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6 avril 2007 5 06 /04 /avril /2007 15:18
On a beau répéter que les sondages ne décrivent pas la réalité, le dernier sondage publié ce 6 avril 2007 donne à Jean-Marie Le Pen un niveau d’intentions de vote jamais encore atteint dans cette campagne : 16% (1).

Et il faut dire que le candidat très expérimenté (le plus derrière Arlette Laguiller) du FN a pourtant beaucoup de handicaps à surmonter.

Le premier est sans doute l’âge qu’avait évoqué Bernard Dugué dans un récent article (2). Avec 78 ans, non seulement Le Pen a du mal à montrer un visage de révolutionnaire, mais surtout, il doit supporter la fatigue d’une épuisante campagne. Seuls, deux ou trois meetings sont prévus afin de lui permettre de ne se focaliser que sur ses interventions télévisées.

Le deuxième handicap est la permanence de l’ostracisme qu’il subit (à juste titre à mon avis) de la part de la classe politique. Les idées et les thèmes ressassés sont toujours les mêmes et la forte mobilisation de toute une nation au second tour de l’élection présidentielle de 2002 a montré un rejet général de ses thèses.

Le troisième handicap, c’est évidemment son entourage, et principalement Bruno Gollnisch qui serait le cas échéant son Premier Ministre, récemment condamné pour révisionnisme.

Mais ces handicaps l’handicapent-ils vraiment ?

Prenons d’abord le fond.

Les thèmes habituellement véhiculés ont pu avoir une large audience grâce à un spécialiste du marketing politique qui croit être déjà Président de la République : en effet, Nicolas Sarkozy, entre 2002 et 2007, a semble-t-il, mieux réussi que Charles Pasqua à montrer sa fermeté face à la délinquance… et à l’immigration. Vous voyez déjà, mettre ces deux thèmes l’un à côté de l’autre laisse croire que les délinquants sont des immigrés et réciproquement. L’idée d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale vient en seconde couche dans l’idée que décidément, les immigrés menacent la nation française. Et Simone Veil ne semble pas avoir d’influence décisive à ce sujet.

Depuis plusieurs années, on a parlé de la « lepénisation des esprits » avec raison. Les idées sont diffusées tranquillement par un récupérateur de voix. Mais Le Pen adore répéter cette maxime : « les gens préfèrent l’original à la copie ».

Prenons ensuite la forme.

Pour une élection présidentielle, la forme est essentielle, puisque les électeurs ne votent pas que pour un programme, mais aussi pour une personnalité, avec ses capacités et ses carences. Ségolène Royal le sait bien, puisqu’elle a tout misé dès le début sur son image de femme nouvelle et imaginative (même si ses imaginations risquent de devenir des cauchemars dans bien des domaines).

J’avais toujours vu, entendu Le Pen avec son visage agressif, toujours sur la défensive et la justification. Le voici plus serein. Ses affiches montreraient un grand-père presque gentil si on ne connaissait pas le bonhomme. Tout dans son comportement, dans ses vêtements, et même dans ses mimiques, comme le froncement des sourcils, a été lissé. Lissé par sa fille Marine Le Pen qui s’occupe bien de lui.

Le Pen est fatigué, cela se voit, mais cette fatigue pourrait le servir : a-t-on peur d’un homme fatigué ? Le Pen fait-il encore peur ? Quels militants de gauche (par exemple) irait voter Sarkozy dans un second tour cauchemardesque qui l’opposerait à Le Pen ? Sûrement beaucoup encore, mais serait-ce autant qu’en 2002 ?

Maintenant, écoutons le discours de Le Pen et de ses proches.  Et c’est là que Le Pen se montre un très habile politicien.

Il n’a plus rien à prouver sur sa haine du laxisme contre la délinquance, sur son refus de l’immigration, sur don allergie à la construction européenne etc. Donc, inutile pour lui d’insister, d’en rajouter. À la rigueur, Nicolas Sarkozy et Philippe De Villiers le font à sa place.

Il a même changé son vocabulaire : aux oubliettes le Front National, et parlons d’Union patriotique. La patrie serait-elle en danger ?

Alors, le discours se veut résolument consensuel. Cela peut faire rire, mais ses paroles peuvent se révéler finalement assez convaincantes.

Par exemple, lorsqu’il dit qu’il est du centre droit, de droite modérée, pour décrédibiliser François Bayrou, il peut être crédible : son programme économique (s’il en a un) n’est qu’un paquet de mesures libérales classiques. Lorsqu’il explique qu’il est centriste, mais qu’on le place à droite, c’est parce que les autres se sont tous de gauchisé (Sarkozy compris). Là, évidemment, sa crédibilité en prend un coup, mais passons.

Après la malsaine surenchère de Ségolène Royal, qui n’hésite pas à demander le retour des ateliers de couture dans les écoles primaires pour apprendre aux enfants à coudre un drapeau tricolore (cela sent le parfum assez nauséabond d’une époque pas si ancienne que cela), Marine Le Pen dit tranquillement que ce n’est pas aux hommes politiques de demander aux Français d’avoir un drapeau chez eux. Et pan sur Royal.

Les objectifs de Le Pen lors de sa visite inattendue du quartier du Val-d’Argent à Argenteuil le matin du 6 avril 2007, sont du même ordre. Mais pour tirer sur Sarkozy cette fois-ci.

D’une part, montrer son courage face au candidat Sarkozy qui n’a pas osé aller dans les banlieues pendant la campagne (il a même annulé le 5 avril une visite à la Croix Rousse de Lyon) : « Je veux prouver que pour la France nationale il n'y a pas de zone de non-droit. ».

Son discours vers les habitants de ce quartier difficile a été très conciliant : « Si certains veulent vous 'kärcheriser' pour vous exclure, nous voulons, nous, vous aider à sortir de ces ghettos de banlieue où les politiciens français vous ont parqués pour vous traiter de racaille par la suite. ».

Il a déclaré très habilement : « Vous êtes les branches de l'arbre France, vous êtes des Français à part entière. ».

Tout en insistant sur le travail : « Vous devez contribuer au redressement de la République française par le travail. », un thème pris par Sarkozy et Royal dans leurs surenchères.

À la fin de sa visite, Le Pen a même eu le geste de remercier ceux qui l’avaient écouté : « Je tiens à vous remercier tous de m'avoir permis de m'exprimer, là où même pas notre ministre de l'Intérieur n'ose se rendre. ».

Parallèlement à cela, Jean-Marie Le Pen poursuit son bluff comme il l’avait fait en 2002 ou 1995. Sans y croire, il martèle sans arrêt qu’il sera présent au second tour, et aurait même préparé déjà ses affiches et propagandes d’entre les deux tours.


De tout cela, que faut-il en conclure ? Faut-il avoir peur du score qu’aura Jean-Marie Le Pen ?

Je ne pense pas qu’il sera au second tour, car la configuration actuelle (trois grands candidats faisant entre 18 et 25% au-dessus de lui) et l’absence de dispersion sur les petits candidats (observée aux élections européennes en juin 2004, dernier  vrai test électoral où l’UMP faisait 16% et l’UDF 12%, et aussi dans les sondages actuels) imposeraient à Le Pen de franchir au moins le seuil des 20%, ce qui semble peu plausible.

Mais mon propos est cependant d’avertir : Le Pen est toujours là, présent, et continuera à avoir son influence sur les évènements électoraux qui vont arriver. Ne serait-ce que sur le choix des thèmes de campagne.


(1) Dépêche sur le dernier sondage.

(2) Le Pen serait-il trop vieux ?


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