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3 mai 2023 3 03 /05 /mai /2023 20:35

« Le Conseil Constitutionnel juge que ne porte pas sur une réforme relative à la politique sociale de la nation, au sens de l’article 11 de la Constitution, la proposition de loi visant à interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans. » (Communiqué du Conseil Constitutionnel du 3 mai 2023 à 19 heures).




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La seconde proposition de loi que l'opposition a soumise au Conseil Constitutionnel pour organiser un référendum d'initiative partagé sur la réforme des retraites a été rejetée ce mercredi 3 mai 2023 à 19 heures par la décision n°2023-5 RIP du 3 mai 2023 du Conseil Constitutionnel.

Cette proposition, signée par 252 sénateurs et députés de la Nupes, a été transmise par le Président du Sénat au Conseil Constitutionnel le 13 avril 2023. Ce dépôt précipité de la Nupes juste avant le premier avis (prévu le 14 avril 2023) avait pour but de rectifier le défaut de rédaction de la première proposition.

J'avais d'ailleurs évoqué la possibilité que le Conseil Constitutionnel, qui avait rejeté la première proposition, puisse accepter la seconde proposition de loi parce qu'elle aurait été déposée avant la promulgation de la réforme des retraites qui a eu lieu quelques heures après sa validation, le 14 avril 2023 (le Président de la République était dans l'obligation de la promulguer dans les quinze jours). Un dépôt après la promulgation rendait en effet impossible tout RIP sur le même sujet avant un délai d'un an. Et on peut comprendre cette disposition : cela reviendrait à court-circuiter les parlementaires alors qu'ils sont eux-mêmes dépositaires de la souveraineté nationale, en tant que ses représentants.

Mais cette idée de validation du RIP qui j'avais généreusement prêtée aux membres du Conseil Constitutionnel le 14 avril 2023, je l'avais imaginée sans avoir pris connaissance du texte de cette seconde proposition de loi et, une fois lu, on peut dire que la manière dont elle est rédigée ne laissait aucun doute sur le refus du Conseil Constitutionnel.

En effet, composée de deux articles, cette seconde proposition de loi pêche comme la première car le premier article est la répétition de l'article unique de la première proposition. Ce premier article propose d'interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans. Or, à la date du dépôt, 13 avril 2023, l'état du droit en France était que l'âge légal de départ à la retraite était 62 ans. Donc, cet article n'est pas une réforme au sens de l'article 11 de la Constitution : « À la date d’enregistrement de la saisine, l’interdiction de fixer l’âge légal de départ à la retraite au-delà de 62 ans n’emporte donc pas de changement de l’état du droit. » explique benoîtement la décision, reprenant exactement la logique de la précédente décision.

Le second article de la seconde proposition de loi, qui manquait à la première proposition, présente un financement supplémentaire des retraites en augmentant de 9,2% à 19,2% (cela ferait plus que doubler !) le taux d'imposition à la contribution sociale généralisée (CSG) des revenus du patrimoine.

C'est donc l'unique modification de cette seconde proposition : prévoir un financement supplémentaire, ce qui stupide puisque ce financement serait obligatoire dans le cas où on passerait de 64 ans à 62 ans mais pas dans le cas où on maintiendrait à 62 ans !

Néanmoins, le Conseil Constitutionnel ne blâme pas cet article pour cette raison (augmenter les recettes de l'État est toujours bon à prendre !). Il rappelle, en revanche, que la CSG finance déjà la branche vieillesse et donc, que le mécanisme de financement proposé n'est pas une réforme au sens que le dispositif existe déjà : « Cette proposition de loi prévoit d’augmenter de 9,2% à 19,2% le taux d’imposition à la contribution sociale généralisée des revenus du patrimoine mentionnés au e du paragraphe I de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et des produits de placement mentionnés au 1° du paragraphe I de l’article L. 136-7 du même code ainsi que d’affecter le produit de cette contribution sur ces revenus et produits à la branche vieillesse et veuvage du régime général de la sécurité sociale. Elle a ainsi pour seul effet d’abonder le budget d’une branche de la sécurité sociale en augmentant le taux applicable à une fraction de l’assiette d’une imposition existante dont le produit est déjà en partie affecté au financement du régime général de la sécurité sociale. ».

Ainsi, le Conseil Constitutionnel a conclu que ni l'article premier, ni l'article deux de cette proposition de loi « ne porte pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale ». D'où le rejet de cette demande de RIP. Ils sont vraiment malins à la Nupes !

Il me semble que c'est Patrick Kanner, ancien ministre et président du groupe socialiste au Sénat, qui ait chapeauté la rédaction de cette seconde proposition, et il m'apparaît aujourd'hui bien décevant sur le plan intellectuel. J'avais cru qu'une telle personnalité avait un peu plus de savoir-faire en matière institutionnelle car je considère que cette seconde proposition a été bâclée, torchée comme un débutant (un étudiant de première année de droit, et encore, en début de l'année).

Ce n'était pas compliqué de passer outre ces obstacles du Conseil Constitutionnel. Il aurait pu y en avoir d'autres par la suite, mais ceux-là était très grégaires. Il suffisait par exemple de modifier l'âge de 62 ans en 61 ans et 11 mois, ce qui relevait effectivement d'une réforme de la politique sociale au sens de l'article 11.

Même si le Conseil Constitutionnel, voulant donner politiquement raison à l'opposition (mais je m'efforce de répéter que le Conseil Constitutionnel ne fait pas de la politique mais du droit, et le droit est toujours glacial, logique, intraitable, général), avait souhaité apporter une réponse positive ce mercredi soir, il n'aurait pas été capable de la fournir sans être totalement incohérent avec les précédentes décisions prises en la matière, et pourtant, il n'y en avait pas beaucoup, seulement quatre précédentes en tout.

Les mélenchonistes saboteurs des institutions continueront bien sûr à critiquer les institutions, le Conseil Constitutionnel, le gouvernement, Emmanuel Macron, etc., mais quelqu'un d'un petit peu attentif, d'autant plus que tous les documents sont disponibles à tous les citoyens sur le site du Conseil Constitutionnel, aboutira rapidement à la conclusion que les responsables de ce refus ne sont pas les Sages du Palais Royal mais bien les rédacteurs de ce brouillon sans queue ni tête de cette proposition de loi.

Ou alors, il y a une autre explication : un formidable jeu de rôle ; que la Nupes, supposée être l'opposition, est une opposition si bête (et méchante) qu'elle aide le gouvernement pour rendre définitive la réforme des retraites ?

Vu le niveau très médiocre de la proposition de loi, on peut réellement se poser des questions : ou c'est de l'incompétence massive, ou c'est volontaire et dans ce cas, dans quel but ? Se donner l'illusion d'une opposition déterminée mais bien contente de ne plus avoir à faire cette réforme si d'aventure elle arrivait au pouvoir ?

La proposition de loi du groupe LIOT qui vise à abroger cette réforme, dont l'examen est prévu durant la niche de ce petit groupe centriste, le 8 juin 2023, ne menace en rien le gouvernement : il y a peu de chance qu'à part quelques députés LR (dont Aurélien Pradié), le groupe LR vote une telle proposition qui irait à l'encontre de leur programme présidentiel depuis une douzaine d'années, et même si cette proposition était adoptée (ce qui serait fort improbable), il faudrait ensuite qu'elle soit mise à l'ordre du jour au Sénat ; or, il n'y a pas de groupe LIOT au Sénat, et aucun sénateur LR ou UC ne prendra la responsabilité de soutenir une telle proposition alors que la réforme des retraites, plus que celle du gouvernement, c'est avant tout la leur, celle de la majorité sénatoriale.

Contrairement à ce que les syndicats tentent de faire croire, et au-delà des violences toujours condamnables, la mobilisation de la journée du 1er mai 2023 (au total, selon le Ministère de l'Intérieur, 782 000 manifestants) a montré que le mouvement s'essoufflait alors qu'il s'agissait d'un jour férié, ce qui est logique : il n'y a plus d'échéance institutionnelle, le processus législatif est achevé. Emmanuel Macron a donc respecté son engagement de campagne.

Car ce qui est maintenant sûr, c'est que la réforme des retraites du 14 avril 2023
(loi n°2023-270 du 14 avril 2023) s'appliquera bien. Les décrets d'application sont en cours de rédaction. C'est une question de semaines. Aux syndicats de savoir s'ils veulent être pleinement entendus dans les négociations de la future loi Travail ou seulement jouer le jeu des destructeurs des institutions...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (03 mai 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Pas de RIP pour la réforme des retraites !
Robert Badinter et la réforme des retraites.
Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
Objectifs à cours terne !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 17 avril 2023 (texte intégral et vidéo).

Réforme des retraites : feu vert (sans surprise) du Conseil Constitutionnel.
Grève des éboueurs à Paris.
Renouveau à la CGT.
Laurence Rossignol.
Olivier Véran souligne l'hypocrisie de la Nupes (22 mars 2023).
Aurore Bergé fustige les oppositions (20 mars 2023).

Le maître des horloges et sa montre.
Emmanuel Macron : "J'assume ce moment !"
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295 députés refusent de censurer le gouvernement pour sa réforme des retraites.
La tactique politicienne du RN.

Les gens sérieux et les gens du cirque.
Séance à l'Assemblée Nationale du jeudi 16 mars 2023 à 15 heures (vidéo et texte intégral).

Jeudi, l'heure de vérité !
Sénat : mission remplie pour la réforme des retraites 2023.
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Réforme des retraites 2023 : chemin de Croix à l'Assemblée.
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Assemblée Nationale : méthode de voyou !
Sauver nos retraites par répartition.
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230503-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/pas-de-rip-referendum-d-initiative-248175

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/05/03/39897215.html






 

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