« Donald Rumsfeld est l’une des personnes les plus responsables de la situation actuelle en Irak. La politique américaine dans ce pays est une faillite intellectuelle. » (Sir Mike Jackson, ancien chef des armées britanniques, 2007).
L’ancien ministre américain Donald Rumsfeld est mort ce mardi 29 juin 2021 quelques jours avant ses 89 ans (il est né le 9 juillet 1932). Considéré comme un "faucon", c’est-à-dire un faiseur de guerre (ce "genre d’opportunité" qui permet de "remodeler le monde"), Donald Rumsfeld a été à la fois le plus jeune et le plus âgé des Ministres de la Défense des États-Unis, nommé deux fois avec un intervalle de près d’un quart de siècle (une génération !).
D’une famille originaire il y a très longtemps de Basse-Saxe, en Allemagne, Donald Rumsfeld est né dans un milieu modeste et a fait de brillantes études de science politique à la prestigieuse Université de Princeton grâce à des bourses. Il est tombé très vite dans le chaudron de la vie politique et a été élu représentant (député) dès novembre 1962, à l’âge de 30 ans. Il fut réélu tous les deux ans, et a exercé son mandat parlementaire de janvier 1963 à mars 1969.
Très rapidement, il a pris une influence considérable au sein du parti républicain. Jeune et charismatique, on l’a appelé au milieu des années 1960 le Kennedy des républicains et il s’est rapidement retrouvé en opposition avec un autre espoir du parti, George H. W. Bush (père). Après l’élection de Richard Nixon à la Maison-Blanche, Donald Rumsfeld dont il était proche a eu des responsabilités au sein du staff présidentiel, ce qui explique qu’il a quitté la Chambre des Représentants.
Ce fut à cette époque qu’il a rencontré Dick Cheney, jeune stagiaire dont il est devenu le mentor en politique. De 1972 à 1974, il s’est éloigné de Washington, nommé ambassadeur des États-Unis à l’OTAN, à Bruxelles, puis, après le Watergate, il fut nommé par le nouveau Président Gerald Ford chef de l’administration présidentielle, chef du cabinet de la Maison-Blanche (un équivalent de Secrétaire Général de l’Élysée et de directeur de cabinet). À ce poste stratégique qu’il a occupé du 21 septembre 1974 au 20 novembre 1975, il a pris pour adjoint Dick Cheney. Il venait de succéder à Alexander Haig, futur Secrétaire d’État.
Puis, ce fut la consécration, à seulement 43 ans, avec sa nomination comme Secrétaire d’État à la Défense (ministre de la défense) de Gerald Ford, du 20 novembre 1975 au 20 janvier 1977, jusqu’à la défaite électorale du parti républicain. À la tête du cabinet présidentiel lui a succédé son poulain Dick Cheney. Au même moment, George H. W. Bush a été nommé directeur de la CIA du 30 janvier 1976 au 20 janvier 1977.
Après la victoire de Jimmy Carter, le parti républicain, terriblement secoué par le Watergate, s’est retrouvé dans une sorte de trop vide de leadership. Deux personnalités se dégageaient pour reprendre le rôle de leader, Donald Rumsfeld et George H. W. Bush. Cependant, Donald Rumsfeld s’est éloigné de la vie politique et a entrepris une carrière de dirigeant économique. Il a dirigé notamment des entreprises dans le secteur pharmaceutique, comme GD Searle qui est devenue par la suite une filiale du groupe Pfizer.
Trop absorbé par son rôle économique, il ne s’est pas présenté aux primaires du parti républicain pour 1980. Il n’a cependant pas bénéficié du retour au pouvoir des républicains en raison de la présence de son rival George H. W. Bush (candidat aux primaires) comme Vice-Président des États-Unis (puis comme Président), de 1981 à 1993. Le Président Ronald Reagan lui a cependant confié une mission diplomatique pour renouer les relations diplomatiques avec l’Irak, ce qui a abouti, comme envoyé spécial de Ronald Reagan, à sa rencontre avec Saddam Hussein le 20 décembre 1983 à Bagdad, ce qui lui a été reprochée par la suite.
Non plus candidat aux primaires républicaines de 1988 (la désignation de George H. W. Bush était très prévisible), Donald Rumsfeld resta dans la sphère des affaires jusqu’en 2000 (pendant donc un quart de siècle). Il dirigea notamment le groupe pharmaceutique Gilead Sciences de 1997 à 2001.
Ce fut seulement lors de la campagne puis de l’élection de George W. Bush que son retour fut effectif. En effet, à cause de l’inexpérience de George W. Bush (fils), Donald Rumsfeld et son ancien poulain Dick Cheney ont fait leur grand retour en politique pour assister le nouveau Président.
Dick Cheney fut élu Vice-Président, tandis que Donald Rumsfeld fut nommé une nouvelle fois Secrétaire d’État à la Défense du 20 janvier 2001 au 18 décembre 2006. Le malheur a voulu que le premier mandat du Président George W. Bush fût marqué terriblement par les attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001. Donald Rumsfeld engagea alors les États-Unis dans deux guerres très graves et meurtrières, en Afghanistan pour renverser le pouvoir taliban, et en Irak pour renverser Saddam Hussein (terminer le travail de Bush père).
Aidé d’un Vice-Président a qui sans doute eu le plus de pouvoirs réels de toute l’histoire des États-Unis, Donald Rumsfeld a obtenu une augmentation très forte du budget des armées. Il a créé aussi une nouvelle agence, l’Office of Special Plans visant à concurrencer la CIA, placée sous l’autorité de son adjoint Paul Wolfowitz. Ce fut une officine qui aurait falsifié un certain nombre d’éléments pour faire croire à la présence d’armes de destruction massives en Irak.
Après une certaine popularité au début de la guerre en Irak en 2003, Donald Rumsfeld fut de plus en plus contesté dans sa politique, notamment sur le traitement des prisonniers pour terrorisme (on a parlé de torture), mais aussi dans l’enlisement des troupes américaines sur le terrain après la guerre en Irak.
Contesté par des généraux en retraite et de nombreux parlementaires défendant les droits de l’homme qui ont réclamé sa démission, Donald Rumsfeld a perdu la partie : George W. Bush profita en effet des élections à mi-mandat de son second mandat pour l’éloigner. Il annonça cette décision le 8 novembre 2006 et la nomination de son successeur Robert Gates.
Il restera de Donald Rumsfeld une histoire qui aurait pu tourner à un nouveau Kennedy et qui n’a été que vénalité et guerre de désolation. Intéressé notamment par l’aspartame et le Tamiflu, Donald Rumsfeld a encouragé la guerre en Irak afin de préserver les intérêts économiques des États-Unis. Le mélange entre affaires financières personnelles et intérêt de l’État est sans doute le cocktail qui donne un bon exemple d’un responsable politique qui a suscité la perte de confiance sinon la colère d’un grand nombre d’électeurs, probablement ce terreau qu’a utilisé un peu plus tard Donald Trump pour arriver lui-même au pouvoir.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Donald Rumsfeld.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210629-donald-rumsfeld.html
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/donald-rumsfeld-faucon-et-vrai-234073
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/07/01/39038606.html
commenter cet article …