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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 06:45

Début de campagne brouillon et combatif pour le Président candidat. Les démonstrations de force semblent avoir une petite influence.


yartiSarko2012031201Le pari casse-cou de Nicolas Sarkozy serait-il en train d’être gagné ? Pour la première fois depuis le début de la précampagne présidentielle, le Président candidat vient de dépasser en intentions de vote le candidat François Hollande avec 28,5% contre 27% (sondage IFOP pour Europe 1 publié ce 13 mars 2012). Au second tour, il serait toujours aussi largement battu par son concurrent socialiste. La perspective du désistement d’Eva Joly deviendrait alors un moyen pour les socialistes de rester en tête dans les sondages.

La précampagne s’achève avec la confirmation que Marine Le Pen sera bien candidate puisqu’elle a bien récolté (sans surprise) ses cinq cents parrainages (elle va le confirmer ce 13 mars 2012 à 16h00 à Hénin-Beaumont) et avec le grand meeting de Nicolas Sarkozy à Villepinte (le dimanche 11 mars 2012) qui aurait réuni entre quarante et quatre-vingt mille militants (les statistiques sont toujours à prendre avec les pincettes, tout comme le meeting du Bourget de François Hollande le 22 janvier 2012 qui aurait réuni entre dix et vingt mille militants).

Nicolas Sarkozy a été l’invité de l’émission de Laurence Ferrari "Parole de candidat" sur TF1 le 12 mars 2012 où il répondait à des questions de citoyens et de journalistes. L’émission a eu 19% d’audience, placée en deuxième place derrière une série télévisée de France 2 mais devant "Top Chef" sur M6.

Contrairement à François Bayrou et Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy est toujours resté derrière son pupitre, sans utiliser toute la place du bas de l’amphithéâtre.

Les citoyens qui ont questionné le Président de la République ont été globalement plutôt bons et percutants, capables de ne pas se contenter des diversions des réponses et de recadrer les sujets, parfois en interrompant Nicolas Sarkozy, chose que les journalistes n’osent pas faire. L’ouvrier au chômage, l’anesthésiste, la buraliste agressée etc. ont su préciser et insister. Certains ont même eu des formules plaisantes comme la jeune agricultrice : « L’organisation de la tomate n’a pas à rougir ! » ou encore l’anesthésiste : « Toutes les femmes qui accouchent chez nous veulent revenir ! ».

Voici quelques sujets abordés (la flèche/pouce vers le haut/signe plus indique qu’il a été plutôt convaincant et vers le bas/signe moins plutôt pas convaincant).


Sur les banlieues ¯D -

L’échange a été assez vif avec Thibault Balka, écrivain de Villiers-le-Bel. Globalement peu convaincant, Nicolas Sarkozy a eu du mal à écouter ce que voulait lui dire son interlocuteur, à savoir qu’il n’est pas responsable de ne parler que du négatif des banlieues alors qu’il y a aussi beaucoup de positif, des initiatives encourageantes et prometteuses.


Sa réforme sur les professeurs ­C +

Nicolas Sarkozy, comme dans son habitude du double langage, a édulcoré sa proposition pour les enseignants en la basant sur du volontariat : les professeurs certifiés pourront gagner un quart de leur salaire en plus s’ils passent de dix-huit à vingt-six heures par semaine, dont trois heures de cours de plus et le reste pour voir les parents, aider les élèves etc.

Les enseignants ne l’ont cependant pas attendu pour rencontrer les parents, participer aux conseils de classe ou aider les élèves en difficulté. En augmentant les heures de présence dans les établissements, il deviendrait alors nécessaire de prévoir des bureaux pour tous les enseignants, ce qui n’est absolument pas le cas actuellement.

Par ailleurs, Nicolas Sarkozy n’a pas pu s’empêcher de diviser pour régner en rappelant que leurs collègues professeurs des écoles font déjà vingt-six heures par semaine. Sur les agrégés, il n’a pas répondu à la question.


Refus de la dépénalisation de la drogue ­C +

Le langage présidentiel a été assez clair en constatant la détresse des familles quand elles découvraient que leur enfant se droguait et que ce serait bien plus difficile à gérer par les parents si l’État (Nicolas Sarkozy parle de "moi" puis s’est repris en parlant de la "société") ne conservait pas l’interdit légal.


Mariage homosexuel ¯D -

Nicolas Sarkozy a parlé de son refus du mariage homosexuel car il refusait l’adoption par des couples homosexuels (à mon avis, les deux sujets sont indépendants). Il n’a cependant pas apporté d’explication très percutante.


Évasion fiscale ¯D -

Après avoir trouvé scandaleux de faire croire qu’il a réduit les impôts aux plus aisés (je pense que ce débat restera pour de nombreuses années), il a lancé la seule proposition nouvelle dans cette émission, en réponse à la taxation à 75% des hauts revenus (qui ne serait pas appliquée) de François Hollande : « Je souhaite que la fiscalité et la nationalité soient liées. Nous allons appliquer ce qu’appliquent les Américains, un impôt lié à la nationalité. ».

En d’autres termes, décourager les évasions fiscales ainsi : « Tout exilé fiscal qui est parti à l’étranger dans le seul but d’échapper à l’impôt français devra déclarer à l’administration française ce qu’il a payé comme impôt à l’étranger. Et si c’est inférieur à ce qu’il aurait payé sur ses revenus de son capital en France, on lui fera payer la différence. ».

Mais comment concrètement les différencier des expatriés qui devraient, eux, garder tous leurs avantages ? Une mesure donc plutôt coup d’épée dans l’eau puisque ce serait au fisc d’apporter la preuve que l’expatriation aurait un unique but d’optimisation fiscale.


Sécurité ¯D -

Face à une buraliste qui a été plusieurs fois cambriolée (et violentée) dans son village du Calvados, Nicolas Sarkozy a répété que les statistiques de la délinquance avaient baissé en dix ans de 17% (et augmenté sous le gouvernement Jospin). Quelles que soient les statistiques, ce n’était certainement pas la réponse à donner à une victime de la délinquance qui a été traumatisé (son mari a été assommé et laissé pour mort). C’est comme si on disait à un malade du cancer à l’agonie que normalement, dans les trois quarts des cas, on s’en sortait.

yartiSarko2012031202


Les fermetures d’usine ¯D -

Encore un enfumage industriel : face à la détresse d’un ouvrier (du même âge que lui) qui a dû lui-même fermer son usine abandonnée par des patrons voyous, Nicolas Sarkozy lui a proposé de venir le voir et de chercher une solution ensemble.

Prenant l’exemple de Lejaby où les ouvrières se convertissent en ce moment du textile à la maroquinerie, Nicolas Sarkozy a reparlé du scandale des 10% seulement de chômeurs en formation et a voulu renforcer cette possibilité de se reconvertir.

Il reste que ce discours est très hypocrite (et très infantilisant) puisque c’était à lui d’affecter plus de budget formation pour les chômeurs (pourquoi se scandalise-t-il d’une de ses propres carences ?) et il n’a encore pas vraiment compris quelle est la vie d’un chômeur pour rechercher un emploi, sûrement pas être payé « pour rester chez lui à déprimer ».


L’Europe et l’espace de Schengen ­C +

Voici un autre exemple navrant du double langage de Nicolas Sarkozy. On peut s’apercevoir que ces chauds et froids font le bonheur des militants et des sondages. Apparemment, la méthode semblerait fonctionner : le dimanche à Villepinte, on fait un peu anti-européanisme primaire, histoire de récupérer un électorat qui est inquiet, et le lendemain, le lundi, on rassure doctement dans une émission télévisée ceux des Européens inquiets de ce changement radical.

Nicolas Sarkozy a au contraire redit son attachement à la construction européenne en précisant (avec un "on" qui aurait dû être un "nous") : « On a fait l’Europe pour nous protéger, pas pour nous exposer. ». Et il a souhaité que, comme pour l’euro, Schengen puisse avoir une gouvernance commune.

Le problème, c’est que si c’est pertinent en théorie, dans les faits, c’est encore du double langage puisque justement, Schengen est actuellement en cours de renégociation et qu’il y a même eu une réunion des Ministres de l’Intérieur de l’espace de Schengen le 8 mars 2012 à laquelle ne s’est pas rendu Claude Guéant !

Par ailleurs, grosse hypocrisie de dire qu’il veut une Europe politique et que ce soient des politiques qui décident et pas des technocrates. Il a dû quand même préciser qu’il n’avait rien contre les fonctionnaires européens (« Je respecte les fonctionnaires. ») mais son opposition entre politiques et bureaucrates est d’une supercherie mal venue puisque toutes les décisions européennes ont toujours été prises au cours de conseil des ministres européens, donc, de personnes légitimes et démocratiquement au pouvoir.

Si en France, il y a tant de rejet de l’Europe, c’est aussi parce que toute la classe politique s’est déresponsabilisée depuis une vingtaine d’années au moins en désignant systématiquement Bruxelles comme source de nos maux alors que cette même classe politique avait tout pouvoir pour influer de manière déterminante sur les directives européennes.

Par ailleurs, jouant à Superman, Nicolas Sarkozy a insisté sur le fait que l’Europe a failli sombrer avec la crise de l’euro, et qu’il s’était battu « minutes après minutes » pour l’éviter.


Réduction du déficit public ¯D -

Nicolas Sarkozy s’est montré assez clair sur les objectifs, mais beaucoup moins clair sur les moyens : équilibre en 2016. 110 milliards d’euros sont donc à trouver : 40 en prélèvements supplémentaires, dont 32 déjà votés depuis un an et 3 pour sa proposition d’impôts des évasions fiscales. Donc, il resterait à trouver 5 milliards en quatre ans.

Il faudrait aussi baisser de 70 milliards d’euros les dépenses, mais c’était beaucoup plus vague : continuation d’une réduction des effectifs de la fonction publique (mais le non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne fait économiser que quelques centaines de millions d’euros, c’est négligeable), et pour le reste, c’est la baguette magique des collectivités locales, en pointant du doigt les quarante-cinq vice-présidents de la communauté d’agglomération de Rouen présidée par Laurent Fabius à 1 800 euros par mois ou encore la communauté urbaine de Lille présidée par Martine Aubry qui a trente-deux vice-présidents dont dix premiers vice-présidents. Ce n’est pas en supprimant ces postes qu’on va faire baisser de 70 milliards d’euros le budget …de l’État !


Affaires politico-financières ¯D -

Nicolas Sarkozy a rejeté toute implication personnelle dans les affaires en cours en faisant remarquer qu’il n’a jamais été mis en examen (la procédure pour un Président de la République serait cependant un peu plus complexe). Il a développé une sorte de déni de réalité sur le climat délétère même s’il a su avec raison renforcer les contrepouvoirs par un certain nombre de mesures (plus de droits au Parlement, question prioritaire de constitutionnalité etc.) : « J’irai plus loin dans la République exemplaire. ».


Travail dominical ­C +

À un boulanger d’un centre ville inquiet du travail le dimanche des grandes surfaces qui concurrencent le petit commerce, Nicolas Sarkozy a admis avoir changé d’avis et a amendé ses mesures en faveur du travail le dimanche en l’autorisant seulement dans certaines grandes agglomérations et sur décision des municipalités.


Dépendance ­C +

Nicolas Sarkozy a renoncé à une loi sur le financement de la dépendance à cause de la crise financière mais a compté y revenir lorsque la situation budgétaire serait assainie (déficit inférieur à 3%, à partir de 2013), mais il n’a pas cru aux assurances privées car aucun organisme ne serait prêt à assurer de tels risques (sauf pour une complémentaire). Il a envisagé de prendre aussi une partie de la succession de la personne dépendante après son décès.


Marché public européen ­C +

Face à un chef d’entreprise textile, Nicolas Sarkozy a répété sa proposition de réserver une part de marché public aux PME européennes et d’obliger la réciprocité d’entrée sur le marché européen avec les pays hors Union Européenne. Une mesure qui n’est pas neuve puisque c’était ce qu’avait proposé en 2007 François Bayrou, ainsi que Lionel Stoléru au cours d’une mission en 2008.


Gestion des hôpitaux ¯D -

Nicolas Sarkozy n’a pas été très convaincant face à l’anesthésiste qui lui expliquait que les problèmes de gestion soulevés ne concernaient pas son propre hôpital.


Georges Frêche aurait-il eu raison ?

Une campagne électorale ne sert pas à convaincre les personnes déjà très fixées dans leur opinion (favorable ou défavorable) mais les (très nombreux) indécis. En faisant de cette campagne une véritable blitzkrieg, où la combativité du chef de l’État est son principal atout, il désarçonne beaucoup de monde (journalistes compris).

François Hollande, du reste, imite assez bien cette stratégie sarkozyenne en proposant des mesures qui ne sont que du vent (je vais dans le sens du poil des protestataires puis je rassure les élites).

François Bayrou, qui veut au contraire s’adresser à l’intelligence des électeurs, est sans doute moins attractif sur la forme mais plus pertinent sur le fond. Pour preuve, une large majorité des gens se reconnaît désormais dans son programme et sa popularité a encore grimpé (jusqu’à 60% dans le sondage IFOP pour "Le Point" publié le 12 mars 2012).

En tout cas, l’accélération de la vie politique est telle que des surprises ne sont pas à exclure. Bonnes ou mauvaises, selon où l’on se place !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (13 mars 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Stigmatiser n’est pas jouer.
Débat Fabius vs Sarkozy : la vérité si je mens !
Refonder la démocratie.

yartiSarko2012031203 


http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-blitzkrieg-sarkozy-le-coup-de-112353



 

 

 

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