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23 novembre 2007 5 23 /11 /novembre /2007 08:37
Neuf jours de grèves, une réforme résolument engagée, un affrontement du fait de minorités agissantes, un gouvernement qui ouvre enfin les yeux…mais la situation sociale est encore loin d’être apaisée.



Le 20 novembre 2007, j’avais proposé quelques éléments du sociologue Gérard Mermet pour alimenter le débat sur les grèves qu’ont subies pendant neuf jours les usagers des transports en commun et qui semblent enfin s’estomper.

Ce dernier (Gérard Mermet) se défend d’ailleurs d’être instrumentalisé par l’UMP et le gouvernement et parle d’une démarche citoyenne, rappelant d’ailleurs qu’il demandait également un réforme des retraites des parlementaires, une réforme qui, à ma connaissance, n’est pas dans les cartons de l’Élysée.

Encore que des modifications ont eu lieu le 31 octobre 2007 pour rapprocher le système de retraite des députés à celui de la Fonction Publique (le système de retraite est forcément déficitaire, puisqu’il n’y a qu’un nombre limité de cotisants ‘actifs’, 577 pour les députés par exemple, pour un nombre croissant de pensionnés).

Il n’était pas dans mes intentions de vouer aux gémonies des catégories de Français qui sont tout aussi respectables les unes que les autres.

Ni les cheminots qui bénéficient d’une politique sociale extrêmement sophistiquée mais qui perçoivent une rémunération ridiculement basse. Ni même les fonctionnaires dont le dévouement est généralement reconnu (aux exceptions près qu’on peut rencontrer aussi dans le privé).

Évidemment, ce débat regroupe plusieurs sujets bien différents, le fond et la forme : la réforme des régimes spéciaux de retraite, la grève et ses conséquences, le comportement du gouvernement, des syndicats voire des médias.


Sur les grèves et le comportement des partenaires sociaux

Il est clair qu’il y a eu une double logique d’affrontement durant ces longues grèves.

D’une côté, une minorité organisée et extrémiste a souhaité une confrontation sociale dans la rue, pour compenser leur échec de l’élection présidentielle : échec du premier tour (le total Besancenot, Buffet, Bové, Laguiller, Schivardi ayant été très faible) et échec du second tour avec l’élection de Nicolas Sarkozy.

Olivier Besancenot avait lui-même annoncé cet esprit de revanche en mai et préparé une confrontation sociale qui devait avoir lieu cet automne, à défaut de violences urbaines menacées par Ségolène Royal à la veille du second tour.

Il continue d’ailleurs toujours à appeler à la ‘résistance sociale’ (à la Mutualité de Paris le 22 novembre 2007) comme si nous étions en période d’Occupation (François Bayrou a aussi employé dès le 10 mai 2007 le mot ‘résistance’, ce qui me paraît bafouer la mémoire des vrais résistants).

Dans les faits, le principe de la grève est toujours préventif en France, ce qui empêche toute négociation avant, et impose un inévitable rapport de forces.

De l’autre côté, le gouvernement a évidemment tout intérêt à montrer son volontarisme et à dire qu’il s’attaque aux problèmes de front. Ainsi, conforté par des sondages (le nombre n’est certes pas un critère de vérité, mais avoir la majorité est cependant un élément encourageant dans une démocratie), le gouvernement n’a eu aucune peine à resté déterminé.

Dans ce cadre d’affrontement, il y a les inévitables ‘débordements’. Des sabotages par exemple dont l’origine sera, je l’espère, identifiée pénalement, mais qui permettent à chaque ‘camp’ d’accuser l’autre de provocation (d’une manière quasi-infantile). Grévistes extrémistes pour les uns, pyromanes du Reichstag pour les autres, la polémique s’enflent sur du hors sujet.

Est-ce le but, la diversion ? En tout cas, c’est dans la logique de l’affrontement.

Mais ce petit ‘jeu’ coûte très cher à l’économie nationale. Les chiffres ne sont pas sortis et ils seront sans doute contestés suivant le mode de calculs. Mais le coût est évidemment très élevé.

Il y a les pertes directes, absence d’employés, ou retards, absence de production. Ces pertes sont pour les entreprises, mais aussi pour de nombreuses personnes qui, ne pouvant se rendre à leur lieu de travail, ont perdu pécuniairement ces journées.

Il y a des pertes commerciales et de crédibilité, notamment face à des clients étrangers. Il est clair que la forte médiatisation des grèves et de la paralysie du pays n’aide pas à les convaincre que le service ou le bien qu’on leur propose peut être excellent, rapide et à prix compétitif.

Mais il y a d’autres pertes aussi.

Il est étrange par exemple de penser, quelques semaines après le ‘Grenelle de l’environnement’, que les considérations environnementales ont eu peu d’importance face à des considérations de défense des acquis sociaux.

Les pics de pollution engendrés par des embouteillages récurrents et prévisibles montrent que les prises de conscience sont lentes à émerger.

Faut-il aussi parler d’égoïsme ?

J’ai lu qu’on reprochait le ‘manque de solidarité’ des usagers qui rouspétaient contre les grévistes, mais aussi un certain ‘égoïsme’ de ceux qui refusent la réforme, préférant garder leurs ‘avantages’ à participer à l’effort national.

J’ajoute aussi, finalement, une absence complète d’anticipation pour les générations futures : tant sur la pollution engendrée (qui restera cependant ponctuelle, donc négligeable et pour certains nécessaire) que sur le financement même de notre système de retraite. L’endettement public monstrueux dope déjà les générations futures, et rien n’est fait (par le gouvernement) pour y remédier malgré un étrange constat de ‘faillite’.

Hélas, dans toutes ces assertions, il y a beaucoup de généralisations alors que finalement, seule une minorité semble faire sa loi et est capable de l’imposer (la paralysie) car elle est placée à un poste stratégique. (Et pourquoi n’y a-t-il plus de coupure de courant électrique lors les grèves des électriciens, comme c’était fréquent il y a une trentaine d’années ?).


Sur les régimes spéciaux et la retraite en général

Les salariés du privé, engagés par un contrat de travail avec leur employeur, avait vu dès 1995 leur régime de retraite modifié bien avant les catégories impliquées aujourd’hui, avec l’augmentation du nombre d’annuités (deux ans et demi de plus) et une diminution notable de la pension basée sur les vingt-cinq ‘meilleures années’ au lieu des dix meilleures, ce qui, dans des vies aux emplois précaires, ne donnent la chance qu’à ceux qui ont eu un ‘bon salaire’ pendant au moins vingt-cinq ans.

Les fonctionnaires aussi ont eu, un peu plus tard, en 2003, cette réforme qui les ramènent grosso modo aux conditions du régime général.

La fin des régimes spéciaux est donc avant tout une mesure d’équité face à l’effort national. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart des ‘catégories’ impliquées sont majoritairement favorables à cette réforme malgré l’impact négatif qu’elle aura sur leur propre condition, ce qui montre leur grand sens des responsabilités.

Mais disons-le clairement, la fin des régimes spéciaux ne résoudrait que pour 5% du nouveau besoin de financement des retraites. Cela veut dire que cette réforme en soi n’a pas pour cause le financement des retraites, puisqu’il reste encore 95% à trouver.

Par ailleurs, rappelons aussi que lors du débat électoral du 2 mai 2007, « Sarkozy a assuré que les lois Fillon ont pérennisé le financement des retraites jusqu’en 2020, ce qui me paraissait vite dit, et peu crédible, mais peu contesté par Royal », disais-je à l’époque.

Pourquoi aucun média, aucun journaliste, ni aucun membre de l’opposition ne rappelle-t-il donc pas ces propos électoraux pourtant les plus importants de la campagne présidentielle ? Est-ce une amnésie collective seulement six mois et demi après ?

Aujourd’hui, personne ne conteste que malgré les réformes des gouvernements Balladur et Raffarin, il y a en effet nécessité à apporter une réforme supplémentaire pour faire face à un nouveau déficit prévisible.

Cette réforme est prévue d’ailleurs en 2008 (le site de l’UMP est à cet égard honnête, puisqu’il le dit).

L’observateur politique pourra une fois encore maugréer contre l’absence soit d’anticipation soit de courage politique soit les deux qui marquent ces vingt dernières années.

Michel Rocard avait même prophétisé que le sujet brûlant des retraites était capable de faire chuter dix gouvernements. Cependant, son gouvernement s’est bien gardé d’y toucher, et l’observateur attentif restera étonné que les socialistes, si prompts à critiquer les réformes, ont toujours ‘oublié’ ce type de considération lorsqu’ils étaient au pouvoir, notamment à l’époque déjà lointaine du gouvernement Jospin (Martine Aubry préférait s’occuper des 35 heures et Jospin préférait attendre l’élection présidentielle de 2002).

Alors, pourquoi cette réforme des régimes spéciaux aujourd’hui ? Sans doute pour préparer celle prévue en 2008, qui modifiera une fois encore le régime général.

Sans préjuger des conclusions des négociations sociales à venir, il est assez facile d’imaginer que la durée de cotisations augmentera sans doute, passant de quarante à quarante et un ou quarante-deux annuités, ce qui aurait rendu la différence avec les régimes spéciaux non réformés beaucoup plus criante (et donc injuste).

De toute façon, si les Français souhaitent préserver leurs retraites par répartition (ce que j’espère), il n’y a pas beaucoup d’autres solutions que d’allonger la durée de cotisations, sinon, il n’y a que deux autres leviers financiers : augmenter les cotisations sociales (part salariale ou/et part patronale) ou baisser le montant des pensions.

Et finalement, l’allongement du nombre d’annuités est sans doute l’effort le moins douloureux à condition d’y inclure un autre paramètre, la pénibilité du travail. En effet, non seulement l’espérance de vie augmente, ce qui est déjà positif, mais la ‘vaillance’ des personnes reste encore forte à un âge de plus en plus avancé.

Pour de nombreux emplois, travailler plus longtemps ne confère pas vraiment de gêne si l’emploi est là (ce qui reste à voir, à cause des départs anticipés), mais pour certains emplois (à définir certes !), le travail use beaucoup et ce nouveau critère doit donc permettre d’aménager le système de retraites en conséquence.

Cette définition de la pénibilité, qui n’est évidemment pas facile (est-il facile de tenir encore une classe dans un lycée agité à 65 ans ?), mettrait les différences de régimes de retraite sur une base plus cohérente et surtout, plus acceptable par tous.


Et ce n’est sûrement pas en confisquant les biens ou les revenus des x pourcents les plus aisés qu’on résoudrait ce problème de fond qu’est la pérennisation de notre système de retraites par répartition que je veux défendre. L’absence de réforme aboutirait forcément à la faillite complète du système. Ce serait alors un désastre social majeur. C’est par ce refus de lucidité que de nombreuses entreprises font faillite. Pour une fois qu’un gouvernement refuse cet aveuglément si fréquent, je veux le soutenir.

Sylvain Rakotoarison





     Article paru sur Agoravox.





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