie parce qu'il n'y a pas de paradoxes. Le metteur en scène va au travail en sachant à l'avance qui est l'inspecteur de police corrompu, qui est le promoteur malhonnête, qui est le jeune brave reporter, etc. Pendant longtemps, en France, André Cayatte était le seul metteur en scène à faire ce genre de film. Depuis 1968, il y a eu une vogue de ce que j'appelle le "néo-cayattisme", qu'en tant que spectateur je refuse absolument de voir, et qu'en tant que metteur en scène je refuse absolument de pratiquer. » (François Truffaut, textes réunis par Anne Gillain, éd. Flammarion, 1992).


 


La réalisateur français François Truffaut est mort il y a quarante ans, le 21 octobre 1984, à l'hôpital américain de Paris à Neuilly-sur-Seine. Il avait, à 52 ans, une tumeur au cerveau, soignée sans doute trop tardivement, qui ne lui a guère laissé le choix, malgré encore sa trentaine d'idées de film. Jeune cinéaste pionnier de la Nouvelle Vague, François Truffaut est, selon moi, l'un des meilleurs réalisateurs, voire le meilleur. Sa finesse et sa douceur se ressentent dans les chefs-d'œuvre qu'il a tournés. Amour, ambiguïté, complexité... Rien n'est simple dans la vie, et c'est ce qu'a tenté de retranscrire Truffaut dans ses œuvres.

Autodidacte, il s'est beaucoup inspiré de Jean Renoir (son maître absolu), Orson Welles, Roberto Rossellini qu'il a assisté pour trois films qui ne sont finalement pas sortis (en 1956), et surtout, Alfred Hitchcock qu'il a interviewé en 1955 en qualité de critique cinéma aux "Cahiers du cinéma", son métier d'origine. Son intérêt pour Hitchcock, il l'a précisé en 1975 : « Alfred Hitchcock (…) s’est appliqué toute sa vie à faire coïncider ses goûts avec ceux du public, forçant sur l’humour dans sa période anglaise, forçant sur le suspense dans sa période américaine. C’est ce dosage de suspense et d’humour qui a fait de AH [Hitchcock] un des metteurs en scène le plus commerciaux au monde (…) mais c’est sa grande exigence vis-à-vis de lui-même et de son art qui fait de lui, également, un grand metteur en scène. (…) Hitchcock a acquis une telle science du récit cinématographique qu’il est devenu en trente ans beaucoup plus qu’un bon conteur d’histoires. Comme il aime passionnément son métier, qu’il n’arrête pas de tourner et qu’il a résolu depuis longtemps les problèmes de la mise en scène, il doit, sous peine de s’ennuyer et se répéter, s’inventer des difficultés supplémentaires, se créer des disciplines nouvelles, d’où l’accumulation dans ses films récents de contraintes passionnantes et toujours brillamment surmontées. ».

François Truffaut a amorcé la vague du cinéma d'auteurs, en France, cette si fameuse Nouvelle Vague qui a commencé avec "Les Quatre Cents Coups" de lui-même (sorti le 3 juin 1959), en guise de vague autobiographie (Truffaut s'en est défendu : « Contrairement à ce qui a été souvent publié dans la presse depuis le festival de Cannes, "Les Quatre Cents Coups" n'est pas un film autobiographique. ») avec son personnage récurrent Antoine Doinel joué par Jean-Pierre Léaud (qui s'est poursuivie avec quatre autres films), et qui a continué avec "À bout de souffle" de
Jean-Luc Godard (sorti le 16 mars 1960), dont il a participé au scénario, avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg.

La Nouvelle Vague, selon l'expression de
François Giroud (citée le 3 octobre 1957 dans "L'Express"), a rassemblé aussi d'autres réalisateurs comme Éric Rohmer, Claude Chabrol, Louis Malle, Agnès Varga, Jacques Demy, Jacques Rivette, Alain Resnais, etc. Comme Truffaut, certains étaient d'abord critiques de cinéma et ils dénigraient le cinéma de divertissement, qui devait être avant tout commercial et plaire au plus grand nombre, au profit d'un cinéma d'auteur, visant à révolutionner la narration cinématographique par des narrations autobiographiques, des mises en abyme, des voix off, etc. Les héros sont capables de s'affranchir de la loi voire de la morale, le happy end n'est plus systématique, etc. Et, non sans prétention, elle visait aussi à hisser le cinéma au statut d'art. Les réalisateurs de la Nouvelle Vague furent également soutenus par le Ministre des Affaires culturelles André Malraux. Beaucoup de réalisateurs, à la suite de cette période de la Nouvelle Vague (années 1960), s'en sont inspirés (parfois ou tout le temps), comme Claude Lelouch, André Téchiné, Jean Eustache, Jacques Doillon, etc. ...et même Jean-Pierre Mocky.

Le seul véritable essai que François Truffaut a publié a été "Le Cinéma selon Alfred Hitchcock" (éd. Robert Laffont) en 1966, dont la réédition en 1983 (chez Gallimard) lui a valu une invitation le 13 avril 1984 à l'émission "Apostrophes" sur Antenne 2 (sa dernière apparition publique, semble-t-il). Sur le plateau de
Bernard Pivot (qui est hélas mort de la même méchante maladie), il y avait alors aussi l'acteur Marcello Mastroianni, le réalisateur Roman Polanski et la productrice Caterina D'Amico.

François Truffaut a été invité auparavant à une autre émission "Apostrophes", celle du 8 avril 1983, pour présenter la biographie de Dudley Andrew consacrée au critique de cinéma André Bazin (1918-1958) qui fut pour lui un maître à penser mais aussi un maître à agir et à tourner, fondateur des "Cahiers du cinéma" et théoricien du cinéma (voir dernière vidéo en fin d'article).


En tout, sur une (courte) carrière qui n'a duré que vingt-cinq ans, il a tourné vingt-deux films longs-métrages et la plupart sont devenus "culte", comme on dit. Il a été parfois également acteur dans ses propres films, mais aussi dans un excellent film de Steven Spielberg, lui-même grand admirateur des films de Tuffaut, qui lui a offert le rôle du scientifique dans l'extraordinaire "Rencontre du Troisième type" ["Close Encounters of the Third Kind"] (sorti le 16 novembre 1977), avec Richard Dreyfuss, Teri Garr et Melinda Dillon (il a été doublé en anglais parce que son anglais laissait à désirer) : « Je me suis habitué, dis-je à Steven, à l'idée qu'il n'y aura jamais un film intitulé "Close Encounters" mais que vous êtes un type qui fait croire qu'il tourne un film et qui réussit à grouper beaucoup de gens autour de sa caméra pour accréditer cette immense blague. Je suis content de faire partie de cette blague et je suis prêt à vous rejoindre de temps à autre n'importe où dans le monde pour "faire semblant" de faire un film avec vous. ».
 


Les professionnels (français et étrangers) ne sont pas restés indifférents à François Truffaut, lui qui a obtenu deux Prix au Festival de Cannes en 1959 (mise en scène et prix du jury œcuménique) pour "Les Quatre Cents Coups" (et deux nominations pour la Palme d'or), un triple César en 1981 (meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario) pour "Le Dernier Métro" (et trois autres nominations), un Oscar en 1974 pour "La Nuit américaine" (et cinq autres nominations), deux BAFTA en 1974 (quatre autres nominations), cinq Prix du Syndicat français de la critique de cinéma, ex-Prix Méliès (meilleur film français) en 1959, 1968, 1970, 1973 et 1976, enfin, quatre nominations aux Golden Globes et quatre nominations pour l'Ours d'or aux Berlinales.

La plupart des films de Truffaut ont connu le succès commercial, ce qui n'était pourtant pas l'objectif de leur auteur. Près de la moitié de ses films ont dépassé le million d'entrées en salles et deux ont fait sauté les compteurs, "Les Quatre Cents Coups" avec 4,2 millions entrées et "Le Dernier Métro" avec 3,4 millions d'entrées. Et à part trois films (dont celui que je préfère qui a été le moins apprécié des spectateurs de cinéma), tous ont eu au moins 700 000 entrées.

Pour tout dire, tous ses films sont excellents. Néanmoins, certains sont encore plus excellents que d'autres ! Alors, je propose mon petit Top 7 qui est très personnel et très arbitraire, donné par ordre décroissant de préférence selon moi (pourquoi les 7 meilleurs et pas les 5 ou les 10 ? pourquoi pas ? un tiers ?).

1. Le premier est, pour moi, incontestablement "La Chambre verte" (sorti le 5 avril 1978), avec François Truffaut et Nathalie Baye parmi les acteurs (avec également, entre autres, Antoine Vitez). Le personnage principal (joué par Truffaut) est effondré par le deuil de sa femme et la solitude. Il a aménagé chez lui une chambre dédiée à la disparue dans une sorte de véritable culte des morts (et d'amour). L'idée principale de ce film, adaptation personnelle de plusieurs nouvelles d'Henry James avec quelques inspirations de l'œuvre de
Georges Bernanos, se retrouve dans plusieurs fictions ultérieures.

2. "La Femme d'à côté" (sorti le 30 septembre 1981), avec l'éclatante
Fanny Ardant (son meilleur film à mon avis), Gérard Depardieu, Henri Garcin et Michèle Baumgartner. L'histoire se déroule dans une région que je connais bien, la région grenobloise (à Bernin) dont l'atmosphère provinciale est très bien ressentie. Un couple bien installé dans leur maison (joué par Gérard Depardieu et Michèle Baumgarner) voit l'arrivée de nouveaux voisins, un autre couple, dont la femme (jouée par Fanny Ardant) est son ancienne amante d'une passion très forte. Les anciens amoureux se retrouvent en secret, jusqu'à ce que cette relation soit révélée et s'interrompe. Dépression de l'amoureuse et ...et je ne continue pas pour ne pas spoiler, sinon cette conclusion finale : « Ni avec toi, ni sans toi ». Pas d'effet de scène et neutralité très déconcertante de la narration (cela commence même par une voix off). Fanny Ardant y a joué de manière exceptionnelle, elle était alors la dernière compagne de François Truffaut. Michèle Baumgartner est morte quelques années après le tournage d'un accident de la circulation à l'âge de 31 ans (avec son mari).

3. "L'Homme qui aimait les femmes" (sorti le 27 avril 1977), avec
Charles Denner (son seul véritable film où il a la vedette), Brigitte Fossey, Nathalie Baye, Leslie Caron, Geneviève Fontanel, Nelly Borgeaud, Valérie Bonnier, etc. Le personnage vaguement autobiographique joué par Charles Denner est un amoureux des femmes et même de "la" femme en général. Pas aimé ni par sa mère et ni par sa compagne qui a rompu, il va alors collectionner (les relations avec) les femmes au point d'en faire un répertoire détaillé. C'est là où il prononce cette phrase "truffaldienne" bien connue : « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie. ».

4. "Le Dernier métro" (sorti le 17 septembre 1980), avec
Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Jean Poiret, Andréa Ferréol, Paulette Dubost, Maurice Risch et Heinz Bennent. Ce film a fait un triomphe à la cérémonie des Césars en 1981 en remportant dix prix dont les cinq plus prestigieux (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur acteur, meilleure actrice), ce qui est unique pour les Césars (et encore, il y avait deux autres nominations dont le second rôle féminin pour Andréa Ferréol qui a été battue par une actrice fétiche de Truffaut, Nathalie Baye ; 1981 au cinéma était l'année Truffaut). L'histoire (qui s'est inspirée d'œuvres antérieures) se passe pendant l'Occupation nazie à Paris, la vie d'un théâtre parisien. Son directeur d'origine juive (joué par Heinz Bennent) est officiellement parti aux États-Unis mais en fait, vit encore dans la cave du théâtre et continue clandestinement à diriger le théâtre et la troupe par l'intermédiaire du metteur en scène (joué par Jean Poiret) et de sa femme également comédienne (jouée par Catherine Deneuve) qui lui parle d'un jeune comédien plein d'avenir (joué par Gérard Depardieu) qui souhaite s'engager dans la Résistance.
 


5. "Fahrenheit 451" (sorti le 15 septembre 1966), avec Oskar Werner et Julie Christie (film entièrement en anglais), adaptation de la célèbre œuvre de Ray Bradbury. Le personnage principal (joué par Oskar Werner) est un pompier chargé de détruire par le feu tous les livres qu'il peut repérer (car trop dangereux pour le pouvoir en place et officiellement ils empêchent d'être heureux). La température d'auto-inflammation du papier est de 232,8°C, soit 451°F. La rencontre avec une jeune fille dite asociale car lettrée (jouée par Julie Christie) remet en cause son métier. Sur l'histoire elle-même, il y aurait beaucoup à dire aujourd'hui avec le livre remplacé par le smartphone et les réseaux sociaux.

Dans une interview avec la journaliste Aline Desjardins diffusée en décembre 1971 par Radio-Canada (et publiée en 1973 chez Ramsay), François Truffaut a raconté sa relation avec les livres : « Ayant envie de faire un film sur les livres, j'ai tourné "Fahrenheit" qui est un film sur tous les livres en général. D'autres de mes films comme "Jules et Jim" ou "La Mariée était en noir" sont des films tirés de livres que j'aimais et j'ai essayé non seulement d'en tirer un bon film, mais aussi de faire aimer le livre. Lorsqu'un de mes films peut éveiller la curiosité pour un livre, comme pour le roman "Jules et Jim" qui était passé inaperçu, ou "Deux Anglaises et le Continent", je suis très content ; je dois dire que si un jour j'ai l'occasion de faire un film qui serait toute l'histoire d'un livre, depuis le moment où il est à l'état de manuscrit jusqu'au moment où il est publié et diffusé chez les libraires, si je trouve une histoire qui se prête à cela, je suis sûr que je le ferai avec un grand enthousiasme. ».

6. "La Mariée était en noir" (sorti le 17 avril 1968), avec
Jeanne Moreau, Claude Rich, Michel Bouquet, Michael Lonsdale, Charles Denner, Jean-Claude Brialy, etc. dans une adaptation du roman de William Irish. Le jour de son mariage, la mariée (jouée par Jeanne Moreau) voit son mari se faire assassiner sur le parvis de l'église. Elle se venge, les uns après les autres, de tous ceux qui l'ont tué. L'atmosphère du film est très hitchcockienne. Mais dans "L'Express", Truffaut a regretté d'avoir tourné ce film : « Le seul que je regrette d'avoir fait, c'est "La Mariée était en noir". Je voulais offrir à Jeanne Moreau quelque chose qui ne ressemble à aucun de ses autres films, mais c'était mal pensé. (…) Le thème manque d'intérêt: l'apologie de la vengeance idéaliste, cela me choque en réalité. ».

7. "L'Enfant sauvage" (sorti le 26 février 1970), avec François Truffaut, Jean-Pierre Cargol, Françoise Seigner et Jean Dasté. C'est l'adaptation d'une histoire vraie de l'enfant sauvage appelé Victor de l'Aveyron (1785-1828), enfant sauvage trouvé en 1797, et pris en charge et instruit par le docteur Jean Itard (joué par Truffaut). Ce film est devenu un classique, parodié d'ailleurs par
Gotlib. Jean-François Stévenin a repéré Jean-Pierre Cargol (12 ans) pour le rôle de l'enfant sauvage, dans un camp de gitans (il est le neveu du musicien Manitas de Plata). Choix tout de suite approuvé par le réalisateur-acteur : « Jean-Pierre, le petit gitan que j'ai finalement choisi pour jouer ce rôle, est un enfant très beau mais je crois qu'il a bien l'air de sortir des bois. ».

J'ai bien sûr conscience de l'arbitraire et je sais que j'ai "oublié" d'autres films majeurs de Truffaut comme "Jules et Jim" (sorti le 24 janvier 1962), avec Jeanne Moreau, Oskar Werner,
Marie Dubois et Henri Serre ; "La Sirène du Mississipi" (sorti le 18 juin 1969), avec Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve et Michel Bouquet (dans "Le Figaro" du 10 octobre 2014, Bertrand Guyard a écrit : « Faire du "Magnifique" un homme soumis à la passion amoureuse, l'idée était osée. On se souviendra du charme vénéneux et candide à la fois de Catherine Deneuve. L'obstination de Michel Bouquet dans son rôle de détective est parfaite. Comme toujours. ») ; ou encore, "La Nuit américaine" (sorti le 24 mai 1973), avec Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Léaud, Nathalie Baye, Valentina Cortese, Dani, Jean-Pierre Aumont, Alexandra Stewart, etc. ; mais comme je l'ai indiqué plus haut, tout est beau dans le Truffaut ! J'accroche un peu moins avec la saga Antoine Doinel parce que j'ai un peu de mal à m'identifier personnellement au personnage.

Dans l'émission "Apostrophes" du 13 avril 1984, François Truffaut a expliqué, à propos d'Hitchcock : « Ses scènes d'amour sont filmées comme des scènes de meurtres et ses scènes de meurtres comme des scènes d'amour. C'est la même chose, c'est un déversement qui arrive là et qui est très puissant. Mais je pense que c'est ça aussi qui fait que les films sont forts, qu'ils sont beaux et qu'ils traversent les années. Vous voyez, un film d'Hitchcock de 1940, vous allez le voir aujourd'hui, vous n'avez pas l'impression de voir un film de 1940, vous voyez un film qui a une forme très pure, très serrée, et qui est, s'il était poignant quand il est sorti, il est encore poignant aujourd'hui [1984].
 Ça, c'est ce que j'aime ! ».

Nous sommes maintenant encore quarante ans plus tard : les films d'Hitchcock ont un peu vieilli, mais à peine (surtout à cause du noir et blanc), ...en revanche, ceux de Truffaut n'ont pas pris une ride. En quelque sorte, sa postérité plaide pour lui. Il a réussi son pari, mettre en action ce qu'il disait être ses rêves d'adolescent : « Je fais des films pour réaliser mes rêves d'adolescent, pour me faire du bien et, si possible, faire du bien aux autres. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
François Truffaut.
Daniel Prévost.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.




















https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241021-francois-truffaut.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/mon-top-7-de-francois-truffaut-255974

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/20/article-sr-20241021-francois-truffaut.html


 

Partager cet article
Repost0
20 octobre 2024 7 20 /10 /octobre /2024 02:52

« Je n’ai jamais été à la mode, comment voulez-vous que je devienne ringard ? Tandis que vous, vous êtes pour l’instant à la mode, donc vous deviendrez ringard ! » (Daniel Prévost à Marc-Olivier Fogiel, "On ne peut pas plaire à tout le monde" sur France 3, le 19 octobre 2001).


_yartiPrevostDaniel01

L’humoriste Daniel Prévost a fêté son 85e anniversaire le 20 octobre 2024. Quatre-vingt-cinq ans, c’est quasiment un vieillard ! Il paraît que les humoristes font rarement de vieux os. J’espère que Daniel Prévost démentira cette (fausse) rumeur aussi longtemps que possible. Daniel Prévost est un touche-à-tout du spectacle, un peu comme Sim, il est un acteur au cinéma et à la télévision, un comédien au théâtre, à l’occasion un chroniqueur à la télévision, un chanteur et même un écrivain puisqu’il a sorti une quinzaine de livres, certains qui racontent son enfance, son origine familiale, ses deuils…

Daniel Prévost a le don pour faire les personnages plutôt négatifs, petits, lâches, les rôles de petit chef prêt aux mesquineries, capable d’abuser de son petit pouvoir, avec le petit rictus pour bien montrer sa joie d’être sadique. Tendre sadique au grand cœur, car finalement, cette face si réussie du sadique, il ne l’assume évidemment pas dans la vie civile. Pour lui, c’est la manière d’user et d’abuser de l’humour et de l’esprit comique. Pourquoi réussit-il si bien à faire ce bas sadique ? Sûrement grâce à son sourire inimitable, son petit grincement de dents (les héhéhé des méchants dans les  bandes dessinées) et, bien sûr, à sa grande présence scénique.

Dans "Moustique", Yannic Duchesne dit le 14 janvier 2018 pour le décrire : « Prévost, c’est à la fois un homme mûr (…) et un enfant qui ne renonce jamais devant une farce. Il a la bouclette rieuse, les yeux vifs, la silhouette gainée et une propension à faire de tout tout le temps. (…) On honore trop peu les comiques au cœur chaud. ». Je suis évidemment de cet avis. Honorons-le !

Ses participations au cinéma sont très nombreuses, mais rarement avec le premier rôle. C’est le propre du second rôle, être connu par endurance, à force d’être présent un peu partout, surtout lorsque le partout, ce sont des films à grand succès commercial. En fait, Daniel Prévost a été connu très rapidement. S’il a commencé en 1961 (à 22 ans) au théâtre et en 1968 au cinéma, il a vite gagné en notoriété dès le début des années 1970 avec "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" de Jean Yanne (sorti le 5 mai 1972) avec Jean Yanne, Michel Serrault, Bernard Blier et Jacques François. D’ailleurs, il est yannique, le Prévost, il a commencé sur les planches avec Michel Serrault et Jean Yanne, ce qui était pour lui une excellente école de l’art comique et absurde, du loufoque féroce, de l’humour vache et coriace, de l’esthétique caustique.

Daniel Prévost a ensuite gagné en notoriété avec sa participation dans l’émission satirique dominicale "Le Petit Rapporteur" animée par Jacques Martin de janvier 1975 à juin 1976 sur TF1 : il était l’un des chroniqueurs aux côtés de Pierre Bonte, Stéphane Collaro, Pierre Desproges et Piem, entre autres, et s’était particulièrement fait remarquer lors de son reportage dans le village de Montcuq en interrogeant son maire et en faisant beaucoup de plaisanteries avec le nom de ce village du Lot. Daniel Prévost et Pierre Desproges étaient à l’époque de sacrés complices dans leur audace. C’était l’époque (et l’émission) où Pierre Desproges, qui jouissait encore de l’anonymat, interviewait une Françoise Sagan très polie et patiente sur sa santé et ses vacances (la santé et les vacances de Desproges !).

_yartiPrevostDaniel04

La voix de Daniel Prévost est également très connue car il l’a "prêtée" depuis une trentaine d’années à une marque de supermarché, Super U, pour des spots publicitaires tant à la télévision qu’à la radio. Je croyais que c’était un imitateur, mais ce n’est en fait pas le cas (d’ailleurs, je me demande quelles sont les conditions juridiques pour faire l’imitation d’un personnage célèbre pour un but publicitaire, au point peut-être de ternir la réputation dudit personnage). Daniel Prévost a utilisé sa voix aussi pour d’autres marques, comme Rivoire et Carret (avec Pierre Desproges), la MAAF, etc.

À ce jour, Daniel Prévost a joué dans quatre-vingt-sept films au cinéma et trente-trois téléfilms, ainsi que dans une trentaine de pièces de théâtre. L’un des rôles les plus dramatiques, ce fut dans le téléfilm "René Bousquet ou le Grand Arrangement", de Laurent Heynemann, diffusé sur Arte le 16 novembre 2007, où il était René Bousquet lui-même.

Restons au cinéma. Les vingt et un films qui ont obtenu le plus de succès, et dans lesquels il a participé, ont eu 65 millions d’entrées rien qu’en France ! Difficile de passer inaperçu, même dans un rôle mineur et discret.

Et le premier d’entre eux (12,3 millions d’entrées dans le monde, dont 9 en France), le film qui lui a fait d’ailleurs obtenir à juste titre le César du meilleur acteur pour le second rôle masculin en 1999, ce fut "Le Dîner de cons", excellent film-pièce de Francis Veber (sorti le 15 avril 1998) où Daniel Prévost a été au sommet de son art de montrer son sourire sadique tout en ne "punissant" pas. Il est en effet l’inspecteur des impôts, vantard mais cocu, venu aider un copain chez un grand bourgeois, et qui détecte tout de suite, dans le grand appartement, les tableaux rangés, les meubles luxueux cachés, mais qui est trop déprimé pour prendre plaisir à sévir… Dans son rôle de véritable "enfoiré", il est vraiment excellent, plus que les autres personnages, je trouve, même que Jacques Villeret qui a lui aussi obtenu un César pour son premier rôle dans ce film.

Voici quelques autres rôles intéressants de Daniel Prévost dans le cinéma français…

Dans "Uranus" de Claude Berri (sorti le 12 décembre 1990), avec Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Michel Blanc, Philippe Noiret, Michel Galabru, Fabrice Luchini, etc., film pour lequel il a été sélection à la cérémonie des Césars, Daniel Prévost joue le cheminot communiste qui dénonce (injustement) un cafetier de cacher un ancien collabo après la Libération.

Dans "Astérix et Obélix contre César" de Claude Zidi (sorti le 3 février 1999), qui est la première adaptation cinématographique de la célèbre bande dessinée Astérix, Daniel Prévost joue Prolix, le charlatan qui se fait passer pour un devin, exploitant la crédulité des villageois.

Dans "La vérité si je mens ! 2" de Thomas Gilou (sorti le 2001), Daniel Prévost est le méchant directeur des achats d’une grande surface qui tente de profiter de sa position dominante pour étouffer les petits producteurs (et qui se fait finalement duper par eux, la morale est sauve).

Dans "Les Petits Ruisseaux" de Paul Rabaté (sorti le 23 juin 2010), avec Gilbert Melki, Gad Elmaleh, Bruno Solo, Richard Anconina et José Garcia, Daniel Prévost, qui a le rôle principal, joue un vieux pépère veuf qui se réveille à la vie grâce à un voisin et qui finit par fréquenter des hippies.

_yartiPrevostDaniel02

Dans "Je sais rien, mais je dirai tout" de Pierre Richard (sorti le 6 décembre 1973), satire antimilitariste avec Pierre Richard, Bernard Blier et Luis Rego, Daniel Prévost joue un policier (dont le patron est Pierre Tornade).

Dans "La Maison du bonheur" de Dany Boon (sorti le 7 juin 2006), avec Michèle Laroque, Line Renaud, Laurent Gamelon et Michel Vuillermoz, Daniel Prévost joue un rôle ordinaire pour lui, celui ici de l’escroc cynique, un agent immobilier véreux qui cherche à duper un acquéreur de maison surendetté.

Dans "Le Petit Nicolas" (sorti le 30 septembre 2009) et "Les Vacances du Petit Nicolas" (sorti le 9 juillet 2014), tous les deux de Laurent Tirard, adaptation du célèbre personnage de René Goscinny et Sempé, avec Valérie Lemercier, Kad Merad, Sandrine Kiberlain, Anémone, etc., Daniel Prévost joue le rôle de Mouchebourne, le patron du père du Petit Nicolas.

Dans "Le plus beau métier du monde" de Gérard Lauzier (sorti le 11 décembre 1996), Daniel Prévost campe le voisin épieur et lâche, dans une cité HLM, de Gérard Depardieu, devenu prof de banlieue difficile après un divorce.

Enfin, je termine par "Musée haut, musée bas" de Jean-Michel Rives (sorti le 19 novembre 2008), avec Isabelle Carré, Pierre Arditi, Michel Blanc et Gérard Jugnot, film assez déconcertant et intéressant, composé de beaucoup de sketchs, où Daniel Prévost est à la recherche d’une place de parking.

Dans "On est pas couché" le 28 avril 2018 sur France 2, Daniel Prévost faisait de l’amour son hymne à la vie en disant à Laurent Ruquier : « Depuis le début de la vie, tout le monde cherche l’amour (…). Le chien, l’homme, la femme, tout le monde cherche quelque chose. Pourquoi ? Parce que je pense que sans amour, on s’emmerde. Sans amour, il n’y a rien, il n’y a pas de vie (…). Je ne peux pas croire une fois que quelqu’un qui est seul soit heureux, tu vois ce que je veux dire… ».

Paroles d’autant plus fortes qu’il est lui-même veuf. Paroles qui accompagnent son dernier livre qui parle de la mort de sa femme ("Tu ne sauras jamais combien je t’aime" éd. Le Cherche Midi, 2018) : « Je rumine des pensées, des points de vue : après tout, c’est un chagrin ordinaire, chaque être humain est passé par là, moi-même n’ai-je pas déjà éprouvé des deuils dans ma famille, parmi mes proches (…) ? Et tous ces morts autour, tous les morts du monde que je ne connais pas ? C’est trop ! J’arrête. Non ! Pas elle, pas Kirsten ! Pas besoin d’être raisonnable. Cela ne m’est d’aucun secours. »


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 octobre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Daniel Prévost.
Coluche.
Sim.
Élie Kakou.
Pierre Desproges.
Thierry Le Luron.
Pierre Dac.

_yartiPrevostDaniel03



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241020-daniel-prevost.html

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/20/article-sr-20241020-daniel-prevost.html



 

Partager cet article
Repost0
11 octobre 2024 5 11 /10 /octobre /2024 03:33

« Michel Blanc avait endossé ses premiers rôles mythiques aux côtés de la troupe du Splendid, pour composer ensuite des personnages plus troubles, glaçants ou lâches, vaincus par leurs fragilités. Sa disparition (…) est celle d’un grand acteur du cinéma populaire qui osait prêter son talent à l’exploration, lumineuse ou sombre, comique ou tragique, de nos vagues à l’âme. (…) Michel Blanc inventa (…) un personnage de séducteur sans succès (…), un "Bronzé" à la silhouette étriquée, hypocondriaque et désarmant, irrésistible dans sa gaucherie et touchant dans ses illusions brisées. (…) S’il joua toute sa vie des hommes qui ne s’aimaient pas, Michel Blanc pouvait compter depuis cinquante ans sur l’amour du public. » (Communiqué de l'Élysée, le 4 octobre 2024).


 


En présence de Brigitte Macron, de Rachida Dati et de très nombreuses personnalités du monde de la culture, les obsèques de l'acteur et réalisateur Michel Blanc ont été célébrées ce jeudi 10 octobre 2024 à l'église Saint-Eustache de Paris, en plein centre de Paris, sa paroisse, celle des artistes et celle aussi de la soupe populaire. 700 places étaient réservées dans l'église et malgré la pluie, des centaines de personnes étaient venues pour lui rendre hommage, des hommes du peuple, à l'extérieur.

La mort brutale de Michel Blanc le 3 octobre 2024 à l'âge de 72 ans a profondément ému le pays. Il n'était pas une star, ou plutôt, il ne jouait pas à la star, il était resté simple, mais il faisait partie de la vie de ces Français qui ont grandi et vieilli avec lui, depuis les années 1970. Un anti-héros, quelqu'un qui n'avait jamais d'autorité, pas de chance, angoissé... ces personnages peu valorisants, Michel Blanc les regrettait et les appréciait, cela lui a fait sa notoriété, mais il voulait aussi s'en dégager pour vivre des rôles plus différents, plus diversifiés, comme dans "Monsieur Hire" ou encore "L'Exercice de l'État".

C'est presque un comble. Michel Blanc n'était pas in articulo mortis, il était en forme. Hypocondriaque (dans la vraie vie), il craignait de tomber malade. Il est mort brutalement, d'un effet pas de chance de sa santé. Précisons que la manière de mourir fait partie de la vie privée et même du secret médical. Néanmoins, il faut préciser que pendant un jour, certains médias ont répété, parfois par l'affirmative, que Michel Blanc serait mort d'un choc anaphylactique dû à une allergie après l'injection d'un produit de contraste pour faire un scanner ou une IRM. C'était faux et cela a rendu très difficile la relation des radiologues avec leurs patients ce jour-là (vendredi dernier), en faisant naître la peur d'avoir une telle allergie (ultra-rare). Cette allergie seraient plutôt consécutive à la prise d'un antibiotique dans la matinée. Le choc anaphylactique aurait pris la forme d'un œdème de Quincke qui aurait provoqué un malaise cardiaque.
 


La disparition montre à quel point il pouvait être familier. Peut-être que le meilleur rapport implicite, c'était de l'avoir toujours considéré comme un copain, un peu collant, un peu énervant, mais indispensable, attachant, comme dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" (avec le regretté Bernard Giraudeau et l'éblouissante Thérèse Liotard). L'émotion, c'est aussi parce Michel Blanc a eu l'audace d'être le premier de la bande du Splendid à sortir, à partir, sans crier gare. On est loin de la réaction à la disparition d'Alain Delon, pourtant véritable monstre du cinéma. Emmanuel Macron a parlé de Michel Blanc comme d'un « monument du cinéma français », je préciserai : un monument populaire car aimé de tous.
 


Cet humour du Splendid au cinéma, nouveau à l'époque et toujours aussi vivant, qui n'a pas pris une seule ride malgré plus de quarante-cinq ans d'âge, basé sur des chroniques sociales, des enjeux de société (vacances, amour, logement, chômage, petits boulots, etc.), après les grands comiques qui étaient partis depuis longtemps (Fernandel, Bourvil, Louis de Funès, Coluche, etc., sauf Michel Serrault). De plus, c'est rare, au cinéma, le fait d'avoir eu une troupe aussi nombreuse et aussi soudée, aussi longtemps, sans empêcher que chacun puisse avoir sa propre carrière solo en même temps.

Partenaire dans un film, Lio, qui fut la compagne de Michel Blanc au début des années 1990, a témoigné le 4 octobre 2024 sur RTL : « Michel a fait partie d’une parenthèse enchantée de ma vie. Il est vraiment dans mes meilleurs souvenirs (…). Même si je ne le voyais pas et qu’on se parlait peu, chaque fois qu’on se parlait c’était bien. Chaque fois qu’on se croisait, c’était chouette. Je suis très triste (…). C’était un compagnon attentif, qui aimait faire des surprises. La vie avec lui était surprenante. Je n’ai rencontré que des gens intéressants pendant que j’étais avec lui. Il regardait, il était intéressé, il était passionné par l’Angleterre. Il était so British ! C’était un type bien, quoi... ».


Pourtant, pas d'enfant pour Michel Blanc ; il ne se voyait pas père, il le disait : « Je ne suis pas fait pour être père. Je suis trop gosse moi-même. On ne fait pas élever un enfant par un autre enfant. ».
 


Parmi les nombreuses réactions dans les réseaux sociaux et dans les médias, je retiendrai deux extraits de l'interview intéressante de l'émission "Le Divan" diffusée sur FR3 le 11 juin 1988.

Interrogé par Henry Chapier, Michel Blanc s'est exprimé sans retenue sur la notoriété, la sienne, et celle des autres : « [Ma notoriété ?] Ça change des choses dans la vie, si ! J'espère que ça ne change pas la bête, mais ça change des choses. Parce que je peux vous dire que quand les gens vous reconnaissent dans la rue, quand les gens vous disent "J'aime beaucoup ce que tu fais, ce que vous faites", quand ils vous demandent des autographes, quand ils font tout pour vous faire plaisir quand vous entrez... C'est très injuste ! C'est très injuste ! Vous entrez dans un restaurant, il n'y a pas de place, on vous en trouve une. C'est extraordinaire ! Mais c'est vrai, c'est épouvantable ! Mais bon, moi, j'en suis ravi parce que c'est extrêmement gentil, et puis parce que ça me facilite la vie d'une manière extraordinaire. Mais il y a des moments où je suis gêné parce qu'il y a des endroits où on se dit "non, quand même pas là". Il m'est arrivé d'accompagner une amie aux urgences, dans un service hospitalier, pour un truc qui n'était pas dramatique, et d'un seul coup, de me dire "non, quand même pas là...", il ne faut pas que là, il y ait un passe-droit... Il y a peut-être un type en train de mourir sur un brancard. On ne va pas me dire "je vous en prie, j'aime bien ce que vous faites, vous voulez signer un truc pour mon fils ?". Bon, mais enfin, c'est quand même plutôt agréable en général. Donc, ça change beaucoup de choses ! Finalement, ça révèle, voilà. Ça révèle. C'est-à-dire que les gens qui sont profondément des salopards ou des cons, à partir du moment où on leur donne la possibilité d'épanouir ça, ils n'hésitent pas. Alors, j'espère ne pas tomber là-dedans. ».

Et il y a parlé aussi de son obsession de la mort : « Oui, c'est cela... La dégénérescence du corps, la maladie, tout ça, oui oui, et la mort au bout... Bien sûr, ce n'est pas une phobie, c'est une obsession. Enfin, chez tout le monde, chez tout le monde. (…) Je suis un surdoué pour ça. Mais c'est vrai que j'y pense tous les jours, un peu. Tous les jours, un peu, oui oui. Par exemple, quand je dis que je sens le besoin de travailler de plus en plus, c'est une forme d'angoisse de l'échéance. C'est qu'on va ramasser les copies, un moment... ». Vox populi, vox dei : apparemment, la copie aura une bonne note !
 


Un hommage sera rendu à Michel Blanc lors du Festival Film Courts de Dinan du 20 au 24 novembre 2024, par la projection de l'excellent film "Monsieur Hire" dont le réalisateur Patrice Leconte est également le président de ce festival.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Authentique névrosé ?
Marche à l'ombre.
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.

 




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241010-michel-blanc.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/michel-blanc-grosse-fatigue-sur-un-257158

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/10/article-sr-20241010-michel-blanc.html


 

Partager cet article
Repost0
4 octobre 2024 5 04 /10 /octobre /2024 09:36

« Putain Michel… Qu’est-ce que tu nous as fait !… » (Gérard Jugnot, le 4 octobre 2024 sur Instagram).




_yartiBlancMichel03

Le comédien Michel Blanc est mort à l'âge de 72 ans dans la nuit du 3 au 4 octobre 2024, à l'hôpital des suites d'un malaise cardiaque à son domicile. Une nouvelle qui a de quoi émouvoir de nombreuses personnes tant l'acteur était populaire.

Michel Blanc avait deux caractéristiques : il était un excellent acteur tant dans les comédies que dans les drames (ce qu'on a pu entrevoir aussi avec Coluche, avec "Tchao Pantin"), mais aussi, il fait partie des rares acteurs (il y en a quelques-uns) qui ont pu se faire une réputation également dans la réalisation de films. Il était aussi comédien au théâtre, là où il a débuté (avec la troupe du Splendid) et en même temps metteur en scène.

Le monde du théâtre et le monde du cinéma l'avaient d'ailleurs récompensé plusieurs fois : prix du scénario au Festival de Cannes en 1994, prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes en 1996, deux Césars (un du meilleur acteur dans un second rôle et 2012, un d'anniversaire avec la troupe du Splendid) et sept autres nominations aux Césars, un Molière de l'adaptateur en 2004 (et cinq autres nominations aux Molières).

À l'origine du Splendid, une bande de copains au lycée Pasteur, à Neuilly-sur-Seine.
Gérard Jugnot était à côté de Michel Blanc en classe de terminale et leur bureau était collé à celui du prof, ce qui leur permettait de chahuter sans trop se faire voir... jusqu'au jour où ils ont été pincés : « Blanc et Jugnot, plus jamais ensemble ! ». Gérard Jugnot était aussi copain avec Thierry Lhermitte lui-même copain avec Christian Clavier. Le Splendid s'est constitué rue du Faubourg Saint-Martin, à Paris, avec aussi Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel et Bruno Moynot. Du rire, des pièces de théâtre, et puis plusieurs films qui ont fait leur succès, la série des Bronzés de Patrice Leconte et "Le Père Noël est une ordure" de Jean-Marie Poiré (sorti le 25 août 1982). Ensuite, chacun est allé de son côté au cinéma et au théâtre.

Le jeu de Michel Blanc parlait à beaucoup de Français parce qu'il était avant tout un anti-héros, ou, au mieux, un individu ordinaire, monsieur tout-le-monde. Bien entendu, parce que cela lui est resté collé à la peau comme pour les autres acteurs de la série, Michel Blanc est mémorable dans "Les Bronzés" (sorti le 22 novembre 1978) et surtout, "Les Bronzés font du ski" (sorti le 21 novembre 1979) dans sa recherche pitoyable, désespérée et lourdement obsédante (presque
houellebecquienne !) de vouloir absolument "conclure" (profitant de circonstances néfastes).

_yartiBlancMichel01

Lors de retrouvailles de la bande du Splendid le 13 avril 2024, Michel Blanc expliquait à "Paris Match" : « C’est un peu tout le problème. À l’époque, on a écrit des personnages qui étaient assez proches de nous. Jean-Claude Dusse, c’était clairement pour moi, pas pour Thierry Lhermitte. J’ai très vite eu peur qu’on m’y associe toute ma vie. ». Avec ses compères, il avait une grande envie de recommencer l'aventure commune, mais absolument pas dans le cadre des Bronzés.

Heureusement, le rôle de Jean-Claude Dusse n'a pas tant que ça collé à la peau de Michel Blanc car il s'est beaucoup renouvelé. Étrangement, son seul véritable César, il l'a dû pour "L'Exercice de l'État" de Pierre Schoeller (sorti le 26 octobre 2011) dont je n'ai pas du tout apprécié la non-histoire. Certes, il faisait excellemment le directeur de cabinet du ministre, mais il a été peu servi par le scénario qui voulait en mettre plein les yeux du pouvoir sans pour autant en montrer le fond (les choses concrètes, les décisions, les difficultés de prendre des décisions, les enjeux politiques, économiques, sociaux). Je n'ai jamais compris pourquoi ce film a eu tant de bonnes critiques alors que pour mieux comprendre le mécanisme du pouvoir, "
Quai d'Orsay" de Bertrand Tavernier (sorti le 6 novembre 2013) vaut mille fois mieux (avec un autre membre du Splendid, Thierry Lhermitte). Le monde du cinéma paraît très hermétique à celui du pouvoir politique, et pour que ce soit un vrai succès, il faut que parmi les scénaristes, il y ait au moins une personne de ce monde politique, pour avoir la connaissance de l'intérieur (comme ce fut le cas pour "Quai d'Orsay" avec Antonin Baudry alias Abel Lanzac).

L'intérêt de "L'Exercice de l'État", c'est qu'on peut dire que Michel Blanc était un véritable acteur, c'est-à-dire que la personnalité se collait, s'adaptait au personnage et pas l'inverse. Il se moquait de lui-même en affirmant qu'il aimait le rôle de névrosé, comme il le reconnaissait le 12 janvier 2010 pour la sortie de "Une petite zone de turbulences" d'Alfred Lot : « Je n’aime pas les habitudes, les charentaises dans lesquelles on pantoufle, mais comment résister aux névroses, si jouissives à interpréter ? C’est comme un exorcisme. Et puis, je n’ai pas besoin de me documenter ! ».

J'écrivais
il y a deux ans : « Il y aurait en effet deux Michel Blanc… Le jeune chauve et moustachu, qui est un chauve triste, solitaire, à la limite de la dépression, en tout cas, désespéré, en opposition avec un autre chauve du Splendid, le sympa, le jovial, le collectif, le bon compagnon, qu’est Gérard Jugnot… enfin, je suis dans la caricature et je parle évidemment des rôles de Michel Blanc et pas de sa propre personnalité, c’est parfois difficile de faire la différence tant des réalisateurs utilisent justement la personnalité de leurs principaux acteurs pour raffermir les personnages de leurs fictions. Mais ce n’est pas toujours le cas, qui de l’acteur ou de son personnage l’emporte sur l’image publique ? En tout cas, il est dans la vraie vie l’hypocondriaque et l’angoissé de nombreux de ses personnages, ce qui le rend bien sûr authentique, authentiquement névrosé ! ».

Et un peu plus loin : « En tout cas, il y avait manifestement, et depuis longtemps, un second Michel Blanc qui mijotait, effectivement plus dramatique que comique, avec des personnages de plus de maturation, et le jeu de plus de maturité, presque le physique a changé, pas forcément l’âge qui enlève le lissage de la jeunesse, mais peut-être la moustache en moins et les lunettes en plus. ».

Il y a eu bien sûr de grands succès pour l'acteur et même le réalisateur, qui prenait l'audace d'évoquer la situation des SDF, l'homosexualité, les agressions sexuelles, ou d'autres sujets sociétaux rarement évoqués à l'époque au cinéma, comme notamment dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" de Patrice Leconte (sorti le 28 janvier 1981), "Marche à l'ombre" de lui-même (sorti le 17 octobre 1984), "Tenue de soirée" de Bertrand Blier (sorti le 23 avril 1986), "Grosse Fatigue" de lui-même (sorti le 18 mai 1994), etc. Il y a eu également d'autres succès avec "Papy fait de la Résistance" de Jean-Marie Poiré (sorti le 26 octobre 1983), pour un petit rôle, et "Uranus" de Claude Berri (sorti le 12 décembre 1990).

On peut aussi apprécier des rôles plus improbables de Michel Blanc, comme dans "Je vous trouve très beau" d’Isabelle Mergault (sorti le 11 janvier 2006), où il semble jouer un remake du "Bonheur est dans le pré", agriculteur en recherche de compagne après la mort de sa femme, ou dans "Les Souvenirs" de Jean-Paul Rouve (sorti le 14 janvier 2015), une adaptation très réussie de l'excellent roman de
David Foekinos, avec Annie Cordy, Mathieu Spinosi et Chantal Lauby.

De tous ses rôles, je choisirais, s'il ne fallait en choisir qu'un seul, celui de "Monsieur Hire", un film de (encore) Patrice Leconte (sorti le 24 mai 1989) : il y est un commerçant peu aimé de son quartier, solitaire, misanthrope et taciturne, tombé amoureux de sa (jeune) voisine (jouée par la succulente
Sandrine Bonnaire) qu'il espionne. Il se trouve alors entraîné dans une mécanique infernale due à son obsession. Cette adaptation de George Simenon (mort peu après la sortie du film) est particulièrement réussie, avec un flou voulu sur l'unité de temps et l'unité de lieu. Patrice Leconte avait d'ailleurs souhaité confier ce rôle à Coluche avant qu'il ne mourût. Le choix de Michel Blanc proposé par le réalisateur était donc un pari sur l'acteur. Réussi.

Ses trois derniers films sont sortis l'année dernière : "Les Cadors" de Julien Guetta (sorti le 11 janvier 2023), avec Jean-Paul Rouve, Grégoire Ludig et Marie Gillain ; "Les Petites Victoires" de Mélanie Auffret (sorti le 1er mars 2023), avec Julia Piaton, où il est un illettré qui veut retourner à l'école, et "Marie-Line et son juge" de Jean-Pierre Améris (sorti le 11 octobre 2023), avec Louane Emera et Victor Belmondo, où il est le juge.


Quitter ainsi une bande de copains. En solitaire. Michel Blanc manquera beaucoup aux cinéphiles parce qu'il était toujours à la recherche d'une permanent renouvellement. Mais son dernier rôle n'est pas terrible du tout... RIP.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (04 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Authentique névrosé ?
Michel Blanc.
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.

 







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241004-michel-blanc.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/michel-blanc-marche-a-l-ombre-257065

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/04/article-sr-20241004-michel-blanc.html

 

Partager cet article
Repost0
28 septembre 2024 6 28 /09 /septembre /2024 03:01

« Tu sais, tu es tout, Sylvia, tout ce qu'un homme peut désirer. Tu es la première femme du premier jour de la Création du monde. Tu es la mère, la sœur, l'amante, tu es le diable et tu es l'ange. Tu es la terre, le foyer... Ah, voilà : tu es le foyer ! » (Marcello Mastroianni, dans "La Dolce Vita" sorti le 5 février 1960).



 


L'acteur Marcello Mastroianni est né il y a 100 ans, le 28 septembre 1924. Il est probablement le plus grand acteur italien de tous les temps et aussi l'un des plus grands acteurs au monde. Avec près de cent cinquante films à son actif, beaucoup d'italiens mais aussi des films français, des américains, des grecs, etc., pour une carrière qui s'est étendue pendant cinquante-sept ans (de 1939 à 1996), Mastroianni a tourné dans des dizaines de films "culte" du cinéma mondial et réussissait autant dans les comédies que dans les drames. Il a donc joué dans de nombreux chefs-d'œuvre du cinéma et lui-même était un chef-d'œuvre !

Au début, il était figurant et travaillait comme géomètre du bâtiment, et c'est Luchino Visconti qui l'a véritablement "lancé" au théâtre dans deux pièces "Comme il vous plaira" (Shakespeare) créée le 26 novembre 1948 à Rome, puis "Un tramway nommé désir" (Tennessee Williams) créée le 23 janvier 1949 à Rome. C'est par le théâtre qu'il a connu Federico Fellini, mari d'une comédienne. Parallèlement, il a repris le cinéma (plus comme figurant) et ce fut rapidement la reconnaissance (avec "Jours d'amour"). Visconti lui confia un grand rôle dans "Nuits blanches", puis Mario Monicelli dans "Le Pigeon" qui lui donna une reconnaissance internationale.

Le partenaire douze fois de Sophia Loren au cinéma a reçu un très grand nombre de récompenses nationales et internationales, dont sept David di Donatello du meilleur acteur (dont deux d'honneur), sept Rubans d'argent du meilleur acteur (dont un pour un second rôle), trois prix à la Mostra de Venise (un Lion d'or, un prix de la meilleure interprétation masculine, un autre pour un second rôle) et deux prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes, deux BAFTA, un Golden Globes, une Coquille d'argent du Festival de Saint-Sébastien, etc. À cela se sont ajoutées deux nominations aux Oscars.


Atteint d'un cancer au pancréas, Marcello Mastroianni est mort le 19 décembre 1996 à Paris, à l'âge de 72 ans, entouré de son ancienne compagne Catherine Deneuve, de sa fille Chiara et de son ami Michel Piccoli. Les eaux de la fontaine de Trevi à Rome furent arrêtées à cette occasion en signe d'hommage au grand acteur et de clin d'œil à "La Dolce Vita".

À l'occasion de son centenaire, la Cinémathèque française (51 rue de Bercy, dans le douzième arrondissement de Paris), traduisant ainsi le lien très fort qu'unissait Mastroianni à la France, a organisé du 11 au 29 septembre 2024 une grande rétrospective Mastroianni, un cycle de vingt-cinq grands films de Mastroianni avec une séance d'ouverture le 11 septembre 2024 à 20 heures présentée par Chiara Mastroianni, la fille du grand acteur, pour "La Dolce Vita".
 


Voici donc la sélection du cinéma mastroiannien rediffusée par la Cinémathèque française, dans l'ordre des sorties historiques : "Nuits blanches" de Luchino Visconti (sorti le 15 septembre 1957), avec Maria Schell et Jean Marais ; "Le Pigeon" de Mario Monicelli (sorti le 24 septembre 1958), avec Claudia Cardinale, Vittorio Gassman et Renato Salvatori ; "La Dolce Vita" de Federico Fellini (sorti le 5 février 1960), avec Anita Ekberg et Anouk Aimée ; "Le Bel Antonio" de Mauro Bolognini (sorti le 4 mars 1960), avec Claudia Cardinale, Pierre Brasseur et Rina Morelli ; "La Nuit" de Michelangelo Antonioni (sorti le 1961) ; "Divorce à l'italienne" de Pietro Germi (sorti le 24 janvier 1961), avec Jeanne Moreau et Monica Vitti ; "Journal intime" de Valerio Zurlini (sorti le 6 septembre 1962), avec Jacques Perrin et Louise Sylvie ; "Huit et demi" de Federico Fellini (sorti le 14 février 1963), avec Claudia Cardinale, Anouk Aimée, Sandra Milo, Rossella Falk et Barbara Steele ; "Les Camarades" de Mario Monicelli (sorti le 25 octobre1963), avec Renato Salvatori, Annie Girardot, François Périer et Bernard Blier ; "Mariage à l'italienne" de Vittorio De Sica (sorti le 20 décembre 1964), avec Sophia Loren ;
 


"Drame de la jalousie" d'Ettore Scola (sorti le 18 janvier 1970), avec Monica Vitti et Giancarlo Giannini ; "La Femme du prêtre" de Don Mario Carlesi (sorti le 22 décembre 1970), avec Sophia Loren et Venantino Venantini ; "Liza" de Marco Ferreri (sorti le 3 mai 1972), avec Catherine Deneuve, Michel Piccoli et Corinne Marchand ; "Rapt à l'italienne" de Dino Risi (sorti le 8 mars 1973), avec Oliver Reed, Carole André, Nicoletta Machiavelli et Lionel Stander ; "La Grande Bouffe" de Marco Ferreri (sorti le 17 mai 1973), avec Philippe Noiret, Michel Piccoli, Ugo Tognazzi, Andréa Ferréol, Monique Chaumette et Bernard Ménez ; "Allonsanfàn" de Paolo et Vittorio Taviani (sorti le 6 septembre 1973), avec Lea Massari, Mimsy Farmer et Laura Betti ; "Vertiges" de Mauro Bolognini (sorti le 9 août 1975), avec Françoise Fabian, Marthe Keller, Barbara Bouchet et Lucia Bosé ; "La Femme du dimanche" de Luigi Comencini (sorti le 23 décembre 1975), avec Jean-Louis Trintignant, Jacqueline Bisset et Claudio Gora ; "Todo modo" d'Elio Petri (sorti le 30 avril 1976), avec Gian Maria Volonté, Mariangela Melato, Renato Salvatori et Michel Piccoli ; "Une Journée particulière" d'Ettore Scola (sorti le 12 août 1977), avec Sophia Loren et Alessandra Mussolini ;"La Terrasse" d'Ettore Scola (sorti le 8 février 1980), avec Jean-Louis Trintignant, Serge Reggiani, Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi ; "Fantôme d'amour" de Dino Risi (sorti le 3 avril 1981), avec Romy Schneider ; "Ginger et Fred" de Federico Fellini (sorti le 22 janvier 1986), avec Giuletta Masina et Jacques Henri Lartigue ; "Les Yeux noirs" de Nikita Mikhalkov (sorti le 9 septembre 1987), avec Marthe Keller, Elena Safonova, Vsevolod Larionov, Silvana Mangano et Pina Cei ; "Splendor" d'Ettore Scola (sorti le 9 mars 1989), avec Marina Vlady et Massimo Troisi.
 


Pour ces derniers jours, ce week-end, sont programmés le samedi 28 septembre : "La Femme du prêtre" (à 18 heures 30) et "La Femme du dimanche" (à 20 heures 45) ; et le dimanche 29 septembre : "Vertiges" (à 14 heures 30) et "Liza" (à 20 heures 00). Chapeau, maestro Mastroianni !


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.

 

Partager cet article
Repost0
27 septembre 2024 5 27 /09 /septembre /2024 03:44

« Il reste encore de grandes batailles à gagner car les êtres humains se sont déshumanisés, particulièrement dans la politique et aussi dans nos gouvernements successifs. » (Brigitte Bardot, 2014).


 


Les années passent et heureusement, les stars ne passent pas, ou pas toutes, du moins. Elle est née exactement dix ans après Marcello Mastroianni, huit jours après Sophia Loren : Brigitte Bardot fête ses 90 ans ce samedi 28 septembre 2024. Pour cette ancienne actrice au cœur du culte de la beauté et de la jeunesse, de la modernité et de l'audace, le fait de devenir une vieille dame n'est pas nouveau. Cela fait cinquante ans qu'elle est devenue une vieille dame, depuis qu'elle a arrêté sa courte et dense carrière au cinéma, une vingtaine d'années en tout.

C'était un choix, conscient, mûri, et sans doute a-t-elle dû décevoir des armées de réalisateurs qui auraient souhaité continuer à exploiter ce filon (et des bataillons de cinéphiles), d'autant plus que les années 1970 furent les plus osées et les plus chaudes du cinéma français. Brigitte Bardot devait en avoir ras-le-bol de la virilité, du machisme, et elle voyait bien ce qui l'attendait, avec l'âge et les rides, une sorte de reclassement dans des rôles de grand-mère que certaines de ses collègues ont su merveilleusement s'approprier (par exemple, la pimpante Catherine Deneuve) mais qu'elle-même ne voulait pas. Pas pour laisser une image éternelle de la jeunesse, mais parce qu'elle a saisi des choses plus importantes pour sa vie.

Changer de vie. Le destin des bébés phoques, alertée par Marguerite Yourcenar, puis, plus généralement, les animaux, la souffrance des animaux, ont eu largement gain de cause par rapport à une carrière cinématographique qu'elle ne souhaitait plus.

Malgré son enthousiasme pour Jordan Bardella et le RN aux dernières élections, on ne l'a pas entendue parmi les protestataires du nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier, mais elle aurait pu en être. Pas forcément parce qu'il n'a pas la couleur politique qu'elle aurait souhaitée, mais parce qu'il n'y a pas de ministère des animaux (d'autres protestent parce qu'il n'y a pas de ministère des personnes en situation de handicap, ni de ministère de la ville). Il faut bien dire qu'il n'y en a jamais eu mais les défenseurs des animaux militent pour qu'il y en ait un, à l'égal d'un ministère de la bouffe (euh, de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire) et d'un ministère de l'environnement.

C'est étonnant qu'un gouvernement s'occupe des humains, de la planète, de l'environnement et des plantes, mais pas spécifiquement des animaux. Certes, il y a eu déjà des sous-ministères de la biodiversité, mais rester déjà dans le basique, dans l'élémentaire : lutter contre la souffrance animale, ce qui, aujourd'hui, depuis une dizaine d'années, est reconnu juridiquement, les animaux sont des êtres sensibles. Difficile de rendre compatible cet aspect des choses avec les abattoirs, avec la viande à produire et à manger, surtout lorsqu'on doit, par compétitivité, être le moins cher, produire au moindre coût. Toujours est-il que dans la nouvelle Commission Européenne qui prendra ses fonctions le 1er décembre 2024, un commissaire européen chargé des animaux a été institué.


Tout naturellement, ce combat de Brigitte Bardot a abouti à un combat contre une certaine religion (tout le monde la connaît) qui abat rituellement les animaux sans leur empêcher la souffrance. Son combat est devenu une guerre de religion et elle a déjà été blâmée par la justice pour des propos publics qui mettaient en cause cette religion. Le droit des animaux en contradiction avec le droit de manger de la viande, mais aussi la liberté du culte. Cette société compliquée n'est faite que de contradictions, d'injonctions paradoxales multiples, et finalement, la représentation démocratique de l'Assemblée Nationale de l'été 2024 en apporte une certaine illustration.
 


En 2014, dans un bouquin sur ses "as de cœur", elle a présenté en quelque sorte son Panthéon des défenseurs des animaux. Citons quelques-unes des personnalités qui l'ont éblouies (peut-être celles-ci en seraient étonnées, sans doute elles-mêmes éblouies par l'ancien star ?).

Par exemple, Théodore Monod : « En près d'un siècle de sa riche existence, Théodore Monod rédigea près de 2 000 volumes d'œuvres scientifiques, regroupa 20 000 échantillons et enrichit notre connaissance de la flore et de la faune de respectivement 35 et 130 espèces nouvelles. Il était l'un des derniers grands voyageurs naturalistes. Son humilité ne se démentit jamais. (…) Il faisait partie de ces qui donnent une légitimité scientifique à toutes les actions en faveur des animaux et de la nature. ».

Dian Fossey : « Si elle était aussi réfractaire aux visites, c'était surtout à cause du risque de contagion des maladies humaines aux gorilles, animaux fragiles entre tous. Dans sa guerre contre les zoos occidentaux, toujours avides de les exposer ignoblement, Dian obtint quelques victoires, mais subit aussi de nombreuses défaites. (…) Le matin du 27 décembre 1985, l'étudiant américain Wayne McGuire, qui l'avait rejointe depuis peu, la découvrit morte à côté de son lit, le crâne fendu d'un coup de machette. Aujourd'hui encore, on ne sait pas qui a tué Dian Fossey ; l'hypothèse la plus probable étant bien évidemment qu'elle a été assassinée par un braconnier. ».

Saint François d'Assise : « Une histoire "écologique" avant l'heure. François reconnaît à l'animal une dignité similaire à celle de l'homme. Il attend de ses semblables qu'ils remplissent leur devoir d'assistance face aux animaux lorsqu'ils souffrent. (…) Personne mieux que saint François n'a exprimé une telle volonté de retrouver une humanité débarrassée de tout ce qui la pollue. Il refusa tout idée de pouvoir, de domination. La pauvreté pour lui n'était pas seulement une privation corporelle, mais un état d'un homme humble, dépouillé de tout désir qui empêcherait la communion parfaite avec son Créateur et avec l'univers. ».


Mylène Demongeot : « Une actrice qui a du chien ! Mylène ne s'est pas entourée d'animaux pour combler un quelconque manque affectif, argument idiot qu'on entend bien trop souvent. Non, cet engouement vient plutôt d'une vision jubilatoire de l'existence, à laquelle l'actrice a décidé de tout subordonner, bien inconsciemment sans doute, car elle a eu dans sa vie, comme tout un chacun, de quoi alimenter ses douleurs... ».

Le dalaï-lama : « Ses paroles sont douces, ses yeux extrêmement vifs savent capter au-delà des mots les ressentis de ses interlocuteurs. Il est pacifiste dans le plus profond de son cœur, vénère et respecte toute vie, humaine ou animale. Il fait du bien. ».

Paul Watson : « Watson est un homme d'action. La bureaucratie lui déplaît, comme les discours inutiles. Il ne veut pas de "campagne de sensibilisation", il ne vaut pas faire de compromis, il veut agir concrètement. (…) Les baleines... Paul les a vues mourir par centaines sous le coup des harpons et des flèches explosives. Il a entendu leur cri pareil à celui d'un être humain. Il les a vues agoniser en gémissant. Il se souvient de ce jour où un cachalot frappé à mort, au lieu de chavirer son Zodiac venu s'interposer, l'a épargné, après avoir fixé son œil sur lui, un regard qu'il n'oubliera jamais de sa vie et qui scellera sa vocation de "justicier des océans". (…) Il tire la certitude que notre monde obéit à des lois de symbiose et d'équilibre. À ses détracteurs qui l'accusent volontiers d'être un misanthrope, il répond : "Si l'on détruit les mers, on détruit l'homme". ».

Ce sera sans doute la réponse de BB à ses propres détracteurs qui la traitent de misanthropes. On ne peut pas aimer les humains sans aimer les animaux. Elle pourrait aussi citer Gandhi : « On reconnaît le niveau d’évolution d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. ». Depuis la loi n°2015-177 du 16 février 2016 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le nouvel article 515-14 du code civil précise que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité, soumis, sous réserve des lois qui les protègent, au régime des biens ». C'est une grande avancée juridique pour consacrer le statut de l'animal, même s'il y a encore beaucoup de progression à venir dans des lois à prévoir.

Le 28 septembre 2014 (il y a juste dix ans), Brigitte Bardot disait que tout restait encore à faire malgré cette loi (dont l'amendement crucial pour reconnaître l'être vivant doué de sensibilité chez l'animal a été voté le 15 avril 2014) : « Il reste encore tant à faire, tant d’horreurs. La vie des animaux n’est pas prise en considération ni leurs souffrances. Ils sont toujours considérés comme des objets de rapports et sont massacrés quotidiennement pour du fric dans la plus grande indifférence. ».


On le voit : pour Brigitte Bardot, les animaux, c'est son dada ! « Ma Fondation est le but essentiel de ma vie. J'ai tout donné pour la construire. (…) Depuis, je vis chez mes animaux. ». Eh oui, quand on a des bestioles chez soi, qui ont un nom, on sait bien qu'on n'est plus chez soi mais chez elles. J'ai connu des chats qui se choisissaient leur maison dans un quartier, ils changeaient de "propriétaires" (ou plutôt d'esclaves) au gré des déménagements des lieux !

Parce qu'elle est déjà très âgée, Brigitte Bardot a pensé à sa mort. Sa fortune irait pour sa fondation et elle serait enterrée dans sa propriété de La Madrague, dans le Var, transformée en musée : « J'ai choisi un petit coin, proche de la mer, qui a été entériné par les autorités. ». Il faut l'accord de l'État pour être enterré hors des cimetières. Elle préfère éviter le cimetière de Saint-Tropez pour laisser en paix ses parents et grands-parents. Elle enverrait ses visiteurs chez elle, dans un musée, pour alimenter financièrement sa fondation.

Dans une interview au journal "Le Parisien" le 20 septembre 2024, elle confiait qu'elle marchait maintenant très difficilement (« Je me déplace avec mes cannes anglaises. ») et qu'elle a été très affectée par la disparition de son ami Alain Delon. À 90 ans, Brigitte Bardot a consacré 50 ans aux animaux et 20 ans au cinéma. Rappelons-nous... Et BB créa Saint-Tropez ! Vidéo.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Brigitte Bardot.
Marcello Mastroianni.
Jean Piat.
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
Charlie Chaplin.







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240928-brigitte-bardot.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/et-dieu-crea-les-animaux-et-256755

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/26/article-sr-20240928-brigitte-bardot.html



 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2024 1 23 /09 /septembre /2024 02:50

« Nous, acteurs, avons la chance de nous amuser avec la mort avant de la connaître. » (Jean Piat, interrogé par Barbara Théate, "Journal du dimanche", le 31 janvier 2016).


_yartiPiatJean01

S’amuser avec la mort avant de la connaître… Hélas, maintenant, Jean Piat la connaît. Depuis ce mardi 18 septembre 2018 à Paris. À cinq jours seulement de son 94e anniversaire. Jean Piat était un comédien immense. Une diction parfaite, un regard perçant, une présence captivante. Il était sociétaire de la Comédie-française du 1er septembre 1947 au 31 décembre 1972. Il est parti tôt de lui-même de la Comédie-française (à l’âge de 48 ans) parce qu’il considérait que la troupe devait se renouveler régulièrement et faire la place aux jeunes… et aussi, choisir lui-même la date de son départ avant d’être remercié par le conseil d’administration.

Il a commencé le 7 mai 1945 à l’âge de 20 ans dans un petit rôle dans la pièce "Ruy Blas" de Victor Hugo mise en scène par Pierre Dux. Pendant ses premières années de théâtre, il a joué dans de nombreuses pièces mises en scène par Pierre Dux. Pas étonnant que Pierre Dux fût pour lui un mentor, un maître. Si je voulais faire un mauvais jeu de mot, je dirais que ce n’est plus "Fiat lux" mais "Piat Dux" !

Au théâtre, Jean Piat a joué au moins 900 fois, il a joué de très nombreux rôles comme Alceste, Cyrano de Bergerac (rôle dont il était le plus fier), Don Quichotte, etc., avec de grands auteurs comme Victor Hugo, Edmond Rostand, Marivaux, Beaumarchais, Musset, Labiche, Mérimée, Tristan Bernard, Molière, Paul Claudel, Fernand Ledoux, Montherlant (dans le rôle d’un personnage très misogyne), Feydeau, Giraudoux, Shakespeare, Courteline, Jules Romains, Guitry, Cocteau, etc. Il a beaucoup travaillé avec certains metteurs en scène comme Pierre Dux, Jean Meyer, etc. Il a aussi fait un peu de mise en scène (une vingtaine de pièces). Sa dernière prestation était très récente puisque c’était l’année dernière, en 2017, à la Comédie des Champs-Élysées.

Pour Jean Piat, il ne s’agissait pas de se mettre dans la peau d’un personnage, mais que ce personnage se mît dans sa peau : « Un personnage est un être vivant, qui est inclus dans les feuilles d’une brochure, mais c’est quand même un être vivant. (…) Donc, le personnage vivant vient à travers vous. La rencontre entre le personnage et vous, ça donne le personnage et ça donne l’être vivant sur scène qui intéresse plus ou moins le spectateur. On se rend service l’un l’autre, si je puis dire. En tant qu’acteur, on profite de la qualité d’un personnage. Vous ne me ferez pas jouer un personnage que je n’aime pas. Ce n’est pas possible. » ("Télérama", octobre 2016). Le personnage qui est fait pour lui, c’est quand il y a : « Une certaine vérité, une certaine bonne humeur. ».

Il s’est toujours interrogé sur l’intérêt du public pour les drames alors que les comédies sont relayées hors du champ culturel, dans les "théâtres de boulevard" à l’appellation péjorative : « C’est respecté, beaucoup plus qu’une scène de rire. Le rire n’est pas respecté au théâtre, alors que le drame est respecté. (…) C’est plus difficile de faire rire que d’attirer l’attention sur un drame quelconque. (…) Pourquoi on respecte moins le vaudeville que la tragédie ? On ne sait pas. Il n’y a de réponse, pas de réponse logique, pas de réponse rationnelle. » ("Télérama", octobre 2016).

Jouer, toujours jouer. Le 25 janvier 2016, Jean Piat l’avouait comme un fin gourmet : « Je joue, parce que quand je ne joue pas, j’ai l’impression d’être privé de dessert ! » (AFP). Il a joué dans une vingtaine de films au cinéma, mais son rendez-vous avec le cinéma fut raté, au contraire d’un comédien comme Claude Rich. Jean Piat a fait du cinéma alimentaire au début de sa carrière pour augmenter ses fins de mois. Mais quand il est sorti de la Comédie-française, il avait déjà presque 49 ans, c’était déjà âgé pour commencer à faire du cinéma au milieu des années 1970. Il avait laissé passer un grand moment de cinéma dans les années 1960. On ne lui avait alors proposé aucun grand rôle et le terrain était déjà occupé par de grands acteurs comme Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Jean Marais, etc.

Jean Piat a aussi pas mal joué pour la télévision française. D’ailleurs, sa notoriété auprès du grand public, il l’a acquise principalement dans deux rôles qu’il a joués pour des séries télévisées : Lagardère (pas Arnaud mais Henri de Lagardère !), une série de six épisodes créée par Marcel Jullian reprenant le roman de Paul Féval ("Le Bossu") et sa suite, diffusée sur la première chaîne de l’ORTF du 20 septembre 1967 au 25 octobre 1967, et Robert III d’Artois, le personnage éclatant de l’adaptation télévisée du fameux roman de Maurice Druon, "Les Rois maudits", série de six épisodes aussi, réalisée par Claude Barma dans une adaptation de Marcel Jullian, diffusée du 21 septembre 1972 au 24 janvier 1973 sur la deuxième chaîne de l’ORTF. Lorsque cette série a été rediffusée un peu plus tard, je l’avais adorée, comme tous les passionnés d’histoire de France.

La sortie des "Rois maudits" fut très importante pour Jean Piat : « Cela a été énorme. J’ai reçu ça comme la vague de l’océan qui vous balance quand vous êtes en train de mettre les pieds dans l’eau pour voir si elle est fraîche ou chaude. Plouf ! Je suis devenu un acteur vedette sans le vouloir, sans le savoir, sans m’en rendre compte (…). J’ai été le premier surpris de l’énorme succès. Dès le premier soir où il y a eu une projection à la Maison de la Radio, Chancel est arrivé vers moi : "C’est formidable !". (…) Je ne me rendais pas compte à quel point cela a eu un impact sur le public. » ("Télérama", octobre 2016). Mais il n’a pas eu d’autres rôles importants à la télévision après ce succès.

Je reviens sur ce rendez-vous raté avec le cinéma. Jean Piat a eu ce regret, mais pas très grave selon lui : « J’ai vécu de cela et j’ai pensé que cette réussite à la télévision allait m’amener au cinéma. Pas du tout. C’était le contraire, car le raisonnement était simple. Si l’on vous voit à la télévision gratuitement, il sera plus difficile après d’imposer votre présence dans un film au cinéma payant. Les gens vont payer leur place alors qu’ils vous voient à la télévision gratuitement. (…) Le cinéma n’est pas venu à moi parce que je ne suis pas allé à lui. En réalité, aux tréfonds de moi, maintenant, cela ne m’ennuie pas gravement, sinon que j’aurais voulu trouver un rôle, une fois. » ("Télérama", octobre 2016).

Sa notoriété, c’était aussi sa voix, au-delà de sa présence scénique. La voix, il l’a utilisée en particulier pour le personnage principal (Peter O’Toole) du film "Lawrence d’Arabie" (sorti le 10 décembre 1962), et pour la double série de films "Le Seigneur des Anneaux" et "Le Hobbit" (entre 2001 et 2014), pour le personnage de Gandalf (Ian MacKellen).

Au-delà de la scène, Jean Piat s’est mis à écrire, une quinzaine d’ouvrages, dont trois récompensés par l’Académie française, et cette passion de l’écriture lui a beaucoup plu : « C’est la solitude. La solitude me plaît avec des personnages que vous réinventez, que vous faites revenir à la surface. (…) C’étaient mes espaces entre deux pièces. » ("Télérama", octobre 2016).

Il a eu cette passion de l’écriture quand il a rencontré Françoise Dorin, auteur dramatique, qui est devenue sa compagne dans la vie à partir de 1975, et jusqu’à sa mort, le 12 janvier 2018, là aussi à quelques jours de son anniversaire (le 23 janvier 2018, elle aurait eu 90 ans). Les deux sont partis la même année, à quelques mois d’intervalle…

Jouer la mort : « Jouer une scène de mort, c’est merveilleux. Tout le monde vous écoute comme si c’était la leur qu’il voyait déjà ou qu’il prévoyait déjà. (…) Brusquement, il y a un silence, une épaisseur extraordinaire et on vit aussi bien de l’effet comique que du silence. Et un silence épais, pourquoi ? (…) parce qu’il y a un respect de la mort, d’une part, et qu’on a l’impression, quand on a joué, qu’ils pensaient à la leur sans le vouloir en voyant celle jouée par un autre, et après on se relève, le rideau tombe, et hop, on est vivant ! C’est bien, c’est une résurrection. C’est pourquoi les scènes de mort, c’est un régal ! » ("Télérama", octobre 2016).

Pour rendre hommage à Jean Piat, je propose ici les deux célèbres séries citées, une fable ("Les Animaux malade de la peste"), récitée le 5 avril 1980 à la télévision suisse (RTS), et surtout, un entretien inédit, savoureux, au Théâtre des Bouffes Parisiens avec la journaliste Fabienne Pascaud en octobre 2016 que "Télérama" vient de mettre en ligne pour rendre hommage au comédien disparu.


1. Entretien avec Fabienne Pascaud en octobre 2016






2. Une fable de La Fontaine sur la RTS le 5 avril 1980






3. "Les Rois maudits" (1972), premier épisode, mis en ligne par l’INA






4. "Lagardère" (1967)





















Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean Piat.
Maurice Chevalier.
Vanessa Marquez.
Micheline Presle.
Pauline Lafont.
Marie Trintignant.
Philippe Magnan.
Louis Lumière.
Georges Méliès.
Jeanne Moreau.
Louis de Funès.
Le cinéma parlant.
Charlie Chaplin.
Annie Cordy.
Johnny Hallyday.
Pierre Bellemare.
Meghan Markle.

_yartiPiatJean03



https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240923-jean-piat.html

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/23/article-sr-20240923-jean-piat.html




 

Partager cet article
Repost0
20 septembre 2024 5 20 /09 /septembre /2024 04:07

« Un gentleman, c’est quelqu’un qui est capable de décrire Sophia Loren sans faire de geste. » (Michel Audiard).



 


La célèbre actrice franco-italienne Sophia Loren fête ses 90 ans ce vendredi 20 septembre 2024. 90 ans ! Elle, si synonyme de jeunesse ! Dans un documentaire réalisé par Julia Bracher en 2018 qui sera diffusé sur Arte le jeudi 26 septembre 2024 à 15 heures 20, on voit au début Sophie Loren dire, dans sa resplendissante jeunesse : « Je veux être actrice, pas pin-up. (…) J'espère pouvoir être actrice jusqu'à 90 ans. ».

Mission presque réussie, puisque l'actrice, qui a commencé en 1950 (elle avait alors 16 ans), a tourné pendant la pandémie de covid-19 pour un film sorti le 6 novembre 2020, "La Vie devant soi" d'Edoardo Ponti, le fils de l'actrice, dans une adaptation du roman de Romain Gary (son rôle Madame Rosa), une prestation qui a reçu de très positives appréciations des critiques, du public (succès commercial) et des récompenses : « Je reçois toujours beaucoup de scénarios, mais aucun ne m'ont parlé comme celui de "La Vie devant soi". C'est pour cela que je n'ai pas travaillé pendant presque dix ans. Je voulais trouver un rôle qui m'inspirait et me stimulait vraiment. Madame Rosa est ce personnage, non seulement pour ces émotions différentes et parfois contradictoires, mais aussi pour les messages de tolérance, d'amour et d'inclusion que le film transmet. » dit-elle le 13 novembre 2020, ajoutant une explication plus précise le 8 mars 2021 : « Le rôle de Madame Rosa me rappelle beaucoup ma mère : cette irrévérence, cette force, mais également cette fragilité et cette sagesse. Avec ce film, j'ai l'impression que la boucle est bouclée car il a réuni les deux choses qui me sont le plus chères : ma famille et mon métier. ».


En soixante-dix ans de carrière, elle a tourné près de quatre-vingt-dix films. Elle est d'ailleurs l'actrice italienne la plus récompensée de l'histoire : une Coupe Volpi de la meilleure actrice à la Mostra de Venise 1958, un prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 1961, un César d'honneur 1991, un Ours d'or d'honneur à la Berlinale 1994, un Oscar de la meilleure actrice 1962, un Oscar d'honneur 1991 (attribué à « l'un des véritables trésors du cinéma mondial qui, dans une carrière riche de performances mémorables, a ajouté un éclat permanent à notre art »), six Golden Globes, une étoile sur le Walk of Fame de Los Angeles, neuf David di Donatello de la meilleure actrice, deux Rubans d'argent de la meilleure actrice, et d'autres prix encore à Moscou, Istanbul, Montréal, Trencianske Teplice, Saint-Sébastien, Kiev, etc.

Son physique entier a évidemment fait chavirer de nombreux hommes. Mais ce qui frappe avant tout, c'est sa personnalité, son audace, son émancipation de femme sensuelle. De grande taille, se sentant plus napolitaine qu'italienne, belle-sœur d'un fils de Mussolini (sa sœur a épousé le troisième fils du dictateur fasciste, ce qui fait que Sophia Loren est aussi la tante d'Alessandra Mussolini, petite-fille du duce, femme politique et actrice, chanteuse, mannequin), elle a bravé l'Italie très puritaine et très catholique (qui interdisait à l'époque le divorce) pour se marier avec l'homme de sa vie, le producteur Carlo Ponti (1912-2007), déjà marié, qui ont vu leur mariage mexicain être annulé, puis qui ont dû prendre la nationalité française dans les années 1960 pour pouvoir se marier après une reconnaissance du divorce de Carlo Ponti. Ils sont restés mariés jusqu'à la mort de son mari, habitant en Suisse à partir de 2006. L'actrice est aussi une passionnée de cuisine et une férue de peinture (la collection du couple comptait environ cent cinquante toiles de grands peintres dont une de Francis Bacon vendue aux enchères en 2007 pour près de 21,2 millions d'euros). Carlo Ponti a connu Sophia à l'âge de 16 ans (lui en avait 37), et l'a introduite dans le monde du cinéma.

Malgré un physique attractif, Sophia Loren, qui soutient le déballage MeToo au cinéma, a déclaré n'avoir jamais eu de problème de harcèlement : « Je suis une personne, pas une minijupe. Je n'aime pas blaguer là-dessus. Oui, je suis d'accord avec #MeToo car nous sommes des personnes, pas des objets. », a-t-elle fait remarquer le 23 octobre 2020, tout en faisant part de son expérience à Hollywood où elle était considérée comme une femme objet. Elle a même été agacée par l'artiste Andy Warhol qui l'a qualifiée de "bombe sexuelle" : « Je ne suis pas une bombe sexuelle ! Je suis une actrice sérieuse. ».

 


Ses partenaires de cinéma furent Gregory Peck, Cary Grant (dont elle fut brièvement amoureuse), Marlon Brando, Charlton Heston, Paul Newman, Richard Burton, Richard Harris, Burt Lancaster, James Coburn, O. J. Simpson, etc. ...et bien sûr Marcello Mastroianni qui fut son partenaire habituel dans les films réalisés par Vittorio De Sica. Elle a raconté bien plus tard, le 14 octobre 2015 : « À chaque fois que l'on me demandait de tourner avec Marcello, je disais "Oui, oui, oui" sans même lire le scénario. Parce-que je savais qu'avec lui, tout se passerait bien. Parce-qu'il me connaissait et je le connaissais. Son sens de l'humour. Son sens de l'improvisation. Il n'apprenait jamais ses textes, jamais. Parfois, il arrivait sur un plateau avec les yeux ronds et il disait : "Que dois-je dire maintenant ?" et je lui disais : "Non, c'est ton problème, tu aurais dû te réveiller un peu plus tôt ce matin et apprendre tes lignes". Il y avait toujours cette petite blague entre Marcello et moi mais, évidemment, quand tu travailles avec un tel partenaire pendant vingt ans, tu le connais comme un frère, un mari, un tout. Tout se passait bien. Et je lui faisais tellement confiance parce-qu'il était un excellent acteur. Il savait toujours ce qu'il faisait, mais il faisait toujours semblant de ne pas savoir, et j'adorais ça. ».


Sans être exhaustif, on peut citer cinq grands films qui ont fait la réputation de Sophia Loren, à commencer par "Mariage à l'italienne" de Vittorio De Sica (sorti le 20 décembre 1964, il y a soixante ans), belle comédie théâtrale avec Marcello Mastroianni dans une fresque amoureuse sur une vingtaine d'années, avec des retours en arrière. Sophia Loren joue Filumena, la prostituée "récupérée" par un rentier Domenico mais ce dernier, coureur de jupon, n'a attiré Filumena chez lui que pour faire la bonniche et l'aide-soignante d'une mère impotente. Bien entendu, elle ne se laisse pas faire et réussit à obtenir le mariage qui sera annulé (on voit aussi que c'était l'époque où elle était entre un mariage annulé et un nouveau mariage valide).
 


Il y a aussi "La ciociara" de Vittorio De Sica (sorti le 22 décembre 1960), avec Jean-Paul Belmondo et Eleonora Brown, qui a valu à Sophia Loren l'Oscar de la meilleure actrice et le prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes (elle joue une veuve et son adolescente qui fuient Rome bombardée en 1943) ; "La chute de l'Empire romain" d'Anthony Mann (sorti le 24 mars 1964), avec Alec Guinness, Stephen Boyd et James Mason, péplum à gros budget qui évoque la période des empereurs Marc-Aurèle et Commode ; "Arabesque" de Stanley Donen (sorti le 5 mai 1966), avec Gregory Peck et Alan Badel, et "Une journée particulière" d'Ettore Scola (sorti le 17 mai 1977), avec Marcello Mastroianni (et aussi Alessandra Mussolini adolescente dans ce film antifasciste qui se passe en 1938, celle-ci joue la fille de Sophia). Sophia Loren y a reçu un David di Donatello de la meilleure actrice principale (comme pour "La ciociara", "Mariage à l'italienne", "Une journée particulière" et "La vie devant soi"), un Golden Globe de la meilleure actrice et un Ruban d'argent de la meilleure actrice (comme pour "La ciociara").
 


À propos de ce dernier film, Ettore Scola a expliqué le choix de Sophia Loren en juin 1977 dans "Le Cinéma italien" : « Au départ, j'étais fort réservé à l'égard de Sophia : les prestations auxquelles elle avait été soumise n'étaient point là pour confirmer le choix de cette actrice comme protagoniste de "Una giornata particolare". Cependant, lorsque je l'ai connue personnellement, j'ai vu qu'elle était très différente du modèle proposé au public. (…) En fait, que sait-on ? Que c'est une femme agressive, non seulement physiquement mais comme façon de dire les répliques d'un film et comme manière de vivre certains sentiments. (…) Au contraire, Sophia Loren est très différente de cela, elle est introvertie, elle est très timide à sa façon, elle est malheureuse, et donc elle ressemble à l’Antonietta du film. (…) Il y a une profonde mélancolie à l'intérieur d'elle-même. (…) J'ai donc compris que je pouvais l'utiliser autrement. Par contre, pour Marcello je n'avais aucun doute, j'avais déjà travaillé avec lui, je l'avais toujours vu dans des interprétations pour le moins dignes et parfois très belles. En somme, mon intention était de proposer Mastroianni et Loren hors des schémas à l'intérieur desquels ils ont été utilisés, hors de cette glorification du sexe qui est une des conditions du marché cinématographique. (…) Ainsi, le discours du marché cinématographique ressemble étrangement à celui qu'il y a dans "Una giornata particolare" : les deux personnages sont victimes eux aussi d'un autre marché, le marché fasciste qui vendait l'idéologie du mâle supérieur et l'idéologie de la femme subalterne et soumise. » (cité et probablement traduit par Wikipédia).


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Sophia Loren.
Lauren Bacall.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240920-sophia-loren.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/90-bougies-pour-sophia-loren-256474

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/20/article-sr-20240920-sophia-loren.html




 

Partager cet article
Repost0
15 septembre 2024 7 15 /09 /septembre /2024 03:37

« Pour moi, une légende c'est quelque chose qui n'est pas sur cette Terre, qui est mort. »


 


Une légende, donc. Et aussi un sacré regard, Le Regard ("The Look"), celui du visage baissé d'une timide qui vous regarde vers le haut, et puis une voix reconnaissable... et toujours une légende. Mais elle rejetait le terme : « S'il y a une chose que je n'ai jamais été, c'est mystérieuse, et s'il y a une chose que je n'ai jamais faite, c'est me taire ! ». L'actrice américaine Lauren Bacall est née il y a 100 ans, le 16 septembre 1924, à New York (dans le Bronx). Elle est morte peu avant ses 90 ans, il y a un peu plus de dix ans, le 12 août 2014, toujours à New York (à Manhattan, près de Central Park), des suites d'un AVC. Pour l'ensemble de sa carrière, Lauren Bacall a reçu un César d'honneur en 1996 et un Oscar d'honneur en 2009 (les Français auraient-ils été plus vite reconnaissants que les Américains ?).

La "petite fille du Bronx" s'appelait en fait Betty Joan Perske, fille d'origine roumaine par sa mère (dont le nom de jeune fille était Weinstein-Bacal) et d'origine polonaise par son père, cousine de l'ancien Président de l'État d'Israël (et Prix Nobel de la Paix) Shimon Peres (Szymon Perski), qu'elle n'a rencontré pour la première fois que dans les années 1950. C'est Howard Hawks qui lui a fait changer de nom mais elle n'aimait pas Lauren et ses amies l'ont toujours appelée Betty.

Ancienne mannequin, remarquée à l'âge de 19 ans à la une d'un magazine par Nancy Hawks, la femme du réalisateur, elle a crevé le grand écran et fait partie des stars de l'âge d'or de Hollywood. Ses partenaires au cinéma étaient autant des légendes qu'elle : Humphrey Bogart (qui fut son premier mari, ou elle sa dernière épouse, tremblante à son seul regard ; couple modèle à Hollywood avec deux enfants), Gary Cooper, Gregory Peck, Kirk Douglas, Henry Fonda, Paul Newman, John Wayne, Jack Nicholson, etc.

 


Dès l'âge de 17 ans, elle a aussi joué dans des pièces de théâtre et des comédies musicales à Broadway. Elle a quitté la Californie pour New York après la mort de son mari Humphrey Bogart et de sa courte idylle avec Frank Sinatra (elle allait devenir la reine de Broadway pour sa seconde carrière). Elle a effectivement failli se marier avec Frank Sinatra qui l'a abandonnée après lui avoir proposé le mariage (la rupture s'est faite au téléphone !). À New York, elle s'est remariée avec un autre acteur qu'elle a quitté ensuite après quelques années à cause de son alcoolisme. Elle est l'auteure de deux autobiographies qui ont marqué, publiées en 1979 puis 1994. Elle y a raconté notamment : « À 32 ans [à la mort de Bogart], j'ai eu le sentiment affreux que ma vie était terminée. Jusqu'alors, j'avais toujours pu compter sur la présence de ma mère ou de Bogie. À présent, j'étais seule. ».

Une carrière passant de Broadway à Hollywood et réciproquement. Les réalisateurs qui ont eu la chance de pouvoir bénéficier de son talent d'actrice étaient également de "grands" réalisateurs, à commencer par Howard Hawks, mais aussi John Huston, Michael Curtiz, Vincente Minnelli, Douglas Sirk, Lars Von Trier, etc.


Ce qui était fascinant, c'est que même très âgée, Lauren Bacall avait encore cette grâce et ce charme, cette beauté, que les rides peut-être même accentuaient : « Je pense que l'ensemble de votre vie se voit sur votre visage et vous devriez en être fier. ». D'ailleurs, si elle a tourné une cinquantaine de films, la moitié l'a été après ses 60 ans, montrant qu'elle n'était pas simplement une jeune et belle femme, mais aussi une femme plus mûre, plus mature, et toujours aussi souriante. Elle a tourné jusqu'en 2011, elle avait 86 ans !
 


Son style était, selon l'expression de Norbert Creutz dans "Le Temps", « celui de la blonde intelligente à qui on ne la fait pas », ajoutant qu'elle « impose une assurance amusée de vamp (on se souvient de son fameux "Si vous avez besoin de moi, vous n'avez qu'à siffler") ». Ce même journaliste osa écrire : « Même une fois sa beauté envolée, elle garda une classe extraordinaire. ».

En 1996-1997, Lauren Bacall (mais qu'allait-elle faire dans cette galère ?) a joué dans le très mauvais et très prétentieux film de Bernard-Henri Lévy aux côtés d'Alain Delon et Arielle Dombasle ("Le Jour et la Nuit", sorti le 12 février 1997). Alain Delon avait été très ému de côtoyer Lauren Becall, tant elle lui inspirait du respect. Les deux acteurs se sont tout de suite apprivoisés, selon les termes du supposé réalisateur et supposé philosophe.

Heureusement, ce n'était pas sur ce super-navet que Lauren Bacall a bâti sa notoriété. Celle-ci, elle le craignait, a commencé parce qu'elle était l'épouse de son mari, Humphrey Bogart, et elle craignait de n'être que "la femme de". La mort brutale et rapide de Bogart a changé la tournure de sa carrière, préférant Broadway à Hollywood. Femme libre et indépendante, et néanmoins sensuelle et presque cliché.


Ses grands films n'ont finalement pas été si nombreux que cela. Je n'oserai pas chercher l'exhaustivité, mais on peut citer : "Le Port de l'Angoisse" de Howard Hawks (sorti le 20 janvier 1945), avec des relations tellement fluides entre elle et Bogart, couple au cinéma et à la ville (entre 1945 et 1957), d'après un roman d'Ernest Hemingway ; "Le grand sommeil" de Howard Hawks (sorti le 31 août 1946), avec Bogart  ; "Key Largo" de John Huston (sorti le 31 juillet 1948), toujours avec Bogart, aussi avec Claire Trevor ; "La Femme aux chimères" de Michael Curtiz (sorti le 9 février 1950), avec Kirk Douglas et Doris Day ; "Écrit sur du vent" de Douglas Sirk (sorti le 6 octobre 1956), avec Rock Hudson, Robert Stack et Dorothy Malone ; "La Femme modèle" de Vincente Minnelli (sorti le 16 mai 1957), avec Gregory Peck et Dolores Gray ; "Le crime de l'Orient-Express" de Sidney Lumet (sorti le 22 novembre 1974), avec Albert Finney, Ingrid Bergman, Jacqueline Bisset, Sean Connery, Jean-Pierre Cassel, Martin Balsam, Anthony Perkins, etc. ; "Prêt à porter" de Robert Altman (sorti le 23 décembre 1994), avec Marcello Mastroianni (dont c'est bientôt le centenaire également), Sophia Loren, Kim Basinger, Anouk Aimée, Jean-Pierre Cassel, Julia Roberts, etc., où elle campe une ancienne directrice de magazine de mode ; "Leçons de séduction" de Barbra Streisand (sorti le 15 novembre 1996) qui lui valut une nomination aux Oscars et le Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle.
 


J'ai gardé pour la fin celui qui m'a paru peut-être le meilleur, d'un humour un peu cynique, avec "Comment épouser un millionnaire ?" de Jean Negulesco (sorti le 4 novembre 1953), où une "bande" de trois femmes amies (Lauren Bacall, Marilyn Monroe et Betty Grable) échafaude des stratagèmes pour trouver un futur mari très riche (mais où richesse et amour ne sont pas au rendez-vous en même temps). Lauren Bacall joue la femme plutôt sérieuse et rationnelle, c'est-à-dire calculatrice (mais elle tombe amoureuse d'un supposé pompiste, ce qui n'entre pas dans ses objectifs initiaux !), tandis que les deux autres sont plutôt fleurs bleues.

La chaîne franco-allemande Arte propose la diffusion d'un documentaire sur Lauren Bacall ce lundi 16 septembre 2024 à partir de 22 heures 50, "Lauren Bacall, ombre et lumière" par Pierre-Henry Salfati (2017), qu'on peut aussi voir en fin d'article.



Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (14 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Lauren Bacall.
Maurice Jarre.
Vera Miles.
Alain Delon.
Pierre Richard.
Marianne Faithfull.
Pierre Perret.
Anouk Aimée.
Marceline Loridan-Ivens.
Édouard Baer.
Françoise Hardy.
Charles Aznavour.
Alain Souchon.
Patrick Bruel.
Frédéric Mitterrand.
Fanny Ardant.
Alain Bashung.
Alain Chamfort.
Sophia Aram.
Plastic Bertrand.
Micheline Presle.
Sarah Bernhardt.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Marlène Jobert.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240916-lauren-bacall.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/lauren-bacall-la-femme-fatale-256644

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/15/article-sr-20240916-lauren-bacall.html



 

Partager cet article
Repost0


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).