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18 octobre 2007 4 18 /10 /octobre /2007 13:05
La semaine dernière furent annoncées les identités des différents Prix Nobel de l’année 2007.


Agoravox l’a relaté notamment pour la médecine, la physique et la chimie avec les articles de Bernard Dugué.

La France s’enorgueillit d’avoir cette année avec Albert Fert et sa magnétorésistance géante son quatrième Prix Nobel de Physique en seize ans, après Pierre-Gilles de Gennes (1932-2007) en 1991, George Charpak (né en 1924) en 1992 et Claude Cohen-Tannoudji (né en 1933) en 1997.

Pour la France, c’est un événement rare, car il faut ensuite remonter loin dans le temps pour une telle attribution : à Louis Néel (1904-2000) en 1970, Alfred Kastler (1902-1984) en 1966, Louis de Broglie (1892-1987) en 1929, Jean Perrin (1870-1942) en 1926, Gabriel Lippman (1845-1921) en 1908, Henri Becquerel (1852-1908), Pierre Curie (1859-1906) et Marie Curie (1867-1934) en 1903.

L’Allemagne est aussi à la fête puisque, après l’autre Prix Nobel de Physique 2007, le physicien allemand Peter Grünberg, c’est le chimiste allemand Gerhard Ertl qui obtient le Prix Nobel de Chimie 2007 pour sa contribution sur les processus chimiques sur les surfaces solides.

Les interactions matières/surfaces constituent un domaine de la science très particulier, où la gravité ne joue plus vraiment son rôle (voir comment l’eau peut remonter d’une paroi en carton par exemple ou comment une lessive mouille bien l’intérieur du linge etc.) et où d’autres phénomènes sont nettement prédominants.

Là, Gerhard Ertl est récompensé pour ses travaux qui ont eu une influence déterminante dans la compréhension des mécanismes de l’oxydation du fer (rouille), des pots catalytiques (ammoniaque sur fer, monoxyde de carbone sur palladium, réactions sur les surfaces platinées), la compréhension de l’atténuation de la couche d’ozone de l’atmosphère ou encore dans les méthodes de production des fertilisants.

La France avait reçu le Prix Nobel de Chimie récemment, en 2005, avec la gratification du chimiste français Yves Chauvin (né en 1930) –  qui s’en souvient encore ? – bien après celle de Jean-Marie Lehn (né en 1939) en 1987, premier Français a obtenir cette récompense après Irène Joliot-Curie (1897-1956) et Frédéric Joliot-Curie (1900-1958) en 1935.


Mais là n’était pas mon propos.

Juste une remarque sur l’âge des personnalités récompensées cette année.

Gerhard Ertl a eu en fait un super cadeau d’anniversaire le jour de l’annonce de sa récompense, car il fêtait en même temps son 71e anniversaire.

71 ans pour la chimie.

Mais aussi 69 ans (Albert Fert) et 68 ans (Peter Grünberg) hier pour la physique.

Et 82 ans (Oliver Smithies), 70 ans (Mario Capecchi) et 66 ans (Martin Evans) pour la médecine.

Également 88 ans (Doris Lessing) pour la littérature.

Et 59 ans (Al Gore) pour la paix.

Enfin 90 ans (Leonid Hurwics, le doyen), 56 ans (Eric Maskin et Roger Myerson) pour l’économie (pseudo-Prix Nobel).


Eh oui, on congratule uniquement des personnes d’âge mûr !

Excusez mon expression, mais c’est quand même bien ça.

Je parle surtout des scientifiques des ‘sciences dures’ (je ne parle pas des autres).

On récompense maintenant, et depuis pas mal de décennies maintenant, des chercheurs (très méritants et qui n’ont évidemment pas volé leur Nobel) mais seulement à la fin de leur carrière, voire dans leur retraite.

C’est fort dommage, car le sens de ce prix est dévoyé.

Effectivement, ces scientifiques ont déjà été largement reconnus dans leur communauté scientifique respective, et finalement, n’ont plus besoin ni d’honneur ni d’argent (1,5 millions de dollars à éventuellement partager). Certes, cet argent est généralement redistribué dans leur (ancien) laboratoire.

Au début du siècle dernier, on a même attribué le Prix Nobel à un jeune homme de 25 ans (William Bragg, mais il bossait avec son père) mais ce n’était pas une exception de récompenser un jeune chercheur.

Au contraire, beaucoup de scientifiques ont été récompensés au début de leur carrière, même bien avant la fin de leur thèse de doctorat, dans la pleine force de l’âge.

L’argent leur a permis alors d’avoir une certaine autonomie financière pour poursuivre leurs travaux (achat d’équipements, recrutement de techniciens et doctorants) tandis que la renommée acquise leur permettait d’acquérir des postes à l’université ou dans des organismes de recherche prestigieux (comme le CNRS) leur permettant de ne plus s’occuper de leurs problèmes alimentaires.

Hélas, aujourd’hui, la science étant tout azimut, elle produit plusieurs milliers de jeunes docteurs incapables de se recaser dans le circuit normal de la vie active, par faute de postes dans la recherche publique et faute de crédibilité face à un employeur privé.

Si bien qu’ils seront loin de pouvoir envisager d’obtenir avant 40 ans un Prix Nobel puisqu’ils sont désormais bien loin de leurs travaux scientifiques (d’ailleurs, la Médaille Fields, qui récompense tous les quatre ans les meilleurs mathématiciens du monde, ne récompense que des personnes de moins de 40 ans !).

Autre dévoiement du Prix Nobel, on récompense des personnes qui ont excellé essentiellement dans la voie expérimentale.

Je schématise, mais en gros, il y a deux types de chercheurs : ceux qui imaginent et ceux qui observent. Attention, je ne fais pas de dichotomie. Le clivage se fait en fait sur l’ordre des tâches.

Celui qui observe des phénomènes, les reproduit, met au point un procédé fiable, puis essaie de comprendre les mécanismes. Soit statistiquement, soit par modélisation numérique. Mais il démarre de la réalité et il cherche à en déduire de nouvelles lois, ou des corollaires à des lois existantes, ou au contraire, à les infirmer et à les remettre en cause (comme la ‘catastrophe ultraviolette’ de Max Planck qui a façonné la physique quantique).

Et puis, il y a celui qui, aidé de solides bagages mathématiques théoriques (calcul tensoriel etc.), ne s’amuse d’abord qu’avec des équations différentielles, des intégrales triples, des opérateurs hamiltoniens etc. et qui soudain… en déduit une loi, un monde nouveau. Concevoir les lois est alors la première étape, puis, évidemment, la valider par l’observation, l’expérience, le retour sur le réel est la seconde étape (sans laquelle on pourrait affirmer n’importe quoi).

La performance du second est nettement plus louable que celle du premier. En terme d’intelligence et d’abstraction, je veux dire. Pas forcément en terme d’efficacité sociale.

Par exemple, Albert Einstein qui, uniquement dans l’aboutissement de sa démarche abstraite de la Relativité générale, en a déduit (entre autres) la déviation du rayon des étoiles à proximité d’un autre astre. Il a voulu donc vérifier sa théorie en observant cette déviation lors du passage d’une étoile lors de l’éclipse solaire de 1915.

La guerre n’ayant pas permis l’observation, Einstein n’a pas heureusement perdu sa crédibilité car si son principe était finalement juste, il avait commis une (légère) erreur de calcul qui aurait infirmé sa prédiction (et du coup, sa théorie)… Il la refit après la guerre en 1919 en vérifiant au mieux ses calculs (Stephen Hawking a rappelé cependant que ces bons résultats expérimentaux n’étaient pas significatifs pour apprécier la véracité de la théorie ultérieurement validée autrement).

Cette démarche est effectivement plus difficile que le processus d’observer (parfois par hasard) cette déviation et d’essayer ensuite d’en donner un sens mathématique.

Les deux ont évidemment leur utilité et si ce sont maintenant les ‘expérimentalistes’ qui sont récompensés, c’est surtout qu’il existe de moins en moins de ‘concepteurs’.

Parmi les expérimentalistes, il y a même une nouvelle catégorie de ceux qui, en fait, réalisent des appareils et instrumentations (très complexes certes) pour d’autres projets, et qui ne sont que ces créateurs d’outils. C’est le cas de Charpak, par exemple (dont le mérite, je le répète, est réel).

Autre tendance, pour justifier ses choix, l’Académie royale des sciences de Suède se sent maintenant obligée d’évoquer des préoccupations de la vie quotidienne (disque dur, couche d’ozone, pot catalytique..) afin de mieux coller à l’ère du temps, à la proximité qui donne de l’aura à la ‘démocratie participative’ et à la prise de conscience ‘citoyenne’.


En bref…

Maintenant, les Prix Nobel ne récompensent essentiellement plus que des scientifiques d’âge mûr (parfois très mûr), pour des travaux qui ne représentent aucune révolution conceptuelle ni technologique majeure pour notre société mais qui apportent des améliorations notables d’éléments de la vie quotidienne.

Nous sommes loin des Prix Nobel lancés aux jeunes et prolifiques théoriciens de l’aventure quantique dont les travaux sont, aujourd’hui encore, décortiqués, analysés et améliorés.

À quand la prochaine révolution scientifique ?




Article paru sur Agoravox.



Article également repris sur Yahoo Actualités.




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