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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 11:41
Sarkoléon, Nicolas III, Napoléon IV… Nicolas Sarkozy serait-il un nouveau Napoléon III ? Pas si sûr que cela… Retour historique.



Budget de l’Élysée augmenté, classe politique impopulaire, inconsistance de l’opposition, jeunesse, sport ostentatoire, volontarisme présidentiel, peoplisation présidentielle… Certains ont perçu beaucoup de points communs entre Nicolas Sarkozy et Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III.

Il n’est pas question ici de faire un parallèle trop anachronique, même si la nostalgie de la grandeur napoléonienne encore très présente à l’époque (la fin du Ier Empire avait eu lieu trente-trois ans auparavant) pourrait être comparée avec la nostalgie de la France gaullienne (la fin de la présidence de De Gaulle a eu lieu il y a 38 ans).

Déjà, parce que justement, cette nostalgie ne s’est pas beaucoup exprimée en 2007, l’UMP ayant été le fossoyeur du gaullisme politique.

Et ensuite, parce que le contexte institutionnel était fort différent : les pouvoirs présidentiels de Louis Napoléon étaient inexistants, sa popularité très élevée (et exclusive, ne permettant à aucune autre personnalité de se dégager du lot, ce qui n’est pas le cas en 2007) et le régime qui avait voulu copier la Constitution américaine était l’un des régimes d’assemblées qui ont le plus paralysé la France.


Retournons à cette époque républicaine très particulière et très brève.

Voici donc le renversement du vieux roi Louis-Philippe. Il n’a pas insisté, trois jours d’émeutes et il s’enfuie. La République est proclamée en février 1848. On commence à élire des députés.


Louis Napoléon, seul à vraiment comprendre la situation

Louis Napoléon, prudemment de Londres, fait savoir qu’il approuve le nouveau régime. Il se fait élire spontanément dans quatre départements, puis trois autres.

L’assemblée n’est pas géniale. Elle est truffée de politiciens sans notion d’intérêt général. Plus une assemblée de type fin IIIe ou IVe République. Surtout dominée d’ailleurs par les conservateurs (légitimistes, orléanistes).

Les républicains, comme Ledru-Rollin, sont plutôt taxés d’extrémistes, et les socialistes sont qualifiés d’affreux dangereux (ça a changé).

Les plus brillants des républicains comme Tocqueville n’ont pas eu beaucoup d’influence sur le cours des événements.

Une élection présidentielle est prévue en décembre 1848, au suffrage universel direct. C’est tout nouveau. Doublement. Le principe même d’un Président de la République : ni Lafayette, ni Lazare Carnot n’ont réussi à instituer cette fonction depuis 1792. Et la désignation par tous les Français. Novateur.

Le général Cavaignac, qui est candidat, n’a aucune inquiétude. Il sait qu’il va être élu. Connu à Paris comme celui qui a rétabli l’ordre, conservateur, rassurant. Lamartine, ministre, lui, se base aussi sur sa notoriété. Ledru-Rollin y croit...

Et Thiers, monarchiste, ancien jeune Président du Conseil de Louis-Philippe (à 39 ans), refuse de se présenter, car il est « trop honnête garçon pour épouser une si mauvaise fille » et soutient Louis Napoléon avec le Parti de l’Ordre, convaincu à tort que « c'est un crétin que l'on mènera ».

C’est là que Louis Napoléon Bonaparte y voit l’avantage de s’engager. Cela faisait depuis longtemps qu’il professait des théories sociales assez audacieuses. Il a été élu déjà député, il n’a pas de parti, pas beaucoup de proches mais beaucoup de gens l’encouragent, crient « vive l’empereur ! » à son passage.

Finalement, c’est le seul candidat qui fait vraiment campagne, qui a compris ce qu’est une élection directe. Dans les régions, partout, des relais l’aident à faire sa propagande.

C’est donc tout naturellement qu’il est élu triomphalement (74%). En fait, la notoriété de son patronyme a beaucoup aidé. Beaucoup d’anciens combattants de l’époque napoléonienne sont nostalgiques de la gloire impériale.


Une présidence fantoche

Mais très vite, Louis Napoléon Bonaparte (qui a quarante ans) déchante. On l’a casé dans un palais loin de tout, à l’Élysée. Le pouvoir se situe à l’Assemblée Nationale, et dans le gouvernement qui provient de l’assemblée.

Alors, l’homme se recentre sur l’apparat, sur la vitrine, l’apparence. Dédaigné par la classe dirigeante, il est vite apprécié par les gens du peuple car il prend le temps de les saluer, de les écouter. Il relooke sa garde personnelle, s’habille d’un bel uniforme, fait de l’équitation au bois de Boulogne, ou au parc de Saint-Cloud.

Pendant ce temps, le régime d’assemblée est de plus en plus enlisé. Les républicains sont gênés car nous sommes en république, les majoritaires sont monarchistes mais ont le pouvoir. Il n’existe pas de parti bonapartiste et Louis Napoléon s’est bien gardé d’en créer, se disant représentant de tous les Français.

Disputes parlementaires, polémiques, décisions insensées... et aussi ce régime, qui interdit au Président de la République de se représenter après quatre ans de mandat.

Or, au fur et à mesure qu’on se rapproche de décembre 1852 (et même, de mai 1852, car l’assemblée voulait changer le Président en même temps que son renouvellement), on constate qu’il n’y a personne d’autre que Louis Napoléon qui peut se prévaloir de représenter le peuple, car il est très populaire.


Un coup d’État inéluctable contre un régime englué dans ses contradictions

L’idée d’un coup d’État est dans toutes les bouches, coup d’État napoléonien ou coup d’État républicain, ou encore coup d’État monarchiste...

Président sans pouvoir, Louis Napoléon multiplie le nombre de réceptions à l’Élysée, rencontre du beau monde... et obtient de l’assemblée des rallonges budgétaires.

À l’époque, Victor Hugo juge Louis Napoléon intéressant. Républicain, il voit en lui celui qui s’occuperait des gens, qui ferait du social. Louis Napoléon a beaucoup d’estime pour lui aussi. Mais comme il ne sera pas nommé ministre, vexé, Hugo s’attachera à s’opposer à Napoléon le Petit, et surtout à le ridiculiser par rapport à son oncle.

Quant à Adolphe Thiers, il est l’un des représentants de ceux qui ont actuellement le pouvoir.

La situation se dégrade notablement avec la décision du suffrage censitaire : les parlementaires bourgeois retirent aux ouvriers leur droit de vote. Le prince président prend alors leur défense, en soutenant le suffrage universel.

Le 24 janvier 1851, Louis Napoléon change le gouvernement et nomme ses propres ministres, plutôt hauts fonctionnaires « aussi dévoués qu’inconnus. Il fait une tournée triomphale en province. C’est le début des petits coups politiques du prince.

Qui finissent au 2 décembre 1851 où, tout naturellement, il dissout l’assemblée, nomme Morny à l’Intérieur, s’aide de Maupas, Magnan, Saint-Arnaud et Persigny (lui, assez timoré dans ses engagements).

Peu de résistance. Morny refuse cyniquement d’intervenir trop tôt et attend le 4 décembre pour ensanglanter Paris (contre le souhait de Maupas qui préfère moins d’effusion de sang) et impressionner les gens. Mais globalement, pas beaucoup de résistance, pas beaucoup de victimes, estimées au nombre de 600 à comparer aux 20 000 de la répression de la Commune par Thiers.


Fastes, autoritarisme et prospérité

Il déménage alors au château des Tuileries, qui, comme le château de Saint-Cloud, autre résidence napoléonienne, sera détruit en 1870 et jamais reconstruit par la République.

Et place son oncle, le vieux roi Jérôme à la présidence du Sénat (Morny, après une disgrâce qui le renvoie dans son affairisme prospère, reprendra pied en politique en prenant la présidence du Corps Législatif en 1854).

Tout le monde approuve le retour à un État autoritaire. Au départ, Louis Napoléon s’octroie un mandat de dix ans, envisage un mandat à vie (comme le Premier Consul, son oncle), puis, alors que tout le monde l’attend, fait un nouveau plébiscite pour restaurer l’Empire le 2 décembre 1852. Sous le nom de Napoléon III.

Commence alors une période de près de deux décennies de privation de liberté politique mais aussi de progrès économiques et industriels indéniables, avec la mise en place d’infrastructures nouvelles sur le territoire français (routes et voies ferrées).

C’est pourquoi les constituants républicains des trois républiques qui suivront ont toujours refusé la mise en place d’une élection présidentielle au suffrage universel direct, craignant d’un nouveau Napoléon III. De Gaulle le restaurera en 1962, à la suite de l’attentat du Petit Clamart, et depuis 1965, le suffrage universel direct sera adopté définitivement par la population.


En finir avec le célibat

Pour revenir sur la peoplisation, une anecdote pour la fin. En fait, sur le début de l’Empire. Basé désormais sur l’hérédité, le régime nécessite donc que Napoléon III se marie et enfante.

Son choix est fait sur la seule femme qui se refuse à lui (l’homme a séduit de très nombreuses femmes). Il choisira pour épouse contre les avis de sa famille celle qu’il aime et qu’il trouve jolie (ses proches la trouvent une bonne ‘maîtresse’, mais pas une épouse).

Peu avant sa déclaration d’amour, le nouvel empereur, dans la cour du château de Fontainebleau, la voit au balcon de ses appartements, et lui demande s’il peut venir la rejoindre dans sa chambre. Et la belle Eugénie de Montijo de répondre : « Par la chapelle, Sire ! ».


Sylvain Rakotoarison




     Article paru sur Agoravox.












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9 novembre 2007 5 09 /11 /novembre /2007 10:57
À la fois père spirituel, compère et rival de Nicolas Sarkozy pendant une vingtaine d’années, Charles Pasqua doit rendre des comptes à la justice. Retour sur l'un des grognards du post-gaullisme.



Depuis lundi 5 novembre 2007 et jusqu’au 28 novembre se déroule le procès de Charles Pasqua, 80 ans, célèbre figure du post-gaullisme à la fois « prestigieuse et controversée » selon les mots du président du tribunal Jean-Louis Kantor.

La dernière fois qu’il avait fait parler de lui politiquement, c’était il y a quelques semaines pour s’opposer à l’amendement Mariani (première version) qui instituait des tests ADN pour le regroupement familial, dont le relookage l’a finalement convaincu de voter favorablement au Sénat.

Pasqua, personnage sulfureux et pourtant qui ne manque pas de séduction. J’ai eu l’occasion de le croiser deux fois au Sénat de façon impromptue, et sa bonhomie joviale, son sourire du sud, sa bonne humeur m’ont rendu sympathique un personnage qui pourtant terrorisait bien des étudiants il y a une vingtaine d’années.

Car Charles Pasqua, c’était d’abord le Ministre de l’Intérieur qui voulait terroriser. Pas les étudiants, mais les terroristes. Qui voulait montrer une fermeté et une poigne qui rendaient son visage presque cruel, méchant, comme celui d’un molosse prêt à mordre alors que son sourire, ses yeux malicieux et son accent savoureux auraient pu le faire passer pour un Fernandel de la politique.

Nicolas Sarkozy, en 2002, n’a fait que reprendre cette visibilité à son compte, en voulant, lui aussi, se montrer ferme comme Ministre de l’Intérieur, à tel point qu’un peu partout en France, dans les lycées, dans les universités, dans les entreprises, les gens évoquent pour plaisanter ‘Sarkozy’ pour parler de punition, de sanction, de surveillance etc. Il y a 20 ans, on évoquait ‘Pasqua’ de la même manière. Leur opération marketing avait atteint leur but : rendre leur nom synonyme d’ordre.

Reprenons la vie de Charles Pasqua.


L’homme d’action et de terrain

Il est loin de ce qu’on appelle les ‘technocrates’, ni ENA, ni X, pas de diplôme prestigieux (seulement des certificats de licence de droit). Un homme de terrain. Un commercial de chez Ricard. En une dizaine d’années, il devient le numéro deux du groupe.

Le côté sulfureux arrive dès le retour au pouvoir de De Gaulle avec la mise en place en 1960 du service d’action civique (SAC) dont il est l’un des fondateurs. Mouvement soi-disant de gardiens fidèles et dévoués au gaullisme mais qui a dérivé dans plusieurs affaires criminelles jusqu’à sa dissolution le 3 août 1982 par François Mitterrand après la tuerie d’Auriol.

Mais Charles Pasqua avait été exclu du SAC dès 1969. Jacques Foccart aurait d’ailleurs obtenu son exclusion car ce dernier, plutôt mal vu par les autres membres du SAC, avait voulu en prendre le contrôle après la révolte étudiante de mai 1968.

En juin 1968, il fut élu député de Clichy-Levallois dans la vague gaulliste et s’investit au sein de l’UDR.


Le conseiller de Chirac

Conseiller de Jacques Chirac avec Marie-France Garaud et Pierre Juillet qui virent en Chirac le dauphin de Pompidou, Charles Pasqua fut le maître d’œuvre et de bluff de la prise de l’UDR par Chirac en décembre 1974. Alors Premier Ministre de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac était ressenti comme un traître par les barons gaullistes car il avait fait échouer la candidature de Jacques Chaban-Delmas.

C’est dans ces circonstances-là que l’on peut comprendre toute la force d’une bonne maîtrise d’un congrès (ou d’assises) : Charles Pasqua répandait auprès de tous les cadres de l’UDR l’idée que Chirac était majoritaire et qu’il valait mieux pour eux d’être parmi les vainqueurs.

Cette prise de l’UDR en 1974 par Jacques Chirac et Charles Pasqua fait d’ailleurs curieusement penser à la conquête de l’UMP en 2004 par Nicolas Sarkozy (obtenue contre les lieutenants du chiraquisme).

En 1981, Charles Pasqua organisa la campagne présidentielle de Jacques Chirac (alors que Marie-France Garaud se présenta aussi de son côté) et encouragea les militants du RPR à favoriser l’élection de François Mitterrand (Giscard d’Estaing l’aurait d’ailleurs compris en se faisant passer lui-même pour un militant du RPR entre les deux tours de la présidentielle de 1981).

Ainsi, la voie fut ouverte à Jacques Chirac pour devenir le seul leader de la droite et du centre face à la gauche socialo-communiste.

Pendant les cinq années de la majorité de gauche, Charles Pasqua fut l’un des principaux batailleurs contre les réformes du gouvernement, fort de sa présidence du groupe RPR au Sénat.

Dès 1982-1983, les socialistes durent accepter le réalisme économique et remettre à plus tard l’application des 110 propositions de 1981.

Ce qui a abouti à la formation du premier gouvernement de la cohabitation, en mars 1986, et à la nomination de Charles Pasqua au Ministère de l’Intérieur où il eut à faire face à des attentats terroristes meurtriers mais également aux manifestations étudiantes contre la loi Devaquet qui se terminèrent par la mort de Malik Oussékine.

Charles Pasqua aurait auparavant prévenu le gouvernement des risques de ‘bavures’ et de ‘débordements’ et avait demandé le retrait de la loi Devaquet alors que René Monory, le Ministre de l’Éducation Nationale, refusait toute concession (par la suite, en 1992, René Monory sera devenu Président du Sénat, poste que convoitait Charles Pasqua alors que le groupe RPR était devenu le plus important du Sénat).

En 1986, Mitterrand avait refusé de nommer François Léotard à la Défense et Étienne Dailly à la Justice, mais il ne s’était pas opposé à la nomination de Charles Pasqua à l’Intérieur car il estimait beaucoup l’homme et ses engagements dans la Résistance à l’âge de quinze ans (sous le nom de ‘Prairie’) grâce à son père et à son oncle (il fit
notamment du repérage de mines allemandes du côté de Grasse en 1943).

C'est pour cette raison (engagement dans la Résistance) que Jacques Chirac lui conservera toute son amitié et son estime malgré la rudesse de leurs relations après 1988.

Entre temps, Neuilly avait changé de maire.


L’ami et le rival de Sarkozy

En septembre 1982, Charles Pasqua fut le témoin du premier mariage du jeune Nicolas Sarkozy, ce qui montra le début d’une complicité-rivalité entre les deux hommes qui dura deux décennies.

En effet, à la mort du maire de Neuilly-sur-Seine en avril 1983, Achille Peretti, qui venait d’être réélu en mars, maire depuis 1947, ancien Président de l’Assemblée Nationale (pour remplacer Jacques Chaban-Delmas nommé à Matignon), Charles Pasqua, qui aurait dû lui succéder, se fit court-circuiter par Nicolas Sarkozy.

À 28 ans, Nicolas Sarkozy devint alors maire de Neuilly-sur-Seine alors que Pasqua n’avait pas pu faire sa campagne au sein de la majorité municipale car hospitalisé pour une opération. Jacques Chirac évoqua par la suite son rôle en disant qu’il avait laisser faire Nicolas Sarkozy, trop déterminé, tout en dissuadant Charles Pasqua de s’y opposer.

Cela n’empêcha pas Charles Pasqua de nommer dans son cabinet ministériel ce même Nicolas Sarkozy comme chargé de mission pour la lutte contre les risques chimiques et radiologiques de 1987 à 1988.


Le balladurien

Après l’échec de Chirac à la présidentielle de 1988, Charles Pasqua prend du recul, d’abord en créant avec Philippe Séguin (mentor du Premier Ministre actuel François Fillon) un courant souverainiste au sein du RPR en 1991, puis en faisant campagne contre le Traité de Maastricht lors du référendum de septembre 1992.

Redevenu Ministre de l’Intérieur dans le gouvernement d’Édouard Balladur entre 1993 et 1995, Charles Pasqua, promu Ministre d’État (même titre que Nicolas Sarkozy dans le gouvernement de Dominique de Villepin douze ans plus tard), avait réussi à acquérir aussi d’autres attributions comme l’Aménagement du Territoire pour ne pas rester confiné au rôle de l’éternel ‘premier flic de France’.

Croisement de destins et rivalité de personnalités entre Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy quelques jours après le suicide de Pierre Bérégovoy en mai 1993.

La prise d’otages de vingt-et-un enfants dans une école maternelle de Neuilly-sur-Seine fut l’occasion pour Nicolas Sarkozy de se faire connaître tant par sa volonté d’être présent sur le terrain que de faire front à l’adversité, montrant dans ces circonstances un courage physique manifeste.

« Il a le réflexe, qui montre l'animal politique, de faire venir le seul homme de communication, le pompier chargé de la communication, qui avait une caméra. » selon l’ancien procureur de la République de Nanterre, Pierre Lyon-Cean.

Pendant ce temps, à l’Intérieur, Charles Pasqua tempêtait contre celui qui s’était imposé à la cellule de crise et prenait, selon lui, des risques inutiles, et il l’éloigna des négociations.

En 1993, Pasqua réforma le code de la nationalité qui fut le début d’une longue série de lois sur l’immigration qu’a poursuivi Nicolas Sarkozy depuis 2002, tant place Beauvau qu’à l’Élysée.

Charles Pasqua apporta son soutien (comme Nicolas Sarkozy) à la candidature d’Édouard Balladur, très populaire, à la présidentielle de 1995, ne croyant pas à une résurrection de Jacques Chirac qui plafonnait alors à 11% dans les sondages (argument qu’a utilisé de nombreuses fois François Bayrou en fin 2006 au début de sa campagne présidentielle).

Dans certaines hypothèses, on disait que Charles Pasqua aurait été nommé à Matignon en cas d’élection d’Édouard Balladur, mais Alain Juppé, président du RPR, semblait cependant incontournable malgré son soutien à Jacques Chirac.


Le souverainiste indépendant

L’échec de la dissolution de 1997 avait encore renforcé l’autonomie de Charles Pasqua vis-à-vis de son ancien poulain Jacques Chirac. Philippe Séguin devenait président du RPR, Nicolas Sarkozy secrétaire général du RPR.

Fort de ses conceptions souverainistes, Charles Pasqua mena une liste commune avec Philippe de Villiers aux élections européennes de juin 1999.

Étrangement, par un hasard des circonstances, après le renoncement de Philippe Séguin à mener la liste officielle du RPR, Charles Pasqua se retrouva confronté à Nicolas Sarkozy, tête de liste de remplacement.

La rivalité entre les deux listes fut importante puisque, en fin de course, la liste Pasqua arriva devant la liste Sarkozy, avec plus de 12%. Pour Nicolas Sarkozy qui fit là sa première expérience d’élection nationale (et seule avant 2007), ce fut un échec complet.

Ce succès électoral fut le point de départ de la formation d’un nouveau parti, le RPF (même sigle que le parti de De Gaulle sous la IVe République), mais ne dura pas en raison d’une brouille avec Philippe de Villiers.

C’est le financement de la campagne européenne de 1999 qui est actuellement reproché à Charles Pasqua.


Le retour de l’enfant prodigue

En 2002, Charles Pasqua avait eu l’intention d’être candidat à l’élection présidentielle mais n’aurait pas eu, selon lui, assez de signatures de maires pour se présenter. Cette raison paraît assez farfelue de la part d’un homme qui avait su si bien organiser les congrès partisans, qui avait tant manœuvré pour ses intérêts politiques, qui avait été, pendant quatre ans, le ‘patron ministériel’ de ces maires, à la tête de toutes les préfectures et des Renseignements généraux…

Les raisons que l’on pourrait imaginer de l’abandon de sa candidature seraient d’abord sa très faible popularité (1% environ dans les sondages) et, pour les plus médisants, le besoin de laisser tout l’espace politique à Jean-Marie Le Pen (Philippe de Villiers ne se présentant pas) pour faire barrage à Lionel Jospin dès le premier tour.

En 2004, après seize ans de mandat, il céda la présidence du Conseil général des Hauts-de-Seine (très riche département) à Nicolas Sarkozy qui garda cette responsabilité pendant trois ans (malgré son retour au gouvernement en 2005) et qui la laissa ensuite à Patrick Devedjian en guise de ‘lot de consolation’ (ce dernier ayant fait les frais d’une ‘ouverture politique’).

Fut-ce un retour d’ascenseur ? En septembre 2004, Charles Pasqua retrouva une immunité parlementaire (qu’il perdit avec son mandat de député européen en juin 2004) en reprenant son ancien siège de sénateur avec l’onction de Nicolas Sarkozy (les élections sénatoriales dans les Hauts-de-Seine en 2004 ayant été très confuses).


Un personnage singulier

Charles Pasqua, retraité de la politique (encore sénateur cependant), un des personnages clefs de la vie politique depuis trente ans, est donc un personnage très contrasté, impliqué dans beaucoup d’affaires politico-judiciaires (dès l’affaire Maréchal en début 1995), visiblement homme de main indispensable à certains hommes politiques de premier plan, et sorte de doublure dans l’ombre d’un Nicolas Sarkozy qui se mit dans les mêmes traces que lui.

Inquiétant et trouble, affable et charmeur, maniant l'humour et l'ironie, Charles Pasqua a fait aussi partie du paysage politique avec ses fameuses formules que l’on s’amuse encore à ressortir de nos jours :

« Les promesses électorales n’engagent que ceux qui les reçoivent. »

« Avec des amis comme ça, je n’ai pas besoin d’ennemis. »

« Il faut terroriser les terroristes. »

« La démocratie s’arrête où commence l’intérêt de l’État. »

« Ce n’est pas en rassemblant un borgne et un paralytique qu’on fait un champion de cross. »

« Nous avons commis la plus belle escroquerie du siècle : nous avons fait croire aux Français que nous étions de droite. »

« Notre capacité à faire des bêtises reste quand même importante. Nous avons toutefois un avantage : c’est que nous le savons. »

« Si De Gaulle avait été Tito, j’aurais été communiste. »




Sylvain Rakotoarison




     Article paru sur Agoravox.












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5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 10:46
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22 juin 2007 5 22 /06 /juin /2007 10:49
Pour la première fois dans l'Histoire de France, une femme est nommée Ministre de l'Économie et des Finances, Christine Lagarde. Retour sur la longue série de ses prédécesseurs.

Peut-être est-ce parce qu’en France, on privilégie toujours le politique sur l’économique, que certains Présidents de la République étaient très incompétents en économie (Michel Rocard le disait ainsi de François Mitterrand), mais le choix des Ministres des Finances a toujours été difficile parce qu'il est un élément stratégique dans la composition d’un gouvernement.

Je me propose d’évoquer le choix de ces ministres depuis la dernière guerre.

Il ne s’agit bien sûr pas d’énoncer des règles, la seule étant la cohérence interne d’un gouvernement ponctuellement, mais il est curieux de constater que beaucoup de Ministres des Finances n’ont pas duré longtemps à leur poste.


Sous la IVe République, le Ministre des Finances était systématiquement un leader politique de premier plan, à stature de chef du gouvernement : René Pleven, André Philip, Robert Schuman, Jules Moch, René Mayer, Paul Reynaud, Christian Pineau (qui fut chargé de former le gouvernement en 1955 sans succès), Henri Queuille, Maurice Petsche (qui fut chargé deux fois de former un gouvernement sans succès), Edgar Faure, Robert Buron, Antoine Pinay, Maurice Bourgès-Maunoury, Pierre Pflimlin, Robert Lacoste, Paul Ramadier, Félix Gaillard… bref, tous sont passé rue de Rivoli (à l’époque), y compris Pierre Mendès France que De Gaulle avait nommé en 1943 dans le gouvernement provisoire.

(André Philip, Moch, Pineau, Petsche, Buron, Lacoste n’ont pas dirigé de gouvernement mais étaient des hommes politiques importants).

La reconstruction d’après-guerre, la croissance économique, l’inflation… tous ces sujets étaient effectivement les points brûlants d’une politique intérieure dominée encore par la lutte des classes, des mouvements sociaux contrôlés par des syndicats mobilisateurs et un parti communiste français puissant.

De tous ces responsables, sans doute ne reste plus dans l’Histoire que Monsieur Pinay qui permit à De Gaulle (de 1958 à 1960) de préserver la confiance des milieux économiques pendant qu’il se préoccupait d’autres sujets plus chauds, comme le changement des institutions et l’Algérie.

Cependant, De Gaulle à l’évidence, rompant avec les habitudes républicaines traditionnelles, préférait s’entourer de ce qu’on appelle aujourd’hui de façon péjorative des technocrates. Souvent des hauts fonctionnaires très compétents qui connaissaient bien les rouages de l’administration.

Sous la Ve République, trois grandes catégories de titulaires peuvent être ainsi citées à cette fonction qui semble, depuis trente ans, essentielle dans le détermination de la politique générale du pays :

1. les politiques purs, élus, leaders ou futurs leaders,
2. les hauts fonctionnaires et experts, et
3. les chefs d’entreprises, ce qu’on appelle indûment, la ‘société civile’ (comme si un homme politique était un militaire).

Certes, certains ont été à la fois des politiques purs et durs mais d’origine technocratique prononcée comme Valéry Giscard d’Estaing (énarque, inspecteur des finances), ce dernier ayant utilisé ce ministère comme Nicolas Sarkozy le ministère de l’Intérieur, à savoir comme tremplin pour forger une réputation et atteindre l’Élysée. En effet, Giscard d’Estaing a été LE Ministre des Finances des deux premiers Présidents de la Ve République : de 1962 à 1966 et de 1969 à 1974, soit presque neuf ans.

Parmi les hauts fonctionnaires, nous pouvons citer Wilfrid Baumgartner, qui fut choisi par De Gaulle pour remplacer Antoine Pinay démissionnaire en raison de nombreux désaccords avec De Gaulle (Pinay ne reviendra d’ailleurs plus au pouvoir). Baumgartner était inspecteur des finances, directeur du cabinet de Paul Reynaud, lui-même Ministre des Finances en 1930, puis directeur du Trésor en 1935, puis Gouverneur de la Banque de France pendant onze ans. Il a aussi présidé le Crédit National et deviendra en 1964 le patron de Rhône-Poulenc.

Il y a les hauts fonctionnaires qui sont devenus des politiques.

Est-ce le cas de François-Xavier Ortoli ? Ortoli a été quatre fois ministre sous De Gaulle et Pompidou, qui était avant tout le directeur de cabinet de Pompidou à Matignon, puis Commissaire général au Plan avant de se lancer dans une carrière ministérielle. Il deviendra par la suite le patron de Total en 1984, et est aujourd’hui encore le président d’honneur du Medef International.

Ou celui de Maurice Couve de Murville ? Inspecteur des finances, directeur des Finances extérieures sous Vichy, en 1940, mais a rejoint De Gaulle en 1943 et devient membre du gouvernement provisoire chargé des Finances. Ensuite, il entame un carrière dans la diplomatie (quatre fois ambassadeur, notamment en Allemagne, et dix ans Ministre des Affaires Étrangères) pour revenir aux Finances après la démission de Giscard d’Estaing.

Ortoli haut fonctionnaire et Couve de Murville politique : ce dernier ayant en effet eu aussi une carrière de parlementaire. À part Ortoli, les hauts fonctionnaires se sont en effet prêté aux délices politiques et électoraux après leur passage rue de Rivoli.

Jean-Pierre Fourcade également, inspecteur des finances, il devient à 44 ans Ministre des Finances lorsque Giscard d’Estaing arrive à l’Élysée. Il devient ensuite un homme politique classique, élu maire à Saint-Cloud puis de Boulogne-Billancourt, et sénateur.

Jacques Delors aussi vient de la ‘société civile’, comme expert économique à la CFTC, travaillant à la Banque de France puis au Commissariat Général au Plan. Ce n’est qu’en 1969 auprès de Jacques Chaban-Delmas puis en 1981 auprès de François Mitterrand qu’il fait de la politique active jusqu’à devenir premier ministrable en 1983 et même présidentiable en 1994.

Pierre Bérégovoy et Édouard Balladur ont commencé leur carrière publique comme secrétaire général de l’Élysée (respectivement de François Mitterrand et de Georges Pompidou). Édouard Balladur cumule les catégories puisqu’il vient de la haute fonction publique (énarque, conseiller d’État), de la politique (élu député en 1986), mais aussi chef d’entreprise (patron de la société du Tunnel sous le Mont-Blanc, de GSI, filiale de la CGE…).

Raymond Barre, considéré comme « le meilleur économiste de France », était alors agrégé d’économie, professeur à Science Po, directeur de cabinet du ministre Jean-Marcel Jeanneney, responsable des Finances à la Commission Européenne en 1967, quand il est nommé à Matignon après quelques mois d’expérience ministérielle, suite à une crise politique (démission de Jacques Chirac) et dans une situation économique très difficile. Il cumule Matignon et rue de Rivoli, ce qui est unique sous la Ve République.

Beaucoup de Ministres des Finances ont poursuivi leur carrière en devenant Premier Ministre voire Président de la République. C’est le cas ainsi de Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy pour l’Élysée et de Maurice Couve de Murville, Pierre Bérégovoy et d’Édouard Balladur pour Matignon. François-Xavier Ortoli et Jacques Delors seront ensuite Présidents de la Commission Européenne (respectivement, en 1973 et en 1985). Quant à René Monory, il deviendra Président du Sénat en 1992.

À l’inverse, sous cette République, plusieurs anciens Premiers Ministres (ou ancien Président du Conseil) sont revenus au gouvernement avec ce ministère : Antoine Pinay en 1958, mais aussi Michel Debré en 1966, et Laurent Fabius en 2000.

Michel Sapin, normalien et énarque, fait partie aussi de ces hauts fonctionnaires qui sont devenus très vite hommes politiques et parlementaires.

Alors que Christian Sautter est resté très longtemps haut fonctionnaire, secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Mitterrand, préfet de Paris, inspecteur des finances. Il devient Secrétaire d’État au Budget de Dominique Strauss-Kahn qu’il remplace lors de la démission de ce dernier. À partir de ce moment, Sautter évolue comme homme politique, se faisant élire adjoint à la municipalité de Bertrand Delanoë.

Parlementaires chevronnés, Edmond Alphandéry, Alain Madelin, Jean Arthuis Dominique Strauss-Kahn, Hervé Gaymard et Jean-Louis Borloo se sont également hissés à Bercy dans le cadre de leur carrière politique. Edmond Alphandéry évolue ensuite dans une carrière de patron (EDF).

Et depuis quelques années, le pouvoir nomme à Bercy des patrons de grandes entreprises, pensant que les praticiens de l’économie sont les plus aptes à prendre des décisions (en contradiction avec un vieil adage de Clemenceau).

Francis Mer en 2002, Thierry Breton en 2005 et maintenant, Christine Lagarde, patronne du plus grand cabinet d’avocats américain et à ce titre considérée comme l’une des dix femmes les plus importantes du monde.

Le risque de telles nominations, c’est un franc-parler qui convient mal au monde politique. Comme Francis Mer qui oublie sa nomination en déclarant en plein conseil des ministres : « nous, les patrons… », ou encore Thierry Breton parlant du grave état de la dette publique (alors qu’en général, les politiques dédramatisent, excepté François Bayrou), ou encore Christine Lagarde qui évoquait brutalement la refonte totale du code du Travail…

Vingt-cinq Ministres des Finances pour 49 années de Cinquième République, c’est beaucoup dans un régime aussi stable. Cette instabilité est plus forte encore quand on constate que Giscard d’Estaing, Monory, Delors et Bérégovoy ont duré, à eux quatre, vingt et un ans (entre trois et neuf ans chacun).

Bercy, un poste souvent éphémère donc : Alain Madelin fait une gaffe et est renvoyé après seulement trois mois de fonction, Dominique Strauss-Kahn doit quitter Bercy en 1999, après deux ans, car il est mis en examen pour l’affaire de la MNEF, Christian Sautter ne dure même pas cinq mois, emporté par la grève des fonctionnaires des Finances, Nicolas Sarkozy doit quitter Bercy après huit mois car il se fait élire président de l’UMP (cela ne l’empêchera cependant pas de revenir au gouvernement en juin 2005), Hervé Gaymard ne peut même pas résister trois mois à la campagne contre son immense appartement parisien, et enfin, Jean-Louis Borloo est remercié après un mois pour avoir balancé la TVA sociale avant le second tour des législatives (remercié en étant promu Ministre d’État).

Lors de sa passation des pouvoirs le 19 juin 2007, Christine Lagarde était émue de mettre son portrait à la suite de celui de Jean-Louis Borloo et surtout, était heureuse qu’une femme enfin accède à un poste généralement très exposé et politiquement crucial.

Après Matignon avec Édith Cresson, la Justice avec Élisabeth Guigou, Marylise Lebranchu et Rachida Dati, la Défense et l’Intérieur avec Michèle Alliot-Marie, voici un nouveau ministère essentiel qui se féminise. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Sylvain Rakotoarison




La liste chronologique.


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