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3 avril 2024 3 03 /04 /avril /2024 04:30

« La cause de son décès reste inexpliquée (…). Aucune hypothèse ne peut être privilégiée. » (Jean-Luc Blachon, le procureur d'Aix-en-Provence, le 2 avril 2024).


 


Triste journée de Pâques qui aurait dû être la fête de la Résurrection et qui n'est que la confirmation de la mort. Depuis le 8 juillet 2023, le petit Émile Soleil était porté disparu. Un garçon de 2 ans et demi, plein de vie, déjà tout d'un petit homme potentiel. Aucune trace, aucun indice, et même si le temps, surtout pour un enfant de cet âge, ne pouvait que faire grandir le pessimisme, il y avait toujours l'espoir qu'il fût enlevé et qu'il soit toujours vivant. Hélas, ce dimanche 31 mars 2024, les analyses ADN ont parlé et ont confirmé la mort du petit garçon, après que des ossements avaient été retrouvés par une randonneuse la veille. Le crâne et les dents appartiennent bien à l'enfant.

Ces restes ont été retrouvés dans un lieu boisé très escarpé, difficile d'accès, à seulement 1,7 kilomètre du petit village (hameau) où il séjournait avec ses grands-parents, le Haut Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence, soit à 25 minutes de marche à pied d'adulte. Quelques-uns de ses vêtements ont été retrouvés par la suite, à 150 mètres du lieu où se trouvaient les ossements. La gendarmerie continue à fouiller les lieux pour tenter d'établir ce qui s'est réellement passé.

Dans sa conférence de presse du 2 avril 2024, le procureur de la République d'Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon, a admis que tout reste possible sur la cause de la mort d'Émile. Ce qui aurait pu passer pour une nouvelle affaire Grégory pourrait n'être qu'un très malheureux accident.

Pour le procureur, les trois hypothèses sont encore en études, celle de la mort accidentelle par l'enfant lui-même, celle de l'homicide involontaire (un accident de circulation, voire de moissonneuse), et celle du meurtre. Mais la possibilité d'un meurtre devient de plus en plus faible car le crâne n'aurait reçu aucun coup, il aurait été à cet endroit depuis longtemps (ces restes n'ont pas été amenés pour Pâques, juste après une reconstitution, ou plutôt, "mise en situation", rassemblant dix-sept personnes, famille et voisinage, le 28 mars 2024), et présente des traces de morsures qui semblerait être provoquées par des animaux sauvages. Tout laisse entendre que le malheureux Émile ait chuté et que des animaux ou l'eau l'aient transporté plus loin, disséminant restes et affaires. Certes, dans d'autres disparitions, le meurtrier a déjà laissé un corps sans vie, sans l'enterrer, et c'est pour cela qu'il faut garder cette prudence qui n'est pas que verbale. Ainsi, la porte-parole de la gendarmerie Marie-Laure Pezant a déclaré le 31 mars 2024 sur BFMTV : « Il y a la possibilité que ces ossements aient été amenés par une personne, par un animal ou par des conditions météo qui ont pu modifier la zone. ».


Ce n'est pas, hélas, impossible qu'après une chute, dans un relief particulièrement difficile, une personne disparaisse pendant un temps long, voire n'est jamais retrouvée (auquel cas on ne pourrait pas dire s'il s'agissait d'une chute). C'était le cas de la jeune actrice Pauline Lafont, qui avait, à 25 ans, tout son avenir devant elle, promis d'être radieux, et qui a disparu le 11 août 1985 en faisant (seule) une randonnée dans les Cévennes. Comme elle était attendue en Suisse, elle fut recherchée, sur alerte de sa mère, Bernadette Lafont, dès la fin d'après-midi, mais les recherches n'ont pas abouti. Elle a été finalement découverte le 21 novembre 1988, à moitié décomposée, par un berger. Elle avait fait une chute de dix mètres qui l'a tuée sur le coup, et était restée au fond du ravin plus de trois mois, tandis que son frère avait déposé une plainte contre X pour arrestation arbitraire et séquestration et que l'emballement médiatique a fait éclore toutes sortes de thèses parmi les plus fantaisistes.
 


Depuis quelques jours, des détails particulièrement morbides sont développés ad nauseam par certaines chaînes d'information continue sans délicatesse et sans particulièrement de raison sinon de faire de l'audience. Comme lors d'autres tragédies, catastrophes, attentats, etc., il faut toujours penser à la famille, aux proches des victimes. Bien sûr, il faut déterminer la cause du décès, pour savoir si une main humaine en est la cause, volontaire ou involontaire, c'est le rôle de la société, des autorités, de la police (et gendarmerie) et de la justice.

Je pense avant tout aux parents d'Émile, à ses grands-parents, dont la peine infinie les traumatisera de manière irréversible. C'est ce que dit aussi Jérôme Triomphe, l'avocat des parents d'Émile, lors de l'annonce du 31 mars 2024 : « Si cette nouvelle déchirante était redoutée, l’heure est au deuil, au recueillement et à la prière (…). Les enquêteurs continuent leur travail dans le nécessaire secret de l’instruction pour que puissent être découvertes les causes de la disparition et de la mort d’Émile. ». La route du village a été coupée à la circulation pour permettre de continuer les recherches dans les meilleures conditions. Adieu, p'tit bout d'chou souriant !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La nuit d'Émile Soleil.
Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?

 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240331-emile.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-nuit-d-emile-soleil-253962




 

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26 mars 2024 2 26 /03 /mars /2024 04:41

L'ancienne candidate à l'élection présidentielle a prétendu qu'il y avait un lien direct entre le glyphosate et les perturbateurs endocriniens et l'augmentation du nombre d'enfants trans.


 


On pourrait bien invoquer le très classique naufrage de la vieillesse dénoncé par De Gaulle dans ses mémoires à propos de Pétain qu'il connaissait bien pour avoir travaillé avec lui, mais la réalité, c'est que si naufrage il y a (et c'est le cas), cela date de bien plus longtemps que cette vieillesse qui arrive. Ségolène Royal, perpétuelle dame sautillant dans les médias malgré ses 70 ans passés (elle les a eus le 22 septembre dernier), n'a jamais cessé de dire n'importe quoi et chaque embardée médiatique me confirme dans ce choix évident que j'ai eu de n'avoir jamais glissé un bulletin portant son nom dans une urne. Ce qui n'est pas le cas de près de 16,7 millions de mes contemporains (à eux : je ne vous félicite pas !).

Depuis quelques semaines, comme Roselyne Bachelot, mais pas en même temps (à ma connaissance), Ségolène Royal, qualifiée de « finaliste de la présidentielle » (comme si l'élection présidentielle était une compétition sportive), émarge à BFMTV. Officiellement, elle est devenue papoteuse attitrée de quelques soirées plateau sur BFMTV. Une joie pour celle qui aime bien mettre son grain de sel sur beaucoup de sujets (je ne la blâmerais pas là-dessus, j'ai aussi cette fâcheuse manie).

Cependant, cette soirée du mardi 19 mars 2024, elle aurait probablement mieux fait d'être silencieuse, car elle s'est surpassée dans le n'importe-quoi, et même dans le plus-que-n'importe-quoi ! Un intervenant (fort sympathique) et une animatrice (faussement éberluée) ont un peu réagi mais trop mollement pour que les affirmations de Ségolène Royal puissent être stoppées net avant l'arrivée dans le cerveau des téléspectateurs. Non seulement Ségolène Royal a dit n'importe quoi, mais elle a ouvert une porte jusque-là jamais ouverte (ni même imaginée) d'un nouveau complotisme, celui du gang du glyphosate !


De quoi s'agit-il ? Le sujet était le changement de sexe et cette idée sage que cette transformation irréversible ne devrait pas se faire avant l'âge de 18 ans. C'est une proposition loi qui va bientôt être déposée par des sénateurs LR inquiets de la hausse croissante des demandes de changement de sexe chez les enfants et les adolescents. Le sujet est donc les enfants transgenres et pas l'écologie (je précise pour ce qui vient).

Ségolène Royal est favorable à cette proposition de loi (présentée par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d'Oise et ancienne maire de Saint-Gratien) : « Je pense en effet que c'est une bonne décision d'interdire les changements quand les enfants sont mineurs. La preuve, c'est qu'ensuite, il peut y avoir des regrets. Et il faut une certaine maturité, ou alors il faut un accompagnement médical, avec une décision médicale, mais je pense en effet que les sénateurs ont raison sur ce point. ». Mais avant ce soutien, elle a balancé une affirmation complètement erronée (et choquante).


Je laisse Ségolène Royal s'exprimer : « Il ne faut pas oublier que l'augmentation de ces cas, vous savez à quoi il [sic] est dû ? Aux perturbateurs endocriniens. Et ça, c'est insuffisamment dit. (…) Ah oui, c'est prouvé ! Mais bien sûr, le glyphosate et tous les perturbateurs endocriniens bouleversent... (…) le cycle hormonal. Et donc, il y a cette incertitude, il y a ces bouleversements hormonaux, et d'ailleurs, dans les territoires où il y a une utilisation du glyphosate massive et des pesticides massifs [sic], l'âge de la puberté des petites filles commence parfois à 8-9 ans. Donc, il y a une perturbation, il ne faut pas cacher ce phénomène-là, liée aux pollutions et aux perturbateurs endocriniens, qui sont aussi dans l'alimentation, qui sont aussi dans les produits de nettoyage... Donc, cette question-là, vous allez voir, elle va revenir sur le devant de l'actualité parce qu'il y a un lien très direct. ».

Après la stupeur (ai-je bien entendu ce que j'ai entendu ?!), les réactions ont oscillé entre tristesse de la pauvreté du débat public, la colère de laisser la parole à tant d'indigence et l'hilarité pour se payer une fois encore la tête de la mère Ségo ! (qui n'en est pas à sa première tentative, comme écrit plus haut). Même les associations de défense des LGBT+ se sont fâchées par ces propos totalement irresponsables qui nient finalement l'idée que les enfants transgenres seraient spécifiquement différents des autres et laissent entendre qu'ils ne seraient victimes simplement que d'une pollution extérieure. Un peu comme, il y a une cinquantaine d'années, lorsque certains considéraient que l'homosexualité était une maladie et qu'il fallait de la charité pour ceux qui en seraient malheureusement atteints. La sénatrice écologiste Mélanie Vogel a été particulièrement dégoûtée par ces propos : « Franchement, c'est insupportable. On peut écouter des personnes qui savent ce que c'est une personne trans plutôt que Ségolène Royal qui raconte juste absolument n'importe quoi ? ».

Dans les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter, les internautes ne l'ont évidemment pas ratée. Un premier a dit : « Venant d'une menteuse professionnelle payée par l'industrie agroalimentaire... ça ne manque pas de pesticides crasses dont vous êtes coutumière. Merci de votre bêtise. ». Ce qu'un deuxième a approuvé à sa manière, plus cavalier : « La Royal a sans aucun doute abusé de bon nombre de substances bizarres de chez Monsanto/Bayer pour avoir les tuyaux de la soupière dézingués à ce point là... On la fait redescendre, ou on la laisse collée là-haut ? ». Un troisième a remarqué avec pertinence : « L'excitation de la présentatrice du jeu qui sait qu'elle tient une phrase de "Ségolène" qui va faire mouche... Incroyable... ». Ce qui a fait réagir : « Bah, c'est pour la même raison qu'on donne la parole à des NVB, Philippot et compagnie. Ce sont des bons clients. Va y avoir une punchline, une absurdité, bref, du buzz. ».

Un quatrième internaute a asséné : « Vu les dégâts réalisés en Poitou-Charentes, je ne comprends toujours pas qu’elle soit encore invitée à s’exprimer. ». Plus ironique, une cinquième a lancé : « Elle s’est fiancée avec Francis Lalanne ??? ». Un sixième : « Mais quand tous ces médias populo-populistes vont-ils arrêter d’inviter tous ces has-been qui n’ont apparemment plus leur tête ? ». Un septième, plus vache : « À quel moment s'est-elle dit : je vais faire mieux que le Titanic en terme de naufrage ? ». Plus soupçonneux, un huitième n'a pas hésité à faire des comparaisons osées : « Elle n'est plus très loin des mollahs iraniens qui rendaient les femmes adultères responsables des tremblements de terre. ». Un neuvième éberlué : « Alors là, nous sommes passés dans une autre dimension ! ». Un dixième a décliné la bravitude : « GLY---PH0---SA---TUDE ! ».

Plus précis, un onzième internaute a rappelé : « L'Agence européenne des produits chimiques et l'Autorité européenne de sécurité des aliments ont évalué les preuves disponibles et ont conclu que le glyphosate ne satisfaisait pas aux critères scientifiques pour être classé comme perturbateur endocrinien. ». Un douzième tout aussi précis : « La perturbation endocrinienne est un cut off au niveau de l'EFSA qui rassemble les études sur les pesticides. Si des études fournies ou indépendantes avaient montré le moindre effet PE du glyphosate, il n'aurait pas été réautorisé. Il faut que Ségolène arrête le lait de soja ! ». Très factuel aussi, un treizième a émis une hypothèse, très importante pour le raisonnement scientifique : « C'est parfois à l'adolescence que la quête de changement de genre se manifeste. Les perturbateurs endocriniens sont soupçonnés de favoriser la précocité de l'adolescence. Ça suffit à Ségo pour confondre Concomitance, Corrélation et Causalité. ». Un quatorzième, plus clinique, a tenté l'explication médicale : « Je me demande à quel moment son cerveau a décroché. Serait-ce l'onde de choc de la présidentielle perdue qui la travaille encore ? Elle quand même devenue très bizarre. ».


Un quinzième a lâché sa colère : « Un festival, dans nos médias. Et après, on aura droit à des chroniqueurs et journalistes "étonnés" par les résultats des sondages concernant les différentes théories du complot. Ils participent à la désinformation, c'est dramatique. ». Tandis qu'un seizième était très inquiet : « Alors là c'est officiel, on a totalement et Royalement perdu Ségolène et aucun avis de recherche n'est lancé ! ».
 


Le plus intéressant est sans doute ceux qui argumentaient sur le fond. Un autre internaute a ainsi pensé que l'ancienne ministre de l'écologie a confondu ses lectures car les études scientifiques évoquent des mollusques devenant hermaphrodites à la suite d'une exposition à des perturbateurs endocriniens. En particulier, on peut retrouver les détails dans la publication scientifique qu'il propose, celle de la chercheuse allemande Michaela Tillmann et al., "Effects of endocrine disruptors on prosobranch snails (Mollusca: Gastropoda) in the laboratory. Part III: Cyproterone acetate and vinclozolin as antiandrogens", éditée en décembre 2001 dans la revue "Ecotoxicology" (vol. 10, p373-388).

Je cite la fin du résumé de cette publication : « Each group of endocrine disruptors induces a characteristic set of toxicological effects in prosobranch snails which can be used as endpoints in an organismic invertebrate test for the identification of endocrine mimetic test compounds. Estrogens cause primarily an induction of superfemales resulting in an increased female mortality by the enhancement of spawning mass and egg production. The main effects of androgens are a virilization of females by imposex development and a marked decrease of the fecundity. Compared with estrogens and androgens, the antiandrogen responses seem to be less drastic and might have--in contrast to the two other disruptor classes--no biologically significant effects at the population level. ».

Traduction approximative : « Chaque groupe de perturbateurs endocriniens induit un ensemble caractéristique d'effets toxicologiques chez les mollusques prosobranches qui peuvent être utilisés comme paramètres dans un essai sur des organismes invertébrés pour l'identification de composés de test mimétique endocrinien. Les œstrogènes provoquent principalement une induction de superfemelles, ce qui entraîne une mortalité accrue des femelles par l'amélioration de la masse reproductrice et de la production d'œufs. Les principaux effets des androgènes sont une virilisation des femelles par développement de l'imposex et une diminution marquée de la fécondité. Comparées aux œstrogènes et aux androgènes, les réponses antiandrogènes semblent moins drastiques et pourraient n'avoir, contrairement aux deux autres classes de perturbateurs, aucun effet biologiquement significatif au niveau de la population. » [Certains escargots de mer femelles (gastéropodes) développent des caractéristiques sexuelles mâles à la suite d'une exposition au TBT (tributylétain). On appelle ce phénomène "imposex". ; le terme "superfemelle" est utilisé pour désigner une femelle ayant le syndrome chromosomique triple X].

Du reste, la chaîne BFMTV a fait son travail, même si on peut la suspecter de faire du buzz, car le 21 mars 2024, elle a interrogé le professeur Jean-Claude Carrel, chef du service d'endocrinologie pédiatrique à l'hôpital Robert-Debré à Paris, qui a rétabli la vérité scientifique : « La transidentité est la différence entre l’identité de genre et le sexe chromosomique, génétique. Mais lorsqu’on évalue le profil hormonal des personnes transgenre et de celles qui ne le sont pas, il n’y a pas de différence. Même chose au niveau génétique (…). Les mécanismes de la transidentité ne sont pas connus. Il n’y a pas de base biologique connue. ». Et de clarifier : « Actuellement, aucune donnée solide ne relie l’exposition aux perturbateurs endocriniens à l’âge du début de la puberté, nous sommes au niveau de la suspicion. Il y a un constat que cet âge avance. D’autres facteurs pourraient jouer un rôle comme la nutrition. (…) Le début de la puberté est une notion très variable. On estime que le développement des seins se fait entre 8 et 13 ans; il y a donc 5 ans de variation d'amplitude. ».

Jean-Claude Carrel a estimé que, de façon générale, « les perturbateurs endocriniens peuvent jouer un rôle, ils peuvent être l'un des cofacteurs, mais ne sont pas les seuls responsables » du déclenchement de la puberté. En revanche, il a affirmé : « Sur le plan épidémiologique, il existe des données solides qui lient les perturbateurs endocriniens au risque de cryptorchidie, c’est-à-dire de testicules mal descendus, ou d’hypospadias, une malformation qui touche le pénis. », ce qui n'a absolument rien à voir avec la transidentité.

De même, le 22 mars 2024, "20 Minutes" a contacté le sociologue Arnaud Alessandrin, spécialiste de la jeunesse et des identités de genre : « Il n’y a clairement aucun lien établi entre les perturbateurs endocriniens et le nombre d’enfants trans. Rien dans la littérature scientifique ne permet de l’affirmer. (…) Des modifications dans la sexuation peuvent apparaître chez les animaux (…). Mais chez les humains, l’identité de genre signifie le sentiment d’être un genre ou un autre. La traduction à l’humain est de ce point de vue impossible. (…) Ce mouvement [qui affirme un lien de causalité entre perturbateurs et transidentité] va considérer que l’identité de genre relève de la perturbation. C’est une vision pathologisante, de l’ordre de la suspicion. On considère qu’il n’est pas normal que les jeunes se déclarent trans. ».

L'ancienne ambassadrice des pingouins, qui officie également chez Cyril Hanouna, a bien compris qu'elle avait fait une grosse boulette et a fait du rétropédalage le 21 mars 2024 sur son compte Twitter, bien obligée d'en convenir même si sa grande mauvaise foi lui interdit de le reconnaître ouvertement : « Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit, je n'ai même pas évoqué "le nombre d'enfants trans". J'ai parlé de l’âge de la puberté, fragilisé quand il est impacté par les perturbateurs endocriniens (…). La brièveté de mes propos a pu porter à confusion et je m’en excuse auprès de ceux qui les ont honnêtement mal interprétées. J’ai toujours combattu les théories médicalisées de l’identité de genre, qui me font horreur, comme mes amis le savent. ». Et d'ajouter : « Les accusations de transphobe, proférées ici ou là, sont non seulement diffamatoires mais blessantes car volontairement malhonnêtes. ». Ce que je sais, c'est que lorsqu'on est poli et qu'on s'exprime correctement, on ne s'excuse pas soi-même mais on demande à être excusé par ceux que les propos ont choqués. En tout cas, la France est revenue de loin, le 6 mai 2007 (« En avant vers de nouvelles victoires ! »).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 mars 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Ségolène Royal et la boulimie médiatique du plus-que-n'importe-quoi.
Ségolène Royal, candidate de l’écologie intégrale en 2022 ?
Ségolène Royal et la baisse du chômage…
Ségolène Royal, adepte de la castritude aiguë.
Ségolène Royal et l’écotaxe.
Ségolène Royal avant la primaire socialiste de 2011.
Procédés égyptiens : le débat rayonnant sur le nucléaire.
Intégralité du débat Sarkozy vs Royal le 2 mai 2007.
Ségolène Royal et la démocratie participative.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240319-segolene-royal.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/segolene-royal-et-la-boulimie-253732



 

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2 février 2024 5 02 /02 /février /2024 04:01

« Hybristophilie : déviation sexuelle dans laquelle la personne est attirée par des criminels, assassins et meurtriers. » (provenant du grec hybrizo, ὑϐριζω, "commettre un outrage contre quelqu'un", et philo, φιλω, "aimer").




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Précédemment, j'ai évoqué la figure de l'abbé Pierre qui avait 41 ans au moment de lancer son fameux appel pour venir en aide aux sans-abri. 41 ans, c'est l'âge que va avoir Nordahl Lelandais dans quelques semaines (le 18 février 2024), mais la comparaison s'arrêtera évidemment là. L'un est le symbole de la bonté et de la générosité, bonté et générosité efficaces, une personnalité qui a su faire du bien à grande échelle, voire à l'échelle industrielle (Emmaüs). L'autre, au contraire, est l'un des symboles de ce qu'il y a de pire chez l'humain, de l'horreur, de la brutalité et surtout, de la mort, du chagrin infini des familles.

Je voudrais revenir sur un fait récent concernant ce multi-meurtrier.

Rappelons d'abord très rapidement qui est cet homme : Nordahl Lelandais a été condamné le 11 mai 2021 par les assises de Chambéry à vingt ans de réclusion criminelle dont quatorze ans de sûreté pour le meurtre d'Arthur Noyer (23 ans), disparu dans la nuit du 11 au 12 avril 2017 à Chambéry et dont le corps a été retrouvé le 7 septembre 2017 à Montmélian, et il a ensuite été condamné le 18 février 2022 par les assises de Grenoble à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de vingt-deux ans pour le meurtre de Maelys de Araujo (8 ans), disparue dans la nuit du 26 au 27 août 2017 à Pont-de-Beauvoisin et dont le corps a été retrouvé le 14 février 2018 dans la Chartreuse.

Pour ces deux meurtres, Nordahl Lelandais a reconnu devant la justice avoir été à l'origine de la mort de ses victimes, respectivement le 14 février 2018 (Maelys) et le 6 avril 2018 (Arthur Noyer). Au-delà de ses aveux, des éléments matériels ont établi sa culpabilité (des traces de sang dans la voiture et la géolocalisation des téléphones mobiles, très efficace pour retrouver un itinéraire).

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Par ailleurs, Nordahl Lelandais a été condamné le 12 janvier 2024 par le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières d'une peine d'un an de prison pour l'agression sexuelle sur l'une de ses petites-cousines en mars 2017.


La police enquête encore et a même rouvert des affaires déjà classées concernant une vingtaine de disparitions mystérieuses pour vérifier si Nordahl Lelandais pouvait en être l'auteur. Pour l'instant, aucun élément ne semble l'accuser, mais c'était par cette méthode que le meurtre d'Arthur Noyer a été résolu, après avoir enquêté sur lui pour le meurtre de la petite Maelys.

Tout cela est très glauque, même si les circonstances des meurtres ne sont pas bien claires, puisque le meurtrier nie toute motivation sexuelle, mais celle-ci n'est pas à exclure. Après ses deux procès aux assises, Nordahl Lelandais est désormais incarcéré à la prison d'Ensisheim, entre Colmar et Mulhouse, en Alsace.

L'information la plus récente a été donnée par "Le Parisien" le 12 janvier 2024 et reprise en une par la chaîne d'information continue BFMTV le 15 janvier 2024. Cette chaîne, spécialisée dans les faits-divers les plus glauques et sordides, n'hésite pas à en faire des tonnes sur tout ce qui a rapport avec des affaires criminelles qui, par définition (il suffit de voir le succès des romans policiers et des séries policières à la télévision), font de l'audience : « Le détenu, qui purge une peine de prison à perpétuité pour les meurtres du caporal Arthur Noyer et de Maëlys de Araujo, a eu un petit garçon avec sa compagne il y a deux mois. ».

Évidemment, les familles des deux victimes ont exprimé leur colère en apprenant qu'on pouvait être un double meurtrier condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de vingt-deux ans et pouvoir concevoir un enfant, donc, avoir des rapports sexuels avec une femme en prison.

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Disons-le tout de suite : la naissance d'un être humain, quelles qu'en soient les conditions, est pour moi toujours l'œuvre
d'une grâce infinie. De plus, dans tous les cas, l'enfant qui vient de naître, même si, avouons-le, il commence un peu difficilement dans la vie, est innocent, vierge, blanc de toute tache paternelle, il n'est responsable d'aucun crime commis par son père, et j'espère pour lui que son existence trouvera la voie du bonheur et de la félicité. Je lui souhaite surtout de la discrétion médiatique pour qu'il puisse se construire hors de l'ombre d'un père forcément absent.


Si on fouille un peu le sujet, on apprend vite que Nordahl Lelandais avait bénéficié dans sa prison de Saint-Quentin-Fallavier (en Isère), depuis 2020, de la disposition d'une unité de vie familiale, un espace permettant au détenu d'avoir l'intimité requise pour des relations amoureuses. Son ancienne compagne et visiteuse de prison, Élisabeth (50 ans), que le meurtrier a ensuite larguée (à la fin de décembre 2021), a reconnu le 13 janvier 2022, devant la police, lui avoir fourni en septembre 2021 deux smartphones (en plastique, indécelables dans les portiques), ainsi que, selon "Le Dauphiné libéré", « deux chargeurs, trois cartes SIM, deux grammes de cocaïne et du rhum » (une enquête est donc en cours). L'ex-compagne l'avait aussi accompagné à l'enterrement de son père en janvier 2021 (il avait alors obtenu la permission de sortir de sa prison).

Et le 28 avril 2022, shocking ! Nordahl Lelandais a été pris en flagrant délit, surpris en plein ébat sexuel dans une salle de parloir, considérée comme un lieu public et donc ces relations ont été qualifiées d'exhibition en public. Avec qui ? Avec une nouvelle compagne, mais ce qui est troublant, c'est que c'était sa première visite, elle a longtemps correspondu avec le meurtrier et a mis beaucoup de temps pour obtenir l'autorisation de le visiter.

On voit bien qu'il n'y a pas de réel isolement du détenu puisque des relations sexuelles peuvent avoir lieu, avec des femmes différentes d'ailleurs. Il n'est donc pas étonnant qu'il puisse ainsi devenir père. Si je comprends la réaction scandalisée des familles des victimes, je le suis moins sur le fait de cette paternité-là, même si je subodore qu'il ne devait pas nécessairement y avoir de projet parental de sa part et que son objectif aurait été plutôt de satisfaire ses besoins primaires (mais ça ne regarde que lui). Cette information pose en fait deux (autres) problèmes.

Le premier, ce sont les conditions carcérales. La France n'est pas au mieux avec la manière dont elle détient ses condamnés, à cause en particulier de la surpopulation carcérale. Certaines prisons sont particulièrement vétustes et le scandale vient plus des conditions d'incarcération dans lesquelles l'hygiène minimale n'est pas assurée, que du confort qu'on permet aux détenus. C'est vrai que les programmes électoraux qui visent à construire plus de prisons ne font pas rêver, on préfère construire des écoles, des hôpitaux et des salles de spectacle. Il y a une quarantaine d'années, une polémique avait éclaté lorsque la gauche a voulu introduire la télévision dans les cellules des prisons (sous réserve de payer une redevance, comme à l'hôpital ou dans les EHPAD !)... Il n'y a plus de bagne ni de galère, et l'idée de prison est à la fois de punir selon une échelle des peines, mais aussi d'envisager une réinsertion après la détention, horizon difficilement accessible pour des condamnés à la réclusion à perpétuité, j'en conviens.

Le second problème est, ici, pour moi, le plus troublant. Être criminel, avoir tué, notamment une petite fille, est un élément qui attirerait donc certaines femmes. Une source d'admiration. C'est plus qu'inquiétant. C'est ainsi que BFMTV a sorti ce moche mot d'hybristophilie : le fait d'aimer des criminels. Quand on lit des livres très précis sur certaines affaires criminelles (il y a plein d'histoires de criminels dans la littérature), on s'aperçoit assez rapidement que lorsqu'il est incarcéré, puis condamné, le meurtrier voire l'assassin reçoit parfois des contacts de personnes intéressées à nouer une relation avec lui. Il n'y a d'ailleurs pas forcément de sexe particulier, le criminel peut être une criminelle, elle attirera aussi des visiteurs de la même sorte (on préférera alors le terme d'enclitophilie). L'hybristophilie et l'enclitophilie peuvent être aussi appelées "syndrome de Bonnie et Clyde".


On lit du reste sur Wikipédia que Landru, qui avait assassiné onze femmes, avait reçu en prison plus de quatre mille lettres enflammées dont huit cents demandes en mariage de femmes séduites par l'abominable et le glauque. On voit donc que cette déviance affective n'est pas nouvelle. Le site donne aussi l'exemple de Monique Olivier, compagne mais aussi complice du pédomeurtrier Michel Fourniret, dont le procès vient d'avoir lieu ; elle a été condamnée le 19 décembre 2023 par les assises de Nanterre à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de vingt ans pour la complicité de l'enlèvement, du viol et du meurtre de trois jeunes filles dont Estelle Mouzin, 9 ans (Monique Olivier a rencontré Michel Fourniret pour la première fois en prison, condamné par la cour d'assises de l'Essonne à sept ans de prison dont deux avec sursis, pour des viols et agressions sexuelles).

Ce n'est pas nouveau, mais c'est peut-être de plus en plus visible. Dans la société, chez certains, la violence est une caractéristique essentielle, et si elle s'exprime dans la vie réelle, elle est un danger immédiat pour tout le monde. C'est le double enjeu pour la société : éduquer les jeunes pour réduire la violence et leur donner d'autres modes d'expression ; assurer un réel suivi psychologique de ceux pour qui la violence est un mode de vie.



Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (27 janvier 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Nordahl Lelandais, sa paternité et l'hybristophilie.
L’autojustification de la nouvelle prison de Nancy.
Émotion nationale pour Alexandra Sonac et sa fille Camille.
Violences urbaines : à quoi s'attendre pour la fête nationale ?
Soutien total à Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.
Nahel n'était pas un ange : et alors ?
La société de vigilance et le faux Xavier Dupont de Ligonnès.
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
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7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


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https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/nordahl-lelandais-sa-paternite-et-252575

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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 17:19

« Nous ne savons pas si la situation mondiale est seulement désespérante ou vraiment désespérée. » (Edgar Morin, le 22 janvier 2024 dans "Le Monde").





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Le sociologue et philosophe centenaire Edgar Morin a marqué de son empreinte intellectuelle (et probablement carbone) cette journée du lundi 22 janvier 2024 en publiant dans "Le Monde" une tribune intéressante où il a dressé un tableau apocalyptique de la situation mondiale, non sans y apporter une petite raison d'espérer pour autant. À plus de 102 ans et demi, le multiécrivain étonne par son tempérament éveillé, toujours à l'affût de la course du monde, qu'il sait complexe et c'est même cette complexité qui angoisse et désespère.

Dans cette chronique, il n'y va pas par quatre chemins. En plus de tous les soucis de notre temps, depuis deux ans, deux guerres graves pouvant s'étendre se sont ajoutées aux autres crises, la guerre en Ukraine, bien sûr, et la guerre entre Israël et le Hamas.

Dans son diagnostic, ces deux conflits ont des effets majeurs. L'Ukraine : « Cette guerre a déjà des conséquences considérables : l’autonomisation diversement avancée du Sud par rapport à l’Occident et le resserrement d’un bloc Russie-Chine. ». Israël-Hamas : « C’est une leçon tragique de l’histoire : les descendants d’un peuple persécuté pendant des siècles par l’Occident chrétien, puis raciste, peuvent devenir à la fois les persécuteurs et le bastion avancé de l’Occident dans le monde arabe. ». Personnellement, je trouve le mot "Occident" trop flou et hétérogène, car le mot suppose un clivage entre ce qu'il représente (on y met ce qu'on veut) et le reste du monde.


Mais il n'y a pas que ces deux conflits comme problèmes mondiaux : « Ces guerres aggravent la conjonction de crises qui frappent les nations, entretenues par l’antagonisme virulent entre trois empires : les États-Unis, la Russie et la Chine. Les crises s’entretiennent les unes les autres dans une sorte de polycrise écologique, économique, politique, sociale, civilisationnelle qui va s’amplifiant. ».

En particulier, la crise écologique a des conséquences graves : « L’hégémonie d’un profit incontrôlé (cause majeure de la crise écologique) accroît les inégalités dans chaque nation et sur toute la planète. Les qualités de notre civilisation se sont dégradées et ses carences se sont accrues, notamment dans le développement des égoïsmes et la disparition des solidarités traditionnelles. ». C'est aussi une crise des démocraties : « La démocratie est en crise sur tous les continents : elle se voit de plus en plus remplacée par des régimes autoritaires, qui, en disposant des moyens de contrôle informatique sur les populations et les individus, tendent à former des sociétés de soumission qu’on pourrait appeler néototalitaires. La mondialisation n’a créé aucune solidarité et les Nations Unies sont de plus en plus désunies. ».

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Dans le schéma d'Edgar Morin, le progrès scientifique, loin d'avoir élevé la pensée, l'a au contraire réduite : « Notons, ce qui est difficile à concevoir, que le progrès des connaissances, en les multipliant et en les séparant par des barrières disciplinaires, a suscité une régression de la pensée, devenue aveugle. Lié à une domination du calcul dans un monde de plus en plus technocratique, le progrès des connaissances est incapable de concevoir la complexité du réel et notamment des réalités humaines. Ce qui entraîne un retour des dogmatismes et des fanatismes, ainsi qu’une crise de la moralité dans le déferlement des haines et des idolâtries. ».


D'où la grande probabilité d'autres catastrophes humaines, car il n'y a plus « d'espoir prévisible ». La réflexion du philosophe place la situation actuelle dans un parallélisme avec la situation des années 1930 en Europe, avant la guerre mondiale. Ce qui laisse finalement une porte de sortie : « Cela signifie qu’il faut, avec ou sans espérance, avec ou sans désespérance, passer à la Résistance. (…) Nous ne sommes pas actuellement sous une occupation militaire ennemie : nous sommes dominés par de formidables puissances politiques et économiques et menacés par l’instauration d’une société de soumission. Nous sommes condamnés à subir la lutte entre deux géants impérialistes et l’éventuelle irruption guerrière du troisième. Nous sommes entraînés dans une course vers le désastre. ».

Et la résistance revêt plusieurs forme, dont la plus importante, celle de l'esprit : « Elle nécessite de résister à l’intimidation de tout mensonge asséné comme vérité, à la contagion de toute ivresse collective. Elle nécessite de ne jamais céder au délire de la responsabilité collective d’un peuple ou d’une ethnie. Elle exige de résister à la haine et au mépris. Elle prescrit le souci de comprendre la complexité des problèmes et des phénomènes plutôt que de céder à une vision partielle ou unilatérale. Elle requiert la recherche, la vérification des informations et l’acceptation des incertitudes. ».


Après avoir promu, de manière un peu utopique (ou incantatoire) la fraternité, la vie et l'amour (« La résistance préparerait les jeunes générations à penser et à agir pour les forces d’union de fraternité, de vie et d’amour (…), contre les forces de dislocation, de désintégration, de conflit et de mort. »), le grand écrivain a terminé sa tribune sur une note finalement d'espoir, que tout n'était pas perdu ; qu'il restait quelques étincelles pour retrouver la lumière : « Les tunnels ne sont pas interminables, le probable n’est pas le certain, l’inattendu est toujours possible. ».

Edgar Morin, au soir de vie, ferait-il du catastrophisme ? Peut-être. Peut-être que le catastrophisme, au même titre que l'alarmisme, cela pourrait conduire à mieux faire prendre conscience des enjeux actuels et à plus faire réagir. Malheureusement, le catastrophisme écologique, on l'a vu, a été très contre-productif dans les cinquante dernières années, au point que l'exagération a entraîné, chez certains, un déni bien commode pour continuer très égoïstement un mode de vie aujourd'hui inadapté.

L'athée rejoint ici le croyant : oui, lutter contre les haines, et surtout, aimer, sera une partie des solutions aux problèmes humains complexes d'aujourd'hui. Mais ce ne sera certainement pas suffisant : la Nature, la planète, l'environnement, eux, semblent en revanche bien indifférents à notre amour...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (22 janvier 2024)
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Pour aller plus loin :
Edgar Morin : "Nous allons vers de probables catastrophes" !
Edgar Morin, 102 ans et toute sa vie !
Edgar Morin sur France Inter (à télécharger).
Les 100 ans d’Edgar Morin.
Le dernier intellectuel ?
La complexité face au mystère de la réalité.
97 ans.
Introducteur de la pensée complexe.
"Droit de réponse" du 12 décembre 1981 (vidéo INA).
Université d’été d’Arc-et-Senans avec Edgar Morin le 9 septembre 1990 (vidéo INA).

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240122-edgar-morin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/edgar-morin-nous-allons-vers-de-252673

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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 17:47

« Mon message pour la communauté éducative, c'est que je serai une ministre à fond, une ministre à fond avec eux, une ministre à fond derrière eux, absolument déterminée, mais ça ne veut pas dire être H24 derrière le dos de chacun. Il y a une confiance, il y a des expertises, il y a des expériences, il y a des projets qui sont engagés, il y a toute cette énergie au cœur du service public de l'enseignement auquel je vais m'appuyer pour aller vite, faire bien les choses. Et je démontrerai à chacun de ces acteurs ma disponibilité auprès d'eux. » (Amélie Oudéa-Castéra, le 12 janvier 2024 à Andrésy).



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Il y a eu trop peu de femmes nommées à des postes ministériels importants pour ne pas saluer le 11 janvier 2024 la nomination de la Ministre des Sports du précédent gouvernement, à savoir Amélie Oudéa-Castéra (45 ans) comme super Ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (ouf). Depuis 2017, la Jeunesse a été rattachée à l'Éducation nationale (le service civique par exemple), et depuis 2024, donc, les deux ministères ont été collés (dans le passé, les Sports et la Jeunesse ont souvent été associés). L'objectif déclaré était de réduire le nombre de ministres (c'est sans précédent sous la Cinquième République, seulement onze ministres de plein exercice), et c'est très pertinent d'associer le sport à l'école dans une société qui bouge de moins en moins à cause des écrans.

On présentait généralement Amélie Oudéa-Castéra comme une ancienne championne (de tennis) lorsqu'elle est arrivée au Ministère des Sports en 2022 (déjà pressentie en 2017 et 2018), parce que c'est assez fréquent, depuis Georges Pompidou, de nommer des sportifs de haut niveau à cette fonction (on peut citer Pierre Mazeaud, Alain Calmat, Roger Bambuck, Guy Drut, Jean-François Lamour, Bernard Laporte, Chantal Jouanno, David Douillet, Laura Flessel, Roxana Maracineanu, etc.).

Pourtant, la carrière sportive d'Amélie Oudéa-Castéra a été très courte, de 1992 à 1996 (elle a arrêté à l'âge de 18 ans pour faire des études), et son meilleur niveau au tennis fut la 251e place mondiale en mai 1995. En revanche, elle n'est pas "que cela" ! Elle a suivi par la suite des études brillantes : Sorbonne, IEP Paris, ESSEC et ENA (même promotion qu'un certain Emmanuel Macron), et elle n'est pas n'importe quelle énarque, elle est sortie dans la botte, à la Cour des Comptes. C'est donc avant tout une magistrate de la Cour des Comptes (conseillère référendaire depuis avril 2007), en d'autres termes, une haut fonctionnaire, et donc, diriger un ministère, quel qu'il soit, est une fonction à laquelle elle était préparée.

Toutefois, elle a définitivement démissionné de la fonction publique en juin 2018 pour se consacrer à des activités dans le privé au sein du groupe Axa (notamment directrice de la planification stratégique). En 2018, elle a refusé la proposition d'être nommée directrice générale de l'Agence national du sport par un autre magistrat de la Cour des Comptes, un certain Jean Castex, alors président de cette agence. Elle a pris des responsabilités dans le groupe Carrefour, également Plastic Omnium, a été nommée directrice générale de la Fédération française de tennis en février 2021. Elle est l'une des rares au gouvernement qui a pu dire qu'en y entrant, elle divisait par dix sa rémunération.

En outre, Amélie Oudéa-Castéra est dans un environnement CSP++, à savoir, qu'elle est la nièce des deux éditorialistes Alain Duhamel et Patrice Duhamel, cousine du journaliste Benjamin Duhamel, et son second mari (depuis juillet 2006),, Frédéric Oudéa, polytechnicien et énarque, était le président-directeur général de la Société Générale de mai 2008 à mai 2023 (président en fait seulement entre mai 2009 et mai 2015), désigné à la suite de l'affaire Jérôme Kerviel, et maintenant, il est président de Sanofi.

Son premier déplacement comme Ministre de l'Éducation nationale, qui était aussi le premier déplacement du Premier Ministre Gabriel Attal (et ancien Ministre de l'Éducation nationale) après la nomination de son gouvernement, a été dans le collège Saint-Exupéry, à Andrésy, dans les Yvelines, le vendredi 12 janvier 2024 après-midi, après le premier conseil des ministres. C'était l'occasion, pour ces deux dirigeants politiques, de réaffirmer que l'école était la première priorité du gouvernement.

Toutefois, Amélie Oudéa-Castéra, qui a montré pourtant son sens politique dans le précédent gouvernement dirigé par Élisabeth Borne, a commis une maladresse qui risque de devenir comme le sparadrap du capitaine Haddock. À la question de ses enfants (elle en a trois) qui sont scolarisés dans une école privée (le lycée Stanislas), au lieu de répondre que c'était de l'ordre de sa vie privée et que cela ne regardait pas les journalistes, elle a commencé à se justifier et à s'enfoncer en disant que son aîné avait été dans une école publique (qu'elle va visiter ce mardi 16 janvier 2024), et que par manque de remplacement, elle a préféré opter pour l'école privée, laissant entendre que l'école publique avait beaucoup de dysfonctionnements (remplacement des professeurs absents, etc.).

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Le problème, c'est que des témoignages, loin de confirmer ce qu'elle a raconté, au contraire, les infirmaient en disant qu'il n'y a pas eu d'absence cette année-là. Résultat, on soupçonne la ministre d'avoir menti. Pour tenter de clore l'affaire, ce lundi 15 janvier 2024, Amélie Oudéa-Castéra, en déplacement à Saint-Denis avec son collègue Gérald Darmanin, s'est encore enfoncée un peu plus en disant que dans tous les cas, comme tous les parents, ils n'avaient pris leur décision que dans l'intérêt des enfants, laissant entendre que l'intérêt de leurs enfants étaient de ne pas être scolarisés dans une école publique.

La maladresse d'origine a été de vouloir se justifier et de suivre les journalistes dans cette voie hasardeuse, alors que le sort de sa famille ne concerne qu'elle seule. Certains enseignants ont déjà avancé l'idée d'une grève pour cette raison, ce qui est particulièrement stupide puisque la ministre n'a encore présenté aucune mesure et qu'elle a répété qu'elle voudrait aider toute la communauté éducative.


Cela rappelle ainsi que le sujet est ultrasensible, alimenté par une ultragauche sectaire et revendicative qui voudrait réanimer la guerre scolaire (comme en 1984), comme si les Français pouvaient encore se permettre de perdre leur temps dans des querelles de clocher. Polémiques inutiles seulement nourries par des esprits politiciens chagrin qui souhaitent que rien ne marche, que rien ne bouge, que rien ne s'améliore, pour permettre de critiquer et de dénigrer, comme d'habitude.

Un exemple de journaliste qui alimente ce genre de polémique, Daniel Schneidermann le 15 janvier 2024 : « Comment a-t-elle pu penser qu'il faudrait davantage que 48 heures pour dévoiler le mensonge ? (…) Amélie Oudéa-Castéra fait incontestablement partie de l'élite, politique, économique, médiatique. Dans l'acception générale, l'élite est peut-être cynique, cupide, prévaricatrice, mais elle est au moins créditée d'intelligence et d'efficacité dans la défense de ses intérêts. Rien de plus faux. L'élite peut être aveugle et bornée. (…) Le glissement de la haute bourgeoisie libérale, celle des 0,01%, de l'Alsacienne vers Stanislas, dix minutes à pied entre les deux, selon Google Maps, comme un symbole du racornissement du recrutement des élites à un micro-quartier de la capitale. La désinvolture décomplexée. Dix fois de quoi déclencher une révolution. ».

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Sur le fond, le fait que des gens sont indignés par la scolarisation des enfants de la ministre (et d'un ancien président d'une grande banque française, ne l'oublions) dans un établissement privé m'étonne et m'est incompréhensible. Ils ne sont pas les seuls : 18% des élèves sont scolarisés dans un établissement privé sous contrat. C'est le droit de toute chaque de France de scolariser ses enfants dans les établissements de leur choix, du moins ceux qui les acceptent. Au même titre qu'elle peut se faire soigner dans des hôpitaux publics ou privés.


Je me sens un peu connaisseur du sujet car mes deux parents étaient des profs, mais l'un dans le public et l'autre dans le privé. La vraie différence n'est pas entre privé ou public, mais entre public et privé sous contrat et privé hors contrat. La plupart des établissements scolaires privés sont sous contrat avec l'État, c'est-à-dire que les professeurs sont payés par l'État (moins bien que dans le public, car la retraite est dans le régime général du privé), et le projet éducatif doit suivre les programmes scolaires du public. Du privé sous contrat, c'est donc un public par délégation, les deux sont des écoles de la République, avec les mêmes programmes, les mêmes exigences (par exemple de mixité).

Il est faux de dire que le privé est réservé à l'élite. Certes, l'élite y va, soit par effet de mode, soit par intérêt pour les activités hors programme (par exemple, Gabriel Attal, scolarisé à l'École alsacienne, a expliqué qu'il avait du théâtre), etc. mais le privé sauve aussi beaucoup de "cancres" rejetés par l'école publique (et ces boîtes privées ont alors une très mauvaise réputation). Il est faux aussi de dire que l'école privée serait plus sûre, en termes de sécurité. Le premier attentat islamiste en France, perpétré en mars 2012 par Merah, fut dans une école juive en assassinant des petits enfants. Les réputations des établissements ne dépendent souvent pas du caractère privé ou public, mais bien de la qualité des enseignants et de celle de l'administration associée. C'est donc établissement par établissement qu'il s'agit de distinguer.

Ce qui était amusant, c'est que la jeunesse peut apporter son (in)expertise : mon premier emploi fut comme opérateur pupitreur pour une grande banque, un job d'été alors que j'étais encore étudiant (j'avais 19 ans). Mon boulot, la nuit, était d'installer de grandes bandes magnétiques dans des lecteurs géants pour enregistrer toutes les opérations nocturnes (des distributeurs automatiques de billets, par exemple). Il fallait prendre la bande de la bonne couleur, chaque couleur indiquant la durée de stockage (un jour, un mois, etc.). Un travail, je dois bien l'avouer, pas très fatigant (entre deux changements de bandes !) à part le décalage horaire (très intéressant pour les primes). Cela conduisait souvent à de bonne discussion, car je n'étais jamais seul. J'avais un collègue, un vrai, qui travaillait là depuis quelque temps, la trentaine, jeune père de famille, qui devait scolariser son fils à la rentrée et qui s'interrogeait sur le mettre dans le privé ou dans le public. À ma grande surprise, il m'a demandé ce que j'en pensais (malgré ma totale inexpérience professionnelle et même de la vie !), et je lui ai simplement répondu que ce n'était pas le critère ; le critère, c'était la qualité de l'établissement choisi, privé ou public (je vivais dans une région où il y avait beaucoup d'écoles privées). J'appréciais la question, en dehors de tout dogmatisme, avec la recherche du seul intérêt des enfants.


Pour l'anecdote, j'ai moi-même suivi toute ma scolarité dans le privé car j'y trouvais mon compte, tandis que mon frère a préféré, au lycée, être dans le public qui lui convenait mieux. A priori, nous restons avec les mêmes valeurs, celles que la République nous a léguées (qui du reste sont assez proches de la morale chrétienne : tu ne voleras point, tu ne tueras point, etc.).

Ah... j'ai oublié de répondre à ma question initiale : pour sa maladresse, Amélie Oudéa-Castéra doit-elle démissionner immédiatement comme le réclament déjà quelques enragés de l'opposition ? À mon sens, non, évidemment. Le sort de ses enfants ne regarde qu'elle et sa famille et n'a aucune légitimité à sortir du cadre personnel. Si c'est la seule chose qu'on reproche à une Ministre de l'Éducation nationale, on doit alors être dans un monde idéal où tout va bien ! Amélie Oudéa-Castéra est volontaire, dynamique, ouverte, elle a la ferme détermination d'améliorer un système qui, depuis des années, semblent se scléroser, non pas par une absence de crédit (nous sommes une des nations qui consacre le plus gros budget par habitant pour l'éducation), mais par un manque d'efficacité et d'organisation probablement. C'est une chance pour les élèves, les enseignants et les parents d'élève d'avoir cette détermination. Et avant tout, la moindre des corrections, c'est de la juger aux actes. Aux seuls actes !


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (15 janvier 2024)
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Pour aller plus loin :
Amélie Oudéa-Castéra.
Journée de lutte contre le harcèlement scolaire : est-elle utile ?
Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
L'assassinat de Dominique Bernard au lycée Gambetta d'Arras.
G. Bruno.
Gabriel Attal, nouveau ministre de l'éducation nationale.
Pap Ndiaye.
Les vacances scolaires sont-elles trop longues ?
Nos enseignants sont des héros !
Prime à l'assiduité : faut-il être choqué ?
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
Samuel Paty : faire des républicains.
Samuel Paty : les enseignants sont nos héros.
La sécurité des personnes.
Lycée Toulouse-Lautrec.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
L’école publique gratuite de Jules Ferry.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
Genrer la part du Lyon ?
Daniel Pennac, ministre de l'éducation nationale.
René Haby.
Le handicap et l'école.
La féminisation des noms de métiers et de fonctions.
Les écoles ne sont pas des casernes.
La laïcité.
La réforme du baccalauréat.
Prime à l’assiduité.
Notation des ministres.
Les internats d’excellence.
L’écriture inclusive.
La réforme de l’orthographe.
La dictée à  l’école.
La réforme du collège.
Le réforme des programmes scolaires.
Le français et l’anglais.
Le patriotisme français.
Jean-Michel Blanquer.
Jean Zay.
Vincent Peillon.
Alain Devaquet.
Alain Savary.

 








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240115-oudea-castera.html

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8 novembre 2023 3 08 /11 /novembre /2023 04:18

« Cette année, nous avons voulu donner à cette journée une ampleur inédite. Jeudi prochain, les cours s’arrêteront pendant deux heures dans toutes les classes de France pour un temps dédié à la lutte contre le harcèlement. Les équipes éducatives échangeront avec les élèves sur ce phénomène et un outil d’auto-évaluation sera proposé à tous les élèves. (…) Nous pousserons plus loin notre action avec le développement de temps dédiés à l’apprentissage de l’autre, de la différence, de la tolérance et de la bienveillance dans toutes les écoles primaires dès la rentrée de septembre prochain, et dans une école par département à partir de janvier. » (Gabriel Attal, le 7 novembre 2023 à l'hémicycle).





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Ce jeudi 9 novembre 2023, c'est la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Depuis quelques années, la société s'inquiète du harcèlement, pas seulement en milieu scolaire, aussi dans les milieux familiaux, associatifs, politiques et professionnels, etc. Le harcèlement est une plaie qui pourrit la vie de près d'un enfant scolarisé sur dix (plus de 700 000 élèves !) et de nombreux adultes : harcèlement des femmes, sexuel, professionnel, etc.

L'État a pris de plus en plus la mesure de l'ampleur de la difficulté en milieu scolaire car cet harcèlement s'abat sur des êtres qui ont encore du mal à prendre du recul, à se défendre. Plusieurs suicides d'adolescents ont alerté ces dernières années et les pouvoirs publics veulent agir en conséquence. En particulier, le suicide de Nicolas à Poissy a fait de la lutte contre le harcèlement scolaire une « priorité absolue » du gouvernement pour cette rentrée scolaire 2023. Une enveloppe de 30 millions d'euros consacrée à la lutte contre le harcèlement scolaire a été votée dans la nuit du 3 au 4 novembre 2023 dans l'examen du projet de loi de finances de 2024. Il s'agit notamment de la création de brigades anti-harcèlement dans chaque académie représentant 150 emplois.

La Première Ministre Élisabeth Borne a ainsi présenté un plan d'action globale de lutte contre le harcèlement à l'école le mercredi 27 septembre 2023 : « Que vous soyez un élève victime de harcèlement, un témoin d'actes inacceptables, un parent désemparé face à ce que subit son enfant, un enseignant ou membre de la communauté éducative inquiet devant certains faits, vous n'êtes pas seuls ! ». Le plan du gouvernement pourrait se résumer à ce triple mot d'ordre : 100% prévention, 100% détection et 100% solutions. Parmi les solutions, la chef du gouvernement a mis en garde : « Nous allons permettre d'exclure les élèves harceleurs des réseaux sociaux. (…) Nous voulons des sanctions rapides en classe comme sur les réseaux sociaux. ».

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Le Ministre délégué chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot a complété : « Nous allons ouvrir la possibilité pour le juge de la détention et de la liberté et le juge d'instruction, de prescrire cette mesure de bannissement dans le cadre d'un contrôle judiciaire sans attendre qu'une peine soit prononcée. (…) Lorsque l'on est victime ou témoin de violences en ligne et en particulier de cyberharcèlement scolaire, il y a une chose à faire c'est signaler. ». Le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a évoqué aussi la confiscation automatique du smartphone de l'élève harceleur : « S'il a bien sûr servi pour les faits de harcèlement, la confiscation définitive sera décidée par la juridiction pour mineurs. ».

L'un des points forts de ce plan, c'est aussi que, lorsque le harcèlement est grave, c'est l'élève qui est l'auteur du harcèlement qui devra quitter l'établissement et pas sa victime comme c'était trop souvent le cas : « Un décret important prévoit désormais que c'est au harceleur de changer d'établissement et non plus harcelé. ». Dans la prévention, l'institution de « cours d'empathie » (à partir de 2024) est prévue sur le modèle de pays comme le Danemark : « Le harcèlement scolaire s'est effondré dans ce pays grâce à cette stratégie. » a précisé Gabriel Attal le 27 septembre 2023.

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La détermination du nouveau Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, grand animal médiatique et politique, ne fait aucun doute et il a passé beaucoup de temps à se rendre dans des établissements scolaires pour apporter la "bonne parole". Le harcèlement scolaire est désormais un délit, il est grave puisqu'il peut entraîner jusqu'au suicide de la victime. Tout doit donc être mis en place pour que des signalements puissent empêcher le pire.

Le principal outil pour lutter efficacement contre le harcèlement scolaire, c'est donc la parole ! Parler. L'enfant harcelé est généralement honteux de sa situation et se livre rarement (parfois) à sa famille, à ses parents. La communauté éducative est là aussi pour recueillir ces signaux. Un module électronique sera proposé aux parents à partir de janvier 2024 pour détecter les signaux faibles d'un harcèlement.

Il y a une multitude de raisons pour harceler un gamin. D'abord, parce qu'il peut être Autre, la différence avec les autres : religion (supposée), sexe, couleur de peau, poids, taille, handicap physique, milieu social très différent, "fayot" (bon élève), accent linguistique, etc. Ou tout simplement parce qu'il a montré une faiblesse quelconque, un isolement, une asociabilité, une tristesse, etc. Les harceleurs sont plutôt des lâches, s'en prennent aux plus faibles, à ceux qui ne peuvent pas (ou ne savent pas) se défendre, et souvent à plusieurs, par effet de groupe, de meute.

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L'introduction des réseaux sociaux depuis une dizaine d'années a renforcé le phénomène car le harcèlement peut devenir rapidement du cyberhacèlement, ce qui rend la vie impossible à la victime tout le temps puisque le harcèlement dont elle est la victime la poursuit au-delà du temps scolaire jusque dans sa chambre à coucher, chez elle, un lieu normalement qui est synonyme de sécurité absolue face à l'extérieur possiblement hostile.

L'efficacité de la lutte contre le harcèlement scolaire se repose aussi sur les témoins, les élèves qui ne participent pas au harcèlement mais qui sont présents. C'est la principale action du gouvernement et l'utilité d'une Journée nationale du harcèlement scolaire : impliquer les témoins, initialement qui ne se sentaient pas concernés, en leur donnant la responsabilité d'alerter voire de faire arrêter ce harcèlement, d'être acteur de la lutte contre le harcèlement qui, demain, pourrait les rendre eux-mêmes victimes.

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Le problème a souvent été que dans les établissements scolaires, la direction entendait réduire au maximum les "affaires" et les scandales, en dédramatisait voire en ignorant, pour qu'il n'y ait "pas de vagues" ni de mauvaise réputation. Donc l'action du gouvernement est de sensibiliser tous les acteurs de l'Éducation nationale : les élèves pour ne pas laisser un de leur camarade dans les difficultés du harcèlement ou pour prendre conscience, le cas échéant, qu'ils sont eux-mêmes des fauteurs de harcèlement en se moquant ainsi en croyant que c'est sans conséquence, les parents pour qu'ils s'aperçoivent rapidement d'un harcèlement de leur enfant, le personnel éducatif, soit pour alerter, soit pour prendre en charge le dossier (proviseur, principal).

Ce 9 novembre 2023, le Ministère a mis en place un questionnaire très détaillé à faire remplir aux 7,5 millions d'élèves du CE2 à la Terminale jusqu'au 15 novembre 2023. Le questionnaire, dont les réponses resteront anonymes, a été construit avec des spécialistes de la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent et des spécialistes du climat scolaire : le professeur Marcel Rufo, Éric de Barbieux et le docteur Nicole Catheline. Cela permettra à l'administration d'avoir une vision d'ensemble du phénomène, et aussi à certains élèves qu'ils sont en situation de harcèlement, car la prise de conscience n'est pas toujours là.

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Répondant à la question d'une députée de la majorité (Céline Calvez) à la séance de questions au gouvernement le 7 novembre 2023 à l'Assemblée Nationale, Gabriel Attal a justifié ce questionnaire : « On constate que les élèves qui subissent du harcèlement finissent malheureusement par élever leur seuil de tolérance, sans même s’en rendre compte, et acceptent, pour se protéger eux-mêmes, des choses qui ne peuvent pas être acceptées. Ce questionnaire permettra de libérer davantage la parole. Il nous permettra aussi de collecter des données actualisées au niveau national : les dernières données sur le harcèlement dont nous disposons datent de 2011, à l’époque, TikTok et Snapchat n’existaient pas. ».

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En parler, prendre le temps d'en parler, si possible par anticipation, avant tout harcèlement, sera la meilleure lutte contre le harcèlement à l'école. Des résultats forts sont donc attendus très prochainement pour apporter la preuve de l'efficacité de ces mesures. Les enfants n'attendent pas.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (08 novembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Journée de lutte contre le harcèlement scolaire : est-elle utile ?
L'assassinat de Dominique Bernard au lycée Gambetta d'Arras.
G. Bruno.
Gabriel Attal.
Pap Ndiaye.
Les vacances scolaires sont-elles trop longues ?
Nos enseignants sont des héros !
Prime à l'assiduité : faut-il être choqué ?
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
Samuel Paty : faire des républicains.
Samuel Paty : les enseignants sont nos héros.
La sécurité des personnes.
Lycée Toulouse-Lautrec.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
L’école publique gratuite de Jules Ferry.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
Genrer la part du Lyon ?
Daniel Pennac, ministre de l'éducation nationale.
René Haby.
Le handicap et l'école.
La féminisation des noms de métiers et de fonctions.
Les écoles ne sont pas des casernes.
La laïcité.
La réforme du baccalauréat.
Prime à l’assiduité.
Notation des ministres.
Les internats d’excellence.
L’écriture inclusive.
La réforme de l’orthographe.
La dictée à  l’école.
La réforme du collège.
Le réforme des programmes scolaires.
Le français et l’anglais.
Le patriotisme français.
Jean-Michel Blanquer.
Jean Zay.
Vincent Peillon.
Alain Devaquet.
Alain Savary.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231109-harcelement-scolaire.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/journee-de-lutte-contre-le-251429

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/11/09/40102001.html







 

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7 septembre 2023 4 07 /09 /septembre /2023 05:47

« Ce ne sont pas des personnes évidemment que je veux mettre en cause, c’est la réponse de l’institution Éducation nationale face à l’urgence du harcèlement scolaire qu’il nous faut continuer à profondément changer. » (Gabriel Attal, le 6 septembre 2023 à l'AFP, à propos du suicide d'un adolescent).




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Il est dans l'actualité des drames auxquels on ne voudrait pas être confronté. Étaient-ils évitables ? La perpétuelle question à cent balles qui ne fera pas revenir à la vie ceux qui l'ont déjà perdue, mais qui pourrait en sauver peut-être d'autres. Ces deux derniers jours, deux adolescents sont morts, chacun dans des conditions très différentes, et le choix même d'en évoquer un plutôt qu'un autre pourrait presque être "politique".

Deux drames très différents, qui pourraient être de simples faits-divers, expression horrible pour les parents et les amis des victimes, mais qui se renouvellent tellement fréquemment qu'on pourrait y voir des faits de société.

D'autres drames ont eu lieu aussi, des actes de délinquance voire de criminalité, des viols, des meurtres, etc. souvent exploités lorsque l'auteur est d'une "certaine catégorie" ou la victime d'une "autre catégorie", j'utilise exprès le mot très vague de "catégorie" (on y mettra ce qu'on veut, religion, nationalité, ethnie, âge, sexe, niveau de formation, niveau de vie, etc.) car vouloir généraliser, catégoriser des faits, souvent monstrueux mais surtout singuliers, est à mon avis une erreur intellectuelle et une facilité politicienne : l'homme (dans le sens d'humain) est parfois un loup et il n'y a pas besoin d'appartenir à une "catégorie" pour péter les plombs, plus ou moins volontairement. Et depuis plus d'une dizaine d'années (depuis mars 2012), on se posera toujours la question du terrorisme, si c'était un crime terroriste ou de droit commun.

Mais les deux drames dont je veux parler sont, en revanche, exclus de ce type de "catégorisation", car ils sont scandaleux au-delà du propre scandale constitutif du drame : ils font référence à des autorités publiques et celles-ci, malgré leur bonne volonté, leurs compétences, leur courage, etc., ont peut-être failli pour en arriver là (les enquêtes judiciaires en diront plus).


Deux drames et deux adolescents. Ils ne sont malheureusement pas les seuls mais l'actualité, une coïncidence chronologique, les fait se croiser dans la réflexion politique : comment les éviter ? Stupeur, tristesse, colère. Et réflexion.

Le premier drame, c'est le suicide de Nicolas, un adolescent de 15 ans, qui s'est pendu à son domicile, aux barreaux de son lit en mezzanine, le mardi 5 septembre 2023 à Poissy, dans les Yvelines. Sa mère l'a découvert en fin de journée, en ouvrant la porte de sa chambre. Au-delà de l'enquête policière, une enquête administrative a été ouverte et une cellule d'écoute et de soutien psychologique ouverte dans les lycées de l'enfant (qui avait changé de lycée cette année).

Selon les premiers éléments à la connaissance publique, il aurait été victime du harcèlement scolaire. Selon le Ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal, toujours très présent dans la communication politique, « il était fait état de brimades et d'injures répétées de la part de plusieurs élèves nommément désignés ».

Ce harcèlement fut signalé dès décembre 2022. Les parents avaient prévenu l'établissement scolaire et avaient été entendus en mars 2023 ainsi que l'adolescent et les élèves mis en cause, mais face à la passivité de la direction dénoncée par la famille, l'adolescent lui-même a fait la démarche de déposer une main-courante au commissariat (ou à la gendarmerie ?) en avril 2023.

Tout le monde était donc averti, l'établissement scolaire a déclaré avoir agi en conséquences en prenant certaines dispositions (lesquelles ?)... mais certainement de manière insuffisante car le "résultat" est hélas que l'enfant s'est quand même suicidé. Où est la faille ? Une mauvaise prise en compte de l'établissement scolaire ? Un manque de moyen (notamment pour faire des suivis psychologiques) ? Comment réagir vraiment alors que pour les auteurs du harcèlement, souvent des camarades qui se liguent contre un "bouc émissaire", n'imaginent pas la cruauté de leur comportement ? Nicolas, hélas, n'est pas le seul adolescent à avoir mis fin à ses jours pour cette raison. La liste est maintenant longue.

Pourtant, cela fait plusieurs années que ce danger, renforcé par les réseaux sociaux (en ceci que les harcèlements sont permanents et pas seulement pendant le temps scolaire), a été identifié et pris en compte à l'Éducation nationale et que des communications vers les enseignants et personnels éducatifs, vers les élèves et vers les parents sont régulièrement faites pour les prévenir. Un décret d'ailleurs s'applique à partir de cette rentrée scolaire pour permettre l'exclusion des élèves harceleurs et éviter que l'élève victime du harcèlement doive changer d'établissement. La situation existe aussi dans le milieu professionnel (et pas seulement du harcèlement sexuel) et c'est toujours assez délicat de le définir et de faire la part entre une surestimation et une sous-estimation des faits.


Le second drame, c'est la mort cérébrale d'un adolescent de 16 ans ce mercredi 6 septembre 2023 dans la soirée. Conduisant un deux-roues, il aurait été percuté à Élancourt, dans les Yvelines, par une voiture de police (ou inversement, l'enquête le déterminera). Il aurait été accusé d'un refus d'obtempérer et suivi à distance par une voiture de police, et à un croisement, une autre voiture de police l'aurait percuté vers 18 heures 40, selon plusieurs sources policières. Les secours ont pu réanimer sur place l'adolescent en arrêt cardiaque respiratoire mais après son transfert à l'hôpital, il a succombé à ses blessures. Un escadron de gendarmes mobiles a été immédiatement envoyé à Élancourt pour empêcher tout éventuel débordement. La mort de Nahel, 17 ans, le 27 juin 2023 et la semaine d'émeutes qui a suivi restent dans toutes les mémoires.

Si la mort de Nahel a suscité autant d'indignation, c'était parce que celle-ci a été filmée, montrant un comportement inadapté des forces de l'ordre, mais aussi parce que la première version des policiers en cause ne correspondait pas à la réalité manifeste. Le parquet de Versailles a ouvert deux enquêtes judiciaires, l'une pour "refus d'obtempérer" confiée à la sûreté territoriale des Yvelines, et l'autre pour "homicide involontaire par conducteur" confiée à l'IGPN (la police des polices) dans le cadre de laquelle deux policiers ont été placés en garde-à-vue afin d'y faire la lumière.

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Connaître les circonstances exactes de la collision est essentiel pour déterminer les responsabilités. Il peut s'agir d'un "simple" et malheureux accident de la circulation comme il en existe tout le temps (plus de 3 000 personnes meurent ainsi chaque année, les deux-roues sont de plus en plus touchés), comme cela peut être la conséquence d'une suite logique après course poursuite et pression de la part des forces de l'ordre ou encore la conséquence d'une conduite défaillante de l'adolescent (d'une moto-cross ou d'un scooter sans casque, par exemple ?).

Il reste inacceptable qu'un nouvel adolescent, aussi sauvageon soit-il, meurt encore des conséquences de son refus d'obtempérer. Il n'est pas question ici de prôner le laxisme, tout le monde doit respecter la loi et le premier respect est dû aux forces de l'ordre à qui il faut obéir, mais dès lors que celles-ci s'occupent d'une personne, cette personne est en quelque sorte sous leur responsabilité, aussi sous leur protection.

Le travail des forces de l'ordre n'est pas facile. Le délit de refus d'obtempérer, défini par l'article L.233-1 du code de la route ainsi que par l'article L.435-1 du code de la sécurité intérieure, à la suite de l'adoption de la loi n°2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, est commis plus de 22 000 fois chaque année en moyenne (quasiment 3 fois par heure !). Il faut bien que force reste à la loi.

Entre janvier 2021 et juin 2023, dix-huit personnes ont été tuées et trente-neuf blessées par des tirs de policiers après un refus d'obtempérer, dont treize en 2022 (selon la direction générale de la police nationale). L'Inspection générale de la police nationale a été saisie 71 fois pour des enquêtes sur des ouvertures de feu consécutives à des refus d'obtempérer, dont 57 ont entraîné des blessures ou un décès (rappelons que pour l'adolescent blessé mortellement le 6 septembre 2023 à Élancourt, il ne s'agit pas de tirs de policiers mais d'une collision).

Même si leur nombre est, dans l'absolu et à mon sens, énorme, elles sont toujours de trop et à déplorer, les morts dans ces circonstances restent rares et ne correspondent qu'à 0,06% des délits, elles restent des exceptions, la police ne tue pas, je dois l'écrire puisque certains pensent le contraire et veulent généraliser avec des arrière-pensées politiciennes, mais des faits de société, assurément ils le sont, ces délits de refus d'obtempérer qui sont bien trop souvent commis et qui sapent l'autorité même de l'État de droit. C'est justement ce que veut rappeler le Président Emmanuel Macron dans les écoles à cette rentrée scolaire...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (07 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


(Première illustration : chambre d'enfant, catalogue sur Internet, deco.fr).


Pour aller plus loin :
Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
Création du délit d'homicide routier.
Bœuf carottes et blanquette de Veaux.
Le Sénat s'inquiète de l'avenir de la gendarmerie.
Violences urbaines : à quoi s'attendre pour la fête nationale ?
Soutien total à Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.
Nahel n'était pas un ange : et alors ?
Mort de Nahel : la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et l'huile sur le feu...
Nanterre : le refus d'obtempérer ne vaut pas la peine de mort.
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230907-harcelement-scolaire-refus-obtemperer.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/deux-drames-faits-divers-ou-faits-250271

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/09/07/40032096.html






 

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12 août 2023 6 12 /08 /août /2023 05:16

« Cette enfant du pays était une fierté pour nous. Toute la station est touchée. » (Serge Revial, maire de Tignes).




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Ce samedi 12 août 2023, j'ai une petite pensée pour l'ancienne championne de ski-alpinisme Adèle Milloz qui a trouvé la mort il y a un an, le vendredi 12 août 2022 dans un accident de montagne. En effet, des alpinistes ont découvert vers 18 heures 15 les corps de deux jeunes femmes dans le massif du Mont-Blanc et ont alerté aussitôt le peloton de gendarmerie de haute-montagne de Chamonix. Adèle Milloz et sa compagne d'infortune ont été retrouvées sans vie dans la voie pour gravir l'aiguille du Peigne, l'une des aiguilles de Chamonix, qui culmine à 3 192 mètres d'altitude, en Haut-Savoie. Elles étaient en train d'escalader une pente et ont fait une chute qui, selon les secours, ne serait pas due à un éboulement. L'une aurait dévissé et aurait pu entraîner l'autre dans sa chute, a précisé "Le Dauphine libéré".


Les deux femmes avaient emprunté la voie normale pour faire cette ascension. La première ascension avait eu lieu en 1906, par une autre voie. Selon la gendarmerie : « La haute-montagne est devenue plus dangereuse avec la sécheresse, mais l'accès ne faisait pas l'objet d'interdiction particulière. » (AFP). Quelques jours auparavant, le 5 août 2022, deux refuges relais pour gravir le Mont-Blanc avaient été fermés pour danger de mort provoqué par les nombreuses chutes de pierres consécutives à la sécheresse.

Adèle Milloz était une sportive de haut niveau ; elle a gagné trois médailles d'or en ski-alpinisme, une discipline qui correspond au ski de randonnée ou ski de montagne, dont les épreuves sont des courses chronométrées, parfois en cordée en cas de passage sur un glacier (ce n'est donc ni de l'alpinisme, ni du ski sur pistes).

Adèle Milloz a effectivement remporté deux médailles d'or aux Jeux mondiaux militaires d'hiver de février 2017 à Sotchi, en Russie, en individuel et en course par équipe (créés en 2010, les Jeux mondiaux militaires d'hiver ont lieu tous les quatre ans), et une médaille d'or aux Championnats d'Europe de février 2018 à Nicolosi, en Sicile, en sprint (créés en 1992, les Championnats d'Europe de ski-alpinisme sont organisés tous les deux ans, en alternance avec les Championnats du monde organisés, eux aussi, tous les deux ans).

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Durant ces Jeux mondiaux militaires d'hiver à Sotchi, en 2017, la France était arrivée en troisième position avec 24 médailles d'or (dont les 2 décrochées par Adèle Milloz), derrière la Russie (29 médailles d'or) et l'Italie (25 médailles d'or). 25 pays y ont concouru et l'équipe de France était composée de 42 sportifs. Adèle Milloz a fait 1m09,01 en individuel et, avec sa coéquipière Laetitia Roux, 2h28m09 en course d'équipe. Sa coéquipière Laetitia Roux (née le 21 juin 1985 à Gap), qui avait un contrat avec la gendarmerie, est l'une des sportives les plus titrées au monde, avec 17 médailles d'or aux championnats du monde, 9 aux championnats d'Europe et 25 aux championnats de France.

Adèle Milloz, née le 5 mai 1996 à Bourg-Saint-Maurice, dans la vallée de la Tarentaise, et originaire de Tignes, en Savoie, n'avait que 26 ans quand elle a péri. Elle a commencé le ski de randonnée à l'âge de 6 ans, c'était devenu une passion qui l'a conduit à commencer une carrière internationale à l'âge de 15 ans en remportant une médaille d'argent aux Championnats d'Europe de ski-alpinisme de février 2012 à Pelvoux, dans le Massif des Écrins. Elle était aussi championne de France en sprint, en individuel et en course par équipe. À l'âge de 19 ans, Adèle Milloz s'est engagée comme gendarme volontaire.

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En 2019, elle avait arrêté la compétition (ou mis en sourdine la compétition) pour se consacrer à ce qu'elle envisageait de faire, guide de haute-montagne. Elle a ainsi repris des études et devait justement passer l'examen final à la fin de ce triste été 2022 pour obtenir son diplôme. Elle aurait alors été la plus jeune femme guide de haute-montage de France.

Invitée par Amandine Renévot à expliquer son mode de vie au magazine de Tignes, Adèle Milloz affirmait : « Pour rester motivée toute ma saison de ski-alpinisme, je varie ma pratique sportive et je ne mets pas de dossards le reste de l'année (sauf exception). Je pratique et adore tous les sports de montagne. L'été, je fais essentiellement de l'alpinisme et de l'escalade, mais je touche à tout pour être surmotivée lorsque je remets les skis à l’automne ! Les choses les plus simples sont les plus belles : un coucher de soleil, la neige qui brille comme de l'or, une sortie avec des amis ou en famille. Les belles montagnes qui nous entourent nous donnent leur énergie ! ».

L'autre malheureuse victime de cet accident de montagne était Margaux Catan, sa cliente, âgée de 29 ans (elle allait atteindre ses 30 ans quelques jours plus tard), originaire de Cogolin, dans le Var, infirmière anesthésiste à l'Institut Universitaire de la Face et du Cou (IUFC) de Nice, puis, depuis 2015, au Centre Antoine-Lacassagne de lutte contre le cancer de Nice : « Sa belle fraîcheur et son aura merveilleuse ont été emportées. » avait déclaré une de ses collègues sur Facebook ; une autre : « Une super collègue toujours souriante, dévouée, dynamique. » ; un troisième : « Un ange qui veillait sur les malades. ». Une émotion qui a dépassé les frontières du milieu professionnel puisque le maire de Nice (et ancien ministre) Christian Estrosi ainsi que le président de LR, député de Nice, Éric Ciotti avaient aussi exprimé publiquement leur (« immense ») émotion.

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Cet accident mortel n'était hélas pas le seul sur cette pente de l'aiguille de la Peigne. L'Américain Steven Scott Gubser, physicien ayant travaillé sur la théorie des cordes, les trous noirs, la chromodynamique quantique et la physique de la matière condensée, professeur à l'Université de Princeton de 47 ans (né le 4 mai 1972 à Tulsa, dans l'Oklahoma), y est mort également le 3 août 2019 à la suite d'un accident d'escalade.

Hélas, les accidents sont relativement fréquents dans la haute-montagne, milieu très hostile, au même titre que la mer. Ainsi, un mois après l'accident qui a coûté la vie à Adèle et Margaux, une autre championne de ski-alpiniste, l'Américaine Hilaree Nelson, est morte le 26 septembre 2022 à l'âge de 49 ans (née le 13 décembre 1972 à Seattle), d'une chute fatale. Elle descendait à ski les pentes du Mont Manaslu, une montagne de l'Himalaya, après être allée à son sommet à 8 163 mètres d'altitude. Considérée le 22 juin 2023 par le site "Men's Journal" comme l'une des quarante-cinq femmes les plus aventurières au monde des quarante-cinq dernières années, elle a été la première femme à gravir en 24 heures deux sommets de l'Himalaya, l'Everest (8 849 mètres)) et le Lhotse (8 516 mètres) le 25 mai 2012 : « Mon esprit a dû prendre complètement le dessus au-delà du physique. J'ai beaucoup appris sur le pouvoir de la détermination. ». L'idée lui est venue quand elle était montée sur l'Everest qui était fréquenté par beaucoup trop de randonneurs pour elle. Elle a vu en face le Lhotse beaucoup plus calme et l'a atteint le jour même : « J'ai regardé et regardé cette belle montagne, j'ai réalisé que nous pouvions escalader une autre montagne et être seuls, ce qui était plus conforme à ce à quoi je suis habitué lorsque je grimpe. ». En 1996, elle était la championne européenne du ski extrême.

En pleine mer ou en haute-montagne, les exemples sont nombreux, hélas, où les passionnés de sports extrêmes en perdent leur vie. C'est la seule consolation qu'on peut imaginer pour compenser ces vies inachevées si écourtées, celle que ces passionnés sont allés jusqu'aux limites de leur passion...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (12 août 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Adèle Milloz.
Éric Tabarly.

Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
France-Argentine : l'important, c'est de participer !
France-Maroc : mince, on a gagné !?
Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
Neil Armstrong.
John Glenn.
Michael Collins.
Thomas Pesquet.
Youri Gagarine.
Le burkini dans les piscines.
Les seins nus dans les piscines.
Roland Garros.
Novak Djokovic.
Novax Djocovid.
Jean-Pierre Adams.
Bernard Tapie.
Kylian Mbappé.
Pierre Mazeaud.
Usain Bolt.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230812-adele-milloz.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/sports/article/une-petite-pensee-pour-la-sportive-249593

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/08/12/40008333.html








 

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30 juillet 2023 7 30 /07 /juillet /2023 05:50

« La connaissance de la patrie est le fondement de toute véritable instruction civique. On se plaint continuellement que nos enfants ne connaissent pas assez leur pays : s'ils le connaissaient mieux, dit-on avec raison, ils l'aimeraient encore davantage et pourraient encore mieux le servir. » (1877).



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Il y a un peu plus de 100 ans, le 8 juillet 1923, G. Bruno est mort à Paris, dans le septième arrondissement. Il avait alors un peu moins de 90 ans, puisqu'il est né il y a 190 ans, le 31 juillet 1833 à Laval. Dans G. Bruno, le G correspondait à Giordano. Pour Giordano Bruno.

Non, je ne me suis pas trompé de siècle ni de personne, même si le philosophe dominicain est mort brûlé vif en 1600, car il s'agissait d'un pseudonyme. Derrière ce mystérieux G. Bruno (mystérieux, il le fut pour moi pendant une quinzaine d'années), se cachait en fait une dame exceptionnelle, Augustine (très joli prénom), Augustine Tuillerie à sa naissance, Augustine Guyau à son premier mariage, et, à partir de 1885, après son divorce (son premier mari la battait) autorisé par une loi très récente, Augustine Fouillée.

Il n'y a pas grand-chose de connu sur elle, très peu d'images à ma connaissance, car
l'institutrice s'était totalement effacée derrière son œuvre (ce qui est rare pour un auteur de best-sellers), œuvres composée de quelques manuels scolaires. Elle s'est fait ainsi connaître en 1869 avec la publication de "Francinet", qui est un manuel d'instruction civique et de morale, proposant des informations très diverses sur l'économie, l'hygiène, etc., Francinet étant le nom du héros dont l'histoire permettait d'enseigner un certain nombre de choses. Ce livre a reçu le Prix Montyon de l'Académie française en 1871.

Il est important de bien regarder les dates car en 1869, on était encore au Second Empire. Pourtant, Augustine était probablement l'une des égéries de la Troisième République triomphante, celle qui a fait de l'instruction publique une priorité absolue. Une république triomphante mais réconciliée, puisqu'elle était l'auteure de manuels scolaires qui ont été utilisés tant dans les écoles publiques que dans les écoles catholiques.


Moi, bien sûr, je ne l'ai pas "connue" pour Francinet mais pour André et Julien Volden, qui ont été mes héros pendant de nombreuses années. En effet, André et Julien sont les héros d'un autre manuel qui a fait le tour de la France, justement : "Le Tour de France par Deux Enfants". Sous-titré : "Devoir et Patrie". L'indication de l'auteure, "G. Bruno", est suivie de cet argument d'autorité : "Lauréat de l'Académie française, auteur de Francinet". Elle l'a publié aux éditions parisiennes Eugène Belin, en 1877, en pleine République des hussards, dans un environnement qui, en ce qui me concerne, faisait sens puisque les deux enfants sont des Lorrains, juste à la frontière de la partie annexée. Du mauvais côté.

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Je dois dire ici que je suis Lorrain, et j'oserais dire, du bon côté de la frontière, celle de Nancy. Mon arrière-grand-mère que j'ai connue me parlait de la guerre de 70 (de 1870 bien sûr), alors qu'elle-même ne l'avait pas connue, mais elle avait vécu, dans sa propre enfance, avec cette idée de revanche, de spoliation, d'injustice, qui a fait ruminer deux générations de Lorrains au moins. Elle a été institutrice et son beau-père (mon arrière-arrière-grand-père, donc, si vous me suivez), a été professeur d'histoire et aussi de morale. Dans le grenier de ma grand-mère, dans les années 1980, j'ai retrouvé un précieux manuel de morale, livret du professeur, qui datait de la même époque. Une succession de leçons, courtes, de (pseudo-)morale, comme : à table, on ne parle pas sauf si on est invité à parler, on se tient droit, on met les mains au-dessus de la table, etc. Plutôt un code de savoir-vivre aussi paternaliste que sexiste.

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Dans le manuel que le producteur de France Inter a qualifié en 2012 de "catéchisme républicain", André et Julien quittent leur ville natale, Phalsbourg, dite la Porte de France, pour parcourir, à pied, la France (on dirait aujourd'hui la "France éternelle", expression qu'a reprise d'ailleurs France Culture en 1976) et y connaître toutes ses richesses. La lecture de nos jours pourrait laisser une impression de livre très ringard, avec ses 212 de gravures réalisées par "Perot" et un peu surannées (on y apprend cependant ce que sont des images d'Épinal, toujours en Lorraine), mais il était au contraire très moderne à l'époque. C'était un moyen presque ludique de faire apprendre l'histoire, la géographie, l'industrie, etc. au travers d'une histoire d'enfants auxquels les jeunes lecteurs, des enfants aussi, pouvaient s'identifier. André a 14 ans et Julien 7 ans, et ils sont orphelins.

Au-delà de l'objectif documentaire voire encyclopédique du manuel, il y avait un évident objectif moral : chaque chapitre commence par une leçon de morale dont l'épisode démontre l'intérêt. Voici quelques leçons (il y en a autant que de chapitres, c'est-à-dire beaucoup, 127). La première est :
« Rien ne soutient mieux notre courage que la pensée d'un devoir à remplir. ». La dernière est : « Ne crains pas les efforts qu'il te faudra faire pour rendre les autres heureux. Je te l'assure, mon enfant, celui qui cherche à faire le bonheur d'autrui a déjà fait le sien. ». En passant par : « C'est surtout quand le malheur arrive, qu'on est heureux d'avoir une petite épargne. ». Ou encore : « C'est l'amour de la science et le courage des savants qui ont fait faire de nos jours tant de progrès à l'humanité. ». Certainement que le ton très paternaliste serait aujourd'hui contesté, mais il avait l'avantage d'être très efficace chez les enfants (ce qui est d'ailleurs curieux, c'est qu'il provient d'une femme et pas d'un homme).

Ce manuel a été utilisé dans les écoles pendant de longues décennies, jusque dans les années 1950. On y apprenait de tout : sciences, histoire, géographie, biographies, économie, industrie, médecine, art, culture, etc. Des centaines de rééditions ont eu lieu avec, parfois, de profonds changements. En 1906, après la loi sur la séparation de l'Église et de l'État, G. Bruno a ôté toutes les références à Dieu et à la religion, et à la 362
e édition, en 1912, un "épilogue" a été rajouté.

En 1914, à la 400
e édition, 7,4 millions d'exemplaires de ce livre ont déjà été vendus. En un peu moins d'un siècle et demi, on aurait évalué ce nombre à 8,6 millions (selon un article de Delphine Peras dans "L'Express" du 27 décembre 2015). Il a été réédité au moins 500 fois, et la dernière réédition daterait de 2012 (par les éditions Tallandier), selon l'émission de Jean Lebrun "La Marche de l'Histoire" du 25 juin 2012 sur France Inter.

J'ai eu la très grande chance d'avoir une institutrice (on disait une "maîtresse") en or pour apprendre à lire. Bien que ce fût hors programme depuis plusieurs décennies, Miss Corny, que j'ai eue au cours préparatoire et au cours élémentaire première année, m'a appris à lire avec "Le Tour de France par Deux Enfants". Ce fut pour moi l'éveil véritable à la France et la soif de la connaissance. Je n'ai jamais su si c'était l'amour pour ce livre qui m'a donné la curiosité ou si c'est ma curiosité d'origine qui m'a fait aimer ce livre. Toujours est-il qu'il fut mon livre de chevet dans mes jeunes années, ma bible.

Le 7 février 1991, par hasard, j'en ai retrouvé un exemplaire dans un hypermarché, "Continent" à Saint-Égrève, tout près de Grenoble pour ne pas le citer. Je l'ai tout de suite acheté. Un exemplaire neuf, une réédition bien sûr, des éditions Eugène Belin (l'éditeur existe depuis 1777 pour les manuels scolaires). Il est indiqué qu'il a été imprimé en juillet 1990 à Évreux (à l'époque, on imprimait encore en France). Il est également indiqué qu'il est parmi les 8 566
es milliers d'exemplaires. L'estimation de 8,6 millions d'exemplaires vendus paraît donc possible... et c'était il y a plus de trente ans. Je l'ai acheté 47,50 francs (ce qui fait 7,23 euros).

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Une des gravures, qui a sans doute le plus marqué des générations d'enfants, est proposée à la page 184, et établit qu'il existe(rait) quatre races, la blanche, la rouge, la jaune et la noire. Cent cinquante ans plus tard, une telle gravure peut choquer, elle est justement intéressante car elle intègre son époque. On sait aujourd'hui, grâce aux analyses ADN, qu'il n'y a pas de races humaines différentes sinon dans le fantasme d'encore trop nombreux contemporains.

Je m'appesantis sur cette idée : il n'y a qu'une seule race humaine. On peut parler d'ethnies différentes, ou de cultures différentes, mais il n'existe aucun critère objectif pour différencier les humains, et encore moins selon la couleur de la peau qui n'est pas au nombre de quatre, mais à peu près de 8 milliards car chaque humain résulte de nombreux échanges et mélanges tellement divers que la notion même de "pureté" en ce domaine est une imposture intellectuelle (d'autant plus que c'est l'altérité qui permet le progrès génétique). Nous étions dans le monde de Balzac, celui du XIX
e siècle, celui aussi du triomphe déterministe des sciences. Le représentant de la "race blanche" est en beau costume, il paraît avoir une position sociale élevée alors qu'il aurait pu être représenté par un ouvrier ou un paysan. Les trois autres représentants ressemblent plus à des caricatures comme on représenterait toutes les Bretonnes avec une coiffe bigoudène.

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Mais les clichés graphiques ne sont rien par rapport à la légende qui les accompagne. Elle commence ainsi :
« La race blanche, la plus parfaite des races humaines, habite surtout l'Europe, l'ouest de l'Asie, le nord de l'Afrique et l'Amérique. ». La légende n'ose pas dire ensuite que les autres races sont plus imparfaites mais l'idée reste la même !

Beaucoup d'éléments documentaires sont donc à modifier ou à compléter avec le temps qui s'est écoulé, non par une sorte de "politiquement correct" que certains appellent wokisme, mais parce que simplement beaucoup de choses ont évolué et en premier lieu la science. En revanche, beaucoup de choses restent aussi actuelles, comme la géographie (les paysages, etc.), l'histoire (à ceci près que la doctrine républicaine joue à fond), etc.

Par exemple, la biographie d'un grand chirurgien
« né près de Laval vers 1517 » (G. Bruno est née à Laval) est proposée, Ambroise Paré : « Toute sa vie est un long exemple de travail, de science, de dévouement et de modestie. Quand la peste éclata à Paris, le roi quitta la ville, mais Ambroise Paré, quoiqu'il fût médecin du roi, refusa de l'accompagner et voulut rester à Paris pour soigner les malades. Il s'exposa à tous les dangers et parvint ainsi à sauver bien des malheureux en risquant lui-même sa vie. ». La leçon de morale du chapitre qui en parle est une citation de Descartes : « Plus on avance dans les sciences, plus on s'aperçoit combien on ignore encore de choses, et plus on devient modeste. » (Ce qui reprend Socrate, selon Platon : « Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien, tandis que les autres croient savoir ce qu'ils ne savent pas. »).

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Je termine par l'évocation d'une autre biographie, celle du chevalier Bayard : « À quelques lieues de Grenoble, au milieu des superbes montagnes du Dauphiné, on trouve les ruines d'un vieux château à moitié détruit par le temps : c'est là que naquit, au quinzième siècle, le jeune Bayard, qui par son courage et sa loyauté mérita d'être appelé "le chevalier sans peur et sans reproche". (…) [Sa mère] lui adressa gravement ces paroles : Pierre, mon ami, je vous fais de toutes mes forces le commandement que vous soyez doux et courtois, ennemi du mensonge, sobre, toujours loyal ; que vous soyez charitable : donner aux malheureux n'appauvrit jamais personne. Le jeune Bayard tint parole à sa mère. (…) Les grandes actions de Bayard sont bien connues ; il serait trop long de les raconter toutes ici. Un jour, il sauva l'armée française au pont du Garigliano, en Italie ; les ennemis allaient s'emparer de ce pont pour se jeter par là à l'improviste sur nos soldats. ». Etc. J'ai visité ce château du côté de Pontcharra, j'ai habité près du pont du Garigliano (mais à Paris !)... et l'évocation de Bayard, mythique, provient du "Tour de France par Deux Enfants".

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Après ce succès éditorial, Augustine Fouillée a publié en 1887 "Les Enfants de Marcel. Instruction morale et civique en action" qui a atteint sa 396e édition en 1930. Et surtout, en 1916 "Le Tour de l'Europe pendant la guerre", en pleine Première Guerre mondiale, la suite du "Tour de France" avec André et Julien et leurs enfants.

G. Bruno est morte en juillet 1923 à Paris mais enterrée à Menton, dans le même cimetière que son second mari Alfred Fouillée, mort en 1912 à Lyon, agrégé de philosophie, membre de l'Académie des sciences morales et politiques. Il semblerait que le choix de Menton provienne de son fils du premier mariage, Jean-Marie Guyau, également philosophe, mort et enterré à 33 ans en 1888 à Menton, victime de la tuberculose. La conjointe de ce dernier, Barbe Marguerite André, se faisait appeler Pierre Ulric, à l'instar de sa belle-mère, pour publier des romans destinés à la jeunesse. Leur propre fils, Augustin Guyau, lui aussi philosophe, est mort au combat à 33 ans en 1917. G. Bruno a donc vécu la mort de son fils et la mort de son petit-fils, tous les deux au même âge. Augustin Guyau s'était spécialisé dans les travaux de son "beau-grand-père" Alfred Fouillée.


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En août 1976, France Culture a consacré vingt-quatre épisodes quotidiens d'environ 25 minutes à ce livre "Le Tour de France par Deux Enfants", une adaptation de Sylvie Albert réalisée par Guy Delaunay, et une lecture faite par le comédien Michel Bouquet accompagné par Nathalie Nerval : « Traversant ses régions, leur voyage devient une découverte de la France, de son histoire et de sa géographie. Ode à l'unité nationale, à l'ordre moral et social, ce livre peint un pays avant tout rural et artisanal, une France éternelle, en évitant les sujets qui fâchaient alors, comme la Révolution, ou évidemment, la Commune. ». Cette série a été rediffusée pendant la nuit en janvier 2021 dans le cadre des Nuits de France Culture, qui reprennent des archives de la station de radio.

Aujourd'hui, on pourrait écrire le Tour du Monde par deux enfants, à moins d'être un peu plus ambitieux et d'oser le Tour du Système solaire par deux enfants...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (29 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
G. Bruno.
Le Tour de France par Deux Enfants lu par Michel Bouquet en août 1976 sur France Culture.
Miss Corny.
Gabriel Attal.
Pap Ndiaye.
Les vacances scolaires sont-elles trop longues ?
Nos enseignants sont des héros !
Prime à l'assiduité : faut-il être choqué ?
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
Samuel Paty : faire des républicains.
Samuel Paty : les enseignants sont nos héros.
La sécurité des personnes.
Lycée Toulouse-Lautrec.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230708-g-bruno.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-mysterieux-g-bruno-un-siecle-249311

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/07/27/39988458.html






 

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7 juillet 2023 5 07 /07 /juillet /2023 05:28

« Nos intermittents du travail vont être très en colère ! » (commentaire provocateur d'un internaute sur "20 Minutes" le 28 juin 2023).




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Ce vendredi 7 juillet 2023, c'est le dernier jour de l'école, la fin de l'année scolaire, le début des vacances estivales et le début des départs en vacances, en bref, la galère des bouchons sur les autoroutes de France tous les week-ends. La vie des Français se branche toujours sur le calendrier scolaire, alors, lorsqu'on en parle, cela intéresse forécement tout le monde.

Un marronnier ? Un serpent de mer ? L'Arlésienne de l'Éducation nationale ? Les mots sont nombreux pour décrire un nouveau sujet mis au débat public par le Président de la République Emmanuel Macron lors de son long déplacement à Marseille (venu faire le bilan de deux ans d'aides de l'État). Lors d'une visite dans une école, le 27 juin 2023, le chef de l'État a en effet déclaré que les vacances scolaires semblaient trop longues et renforçaient les inégalités dans les familles entre celles qui peuvent partir et les autres. Le lendemain, au conseil des ministres, le Président de la République a demandé à ses ministres de réfléchir sur le sujet sans fixer de cadre, ni calendrier ni principes.

On pourrait croire, à la manière dont le sujet a été introduit, à la volonté de créer un contre-feu alors qu'ont eu lieu le première nuit d'émeute consécutive à la mort de Nahel. En tout cas, le sujet a été jeté en pâture aux médias et aux professionnels de la vie scolaire sans guide, sans objectif, juste pour le plaisir de débattre voire de polémiquer, mais avec un véritable volonté d'améliorer l'existant.

L'agenda des mômes est ultra-sensible car il impacte toute la nation : les élèves, donc leurs parents, les enseignants et tous les personnels éducatifs évidemment, mais aussi toute l'économie, le tourisme, les transports, circulation sur les routes, transports en communs, etc.

On a vu il y a dix ans, avec François Hollande, à quel point modifier les rythmes scolaires dans la semaine a été d'une grande maladresse, une mission casse-cou : absence de concertation, fatigue des écoliers qui ont besoin d'une pause dans la semaine, sans compter l'explosion des finances des municipalités qui devaient assurer l'animation des enfants les après-midis (avec l'impossible recrutement de personnes forcément peu qualifiées puisque payées très partiellement avec l'incapacité de travailler ailleurs à cause de leur grande indisponibilité horaire). Il s'agissait en effet d'en finir avec la pause du mercredi, faire travailler les écoliers tous les matins de la semaine et proposer des activités d'éveil, de sport, de créativité les après-midis (sur un modèle allemand déjà dépassé). Heureusement, le ministre Jean-Miche Blanquer a supprimé cette aberration issu d'un cerveau dogmatique, celui de Vincent Peillon dans une préparation très théorique.

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Emmanuel Macron savait donc, en ouvrant ce nouveau chantier, qu'il marcherait sur des œufs, si bien qu'il n'entend pas aller vite, et les vacances de l'année scolaire prochaine 2023-2024 sont de toute façon déjà fixées. Son argument principal pour réduire la durée des vacances d'été est le suivant, formulé par le porte-parole du gouvernement Olivier Véran le 28 juin 2023 : « Beaucoup trop d'enfants dans notre pays, hélas, ne partent pas en vacances et donc peuvent être assignés à la maison pendant plusieurs mois au cours desquels ils n'apprennent pas (…), ce qui nuit à la consolidation des acquis de l'enseignement. ».

Beaucoup d'autres arguments ont été avancés pour les réduire : l'égalité entre les élèves (certains partent, d'autres pas et traînent dans leur quartier à ne rien faire) ; en augmentant le temps scolaire dans l'année, on peut réduire les cadences infernales dans la semaine ; on optimise aussi le temps d'occupation des locaux (les écoles sont vides pendant deux mois alors qu'elles pourraient accueillir d'autres publics), etc.

Si on ne s'étonne pas de la réaction a priori très hostile des syndicats (entre la défense du statu quo et le regret d'un simple effet d'annonce), évacuons d'abord l'idée préconçue selon laquelle les profs ont trop de vacances. Les enseignants ne sont pas l'essentiel ; l'essentiel, ce sont les écoliers et l'emploi du temps des enseignants s'adapte en conséquence.

De plus, si les enseignants bénéficient effectivement de plus de vacances qu'un salarié ordinaire avec ses cinq semaines de congés payés et quelques jours de RTT et de congés négociés avec leur employeur (tandis que les enseignants ont seize semaines de vacances), il faut rappeler qu'ils sont aussi rémunérés en conséquence : pour le même niveau d'indice etc., un enseignant est payé dix mois répartis sur les douze quand son collègue fonctionnaire d'un autre ministère est payé douze mois.

Du reste, les vacances sont rarement des vacances : pour les "petites" vacances, c'est souvent des paquets de copies à corriger, des cours à préparer, etc. Et en été, c'est aussi des préparations quand ils ont changé de niveaux, voire d'établissement. Et puis, si c'était si sympa et facile d'être prof, pourquoi donc manquerait-il autant de candidats dans les concours de recrutement ? On a vu pendant le premier confinement, au printemps 2020, des parents comprendre enfin le métier de prof, parce qu'ils étaient confrontés à l'apprentissage de leurs propres enfants.

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L'idée de créer trois zones n'avait pas d'intérêt pour les enfants. C'était juste un intérêt économique : celui de diluer la circulation et d'augmenter les périodes touristiques.

On comprend aussi l'importance des parents : comme ils bénéficient de moins de vacances que leurs enfants, il faut pouvoir les garder d'une manière ou d'une autre. Souvent, c'est le rôle des grands-parents (à condition que ceux-ci ne travaillent plus !), des centres aérés proposés par la commune, de camps de vacances, des tantes ou autres membres de la famille, des amis, des correspondants linguistiques, etc. Certains pourraient donc être favorables à une réduction de leur durée pour de simples commodités d'organisation de la famille.

Mais la question doit avant tout être centrée uniquement autour de l'intérêt des élèves. Et la première des choses à observer depuis quelques années, c'est que les étés sont devenus très chauds et sont peu adaptés à la vie scolaire (à moins d'équipements comme la climatisation, coûteuse en argent et en énergie).

Dans les nombreuses réactions que suscite le sujet, celle d'un internaute le 28 juin 2023 sur le site "20 Minutes" me paraît intéressante car elle pointe du doigt une incohérence : « D'un côté il veut réduire les vacances pour diminuer le temps en journée et de l'autre il nous dit vouloir garder les enfants jusque 18h à l'école... va falloir arrêter de balancer des idées sans la moindre réflexion. ». Le même jour, Emmanuel Macron avait effectivement annoncé que les collèges seraient ouverts de 8 heures à 18 heures pour des temps pédagogiques, renforçant l'égalité entre les élèves.

En proie aux débats passionnés, la France pourrait certainement se couper en deux (de manière très artificielle) entre ceux qui sont pour la conservation du calendrier actuel, considérant qu'une longue coupure est nécessaire pour les enfants, pour qu'ils commencent la nouvelle année scolaire avec un reset dans leur esprit, une remise à zéro et un nouveau départ sur des bases nouvelles, et ceux qui seraient séduits par les propos présidentiels et qui voudraient une France qui travaille... un peu plus !

Je n'ai pas d'avis très prononcé sur la question car mon réflexe serait de refuser tout changement sur cette question très sensible car changer dans ce domaine a plus de probabilité de faire pire que mieux, on l'a vu sur les rythmes scolaires il y a dix ans. Emmanuel Macron n'a peut-être pas perçu l'extrême sensibilité du sujet, qui touche à la vie quotidienne des Français, mais aussi à leurs attentes (certains pensent à leurs vacances dès septembre). Il n'a jamais été maire, ou élu local en général, avec un mandat de proximité qui permet de comprendre la diversité des situations et cette extrême sensibilité.

Comme je l'ai écrit, on marche sur des œufs en abordant ce sujet. Si un changement devait améliorer la situation générale, il devra alors être obtenu par une vraie concertation qui aboutira à un certain consensus. Sans cette condition impérative, tout changement du calendrier scolaire sera voué à l'échec.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (07 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les vacances scolaires sont-elles trop longues ?
Nos enseignants sont des héros !
Pap Ndiaye, un intellectuel dans la fosse politique.
Prime à l'assiduité : faut-il être choqué ?
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
Samuel Paty : faire des républicains.
Samuel Paty : les enseignants sont nos héros.
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https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/les-vacances-scolaires-sont-elles-249071

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