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16 décembre 2008 2 16 /12 /décembre /2008 20:30

(verbatim)


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231216-sarkozy.html



DISCOURS DE NICOLAS SARKOZY LE 16 DÉCEMBRE 2008
AU PARLEMENT EUROPÉEN DE STRASBOURG


Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, devant le Parlement Européen, sur le bilan de la Présidence française du Conseil de l'Union Européenne, à Strasbourg le 16 décembre 2008


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires européens,

Lorsque la France a commencé à exercer sa Présidence, la situation en Europe était marquée par l'interruption du processus de ratification du Traité de Lisbonne à la suite du vote de nos amis irlandais rejetant ledit traité. On n'imaginait pas à l'époque qu'une guerre éclaterait entre la Géorgie et la Russie et on n'imaginait pas non plus la violence de la crise financière, d'abord, de la crise économique ensuite, que l'Europe aurait à affronter. La Présidence française, Monsieur le Président, a essayé d'organiser toute son action autour de deux convictions : le monde a besoin d'une Europe forte, première conviction, deuxième conviction : il ne peut pas y avoir d'Europe forte si l'Europe est désunie. Naturellement, j'imagine que ces idées ne sont pas originales, elles n'en sont pas moins nécessaires. Nous avons essayé de faire en sorte tout au long de ces six mois que l'Europe soit unie et que l'Europe soit forte, qu'elle pense par elle-même. Qu'est-ce qu'une Europe forte ? C'est une Europe qui pense, qui a des convictions, qui a ses réponses, qui imagine. C'est une Europe qui ne se contente pas de suivre. C'est une Europe qui refuse un consensus fondé uniquement sur le non-dit, sur l'évacuation des problèmes, sur le temps censé tout arranger alors que ma conviction, c'est que plus on attend, plus on complique. Et, finalement, cette Présidence s'est déroulée au rythme d'événements internationaux qui ont bouleversé l'organisation de nos travaux. Ce n'est certainement pas à moi de faire un bilan. Je voudrais simplement vous dire comment nous avons affronté ces différentes épreuves. Quand, au mois d'août, s'est présenté, le 8 août, la crise géorgienne, nous avons eu à l'esprit une obsession : arrêter la guerre et ne pas tomber dans ce qui s'était passé au moment de la Bosnie.

Franchement, sans porter de jugement cruel, quand le conflit s'est déroulé en Bosnie, nous sommes en Europe, et l'Europe a été absente et ce sont les États-Unis d'Amérique, nos alliés, nos amis qui ont pris leurs responsabilités et l'Europe qui a dû suivre. L'obsession qui a été celle de la Présidence, c'est que l'Europe prenne ses responsabilités. Et, en ce mois d'août, nous avons d'abord négocié le cessez-le-feu, le 12 août, puis un accord de retrait le 12 septembre. Finalement, la guerre fut évitée. Le retrait fut engagé et par-dessus tout, et hommage en soit rendu à tous les pays membres de l'Union, l'Europe est restée unie. Ce n'était pas si évident car compte-tenu de l'histoire de nos différents pays, une histoire douloureuse pour ceux des Européens qui ont vécu tant de décennies derrière le rideau de fer. Dans une Europe humiliée, dans une Europe divisée, dans une Europe martyrisée, il est normal que certains pays aient une sensibilité à l'endroit de nos voisins russes différente de ceux qui n'ont connu que la liberté. Malgré cela, l'Europe est restée unie. La Présidence, avec le Président de la Commission européenne, a tout fait pour éviter l'engrenage de la guerre. Le 8 août, les forces russes étaient à 40 km de Tbilissi. Aujourd'hui, la quasi-totalité des forces russes ont évacué le territoire de la Géorgie hors Ossétie et Abkhazie. L'Europe a répondu présente sans pour autant s'engager dans une politique agressive à l'endroit de nos voisins russes. Ma conviction, c'est que nous n'avons pas d'avenir autre que de trouver avec nos voisins les conditions du développement économique, de la sécurité et de la paix en leur expliquant que s'ils veulent compter dans le monde et la Russie est un grand pays, ils doivent respecter des valeurs, des pratiques et des comportements qui ne doivent plus être ceux qui étaient les leurs à une autre époque en Europe.

Mais l'Europe a existé. Puis est arrivée la crise financière. La crise financière n'est pas née au mois d'août 2007, comme je l'entends dire parfois. Au mois d'août 2007, c'était le début des ennuis. Mais la crise financière systémique que nous avons connue dans le monde a commencé lorsque les Américains ont pris la décision, qui s'est avérée gravissime d'accepter la faillite de Lehman Brothers, le 18 septembre 2008.

C'est à partir de ce moment-là, et de ce moment-là seulement, que nous sommes rentrés dans une crise financière d'une ampleur inédite dans le monde.

Nous avons essayé avec le Président BARROSO d'obtenir deux choses. La première, l'unité de l'Europe, que nous avons construite progressivement, d'abord en réunissant les quatre plus grands pays d'Europe avec la Commission, avec la Banque Centrale, avec le président de l'Eurogroupe. Ensuite, en réunissant, pour la première fois depuis 2000, les pays de l'Eurogroupe au niveau des Chefs d'État et de gouvernement.

Enfin, en réunissant, au mois de septembre, l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement, nous avons obtenu un plan de redressement des banques européennes porté par tous les États d'Europe avec les difficultés que l'on connaît, puisque la violence de la crise avait conduit certains pays à prendre des décisions anticipées. Sans doute, d'ailleurs, ne pouvaient-ils faire autrement. Je pense à nos amis irlandais submergés par des attaques contre l'ensemble de leur système bancaire. A l'arrivée, un mois après, toute l'Europe était réunie autour du même plan de soutien aux banques. Nous avons essayé avec le Président BARROSO de faire en sorte que ce plan européen de soutien pour éviter l'explosion de notre système bancaire devienne le plan mondial. Alors que les Américains passaient du plan Paulson 1, au plan Paulson 2 pour arriver au plan Paulson 3, qui n'est rien d'autre que l'inspiration du plan européen 1.

Je ne dis pas que les choses sont arrangées. Je dis simplement que si les États d'Europe, la Commission, les institutions européennes n'avaient pas pris à l'époque leurs responsabilités, Mesdames et Messieurs, nous nous serions trouvés face à un fait sans précédent, le collapse ou la faillite d'un certain nombre d'États membres, la destruction du système bancaire européen.

L'Europe a manifesté son unité et sa solidarité. Je pense notamment à ce fameux week-end où il a fallu mobiliser 22 milliards d'euros de crédit pour la Hongrie attaquée elle-même à son tour, après qu'il ait fallu en mobiliser 1,7 milliards d'euros pour l'Ukraine et qu'aujourd'hui, encore, nous devons nous occuper d'un certain nombre de pays baltes, sans compter les autres problèmes que nous avons à gérer dans le monde.

Dans la crise financière, l'Europe a été unie. L'Europe a demandé le Sommet de Washington, l'Europe a demandé le G20 et l'Europe organisera à Londres, le 2 avril prochain, le Sommet de la réforme de la gouvernance mondiale.

L'Europe a dit d'une seule voix qu'elle voulait d'un capitalisme d'entrepreneur et non pas d'un capitalisme de spéculateur, qu'elle voulait la réforme du système financier, qu'elle voulait une autre place pour les pays émergents, qu'elle voulait la moralisation du capitalisme. L'Europe a essayé de défendre d'une seule voix ses convictions.

S'agissant de la crise économique, le débat n'a pas été simple, Mesdames et Messieurs les parlementaires. Il n'a pas été simple pour deux raisons. La première, c'est la situation financière de nos pays qui n'est pas la même. La seconde c'est que notre culture économique, notre identité politique ne sont pas les mêmes. Pourtant, à l'arrivée, tout le monde s'est retrouvé sur la nécessité d'une relance concertée aux environs d'un point et demi de PIB comme l'a recommandé la Commission.

On peut toujours, et je le comprends parfaitement, s'étonner des désaccords ici ou là, des hésitations, des incompréhensions ou des malentendus. Je voudrais rappeler à ceux qui regardent l'Europe que nous sommes 27 pays et que ce n'est pas facile de donner à ces 27 pays la même politique au même moment alors que chacun est pressé par des contraintes électorales, parce que nos élections n'ont pas lieu le même jour et devant cette assemblée, temple de la démocratie européenne, chacun peut comprendre que la proximité d'une campagne électorale n'est pas un facteur déterminant pour obtenir le consensus.

L'Europe, malgré tout, après avoir défini une politique commune dans la crise financière réussit à définir tant bien que mal une politique commune face à la crise économique.

Il y a également eu le temps de l'Union pour la Méditerranée. J'assume bien volontiers qu'il a fallu se concerter, qu'il a fallu faire des compromis pour faire comprendre deux choses, que si l'Europe ne prend pas sa part de la paix au Moyen-Orient, personne ne le fera à notre place.

Il n'y a pas un seul pays au monde qui est capable de favoriser la paix entre les Israéliens et le monde arabe. L'Europe doit jouer sa partition. L'Europe doit être présente pour éviter un tête-à-tête frontal entre le monde arabe d'un côté et la première puissance du monde, les États-Unis. L'Union pour la Méditerranée, c'est l'organisation d'un dialogue constant entre l'Europe et la Méditerranée, donc les pays arabes. Dialogue dont nous avons besoin, dont les Arabes ont besoin, dont l'Europe a besoin pour que l'Europe cesse d'être uniquement un bailleur de fonds et que l'Europe ait des convictions politiques au service de la paix et que l'Europe ne se contente pas de payer, qu'elle demande également, que la paix ait lieu. Une paix équilibrée notamment entre les Palestiniens qui ont le droit à un État moderne, un État démocratique, un État sûr et Israël qui a le droit à la sécurité pour ce pays qui est un miracle de démocratie.

L'Union pour la Méditerranée, il a fallu convaincre, convaincre de quoi ? Que l'Union pour la Méditerranée ne mettait pas en cause l'unité de l'Europe. Au contraire, qu'elle la renforçait. Et, finalement, Mesdames et Messieurs, soyons fiers, nous les Européens : l'Union pour la Méditerranée est coprésidée par la Présidence européenne, par l'Égypte, compte 5 Secrétaires Généraux adjoints dont un Israélien et un Palestinien. C'est la première fois que les pays arabes acceptent qu'un Israélien soit membre de l'exécutif d'une organisation régionale comme l'Union pour la Méditerranée. C'est un succès historique et je voudrais rendre hommage à Bernard KOUCHNER qui, au Sommet de Marseille, a négocié brillamment pour obtenir ce résultat absolument inespéré. En échange, les Israéliens ont accepté la participation de la Ligue arabe aux travaux de l'Union pour la Méditerranée, laquelle Union ne fait nullement obstacle à ce que la Présidence tchèque puis la Présidence suédoise développent demain les partenariats orientaux dont l'Europe a besoin.

Et puis, il y a l'énergie-climat. Sur l'énergie-climat, que les choses soient claires. La bataille fût fameuse. Je suis bien persuadé que chacun a des motifs d'insatisfaction. Pour les uns, on demande trop à l'industrie. Pour les autres, on ne demande pas assez. Pour les troisièmes, il fallait passer par ceci, pour les autres par là-bas. A l'arrivée, la Présidence allemande avait fixé un calendrier avant la fin 2008. La Présidence allemande avait fixé trois objectifs : le triple vingt et, au fond, l'accord que nous avons scellé au Conseil européen qui, je l'espère, sera décidé par le Parlement européen demain, respecte les objectifs que vous vous étiez donné.

Je dois à la vérité de dire que chacun a dû être mis devant ses responsabilités. Il eût été insensé qu'au moment où un nouveau Président des États-Unis d'Amérique fixe pour la première puissance du monde des objectifs ambitieux en matière de défense de l'environnement, il eût été insensé que l'Europe renonce aux siens. Irresponsable. Car si l'Europe ne faisait pas son unité sur le paquet énergie-climat de la Commission, comment imaginer que l'Europe soit entendue des Indiens, des Chinois, des Brésiliens, de tous les pays du monde qui maintenant doivent prendre en charge les équilibres environnementaux de la planète ?

Pour y arriver, il a fallu convaincre et il a fallu trouver des voies de compromis. Quelles voies de compromis ? J'avais indiqué que jamais nous ne renoncerions au calendrier et à l'objectif des trois vingt. Mais chacun doit le comprendre ici. Des pays comme les nouveaux pays de l'Est rentrés dans l'Union, dont l'industrie lourde a été sacrifiée par le passage du système communiste au système de l'économie de marché, ces pays-là ont accepté que nous gardions la référence à l'année 2005. Alors qu'il y avait des raisons, pour eux, de demander que soit retenue une autre référence, par exemple l'année 1990. Ce qui n'eût pas été choquant compte tenu de ce qu'il s'est passé dans ces pays-là et de ce qu'ils ont subi.

Je parle sous le contrôle du Ministre Jean-Louis BORLOO qui a été un soutien total, constant et efficace dans cette négociation. J'ai voulu que le volontarisme en matière environnemental ne se fasse pas au détriment d'une politique sociale qui fasse exploser ses nouveaux adhérents de l'Union.

Aux intégristes, je peux dire que la question, pour moi, n'a jamais été de ne pas imposer à la Pologne, à la Hongrie et aux autres des obligations environnementales mais de ne pas mettre ces pays en situation d'explosion sociale et de ne jamais les mettre en situation de choisir entre la protection de l'environnement et la croissance. C'est une nouvelle croissance. Une croissance durable, une croissance verte que nous leur avons proposée. Mais qui évite une explosion des prix ou des conséquences sur les ouvriers polonais, les ouvriers hongrois, les ouvriers de l'Est, qu'aucun pays démocratique au monde ne pourrait supporter.

J'ajoute, enfin, que j'ai bien entendu vos inquiétudes, lors de ma dernière venue au Parlement. Certains d'entre vous, je les comprends, m'ont dit : vous avez renoncé, M. le Président, à vos objectifs puisque vous avez accepté l'unanimité pour la décision au Conseil. J'ai accepté l'unanimité pour une raison simple, c'est que le choix environnemental que fait l'Europe ne doit pas être un choix subi, il doit être un choix revendiqué. Imaginez la faiblesse d'un accord obtenu à la majorité avec une partie des pays qui n'aurait pas adhéré au Pacte. Quelle aurait été la crédibilité du paquet énergie climat, ratifié à la majorité alors que chacun voit bien que c'était l'unanimité qui était la garantie du respect de nos engagements politiques ?

J'ajoute qu'un certain nombre d'entre vous m'ont rappelé qu'il s'agissait de la codécision. Je veux dire que je m'en suis servi, dans les discussions avec mes collègues chefs d'État et de Gouvernement. Je dois à la vérité de dire M. le Président, que la présence vigilante d'un Parlement déterminé à obtenir un accord sur le paquet énergie-climat a été un puissant facteur de mobilisation pour les chefs de gouvernement ou les chefs d'État qui avaient moins envie d'aboutir que d'autres. En tout cas, aujourd'hui, je vous apporte - vous en ferez ce que vous voulez - l'accord unanime des 27 chefs d'État sur le paquet énergie-climat.

Je terminerai par deux points que j'évoquerai rapidement. La politique migratoire. Comment imaginer qu'une Europe, dont la plupart des pays sont dans l'espace Schengen, qui pose comme postulat la libre-circulation des personnes et des biens, puisse continuer sans se doter de principes communs pour élaborer une politique d'immigration commune ? Ce travail a été fait et je dois le dire, il a été fait sans outrance et vous, le Parlement européen, vous avez beaucoup contribué à apaiser un débat sur les politiques d'immigration qui, au plan national, ne donnent pas toujours l'exemple du respect des personnes, du calme, de la pondération et de l'esprit de responsabilité. Nous avons maintenant les bases d'une politique d'immigration commune à l'unanimité.

Juste un mot sur la défense. J'aurai l'occasion, l'année prochaine, avec la Chancelière MERKEL d'organiser le Sommet de l'Otan et je crois que ce qui est important dans ce que nous avons décidé, c'est que désormais les 27 comprennent que c'est la politique de sécurité et de défense de l'Europe et l'Otan. Que la politique de défense et de sécurité de l'Europe est complémentaire de l'Otan et qu'il n'y a pas lieu d'opposer l'une à l'autre.

Enfin, le problème institutionnel. Lorsque le vote non est intervenu en Irlande, je me suis rendu avec Bernard Kouchner à l'invitation de Brian COWEN, le Premier ministre irlandais, à Dublin et j'ai indiqué, même si cela a choqué à l'époque, que la seule façon de sortir du problème c'était que nos amis irlandais soient à nouveau consultés. Cette déclaration a provoqué débat, comme si il n'était pas respectueux d'un peuple que de demander que ce peuple puisse à nouveau se prononcer. Quelle est la situation aujourd'hui ? Aujourd'hui, 25 pays ont quasiment terminé le processus de ratification de Lisbonne, 25. Le 26ème, a République tchèque vient de prendre une décision importante puisque la Cour Constitutionnelle a indiqué que le processus de ratification de Lisbonne pouvait avoir lieu. Et le Premier ministre polonais, dans une déclaration courageuse et responsable, a indiqué que son ambition était de proposer la ratification du Traité de Lisbonne. Reste donc le cas irlandais. Voilà l'accord que nous avons trouvé à l'unanimité. Cet accord est très simple. Il consiste premièrement à garantir à chaque état membre, si le Traité de Lisbonne rentre dans les faits, un commissaire par état membre. Je sais que c'est un effort pour un certain nombre d'entre vous, comme c'est un effort pour un certain nombre de gouvernements qui croyaient à la nécessité d'une commission plus restreinte pour être plus efficace. J'en appelle cependant à la réflexion de chacun d'entre vous. Si l'on veut Lisbonne, et l'Europe a besoin d'institutions fortes et durables, on ne peut l'avoir que si nos amis irlandais votent et disent oui. Pour qu'ils disent oui, il faut un fait nouveau. Ce fait nouveau, le Conseil européen propose qu'il s'agisse d'un commissaire par état membre. Deuxième élément, nous avons pris un certain nombre d'engagements politiques tenant à la spécificité du débat irlandais : la neutralité, la fiscalité, la famille. Ces engagements politiques n'ont pas posé de problèmes à prendre. Quel est le problème ? Il faut mieux que tout soit mis sur la table. Le problème, c'est la force juridique de ces engagements politiques car, en Irlande, il existe une Cour constitutionnelle et personne ne doute que les partisans du non, et c'est leur droit, saisiront la Cour constitutionnelle irlandaise pour demander la force des engagements politiques qui ont été pris. Voilà le compromis que la Présidence a proposé. Pas de reratification du Traité de Lisbonne par tous ceux qui l'ont fait. Pas de modification du Traité de Lisbonne. Nous n'avons pas intérêt, me semble-t-il, à résoudre un problème pour en créer 26 autres. La chose est claire. En revanche, au moment du prochain élargissement de l'Europe, vraisemblablement la Croatie, vraisemblablement en 2010 ou en 2011, si les choses vont comme elles doivent aller, à ce moment-là, Monsieur le Président, il faudra un nouveau traité pour élargir l'Europe aux nouveaux entrants. Nous avons donc proposé qu'au moment de l'élargissement de l'Europe, et à ce moment seulement, nous rajoutions au traité d'adhésion de la Croatie, deux éléments. Premier élément, le protocole, entre guillemets, dit irlandais et deuxième élément, la question du nombre de parlementaires puisque les élections européennes ayant lieu sur la base du Traité de Nice, je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. Un certain nombre d'états qui se sont vus octroyer dans le cadre de Lisbonne plus de parlementaires, on règlerait également à l'occasion du premier élargissement ce problème. Sur cette base, le gouvernement irlandais, courageusement, s'est engagé à consulter à nouveau les Irlandais sur le Traité de Lisbonne avant la fin de l'année 2009. Ce qui veut donc dire que si les choses se passaient comme je souhaite qu'elles se passent mais c'est aux Irlandais d'en décider, le Traité de Lisbonne rentrerait dans les faits avec une année de retard seulement.

Mesdames et Messieurs, là aussi ce ne fût pas simple à discuter, ce ne fût pas aisé à organiser, ce ne fût pas non plus ni pour les Irlandais, ni pour les autres quelque chose de facile mais l'esprit européen, c'est d'abord un esprit de compromis. Si, à 27, on n'est pas capable de faire de compromis, ce n'est pas la peine d'avoir un idéal européen. L'idéal européen, c'est d'écouter l'autre et d'essayer ensemble de trouver les voix communes pour surmonter les problèmes.

Enfin, je voudrais terminer en adressant mes remerciements d'abord au Parlement européen. Je voudrais d'ailleurs vous dire que ce fût, pour la Présidence très facile, très agréable et très utile d'entretenir des contacts nombreux avec la totalité des groupes de votre assemblée. Quel que soit l'engagement politique, droite ou gauche, libéraux ou verts, souverainistes ou fédéralistes, tous, vous avez montré une volonté de faire progresser, à votre manière l'Europe et je dois à la vérité de dire que, pour la Présidence, le Parlement a été un élément décisif pour obtenir, Monsieur le Président, des résultats. Je voudrais même dire que ça été plus facile de discuter, de travailler, de négocier avec le Parlement européen qu'avec - je ne rentre pas dans les détails - tels ou tels autres interlocuteurs sans préciser. A la fin d'une Présidence, on précise ses compliments, on n'adresse pas ses regrets. Je voudrais également dire qu'avec le Président de la Commission et que justice lui soit rendue, nous avons essayé de faire un tandem, chacun conscient de nos responsabilités et jamais nous n'aurions pu obtenir les résultats que la Présidence a obtenu sans le travail main dans la main avec le Président BARROSO. Je tiens à le dire parce que c'est la vérité. En tout cas, tel que je l'ai vécue.

Enfin, je voudrais remercier les chefs d'État et de gouvernement et, Mesdames et Messieurs, on ne construira pas l'Europe contre les états. C'est une évidence, aussi européens que vous le soyez, l'Europe n'est pas l'ennemie des nations et les nations ne sont pas les ennemies de l'Europe. Je vais vous dire une chose, c'est que si nous n'avions pas cherché à comprendre les problèmes de chaque gouvernement démocratique, on n'y serait pas arrivé. Vouloir passer par-dessus la tête de ceux qui sont élus dans leur pays c'est une erreur. Cela ne s'appelle pas un idéal européen, cela s'appelle un intégrisme et les intégrismes, je les ai toujours combattus dans ma vie. Même l'intégrisme européen, parce que dans l'intégrisme européen, j'oublie le mot Europe et j'entends le mot intégrisme et jamais l'intégrisme n'est de bon conseil. Vouloir construire l'Europe contre les nations serait une erreur historique. Chaque chef de gouvernement a pris ses responsabilités, chaque nation les a assumées.

Et enfin, je voudrais vous dire, à titre personnel, que moi, cette Présidence de six mois m'a beaucoup appris et que j'ai beaucoup aimé ce travail. Et pour dire les choses, je comprends que les parlementaires européens soient passionnés par ce qu'ils font, parce que lorsque que l'on a la chance, pendant six mois, de connaître et d'avoir à trancher des problèmes de 27 pays, on gagne en tolérance, on gagne en ouverture d'esprit et on comprend que l'Europe est sans doute la plus belle idée qui ait été inventée au XXIe siècle et que cette Europe, on en a plus que jamais besoin.

J'ai essayé de bouger l'Europe mais l'Europe m'a changé. Et je veux dire une chose parce que je le pense profondément : je crois vraiment que chaque chef d'État et de gouvernement gagnerait à exercer de temps à autre cette responsabilité. D'abord, parce qu'il comprendrait que les problèmes qu'il connaît dans son pays ne peuvent bien souvent trouver de solution qu'en accord avec nos voisins. Il comprendrait qu'au-delà de ce qui nous différencie, il y a tellement de choses qui nous rapprochent et il comprendrait que, surtout quelque chose de plus important, c'est que c'est plus facile pour l'Europe d'avoir des grandes ambitions que de toutes petites ambitions.

Et la dernière chose que je crois au plus profond de moi-même, c'est qu'au Conseil européen, au Parlement européen, à la Commission européenne, c'est plus facile de faire aboutir des grands projets que des petits projets. Parce que les petits projets n'ont pas le souffle et la force nécessaire pour faire reculer les égoïsmes nationaux. Les grands projets, les grandes ambitions, les grandes idées, au nom de ces grandes idées et de ces grandes ambitions, on peut surmonter les égoïsmes nationaux. Alors, que l'Europe reste ambitieuse et que l'Europe comprenne que le monde a besoin qu'elle prenne des décisions. Quand on met la poussière sous le tapis, on se prépare des lendemains difficiles. Les problèmes, il faut les régler tout de suite et maintenant et ce n'est pas vrai que les institutions européennes empêchent la prise de décision. Ce qui empêche la prise de décision, c'est le manque de courage, le manque de volontarisme, c'est l'affadissement d'un idéal. Les décisions, on ne doit pas attendre Lisbonne, on ne doit pas attendre demain, on doit les prendre maintenant et je fais toute confiance à la Présidence tchèque pour assumer le continuum de la présidence.

Nicolas Sarkozy, le 16 décembre 2008 à Strasbourg.


https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20081216-discours-sarkozy.html



 

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