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22 octobre 2021 5 22 /10 /octobre /2021 03:06

« L’art abstrait est le plus difficile de tous. Pour pouvoir s’y adonner, il faut être un bon dessinateur, avoir une grande sensibilité pour la composition et les couleurs et, c’est le plus important, être un authentique poète. » (Kandinsky, 1931).




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Le Premier Ministre Jean Castex est venu présenter ce jeudi 21 octobre 2021, au journal de 20 heures sur TF1, la nouvelle mesure du gouvernement pour le pouvoir d’achat.

La raison ? L’augmentation brutale du prix de l’essence, indexé sur celui du gaz, qui a beaucoup grimpé ces dernières semaines. Un signe d’ailleurs pas forcément négatif de l’économie mondiale qui est à un fort rebondissement économique après un an et demi de crise sanitaire mondiale. Cette relance a provoqué un peu partout des pénuries importantes, en particulier dans les matières premières, les composants et l’énergie. Pour l’automobiliste moyen, cela se résume depuis la fin de l’été à un plein qui coûte environ 20 euros plus cher.

Pour le gouvernement, il y avait une triple urgence à réagir et à "régler" le problème.

La première, c’est la crainte d’un nouveau mouvement de protestation du genre des gilets jaunes qui non seulement avait démarré avec l’augmentation du prix des carburants (la taxe carbone, décidée par le prédécesseur du Président Emmanuel Macron), mais aussi avait pris de l’ampleur en raison de "l’autisme" initial du gouvernement qui n’avait pas compris tout de suite l’ampleur de la colère et qui avait renoncé provisoirement à la taxe carbone sur les carburants beaucoup trop tardivement. Or, l’élection présidentielle est dans cinq mois et un nouveau mouvement de gilets jaunes signerait la fin de la majorité macronienne.

La deuxième urgence provient du calendrier : à la fin de cette semaine commencent les vacances de la Toussaint et non seulement, c’est une période par définition de déplacements (pour ceux qui veulent se recueillir devant leurs disparus qui ne reposent pas forcément dans leur ville), et donc de coûts supplémentaires pour l’essence, mais aucune annonce gouvernementale n’aurait été audible pendant cette période.

Du reste, et c’est la troisième urgence, elle très politique, beaucoup trouvaient déjà que le gouvernement tardait, ce qui permettait aux diverses oppositions d’attaquer sur le sujet (sans avoir elles-mêmes de solution à proposer, mais personne ne le voit !). Le plus grave était surtout les risques de dispersion du gouvernement. Un Bruno Le Maire qui insistait beaucoup pour faire un chèque essence, dont le concept serait particulièrement compliqué à mettre en œuvre (on parlait alors d’usine à gaz), d’autres qui laissaient entendre qu’il fallait plutôt aller vers une baisse des taxes beaucoup plus simples, une Barbara Pompili qui n’avait pas beaucoup d’idée sur le sujet mais qui sentait bien que c’était quand même son domaine ministériel, etc.

Finalement, Jean Castex a sonné la fin de la récréation et a montré son autorité en prenant lui-même le dossier en main devant les Français, même si lui-même n’était pas très assuré pour exposer sa décision (au point de commencer par une phrase qui disait en substance, je ne l’ai pas notée précisément, qu’il avait pris la décision de prendre des décisions sur le sujet).

L’affaire était compliquée car ce qu’il fallait absolument, c’était que la mesure soit visible, c’est-à-dire que les gens ne disent pas que le gouvernement se moque d’eux (il y en aura toujours qui le penseront, le but étant le moins possible), mais "en même temps", qu’elle ne coûte pas trop cher, d’autant plus que le Premier Ministre a réaffirmé que l’objectif du gouvernement reste une limitation du déficit public à 5% du PIB en 2022, soit nettement moins que précédemment.

La baisse des taxes sur les carburants a été rapidement abandonnée pour plusieurs raisons. D’abord, cela coûterait très cher, puisqu’une baisse de 1 centime par litre (qui serait inodore pour les consommateurs) coûterait à l’État 500 millions d’euros, et pour qu’il y a une certaine visibilité (l’impression que le gouvernement ne se moque pas des automobilistes), il faudrait une baisse d’au moins 10 centimes par litre, d’où le coût de 5 milliards d’euros. Ensuite, une baisse généralisée du prix des carburants avantagerait autant les personnes à faibles revenus que les personnes riches.

De plus, l’expérience de la TIPP flottante il y a une dizaine d’années, si elle avait limité la hausse du prix des carburants, cela a montré qu’elle n’était pas visible, or, il faut aussi que la mesure soit psychologique. D’autant plus que depuis 2018, le pouvoir d’achat des Français a nettement augmenté, phénomène qu’on retrouve aussi sur l’évolution du taux de découverts sur les comptes bancaires (les raisons d’un découvert : un tiers parce que la situation du titulaire du compte est financièrement précaire, un tiers à cause d’un gros achat imprévu et un tiers par négligence de gestion du compte), sur le nombre de dossiers de surendettement traités chaque année en baisse, etc. Jean Castex a d’ailleurs affirmé que l’année 2021 sera aussi une année de hausse du pouvoir d’achat (je crains cependant pour lui que les données officielles arrivent après l’élection présidentielle).

En tout cas, ce besoin de visibilité psychologique, c’est la raison pour laquelle le gouvernement avait étudié cette usine à gaz qu’est le chèque essence qui devait être attribué à des personnes qui ont des faibles revenus, qui ont une voiture, qui font des déplacements obligatoires (pas des déplacements de loisir) et avec des véhicules qui ne sont pas des gros consommateurs (on imagine mal subventionner le déplacement d’un 4x4 en ville). Et des déplacements nécessaires en automobile car n’ayant pas d’offre alternative avec des transports en commun !

À cette occasion, on a appris qu’il n’y avait pas de croisement entre les fichiers du fisc et des cartes grises (très étonnant dans un pays où les habitants sont persuadés que l’État les "flique" à tous les coins de rue !). Ainsi, la seule possibilité de faire ce chèque essence était de demander à ceux qui pourraient en bénéficier de remplir un lourd dossier avec tous les documents nécessaires justifiant leur besoin d’aide pour leurs déplacements en voiture considérés comme une nécessité.

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Cette piste a aussi été abandonnée, apparemment hier. Trop compliquée. Jean Castex a annoncé un dispositif dont l’objectif est qu’il soit simple, sans formulaire à remplir, sans que les bénéficiaires n’aient à faire de démarche. La règle que le gouvernement s’est donnée est la suivante : un chèque (unique) de 100 euros à verser en une fois à tout Français ayant un revenu inférieur à 2 000 euros net par mois. Le choix du seuil est le salaire médian (il y a autant de personnes qui gagnent moins que de personnes qui gagnent plus que ce seuil). Évidemment, avec un tel critère, même les personnes qui ne possèdent pas de véhicule et qui ne paient donc pas de carburant vont en bénéficier, mais pour Jean Castex, cela ne fait rien car ces personnes sont aussi impactées par l’inflation et la hausse des prix des biens de consommation en général (et cela évitera à l’avenir de faire un chèque pain, un chèque lait, etc.).

Cela concernera à peu près 36 voire 38 millions de Français. Le coût pour le gouvernement sera d’environ 4 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros proviendront de l’impact de la hausse des recettes en TVA sur les carburants. À moins d’avoir été inattentif, je n’ai pas entendu où seraient trouvés les 2 à 3 milliards d’euros manquants, mais ils devront être financés pour ne pas accroître le déficit.

Comme présenté ainsi, ce chèque consommation (il n’y aura rien à faire pour le recevoir, a insisté Jean Castex), je l’ai trouvé très simple, très visible (100 euros, ce n’est pas négligeable, Jean Castex a considéré que la hausse du prix du carburant faisait dépenser en moyenne 80 euros en plus par mois). Je pensais simplement qu’il était possible de la payer simplement, comme un crédit d’impôts, ce que fait le fisc chaque année pour avancer les réductions d’impôts provenant des dons à des œuvres caritatives (par exemple).

Mais la suite m’a paru très compliquée. Pour les salariés, ce sont leurs employeurs qui leur verseront ce chèque, prévu dans le salaire du mois de décembre 2021 (donc fin décembre). Pour les fonctionnaires, ce sera sur leur fiche de paie de la fin janvier 2022. Pour les autres, cela pourrait être plus tard, les indépendants par l’URSSAF, les retraites par leur caisse de retraites (mais il y a le problème des pensions multiples), etc. Mais pourquoi donc s’être ainsi tant compliqué la vie ? Il a lui-même parlé d’usine à gaz qu’il ne voulait pas et son dispositif paraît une vraie usine à gaz, qui, soit dit en passant, sera un coût administratif pour les entreprises qui devront encaisser l’argent de l’État et le redistribuer à leurs salariés (c’est vrai qu’elles sont déjà leurs percepteurs avec le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source).

Il ne faut même pas y voir une malicieuse habileté à verser les 100 euros le plus proche de l’élection présidentielle (sur ce type d’avantages, les électeurs sont souvent ingrats, on préfère râler à approuver). C’est simplement que c’est très compliqué de faire verser par exemple aux retraités un tel chèque (par quel intermédiaire ?). Je ne comprends donc pas pourquoi ce ne sont pas les services fiscaux qui s’en chargeraient, puisqu’il c’est déjà le cas pour la prime de rentrée scolaire, la prime d’activité, etc. Même les personnes non imposables doivent quand même remplir leur déclaration de revenus. Donc, ils existent toujours chez le fisc.

Dans son intervention télévisée, Jean Castex a fait plusieurs fois référence à son intervention du 30 septembre 2021 sur le même plateau du 20 heures de TF1, où il avait annoncé le chèque énergie et le gel du prix du gaz et de l’électricité pour toute l’année 2022 (initialement jusqu’en avril 2022 et prolongé jusqu’en décembre 2022). Certes, il faut savoir réagir dans l’urgence quand la conjoncture internationale asphyxie les consommateurs, mais résoudre les problèmes de pouvoir d’achat à coups de chèques gouvernementaux ne paraît pas très satisfaisant tant politiquement qu’économiquement.

Plus généralement, il y a une certaine ironie du sort pour les écologistes. Sandrine Rousseau a eu l’audace le 18 octobre 2021 chez Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV d’applaudir la hausse de l’essence et de souhaiter qu’elle se poursuive pendant au moins cinq ans, afin de dissuader les Français de prendre leur automobile (comme si c’était seulement pour des trajets de divertissement !). Je ne commente pas cette prise de position, je me dis simplement que la campagne des écologistes va être très très difficile quand il faudra expliquer dans les marchés aux consommateurs pourquoi il faudrait rajouter encore des taxes sur l’essence.

Rendre rare ou chère l’essence paupérisera les automobilistes fauchés mais ne les empêchera pas de rouler car ils ont besoin de se déplacer même dans des territoires où il n’y a pas d’offre de transports en commun. Il faut être réaliste : avant de punir, il faut agrandir l’offre de transports et amener les usagers à y trouver leur intérêt. Sinon, on appellera cela la tyrannie verte.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les gilets jaunes.
Le Mouvement du 17-novembre.
La taxation du diesel.
L’écotaxe.
L’industrie de l’énergie en France.
Jean Castex.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
François Bayrou.
Jean-Louis Borloo.
5 ans d’En Marche.
Cédric Villani.
Alexandre Benalla.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211021-castex.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/essence-jean-castex-propose-un-236680

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/21/39187118.html










 

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