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27 octobre 2019 7 27 /10 /octobre /2019 03:07

« Je ne sais pas si je comprendrai un jour clairement [ses raisons], mais je pense que l’une des raisons qui l’a poussé à cette extrémité est l’incompréhension totale de ses amis et la relation fausse qu’il a pu avoir à partir de ce moment-là avec eux. (…) Il ne s’est pas suicidé pour 40 000 francs, mais par manque d’amour des autres et par dégoût. Il ne supportait pas le climat d’ignominie qui régnait sur son passage. Il me racontait que, lorsqu’il se rendait à l’Assemblée Nationale au moment de l’affaire, il entendait dans les travées des chuchotements, son nom prononcé et des rires… Il était tellement soucieux que je craignais qu’il n’ait une crise cardiaque. » (Collette Boulin, "Paris Match", le 18 janvier 1980).



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Sa veuve croyait encore à la "version officielle", en janvier 1980. Ou elle voulait le laisser penser. S’il y a bien une "version officielle" dont il faut se méfier, c’est bien celle du suicide. Et qui dit "version officielle" dit "complot". Y a-t-il eu complot pour tuer ? Peut-être pas, mais assurément, il y a un complot, du moins apparent, à ce qu’une enquête judiciaire digne de ce nom n’ait jamais pu être tenue. Un complot du silence. Pendant quarante ans, tant la classe politique que la justice ont tout fait pour empêcher l’éclosion de la vérité. Car cela fait quarante ans que le Ministre du Travail Robert Boulin est mort. Mort dans la nuit du 29 au 30 octobre 1979, vers 1 heure du matin, retrouvé officiellement le 30 au matin sans vie dans un étang de la forêt de Rambouillet, assommé par des barbituriques, assommé par des coups, supposé assommé par …de l’eau.

Quarante ans, c’est une génération et demie, presque deux. Les acteurs, s’ils ne sont pas morts, sont très vieux, malades. Qui aurait encore aujourd’hui à cacher la vérité ? Leurs descendants ? Pourtant, la vérité n’est pas encore près d’être établie.

Robert Boulin était probablement un homme politique modèle du début de la Cinquième République. Jeune résistant en 1941, chef d’un réseau, il fut avocat à la Libération, d’abord à Bordeaux puis à Libourne (la fameuse ville de destination de tous les courriers sans destinataires), ville dont il fut le maire de 1959 à sa mort. Proche des républicains-sociaux, qui étaient les gaullistes d’après-RPF en 1953, Robert Boulin est devenu lui-même un acteur politique après le retour du Général De Gaulle. Il fit partie des nombreux candidats gaullistes élus députés dans la lancée de la nouvelle République en novembre 1958 et il fut réélu à chaque élection jusqu’à sa mort.

Député-maire de Libourne pendant vingt ans (il fut aussi conseiller régional d’Aquitaine à partir de 1973), Robert Boulin entra rapidement au gouvernement, au point qu’en 1979, il fut parmi ceux qui sont restés ministre le plus longtemps de la Cinquième République, plus de quatorze ans. Qu’on en juge en effet : du 24 août 1961 au 28 mars 1973 et du 27 août 1976 à sa mort, 29 octobre 1979, il fut membre de onze gouvernements, ceux dirigés par Michel Debré, Georges Pompidou, Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Messmer et Raymond Barre, sous trois Présidence : De Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing.

Et ses responsabilités ministérielles n’étaient pas minces : après avoir eu le premier portefeuille des Rapatriés, il fut à partir du 11 septembre 1962, pendant presque six ans, chargé du Budget (un portefeuille stratégique, avec celui de l’Intérieur, en ce qui concerne le renseignement et les secrets politiques), puis à la Fonction publique le 31 mai 1968, l’Agriculture le 12 juillet 1968, la Santé le 22 juin 1969, les Relations avec le Parlement le 6 juillet 1972, qu’il a reprises le 27 août 1976, l’Économie et les Finances le 30 mars 1977 et enfin, le Travail et la Participation le 5 avril 1978.

Comme on le remarque, il n’était pas ministre lorsque Jacques Chirac fut Premier Ministre. Élu RPR car gaulliste, mais aussi catholique et social, il était avant tout fidèle au Président de la République, c’est-à-dire Valéry Giscard d’Estaing, et ne comprenait pas la "fronde" de Jacques Chirac (ou comprenait trop bien) pour pourrir les dernières années du septennat giscardien. Il faisait partie de ces "barons gaullistes", proches de Jacques Chaban-Delmas (qu’il avait soutenu en 1974, ce qui expliquait son absence du gouvernement en 1974), mais qui, par légitimisme, et par sens des responsabilités (en mars 1978, la gauche a failli obtenir une majorité aux élections législatives), voulait la réussite de Valéry Giscard d’Estaing au nom de l’intérêt général.

Robert Boulin a pu être aussi longtemps ministre surtout parce qu’il ne faisait de l’ombre à personne. L’échec de Jacques Chaban-Delmas en 1974 aurait dû signer l’arrêt définitif de sa carrière ministérielle, mais Raymond Barre, qui voulait cumuler Matignon et le Ministère de l’Économie et des Finances, avait besoin auprès de lui d’un ministre délégué qui fût fiable, compétent et expérimenté.

En 1979, Raymond Barre, le Premier Ministre en fonction depuis plus de trois ans, était épuisé par la charge et peu "sexy" pour les électeurs peu avant la prochaine élection présidentielle. Tellement épuisé qu’il a dû se mettre au repos pendant une semaine au Val-de-Grâce pour surmenage. Les rumeurs étaient nombreuses qui indiquaient la nomination d’un nouveau Premier Ministre, et pour mettre en difficulté Jacques Chirac, président du RPR, il était question de nommer un de ces barons gaullistes du RPR. Parmi les noms qui revenaient, il y avait Alain Peyrefitte (alors Ministre de la Justice) ou Olivier Guichard (ancien Ministre de la Justice), mais Robert Boulin était donné favori, justement par son profil d’homme connu pour son intégrité, sa loyauté, son passé de grand résistant, son efficacité, la sympathie dont il bénéficiait auprès des Français, et sa grande expérience gouvernementale.

En nommant deux ans avant l’élection présidentielle un nouveau Premier Ministre RPR, Valéry Giscard d’Estaing comptait éviter une candidature de Jacques Chirac et bénéficier du soutien du RPR en même temps que de l’UDF dès le premier tour. Ou, au moins, casser le RPR en deux et faire éloigner la menace Chirac. Ce fut à partir de ces suppositions que Robert Boulin a commencé à subir une campagne médiatique sur un "affaire" qui aurait mal tourné. Il n’est pas question ici d’entrer dans les détails, mais disons que par naïveté, Robert Boulin a été trompé par un homme d’affaires et escroc qui lui a vendu le 18 juillet 1974 un terrain dans le Sud (à Ramatuelle) pour y faire construire une villa, mais il avait déjà vendu ce terrain à un autre acheteur.

Problème, la maison était déjà construite quand il s’en est aperçu. Ce qu’on a reproché à Robert Boulin, ce n’était pas sa naïveté, mais d’être intervenu auprès du préfet du Var pour pouvoir construire sur son terrain qui n’était pas constructible (d’où le prix assez bas du terrain). En fait, il n’a même pas acheté le terrain, mais l’a reçu pour le service rendu à l’homme d’affaires (c’était un exemple typique de corruption). Comme il était intègre, il a hésité à recevoir ce terrain mais sa famille, heureuse de pouvoir prendre des vacances dans le Sud, l’aurait plutôt encouragé à accepter. Une instruction judiciaire fut ouverte dès mars 1979 (par le très jeune juge …Renaud van Ruymbeke !), et les premières fuites ont été publiées dans la presse dès juillet 1979, d’où une pression psychologique et politique de plus en plus forte sur le ministre.

Bref, dès que "l’affaire" est sortie, Robert Boulin s’est débattu, mal, dans un sable mouvant qui ne cessait de commencer à l’étouffer. Robert Boulin, par son parcours, connaissait beaucoup de grands et petits secrets, notamment sur le financement de partis politiques, et en particulier le sien, le RPR. Pour répondre à ses détracteurs, il a probablement fait l’erreur fatale de menacer, lors d’une émission politique, le "Club de la presse" le 21 octobre 1979 sur Europe 1, animé par Gérard Carreyrou, de rendre publiques certaines informations confidentielles qu’il détenait : « Que voulez-vous que je réponde ? J’ai l’âme et la conscience tranquilles et j’ai été exemplaire. Peut-être encore plus que vous ne le pensez, parce qu’il y a des choses que je ne peux pas dire ici. ».

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Dans son excellent blog, Hervé Torchet expliquait le 17 février 2011 : « Comme on l’a compris, Boulin est un excellent gestionnaire, un bon négociateur, mais ce n’est pas un homme politique de premier plan. Lorsque Giscard le pousse vers la lumière il subit une pression à laquelle il n’est pas accoutumé. Lui n’a jamais marché sur la tête des autres pour avancer, ce n’est pas son style. Au milieu des hurlements de la meute qui s’élèvent contre lui, il analyse que Giscard le met en danger en l’exposant comme il le fait. (…) Avec cette affaire de terrain, les chiens sont lâchés. Boulin décide de contre-attaquer, mais il manque en somme d’expérience de ce type de combats, il va trop loin. Un lutteur expérimenté sait que lorsqu’on est attaqué, dans notre triste  vie politique, il faut sortir une petite affaire, bien vilaine, contre l’un de ses adversaires, tout en faisant savoir qu’on peut en dire beaucoup plus. On n’utilise jamais l’arme atomique sans escalade préalable. Comme disent les militaires, la riposte doit être proportionnée. Or Boulin disproportionne à fond. ».

Acculé par le lynchage médiatique dû à son affaire (pas "l’affaire Boulin" mais celle de sa villa), il se serait suicidé le soir du 29 octobre 1979… Des lettres (non signées) ont été adressées à ses proches pour expliquer ce suicide (reçues le 31 octobre 1979), mais dès le début de la matinée du 30 octobre 1979, les doutes étaient avérés sur la réalité du suicide. Quarante années plus tard, la certitude d’un assassinat est partagée quasiment par tout le monde.

En 2009, au trentième anniversaire, cette certitude était déjà très largement partagée, mais à l’époque, il y avait encore certaines personnes en vie. En dix ans, de nombreux décès ont rendu la construction de vérité beaucoup plus difficile. Quels décès ? Par exemple, Jean Charbonnel le 19 février 2014, Charles Pasqua le 29 juin 2015, Philippe Mestre le 25 avril 2017, et bien sûr Jacques Chirac le 26 septembre 2019.

Pourquoi évoquer ces personnes ? Pas parce qu’ils sont forcément coupables, mais parce que leur témoignage aurait été capital dans la compréhension de cette affaire.

Par exemple, on a parlé du SAC, et qui dit SAC, dit Jacques Foccart et Charles Pasqua. À l’époque, Charles Pasqua était un très proche de Jacques Chirac et Robert Boulin avait réussi à démontrer qu’il avait bidouillé un vote interne au RPR. Quand ce fut démontré, Jacques Chirac retira à Charles Pasqua toutes ses responsabilités internes, responsabilités qu’il a récupérées très peu de temps après la mort de Robert Boulin. Cela ne prouve pas la culpabilité de Charles Pasqua, d’autant plus qu’il n’était plus au SAC depuis sa première élection de député, mais sa connaissance aiguë des réseaux gaullistes faisait qu’il pouvait difficilement ignorer ce qu’il s’était passé.

Robert Boulin est parti tôt de son bureau en milieu d’après-midi, est allé poster quelques courriers (les "fausses" lettres reçues par la suite ?), puis il a honoré un rendez-vous à l’extérieur de Paris. Il avait avec lui un dossier volumineux qui n’a jamais été retrouvé. Auparavant, il aurait fait, seul, beaucoup de photocopies à son bureau du ministère.

J’ai évoqué aussi Philippe Mestre parce qu’en 1979, il était le directeur de cabinet du Premier Ministre Raymond Barre. Ce fut lui, depuis Matignon, qui lui a annoncé la mort de Robert Boulin, qu’on avait retrouvé le corps. Or, Raymond Barre a déclaré peu avant sa mort qu’il avait été au courant de la mort de Robert Boulin vers 2 ou 3 heures du matin, alors que la gendarmerie aurait découvert le corps officiellement vers 8 heures 40 du matin. Comment pouvait-il connaître ce qui allait se passer ? À l’Élysée, on aurait appris aussi en pleine nuit l’horrible découverte, mais Valéry Giscard d’Estaing a signalé l’heure de 11 heures 30 dans ses mémoires. Philippe Mestre a aussi réfuté l’heure de 2 heures du matin en 2010.

Entre la "version officielle" de la justice et le témoignage d’un des deux principaux personnages de l’État, il y avait déjà des divergences ! Ces quelques heures de trou noir, ce fut l’occasion probablement de "préparer" la "version officielle", la version du suicide. Mal préparer car tout a été bâclé, mal fait, négligé, de nombreuses pièces à conviction ont disparu, même le dossier judiciaire d’origine a été perdu. Ce qui est le plus troublant, c’est qu’on aurait pu penser que l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir allait permettre d’en connaître plus, mais ce fut le contraire. Certes, en 1981, Robert Badinter était l’avocat de la famille, mais le 18 janvier 1984, ce même Robert Badinter, devenu Garde des sceaux, a déposé plainte contre la famille pour diffamation (elle avait accusé le procureur de la République de Versailles de forfaiture).

L’affaire a été en effet classée lors de du second septennat de François Mitterrand. La juge Laurence Vichnievsky, qui est aujourd’hui députée du Puy-de-Dôme (et qui a battu en juin 2017 le député sortant UDI Louis Giscard d’Estaing), a rendu une ordonnance de non-lieu le 20 septembre 1991 (seulement neuf jours après avoir eu possession du dossier épais de 1,50 mètre !) : « Et voilà que, toutes affaires cessantes, une semaine seulement après sa prise de fonction, cette magistrate a eu le temps d’avaler ce monument de littérature judiciaire. Les services du procureur gardent le dossier six bons mois, puis le rendent. Une semaine plus tard, la juge rend sa décision : non-lieu. Boulin s’est suicidé et qui veut croire à autre chose devra invoquer un "complot". Fermez le ban. On en reste bouche bée. On ne veut pas y croire. C’est impensable. Tant de froide brutalité. » (Hervé Torchet).

Dans les premiers jours après la mort de Robert Boulin, presque toute la classe politique croyait à son suicide, et il pouvait être très crédible : un homme politique réputé pour son intégrité morale, sur le point d’être nommé à Matignon, sommet de sa carrière, qui s’effondrait avec le lot de révélations, et de révélations annexes sur ses proches, famille, vie privée, etc. Avec d’une part, une justice qui fouillait dans son passé, d’autre part, des lâchages d’amis politiques, et surtout, la fin du rêve de devenir Premier Ministre.

Des regards se sont posés sur différents acteurs politiques. Ainsi, Alain Peyrefitte fut montré du doigt car lorsque Robert Boulin avait demandé son aide le 18 juin 1979, Alain Peyrefitte, Garde des sceaux, avait refusé d’intervenir en laissant faire la justice (à une époque où les interventions du ministre dans le cours de la justice étaient fréquentes).

On a reproché aussi à Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre de ne pas vouloir encourager les investigations, le Président, absent lors de l’enterrement, a cité l’Évangile selon saint Matthieu pour prétendument apaiser : « Laissons les morts enterrer les morts. » (ce qui ne voulait pas dire grand chose sinon "taisez-vous"). Dès le 24 octobre 1979, Valéry Giscard d’Estaing croyait en la culpabilité de son ministre et nécessairement, il allait le limoger (même si le 5 octobre 1979 encore, le Président était allé le voir à Libourne et lui avait rendu un hommage très appuyé, trop appuyé).

Le socialiste Laurent Fabius, jeune député nouvellement élu l’année précédente, ne croyait pas vraiment à la thèse du suicide dès le début et l’a exprimé à l’occasion d’une question au gouvernement. Dès le 31 octobre 1979, le Président de l’Assemblée Nationale, Jacques Chaban-Delmas, lançait du  haut du perchoir qu’on avait assassiné son ami (tirade qui lui aurait valu une engueulade de Jacques Chirac). Mais ce fut surtout à partir de 1983 que la thèse du suicide avait du plomb dans l’aile. La famille a expliqué qu’elle avait été mise sous pression pour ne pas insister sur les circonstances de la mort, et les très nombreuses irrégularités, anomalies, etc. de l’enquête depuis le début, ont fait ébranler toutes les certitudes.

Si j’ai évoqué Jean Charbonnel, c’était aussi pour faire référence à ses déclarations, avant sa mort, selon lesquelles il aurait été mis au courant des véritables assassins de Robert Boulin. En effet, il a affirmé qu’Alexandre Sanguinetti, autre baron du RPR et cofondateur du SAC, lui avait confié à l’époque qui étaient à l’origine de la mort du ministre. Peu après la mort d’Alexandre Sanguinetti le 9 octobre 1980, le domicile de sa fille (qui fut sa collaboratrice parlementaire) fut cambriolé et on lui a demandé si son père avait eu des preuves écrites de l’assassinat de Robert Boulin.

Jean Charbonnel aurait inscrit les deux noms sur une feuille qu’il a placée dans son coffre. Il n’a pas voulu les divulguer aux médias mais était prêt à le faire à un juge, mais aucun juge ne lui a demandé avant sa disparition. Cela dit, la connaissance de ces noms, à part ternir leur réputation, ne serait aucunement une preuve de leur culpabilité. De plus, bien que grand connaisseur des réseaux gaullistes, Alexandre Sanguinetti n’avait pas qualité pour désigner les coupables d’un faux suicide, d’autant plus qu’il ne pouvait s’expliquer sur les conditions qui l’auraient permis de les identifier.

Voici ce que disait Jean Charbonnel le 27 octobre 2009 sur France Inter, en parlant d’Alexandre Sanguinetti : « Il m’avait cité deux noms de personnalités politiques et une organisation qui pouvaient être impliquées dans cette affaire parce que Robert Boulin était une gêne pour eux, une menace pour eux. (…) La version du suicide ne colle pas et les coupables possibles (…) ont agi à ce moment pour des raisons purement politiques et qui allaient plus loin que les simples affaires immobilières ». Il précisa le 12 février 2011, dans le journal "Sud-Ouest", qu’Alexandre Sanguinetti lui aurait révélé deux noms : « Le nom du commanditaire, si c’est bien lui, est très connu. Celui de l’exécutant ne me disait rien en 1979. Depuis, je me suis renseigné. L’un comme l’autre sont encore en vie. Si la justice veut les interroger, il faut néanmoins qu’elle se presse. ».

La mince chance de voir apparaître la vérité, ce fut l’ouverture, le 4 août 2015, d’une information judiciaire pour "arrestation, enlèvement et séquestration, suivis de mort ou assassinat", à la suite de la plainte déposée par la fille de Robert Boulin le 13 mai 2015 grâce au témoignage d’une personne qui a vu Robert Boulin partir avec deux individus (qui fut entendue par la juge le 17 décembre 2015). Très peu d’actions ont été faites depuis quatre ans et demi, à part deux ou trois auditions de témoins.

Je termine par cette froide conclusion d’Hervé Torchet : « Ce qui caractérise l’affaire Boulin, c’est qu’une réunion de personnages a pu, sans être inquiétée, assassiner un ministre en exercice de la France. On ne veut pas croire ces mots en les écrivant : ils sont impensables. Mais si. Ils l’ont fait EN TOUTE IMPUNITÉ. Cette puissance-là sur l’État est le signe des grandes mafias, des pouvoirs criminels les plus élevés et les plus noirs. (…) Disons-le sans détour : au-delà de Foccart, la fille de Boulin accuse Jacques Chirac en termes quasi-explicites. Au vu de son livre ["Le Dormeur du Val" de Fabienne Boulin-Burgeat sorti le 15 mars 2011, éd. Don Quichotte], il est difficile de ne pas lui donner raison. » (17 février 2011).

Je suis incapable de dire quelle est la part de responsabilité de Jacques Chirac, président du RPR à l’époque, et qui avait toutes les raisons de s’inquiéter d’un déballage d’affaires amorcé par Robert Boulin. Néanmoins, maintenant qu’il est mort, il serait sain pour la démocratie de se pencher sur son rôle exact. Je doute qu’il ait donné froidement l’instruction d’éliminer un possible bavard, mais probablement qu’on a pensé bien faire pour lui en le faisant.

La réputation même posthume de Jacques Chirac n’est pas à mettre dans la balance avec la vie de Robert Boulin, bien plus précieuse. Je reste cependant toujours méfiant des accusations sans preuve concrète. La prudence est nécessaire pour éviter d’autres erreurs. On ne peut pas jeter des noms en pâture sans que la justice les confirme avec des éléments de preuves. Il est de toute façon probable que de nombreux intérêts, parfois contradictoires, se sont entremêlés.

Même Bernard Pons, proche de Jacques Chirac (il fut bien plus tard, en 1995, le fondateur et le président de l’Association des amis de Jacques Chirac), ancien ministre et ancien secrétaire général du RPR (de 1979 à 1984), a indiqué dans le documentaire sur l’affaire Boulin, de Benoît Collombat, Bernard Nicolas et Arnaud Mansir diffusé dans "Envoyé spécial" le 26 octobre 2017 sur France 2, avoir cru à la thèse de l’assassinat dès le soir du 29 octobre 1979 (il était alors député depuis 1967).

Aujourd’hui, il s’agit seulement d’établir enfin la vérité, et de comprendre comment, pendant quarante ans, malgré les nombreuses alternances politiques et les générations qui passaient, celle-ci n’a encore jamais pu s’exprimer dans son éclatante pureté.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 octobre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Robert Boulin, quarante années plus tard…
"Le dormeur du val" (Robert Boulin), analyse d’Hervé Torchet (17 février 2011).
Robert Boulin ne s'est pas suicidé.
Jean Charbonnel et l’affaire Boulin.
Philippe Mestre et l'affaire Boulin.
Les 75 anomalies de l’enquête judiciaire.
L’affaire Boulin (1).
L’affaire Boulin (2).
Livre de Benoît Collombat : "Un homme à abattre. Contre-enquête sur la mort de Robert Boulin" (éd. Fayard, 11 avril 2007).

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191029-robert-boulin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/robert-boulin-quarante-annees-plus-218861

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/10/23/37734903.html




 

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