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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 11:06

Le projet de loi constitutionnelle sur la modernisation des institutions adopté au Conseil des ministres du 23 avril 2008 a fait l’impasse sur quelques dispositions pourtant souvent débattues.


Dans les premier, second et troisième articles, j’avais présenté la modernisation des institutions de la Ve République voulue par le Président de la République Nicolas Sarkozy et défendue par le Premier Ministre François Fillon.

Il était question d’une méthode discutable (pas de consultation préalable des parlementaires, pas de référendum pour sa ratification), de mesures parfois contestables concernant l’Exécutif (droit du Président de la République à s’exprimer au Parlement, limitation à deux mandats consécutifs etc.) et de mesures très consensuelles visant à renforcer le rôle du Parlement (vote des lois et contrôle du Gouvernement) issues des travaux du Comité Balladur.

Dans ce dernier épisode, je fais le point sur les sujets qui n’ont pas été abordés dans ce projet de loi constitutionnelle, ce qui aura sans doute déçu de nombreuses élus et citoyens.


8. Ce qui n’est pas dans le projet de loi constitutionnelle

Quelques mesures pourtant souvent débattues n’ont pas été évoquées ici. Elles ne sont pas contenues dans la réforme sans pour autant préjuger de leur absence totale.

En effet, pour au moins deux thèmes, le mode de scrutin et le cumul des mandats, ce n’est pas du ressort de la Constitution mais de lois organiques.

D’ailleurs, ce projet de révision nécessiterait, s’il était adopté, plusieurs lois organiques qui fixeraient un certain nombre de conditions dans lesquelles s’appliqueraient les nouvelles dispositions votées. Le contenu de ces lois organiques ferait sans doute l’objet de nouveaux enjeux pas forcément bien visibles pour le simple citoyen.

8.1. Pas de référendum d’initiative populaire

Sans doute considérant que le peuple n’est pas assez ‘mature’, le projet ne reprend pas la proposition très encadrée du Comité Balladur qui pouvait servir de base à une discussion de type parlementaire (la question étant de savoir si le gouvernement laissera ou pas les parlementaires amender le texte).

À la place est évoqué un droit de pétition consultatif auprès du Conseil Économique et Social.

Le sujet mérite cependant de s’y attarder. L’absence d’une telle mesure ne signifie pas nécessairement qu’on veuille brider le peuple.

Il y a deux arguments en défaveur d’un tel type de référendum.

D’une part, il est difficile dans un pays à grande population de permettre des pétitions de 10% de l’électorat par exemple (plus de 4 millions de personnes). Seuls, les grands partis pourraient aboutir à un tel projet. C’est pourquoi ce type de mesure est souvent applicable dans des petits pays (notamment la Suisse).

D’autre part, sans encadrement strict, cela peut aboutir à des relents populistes malsains (comme demander un référendum pour rétablir la peine de mort). Il paraît normal également que les pouvoirs publics préservent une exclusivité dans ce type d’initiative.

Le tout étant de rester à l’écoute des attentes du peuple. Ce qu’a cherché à faire De Gaulle jusqu’en 1968 (ensuite, la distance fut si grande qu’il a démissionné de lui-même, acte ‘héroïque’ qu’un simple homme politique commun n’aurait jamais commis, ni Mitterrand en 1986 ou 1993, ni Chirac en 1997 ou 2005).

8.2. Mode de scrutin pour l’élection des députés

Serpent de mer habituel de la vie politique française depuis plusieurs républiques (la loi sur les apparentements avait déjà cassé la dynamique du RPF sous la IVe République), le mode de scrutin a été souvent modifié et beaucoup de personnalités politiques ont pris, au cours de leur existence politique, des positions différentes.

En 1958, Ministre de la Justice et chargé de rédiger la nouvelle Constitution, Michel Debré était favorable au scrutin majoritaire à un tour comme en Grande-Bretagne. Cette idée a été abandonnée par De Gaulle surtout parce qu’il voulait des députés élus à la majorité absolue et pas relative afin de leur donner la légitimité, d’où la nécessité d’un second tour (même si la possibilité de triangulaires voire de quadrangulaires au second tour ne donne pas forcément au candidat finalement élu une majorité absolue).

En avril 1985, François Mitterrand modifiait le mode de scrutin en raison de considération très circonstancielles : sûr d’échouer aux élections législatives du 16 mars 1986, il voulait réduire au maximum l’effet majoritaire d’une victoire de la coalition UDF-RPR menée par Jacques Chirac. François Mitterrand avait donc institué après bien des supputations le scrutin proportionnel par listes départementales avec répartition au plus fort reste. Cette décision avait d’ailleurs engendré la démission de Michel Rocard (partisan du maintien du scrutin majoritaire) du gouvernement de Laurent Fabius.

Dès l’automne 1986, Jacques Chirac, Premier Ministre de cohabitation, avait rétabli le scrutin majoritaire à deux tours sans toutefois modifier le nombre de députés (qui était passé de 496 à 577 avec la réforme de François Mitterrand).

Pour l’instant, aucun autre changement n’a eu lieu.

Trois écoles s’opposent.

Il y a les partisans du statu quo qui souhaitent préserver l’élection d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale (son absence dans l’Assemblée élue en juin 1988 et sa présence dans celle élue en mars 1986 mettent en défaut cette argumentation). Le scrutin est cependant plus efficace pour gouverner mais a une plus faible capacité de représentation de tous les courants politiques du pays.

Il y a les partisans du tout-proportionnel ou d’une forte dose de proportionnelle (50% des députés). La plupart des partis laminés par le scrutin majoritaire y sont évidemment favorables (notamment le MoDem, le Front National, mais aussi le PCF, les Verts et l’extrême gauche).

Il y a enfin ceux qui sont favorables à une petite dose de proportionnelle, à l’instar du Comité Balladur qui suggérait 5% des députés (ce qui est faible). Le Nouveau Centre, certains élus de l’UMP et du PS y seraient favorables.

Quatrième position, ultra-minoritaire, Patrick Devedjian (ancien ministre, député et secrétaire général de l’UMP) et Gérard Longuet (ancien ministre, sénateur et ancien président du Parti républicain) seraient partisans du scrutin majoritaire à un tour (ce qui laminerait définitivement les candidats qui ne seraient soutenus ni par l’UMP ni par le PS). Je les soupçonne d’être surtout des provocateurs.

8.3. Mode de scrutin pour l’élection des sénateurs

De nombreuses modifications ont déjà eu lieu pour les sénateurs qui sont élus dans un cadre départemental. Pour les départements qui élisent au moins trois sénateurs, il s’agit d’un scrutin à la proportionnelle au plus fort reste (avant, il fallait au moins cinq sénateurs dans un département).

Le souci n’est donc pas le mode de scrutin qui semble désormais admis, mais le collège électoral (voir mon article sur le sujet).

En effet, ce collège électoral, pourtant déjà modifié pour représenter plus les villes que les campagnes, fait la part encore trop belle aux élus ruraux surreprésentés par rapport aux grands électeurs issus des villes.

Pierre Mauroy (sénateur et ancien Premier Ministre) aurait même réussi à convaincre ses camarades socialistes d’abandonner leur refus de voir le Président de la République s’exprimer devant le Parlement au profit d’une réforme de la composition du collège électoral pour le Sénat.

L’enjeu est important, notamment depuis les élections municipales et cantonales de mars 2008, puisque le PS pourrait gagner la majorité du Sénat en septembre 2011 avec le renouvellement des sénateurs franciliens.

Dans tous les cas, le collège pour les élections sénatoriales prévues le 21 septembre 2008 (date avancée d’une semaine à la tradition) ne serait pas modifié.

Le 23 avril 2008, l’éditorialiste Olivier Duhamel (et ancien député européen socialiste) proposait sur France Culture une Assemblée Nationale élue au scrutin majoritaire à un tour (assurant la majorité absolue) et un Sénat élu à la proportionnelle intégrale (et au suffrage direct), assurant la représentation de tous les courants politiques, et modifiant le clivage actuel : le député représente la population et le sénateur représente le territoire.

8.4. Renforcement de la limitation du cumul des mandats

Rappelons à cet effet qu’il est faux de dire qu’il n’y a actuellement pas de limitation de cumul des mandats. La loi a d’abord limité à deux mandats, puis a interdit à plus d’un exécutif local. Tout en plafonnant les indemnités de ces fonctions électives.

Un mandat local et un mandat national pourrait être un bon équilibre. Nathalie Kosciusko-Morizet l’avait d’ailleurs récemment expliqué à Agoravox.

Le vrai problème reste cependant que ne sont pris en compte que les mandats obtenus au suffrage direct, or il existe de nombreux autres mandats que les élus cumulent allègrement en toute discrétion et qui ne sont pas pris en compte.

Par exemple, les mandats concernant les structures intercommunales qui sont pourtant dotées de budgets supérieurs aux communes. Mais aussi de nombreux mandats dans des syndicats mixtes, intercommunaux divers et variés.

En observant la pratique gouvernementale proposée par Nicolas Sarkozy depuis mai 2007, il n’est pas sûr que ce thème soit mis en discussion rapidement.

En effet, alors que Lionel Jospin avait émis la règle (personnelle), en juin 1997, qui interdisait d’être à la tête d’un exécutif en même temps qu’au gouvernement, et que Jacques Chirac l’avait reprise à son compte en mai 2002, notamment pour éviter de nommer Philippe Douste-Blazy, alors nouveau maire de Toulouse, au gouvernement (mais qu’il n’a pas appliquée à Nicolas Sarkozy lors de son retour au Ministère de l’Intérieur en juin 2005, cumulant en plus la présidence du Conseil général des Hauts-de-Seine et la présidence de l’UMP), le gouvernement de François Fillon est composé de nombreux responsables d’exécutifs territoriaux (surtout depuis le remaniement du 18 mars 2008).

8.5. Cumul des mandats dans le temps

La question doit sans doute être aussi débattue.

La réponse est proposée pour le mandat présidentiel dans le projet de loi constitutionnelle, mais n’est pas vraiment utile dans la mesure où aucun Président de la République n’a jamais commencé de troisième mandat (et deux seuls ont achevé leur second mandat depuis deux siècles, François Mitterrand et Jacques Chirac).

L’enjeu porte plutôt sur l’exécutif des collectivités locales (mairie, présidence de Conseil général, présidence de Conseil régional) où la très grande longévité de certains élus interroge les citoyens sur leur aptitude à prendre les bonnes décisions et à imaginer les meilleures solutions aux enjeux qui se posent.

Mais, je ne suis pas sûr que le choix doit être refusé à l’électeur. Les électeurs sont aujourd’hui tout à fait aptes à refuser la prolongation de mandats trop durable.

C’est ainsi, par exemple, qu’ils ont renvoyé à ses études Jean-Marie Rausch (78 ans), candidat à un nouveau mandat en mars 2008, alors qu’il était maire de Metz depuis… mars 1971.

Jacques Chaban-Delmas avait été encore plus long à Bordeaux (pendant 48 ans maire) ou Aimé Césaire (56 ans maire de Fort-de-France).


Épilogue

Ces oublis dans l’actuel projet de loi constitutionnelle feront nécessairement de nouveaux débats voire polémiques dans les mois et les années à venir.

L’opposition au gouvernement, notamment les socialistes, devrait saisir cette occasion du débat institutionnel pour se faire entendre et surtout se faire comprendre. Car pour ses dernières positions institutionnelles concernant le Traité de Lisbonne, le Parti socialiste a été d’une incohérence politique doublée d’une confusion étonnante.

À lui de montrer clairement où se trouvent, à son sens, les priorités institutionnelles. Le gouvernement semble avoir déjà accompli cette tâche. Et au MoDem d’avoir l’audace de faire entendre sa voix malgré sa faible force de frappe parlementaire.

Je souhaite également que le gouvernement laisse une grande marge de manœuvre aux parlementaires pour amender ce projet de révision lors des lectures à l’Assemblée Nationale en mai 2008 et au Sénat en juin 2008.

Il restera ensuite à déterminer si cette réforme voulue par Nicolas Sarkozy va renforcer la Ve République… ou l’affaiblir.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 avril 2008)


Pour aller plus loin :

Texte intégral du Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Constitution de la V
e République.






http://www.AgoraVox.fr/article.php3?id_article=39395

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080501/tot-reforme-des-institutions-4-les-oubli-89f340e.html

http://www.centpapiers.com/Reforme-des-institutions-en-France,3694

http://www.lepost.fr/article/2008/05/06/1190028_reforme-des-institutions-4-les-oublies-du-projet-sarkozy-fillon.html

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R
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