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5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 13:39

Il vient de disparaître à soixante-quatre ans. Connu pour ses positions tranchées, Jacques Marseille était à la fois observateur et force de proposition. Radical, il n’hésitait pas à révolutionner les perspectives économiques et sociales. Pour preuve, l’allocation universelle à 750 euros par mois pour tout le monde inconditionnellement.


yartimarseillejacques01Marseille à Paris. Ce n’est pas midi à quatorze heures pourtant.
Ni un match de foot OM-PSG.
 
C’est juste que l’historien de l’économie était parisien... L’un des promoteurs qui a le mieux argumenté l’allocation universelle pour tous les Français. « Une voie libérale vers le communisme, en somme ! » reconnaissait-il.
 
 
Libéral
 
Il avait de zélés adversaires. Peut-être étaient-ce ses anciens camarades du parti communiste ? On lui contestait son militantisme anti-syndicats, son intransigeance face aux abus de l’État, son souhait d’un monde qui encouragerait un peu plus l’initiative privée.
 
Les plus médisants pointaient même sur sa supposée avarice que rien de tangent n’a pu confirmer. Sur ses émoluments de professeur d’histoire économique et sociale à la Sorbonne (la chaire de Marc Bloch) dont les cent vingt-huit heures annuelles de cours (penser quand même aux heures pour les préparer) lui donnaient quelques créneaux horaires pour rédiger des bouquins, et aller dans les médias, des chroniques au "Point", à "L’Expansion", aux "Échos", des prestations sur Europe 1 et sur France 5 ("C dans l’air") entre autres, des activités qui pouvaient apporter un peu de beurre à ses épinards et une visibilité accrue de ses réflexions.
 
 
Inféodé au pouvoir ?
 
Bon, c’est vrai que Jacques Marseille n’avait jamais caché ses idées, qu’il professait moins d’État et mieux d’État. Mais de là à dire qu’il était inféodé au pouvoir en place, c’est se tromper sur ce qu’on pourrait appeler des intellectuels qui réfléchissent à voix haute. Leur ego est bien trop grand pour se résoudre à avaler sans raison des couleuvres de la pensée. Leurs réflexions les placent dans le rôle (enviable) de l’observateur, pas de l’acteur. Jacques Marseille avait ainsi condamné le simpliste slogan de campagne de Nicolas Sarkozy « Travailler plus pour gagner plus » qu’il assimilait à « un slogan datant manifestement du siècle dernier » et préférait le slogan : « vivre mieux » (quel que soit le travailler : plus, moins, autant) assez similaire à celui des défenseurs de la décroissance.
 
 
Dysfonctionnements
 
Jacques Marseille était surtout connu pour avoir pointé du doigt le fameux "Mal français" d’Alain Peyrefitte comme d’autres, comme Nicolas Bavarez ou Éric Le Boucher.
 
Pour Jacques Marseille, l’élection de 2007 était l’un des huit rendez-vous cruciaux de l’histoire de France : « après le choix de l’État contre les féodalités, celui de la tolérance religieuse contre le fanatisme, de l’ordre contre les privilèges, des institutions stables contre le désordre (Napoléon), le choix du marché contre le paupérisme (Napoléon III), celui de la résistance contre l’accommodement (De Gaulle), du grand large contre la nostalgie coloniale (encore De Gaulle), et le choix du courage contre l’égoïsme ». Là, on pourrait dire qu’il avait un peu exagéré.
 
L’un de ses derniers bouquins, paru avant l’élection présidentielle, précisait clairement son contenu avec son titre : "Les 100 chiffres pour ne pas voter nul en 2007".
 
L’objectif était de faire un état des lieux de la situation économique et sociale du pays qui pouvait un peu étonner. Certes, il y a eu des évolutions depuis trois ans, mais Jacques Marseille donnait quelques critères intéressants.
 
Par exemple, au lieu de parler du nombre de demandeurs d’emploi par nombre d’actifs, il vaudrait mieux calculer le rapport du nombre de demandeurs d’emploi sur le nombre des actifs tributaires de la conjoncture, à savoir les travailleurs du privé, en éliminant les sept millions de fonctionnaires ou assimilés (dont il était en tant qu’universitaire) qui, eux, n’ont pas à craindre de perdre leur emploi (même s’il peut y avoir d’autres problèmes). Et par conséquent, ce taux monterait non pas à 10% mais à plus de 20% ! Ceux qui, soumis au secteur marchand, recherchent un travail. Les 20% datent de 2007, nul doute que la crise aura fait exploser ce taux.
 
Jacques Marseille pestait aussi contre la fierté de d’affirmer que la France a une productivité horaire élevée : c’est vrai, mais par rapport aux autres pays, il y a beaucoup moins de gens qui travaillent en France, notamment entre 55-64 ans, seulement un tiers au lieu de la moitié ou des deux tiers dans d’autres pays européens.
 
 
Promoteur de l’allocation universelle
 
Jacques Marseille était cependant partisan d’une mesure radicale et révolutionnaire : l’allocation universelle. Verser 750 euros par mois à tous les Français âgés de plus de 18 ans et la moitié de la naissance à 18 ans. Les allocations familiales, c’est nettement moins que 375 euros : 120 euros par enfant par mois au-delà du deuxième enfant. Les bourses pour lycéens ou étudiants, c’est 400 euros, soit nettement moins que les 750 euros par mois. Cette prestation coûterait 510 milliards d’euros. Elle permettrait pour un couple de smicards de recevoir chaque mois pas 2000 euros nets mais 3500 euros net par mois.
 
Elle serait financée par la suppression de toutes les prestations sociales, y compris le système des retraites par répartition qui aurait, en 2050, 10 cotisants pour 8 retraités (en 1980, 4 cotisants pour 1 retraité et en 1945, 15 cotisants pour 1 retraité). Ce système se transformerait alors en système par capitalisation PLUS cette allocation universelle qui avantagerait les moins aisés et encouragerait à travailler (malgré le droit à ce revenu inconditionnel).
 
Seules, les prestations d’assurance maladie resteraient maintenues (de l’ordre de 160 milliards d’euros), ce qui augmenterait globalement de seulement 16% les dépenses de protection sociale, hausse qui pourrait être compensée par les économies réalisées par l’État dans la suppression de tous les dispositifs sociaux.
 
Bref, l’instauration d’une telle allocation ne coûterait pas plus cher. Sa démonstration développée dans un de ses livres paraît être assez convaincante.
 
Il est sûr que cette idée devrait être remise à jour, notamment pour la rendre compatible avec le financement de la dépendance (prochain dossier après les retraites) et sécuriser une retraite par capitalisation des risques que la crise financière a fait apparaître au grand jour.
 
 
Contre les idées simplistes
 
Jacques Marseille était contre les solutions simplistes consistant à prendre aux riches l’argent et le redistribuer aux pauvres.
 
Avec une petite démonstration mathématique assez facile à saisir : les 40 patrons du CAC 40 gagnent à eux seuls 200 millions d’euros par an (enfin, en 2007, sûrement plus aujourd’hui… Henri Proglio ferait "pâle figure" dans ce petit cercle). Si l’on voulait les redistribuer aux plus pauvres (en 2007, près de 4 millions de personnes sont en dessous du seuil de pauvreté), alors chaque "pauvre" n’aurait annuellement que… cinquante euros supplémentaires. Pas de quoi résoudre les choses. Alors que l’allocation universelle, elle, est un dispositif innovant qui accroîtrait notablement les plus bas revenus.
 
 
Dernier combat
 
Enfin, jusqu’à ce jeudi 4 mars 2010 matin, Jacques Marseille était également contre le cancer, pas seulement ce « cancer qui ronge le pseudo-modèle social français » (incohérences des interactions entre l’État et le secteur marchand) mais également le vrai, celui qui mine et abat même les hommes de soixante-quatre ans au sommet de leur art.
 
 
 
Sylvain Rakotoarison (5 mars 2010)
 
 
Pour aller plus loin :
 
 
 
 
 
 
yartimarseillejacques08 
 



http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jacques-marseille-liberal-et-71055

http://www.lepost.fr/article/2010/03/05/1972261_jacques-marseille-liberal-et-revolutionnaire.html

http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-142

http://www.centpapiers.com/jacques-marseille-liberal…-et-revolutionnaire/11898/






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commentaires

B
Contre les idées simplistes !!!<br /> Il n'a pris que les 40 patrons du CAC40, mais pas les 100 000 plus riches, vieux fumier.
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