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26 août 2017 6 26 /08 /août /2017 02:14

« Ce qui s’est passé à Homs, c’est que le régime a levé un groupe de 200 hommes composé des forces de sécurité présentes dans les districts où vivent les minorités. Ils tuent des gens et jettent leur corps dans d’autres districts pour créer une agitation entre communautés. Nous en avons la preuve et nous avons publié de nombreuses déclarations pour alerter les gens contre les criminels qui vivent parmi eux. » (23 novembre 2011).



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De toutes les révolutions arabes depuis le début de l’année 2011, celle qui fut la meurtrière et qui, hélas, continue à l’être, est la guerre civile en Syrie avec plus de 300 000 morts. Avec cette particularité qui a fait retourner bien des réflexions et analyses géopolitiques : beaucoup des rebelles sont des islamistes profitant de la guerre contre le régime de Bachar El-Assad pour instaurer un pseudo-califat et un faux État islamique, qu’on appelle ici Daech, et qui est le germe d’un terrorisme international redoutable qui fait quasiment chaque jour de nombreuses victimes dans le monde.

Ainsi, des principaux despotes voire dictateurs arabes (comme Ben Ali, Moubarak, Kadhafi), Bachar El-Assad a pu se maintenir grâce à cette confusion du clivage dictature vs Daech. Du reste, à part la Tunisie qui se cherche une voie démocratique à la fois originale et prometteuse, les révolutions ont abouti soit à la confusion (Libye, Yémen, etc.), soit à un retour à la case initiale sur le plan politique (Égypte). L’Algérie et le Maroc ont échappé de peu aux révolutions, l’une parce que le risque serait trop grand qu’après Bouteflika, le pays ne tombe directement aux mains de l’islamisme le plus radical, l’autre parce que le roi Mohammed VI a cherché à dépressuriser le climat social en commençant à réformer très timidement son pays (même si cela n’a réduit pas la pression sociale dans certaines régions).

Ce qui avait complètement discrédité la politique de François Hollande et de Laurent Fabius en Syrie, c’était le refus de la réalité d’un clivage exclusif entre régime syrien et islamistes. Pourtant, la voie démocratique a toujours existé, même si elle fut ténue. L’une de ses voix, l’un de ses visages, s’est malheureusement éteinte le 17 août 2017 à Paris. Fadwa Suleiman, comédienne et poétesse syrienne, a succombé en effet d’une grave maladie à l’âge de 47 ans (elle est née le 17 mai 1970 à Alep).

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Diplômée de l’Institut supérieur d’art dramatique de Damas, Fadwa Suleiman a fait de sa voix son métier en doublant de nombreux rôles en arabe. Actrice très connue, elle a aussi joué des rôles glamour dans plusieurs films et séries télévisées et a également joué dans quelques pièces de théâtre à Damas (dont une pièce du dramaturge norvégien Henrik Ibsen, adaptée en langue arabe). Par ailleurs, elle a écrit plusieurs recueils de poésie après son arrivée en France en 2012 : « J’ai eu le sentiment d’avoir perdu ma voix et mon visage. L’écriture a donc été une nécessité pour que je me sauve moi-même et que je retrouve mon pays. » ("Midi Libre", le 12 juin 2016).

Elle a participé en effet, dès le début de la révolution en Syrie, aux premières manifestations le 15 mars 2011 à Homs contre le pouvoir. En se rebellant ainsi contre le pouvoir, elle s’est retrouvée aussi en opposition à sa communauté et sa famille qui l’a rejetée. Son frère Mahmoud a publiquement déclaré que sa famille la désavouait dans son combat contre le pouvoir syrien. Il faut dire que Fadwa Suleiman, femme alaouite et "produit" de la Syrie occidentalisée et laïque, était une extraterrestre parmi les militants d’une révolution essentiellement sunnite et masculine.

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Et effectivement, en faisant partie de la communauté alaouite (proche du pouvoir syrien), elle a pris beaucoup de risque pour sa vie en allant rejoindre les manifestants à Homs (elle a déclaré qu’elle risquait la prison sinon la mort en s’engageant ainsi). Mais elle voulait aussi montrer que la Syrie n’était pas un pays divisé en communautés, que la révolution n’était pas la contestation d’une communauté (sunnite) contre une autre (alaouite), et que sa communauté n’était pas unanimement derrière Bachar El-Assad.

Le 23 novembre 2011, elle a déclaré notamment à Al-Jazeera : « Les gens ne peuvent pas exprimer leur opposition parce que le gouvernement est encore plus brutal contre les dissidents appartenant à des groupes minoritaires que contre la majorité sunnite. Ils les menacent, ainsi que leur famille et leurs enfants, avant même qu’ils ne décident de protester. ».

Et d’ajouter : « Je viens de voir, de mes propres yeux, un jeune homme de 25 ans qui a été abattu lors d’une manifestation. Le régime continue à tuer parce qu’il ne sent pas que la communauté internationale soit sérieuse quand elle le condamne. Je ne veux pas d’intervention militaire en Syrie, mais je veux des résolutions fermes et sincères guidées par des préoccupations humanitaires et pas par des intérêts nationaux. » (23 novembre 2011).

Elle voulait aussi montrer que la plupart des manifestants n’étaient pas non plus des terroristes islamistes comme le suggéraient les autorités syriennes dans les médias de propagande par une entreprise de désinformation.

Elle prôna avant tout une révolution pacifique pour aboutir au renversement de Bachar El-Assad. Elle s’est déclarée très attristée par la tournure des événements en guerre civile. À partir de l’automne 2011, elle entra dans la clandestinité, recherchée activement par la police à Homs.

La non-violence, chez elle, était comme une évidence : « La nature humaine refuse les armes. On sait bien, à l’intérieur de nous, que les armes ne sont pas la solution. Il est facile de les utiliser pour gagner, aujourd’hui. Mais on ne gagne pas dans l’avenir, car on plante la haine. (…) Les armes détruisent l’homme à l’intérieur. Je suis contre les armes, les frontières, les passeports, les nationalités : ce sont des murs que l’on met entre nous, humains. Ce sont des illusions. Et c’est toujours pour le pouvoir. On peut parler, partager, créer notre société avec la discussion, la démocratie, la liberté, vraiment. » ("Midi Libre", le 12 juin 2016, dans une interview avec la journaliste Caroline Froelig).

Elle n’a dû son salut qu’à son exil hors de Syrie. Elle se réfugia en France en mars 2012, qu’elle a atteinte en se rendant en Jordanie (qu’elle disait truffée d’espions syriens) et en demandant de l’aide à l’ambassade de France. Le 25 mars 2012, elle a confié à l’AFP : « Je ne voulais pas quitter la Syrie, mais je n’ai pas eu le choix. J’étais menacée et je devenais une menace pour les militants qui m’aidaient. ».

En France, elle a continué, comme elle le pouvait, son combat. Elle a organisé des réseaux d’aide humanitaire, notamment grâce à Youtube et à Facebook, et elle dénonçait les méthodes brutales du régime syrien. Elle ne s’y sentait cependant pas vraiment en sécurité, craignant pour sa vie et celle de sa famille.

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En juillet 2012, elle a fait part de sa colère à "Libération" : « Le monde entier a laissé les mains libres à Bachar El-Assad, pas seulement al Russie et la Chine, il a poussé le peuple syrien à prendre les armes, exactement ce qu’a voulu Assad, et voilà où nous en sommes. ». Alexandra Schwartzbrod, journaliste de "Libération", l’a décrite ainsi : « Elle brûlait de l’intérieur d’une rage illimitée contre "les dirigeants du monde entier" qui avaient "oublié les valeurs humaines et fait passer l’intérêt de leur État avant la vie du peuple syrien". » (17 août 2017).

Refusant l’étiquette alaouite, Fadwa Suleiman a toujours lutté pour la liberté, celle de penser, de croire, d’aimer, défendant avant tout l’humanité dans la dignité partout. C’est en partie pour cette raison qu’elle s’est réfugiée à Paris où elle a dû participer à un autre combat, aussi féroce voire plus féroce pour elle que la guerre en Syrie, à savoir, la maladie.

Toujours dans le "Midi Libre" le 12 juin 2016, elle a exprimé sa foi en l’avenir de cette manière quasi-désespérée, en forme de testament : « Même s’ils effacent tout, on ne doit pas les laisser effacer notre rêve. S’il ne reste qu’un seul Syrien, je suis sûre qu’il va construire la Syrie que l’on aime. La Syrie, ce n’est pas un pays, une géographie, c’est une idée ! Nous apportons notre révolution. La révolution blanche, de l’esprit et de l’âme. Cela va traverser les lieux, le temps. ». Le pouvoir de Bachar El-Assad lui aura finalement, hélas, survécu…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 août 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Fadwa Suleiman.
Daech.
La Syrie.
Le Mali.
La Libye.
La Tunisie.
L’Algérie.
L’Égypte.
Le Maroc.
La Turquie.
L’Irak.
L’Iran.
Vade-mecum des révolutions arabes.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170817-fadwa-suleiman.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/10/25/35621902.html


 

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