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12 août 2007 7 12 /08 /août /2007 15:15

(dépêches)


The Times du 21 octobre 1983


Tintin est-il raciste ?

Par Karloff, samedi 14 juillet 2007 à 17:09 dans Cinéma / Culture

Les Anglais ont tiré les premiers! Le groupe américain Borders a déplacé les exemplaires de Tintin au Congo jusqu'aux rayons destinés aux seuls adultes après la dénonciation par la commission anglaise pour l'égalité raciale (CRE) du contenu jugé raciste de la bande-dessinée écrite par Hergé. Soyons franc: je ne suis pas un grand Tintinophile et juge même le mythe déconnecté de la valeur réelle de l'oeuvre. Mais à l'heure où Hollywood s'apprête à porter Tintin sur grand écran, ce politiquement correct a quelque chose de dérangeant. Comme s'il fallait gommer les errements idéologiques du passé plutôt que de les expliquer...

"Pour le Congo tout comme pour Tintin au pays des Soviets, il se fait que j’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais… C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : "Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là !", etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque en Belgique". Déclaration d'Hergé cité sur la page wikipedia consacrée à l'album. Tout est dit, ou presque, par l'auteur belge. Le propos très colonisateur de la première édition du livre n'est que le triste fruit de l'éducation de l'époque. Agé de 22 ans, lors de la publication de la première édition du livre, il n'avait pas le recul nécessaire pour apprécier la politique de la Belgique au Congo. Lors de la seconde édition, en 1946, il gommera d'ailleurs quelques scories colonialistes, par exemple lors du passage à l'école.

Néanmoins, à la re-lecture du livre aujourd'hui, pas de quoi fouetter un chat et hurler au racisme. D'ailleurs le propos de Tintin au Congo s'oppose à cette vision très manichéenne de l'analyse de la commission anglaise pour l'égalité raciale, Tintin luttant avec les élites noires du pays, contre les petites trafics de la mafia. Bien sûr, difficile de ne pas mentionner le passé de Hergé et ses activités pendant la seconde guerre mondiale - collaboration avec le journal Le Soir qui était aux mains des Nazis -. Mais non seulement, Hergé, par la suite, a dans de nombreux albums développpés une pensée tiers-mondiste (discours sur la traite des esclaves - Coke en Stock-, les mouvements de libération en Amérique du Sud - Tintin et les Picaros -), mais gommer toute pensée colonialiste, la réserver aux seuls adultes, ne peut provoquer que des effets pervers et une fascination pour l'interdit. Une explication de texte ou un simple avertissement comme avant les mangas d'Osamu Tezuka eux-aussi empreints d'un certain "exotisme" colonialiste, n'aurait-il pas été plus appropriée ? 



"Tintin au Congo" jugé raciste par un organisme britannique

Culture - Afrique Centrale - R.D.C. - Littérature

L’album de bande dessinée remisé aux rayons adultes et collectionneurs

La Commission britannique pour l’égalité de races, (CRE), un organisme indépendant, a demandé le retrait des rayons de librairies de l’album BD "Tintin au Congo", qu’elle juge raciste. La CRE accuse l’auteur de la bande dessinée, Hergé (anagramme de Georges Remy, son vrai nom) de "faire preuve de racisme à travers cet ouvrage et de faire la promotion de scènes violentes à l’égard des animaux".

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lundi 16 juillet 2007, par Panapress       

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ROYAUME-UNI - PANAPRESS

L’organisme britannique trouve scandaleux la manière dont les Congolais sont représentés dans cet album avec notamment de très grosses lèvres, "presque comme des animaux", selon un membre de la CRE. Dans un communiqué remis à la presse à Bruxelles, la CRE souligne que "sous n’importe quel angle, cet ouvrage est délibérément raciste".

Les responsables de la société belge Moulinsart, qui s’occupe de la gestion des albums de Hergé, ont fait savoir que les librairies ont été priées de prendre des précautions en mettant une bande rouge sur la couverture pour signifier que l’ouvrage est destiné aux collectionneurs. A Londres, certaines librairies ont retiré l’album "Tintin au Congo" des rayons pour enfants pour les placer dans ceux réservés aux adultes.

Produits dérivés à Kinshasa

On rappelle que Georges Remy avait publié l’album "Tintin au Congo" en 1933, en pleine époque coloniale. Au total, l’auteur a publié 23 albums des aventures de Tintin dont notamment "Tintin en Amérique". La reproduction des produits dérivés des albums de Tintin est strictement interdite. Seules les boutiques ayant obtenu la licence de la société Moulinsart sont autorisées à vendre les produits dérivés des aventures de Tintin.

Toutefois, à Kinshasa, les artistes congolais reproduisent allégrement les dessins des aventures de Tintin, qu’ils revendent notamment aux touristes belges qui les recherchent spécialement. Certains touristes font faire le dessin de la couverture de l’album avec par exemple "Albert au Congo" à la place de "Tintin au Congo".

 

Tintin au Congo : le racisme de papa Hergé ne passe plus

Société - Belgique - Congo - Racisme

Un étudiant congolais porte plainte devant la justice belge

Un étudiant congolais a porté plainte contre la société gérante des droits du dessinateur Hergé pour infraction à législation sur le racisme et demande le retrait de la vente de l’album « Tintin au Congo ». Au début du mois de juillet, la Commission britannique pour l’égalité raciale avait déjà qualifié l’ouvrage de raciste.

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mercredi 8 août 2007, par Julien Camboulives       9 réactions

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Pour le centenaire sa naissance, les fans du célèbre dessinateur belge Hergé n’en attendaient certainement pas tant. Après la condamnation de la Commission britannique pour l’égalité raciale, l’album « Tintin au Congo » est de nouveau mis au banc des accusés pour racisme. C’est un congolais, étudiant à Bruxelles, en sciences politiques, qui a porté plainte le 23 juillet dernier devant la justice belge contre X et contre la société Moulinsart, gérante des droits de commercialisation des œuvres d’Hergé. Bienvenu Mbutu Mondondo réclame la fin de la vente de l’ouvrage et un euro symbolique de dommages et intérêts à l’éditeur.

« Je veux qu’on arrête de mettre en vente cette bande dessinée, que ce soit pour les enfants ou pour les adultes. C’est un livre raciste, rempli de propagande colonialiste », a déclaré le plaignant. « Il n’est pas admissible que Tintin puisse crier sur des villageois qui sont forcés de travailler à la construction d’une voie de chemin de fer ou que son chien Milou les traite de paresseux », a-t-il précisé. L’affaire devrait être étudiée au mois de septembre si elle est déclarée recevable par le juge d’instruction.

« Etonnés de cette polémique »

En Angleterre, la Commission britannique pour l’égalité raciale (CRE), saisie il y a quelques semaines par un consommateur, avait jugé l’ouvrage raciste et insultant. « Ce livre contient des images et des dialogues porteurs de préjugés racistes abominables, où "les indigènes sauvages" ressemblent à des singes et parlent comme des imbéciles », avait déclaré une porte-parole de la CRE. A Londres, certaines librairies avaient alors retiré l’album des rayons pour enfants pour les placer dans ceux réservés aux adultes.

« Sur le fond, nous sommes étonnés que cette polémique renaisse aujourd’hui », a réagi un représentant de la société Moulinsart. « Hergé s’était expliqué, disant qu’il s’agissait d’une oeuvre naïve qu’il fallait replacer dans le contexte des années 30, où tous les Belges pensaient faire du très bon travail en Afrique. »

« Des préjugés du milieu bourgeois »

Dans les années 70, l’auteur avait lui-même décrypté le discours positif sur la colonisation de son album : « Pour le Congo, tout comme pour Tintin au pays des Soviets, il se fait que j’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais… C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : "Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là !", etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque en Belgique. »

Pour Jozef Dewitte, directeur du Centre belge pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, cette affaire relève d’un combat d’arrière garde : « Il s’agit d’une oeuvre d’art, faite par quelqu’un de décédé depuis longtemps (…) On ferait mieux de s’attaquer aux discriminations à l’embauche ou au logement ». Reste que « Tintin au Congo » est aujourd’hui encore une des œuvres les plus populaires d’Hergé, estime Marcel Wilmet, porte-parole des Studios Hergé. Pour une raison simple : « Elle plait beaucoup aux enfants. »



USA: ‘Tintin au Congo’ devient une BD pour adultes car jugée raciste

DIVERS  jeu 19 juil 2007

Le groupe américain Borders a demandé mercredi à toutes ses librairies aux Etats-Unis de déplacer leurs exemplaires de l\'album \"Tintin au Congo\" des rayons enfants à la section des BD pour adultes, après la dénonciation par une association britannique de son caractère \"raciste\".

La chaîne Borders avait pris une décision similaire il y a une semaine en Grande-Bretagne. \"Etant donné que \'Tintin au Congo\' peut être considéré comme offensant par certains de nos consommateurs, nous avons décidé de placer ce titre dans la section des livres pour adultes\", a indiqué la société Borders dans un communiqué. Les autres titres de l\'éternellement jeune reporter resteront dans la section des livres pour enfants, a précisé Borders.

La Commission britannique pour l\'égalité raciale (CRE) avait jugé que la vente de cet album \"dépassait l\'entendement\", dans la mesure où il contient \"des éléments potentiellement très choquants\" pour beaucoup de lecteurs. \"Ce livre contient des images et des dialogues porteurs de préjugés racistes abominables, où les \'indigènes sauvages\' ressemblent à des singes et parlent comme des imbéciles\", a déclaré une porte-parole de la CRE.

\"Tintin au Congo\", d\'abord publié dans le journal belge \"Le Vingtième siècle\" en 1930-1931, est l\'un des albums de la série dessinée par Hergé. Cet album du célèbre reporter en culottes de golf a suscité de nombreuses polémiques, en raison de sa présentation crue du colonialisme et du racisme, comme de la violence contre les animaux. Hergé s\'était justifié en affirmant qu\'il n\'avait fait que représenter l\'état d\'esprit \"paternaliste\" de la Belgique coloniale.



Un scoop, Tintin est raciste !

iscarioth - le 17/07/2007 à 00:48
Les Aventures de Tintin - Tome 2 - Tintin au Congo

Par­don­nez l'iro­nie du titre, mais qui a déjà lu la ver­sion non épu­rée (et même celle en­core en vente au­jourd'hui) de Tin­tin au Congo le sait fort bien, Tin­tin est un per­son­nage de son époque. Le per­son­nage d'avant-​guerre, pour qui la co­lo­ni­sa­tion était un bien­fait ci­vi­li­sa­teur.

De­puis, de l'eau a coulé sous les ponts et, sur cer­tains su­jets, l'homme a pro­gres­sé (si peu, il est vrai). Si le temps n'in­quiète en rien Tin­tin, ses ci­gares de pha­raon, son coke en stock ou son vol 714 pour Sid­ney, les an­nées qui passent sont en re­vanche bien plus dif­fi­ciles à sup­por­ter pour l'épi­sode du Congo.

Der­nière af­faire en date, la Com­mis­sion for Ra­cial Equa­li­ty d'An­gle­terre, qui s'in­surge contre l'épi­sode, par l'in­ter­mé­diaire de son porte-​pa­role, ayant dé­cla­ré à l'AFP : "Ce livre contient des images et des dia­logues por­teurs de pré­ju­gés ra­cistes abo­mi­nables, où les “in­di­gènes sau­vages” res­semblent à des singes et parlent comme des im­bé­ciles".

Oui, ce se­rait être de mau­vaise foi que de ne pas le re­mar­quer, l'album est pétri de pré­ju­gés. Hergé s'en est d'ailleurs ex­pli­qué de son vi­vant : "C’était en 1930. Je ne connais­sais de ce pays que ce que les gens en ra­con­taient à l’époque : "Les nègres sont de grands en­fants, heu­reu­se­ment que nous sommes là !", etc. Et je les ai des­si­nés, ces Afri­cains, d’après ces cri­tères-​là, dans le pur es­prit pa­ter­na­liste qui était celui de l’époque en Bel­gique".

Dans toutes les li­brai­ries Bor­ders, Tin­tin in the Congo a été re­ti­ré des rayons "en­fants". La li­brai­rie a pris cette dé­ci­sion après que David En­right ait porté plainte de­vant l'équi­valent an­glais de la HALDE (Haute au­to­ri­té de lutte contre les dis­cri­mi­na­tions et pour l'éga­li­té). "Mon épouse noire, ori­gi­naire d'Afrique, est as­sise là avec mes fils et je suis sur le point de leur tendre ce livre... Quel mes­sage suis-​je en train de leur dé­li­vrer ? Que ma femme est un singe, qu'ils sont des singes ?"



Non, Tintin n’est pas raciste

Tribune Libre  
 
par Criticus (son site) -  vendredi 20 juillet 2007

Je ne pensais pas avoir un jour à parler de Tintin. Mais ma tintinophilie de longue date - en fait depuis que je sais lire, puisque c’est à 6 ans tout juste que j’ai découvert le plaisir de la lecture à travers les aventures du reporter bruxellois - m’amène à réagir à l’interdiction de "Tintin au Congo" pour les mineurs du Royaume-Uni.

Le second album des aventures de Tintin et Milou a été jugé raciste par la commission britannique pour l’égalité raciale, dénomination savante pour désigner un organisme chargé avec d’autres de transformer la société britannique, naguère si ouverte, en une marquetterie de communautés distinctes. Il est vrai que le périple de Tintin au Congo belge, dans le contexte de 1930, affiche un colonialisme comparable à celui qui a prévalu un an après lors de l’Exposition coloniale de Paris, de la même manière que le premier tome des aventures du jeune journaliste, Tintin au Pays des Soviets, est un brûlot anticommuniste qui ne brille ni par sa connaissance de l’Union soviétique ni par sa neutralité idéologique.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Hergé avait refusé de rééditer ce premier album controversé, précaution qu’il n’a pas cru devoir prendre pour le second, Tintin au Congo, ni pour le troisième, Tintin en Amérique.

Cela aurait pourtant été louable, car pour moi, l’aventure en deux albums Les Cigares du pharaon/Le Lotus bleu marque le début des vraies Aventures de Tintin et Milou, celles d’un idéaliste internationaliste en butte à l’injustice, et qui parcourt le monde en quête d’aventures et de torts à redresser. C’est d’ailleurs pour cette raison que le général de Gaulle avait considéré Tintin comme étant son "seul rival".

Dans ce premier chef-d’oeuvre, Tintin, de l’Egypte à la Chine en passant par la Péninsule arabique et les Indes, remonte la piste d’un réseau mondial de trafic de stupéfiants. Si le premier tome, qui précède l’arrivée de Tintin à Shanghaï, n’est pas révolutionnaire, le second démontre le courage et la tolérance de son auteur : Hergé, sans doute influencé par son amitié - sa liaison ? - avec Tchang, un jeune Chinois émigré - qui lui inspirera le personnage du même nom que Tintin sauve à deux reprises -, condamne clairement l’occupation de la Chine par les troupes japonaises.

Entre ces deux Tintins en apparence inconciliables, c’est le second, humaniste, qui doit être retenu puisque c’est lui qui a rencontré un succès mondial, et non le premier, anticommuniste et colonialiste, ainsi qu’anti-américain, anti-capitaliste et plein de mépris pour les Amérindiens dans Tintin en Amérique.

Mais il est vrai que quelques réminiscences du premier Tintin apparaissent dans la suite de ses aventures, par exemple dans l’album qui suit, L’Oreille cassée - mon préféré toutefois -, où l’on peut voir Tintin, revenu bredouille d’Amérique latine dans sa quête du fétiche à l’oreille cassée, s’adresser à un marchand qui présente toutes les apparences du cliché du Juif colporté par les milieux antisémites des années 30 : nez crochu, cheveux huilés et crépus, petites bésicles et frottage de mains en signe manifeste d’avarice.

Le Crabe aux pinces d’or, dont une grande partie se déroule dans un Maroc alors sous protectorat français, fait apparaître, pour la dernière fois, un Tintin colonial : l’aventurier à la houpette tutoie en effet un petit boutiquier marocain, lui qui est d’ordinaire si respectueux et ouvert aux autres cultures.

Je passe sur les rééditions ultérieures, qui ont voulu gommer, à la demande de certains pays, les signes qui font apparaître une mauvaise connaissance de la langue française par les amis de Tintin. L’émir Ben Kalish Ezab, par exemple, envoie au début de Coke en stock une lettre au capitaine Haddock par laquelle il lui confie le prince Abdallah "pour son langage française perfectiser" (sic) - en fait pour le mettre à l’abri des troubles qui agitent l’émirat imaginaire du Khemed. Dans l’édition postérieure, les fautes de français de l’émir ont été corrigées.

Tout cela ne peut de toute façon pas faire oublier le Tintin qui empêche l’invasion du royaume de Syldavie, démocratique, par la Bordurie militariste et dictatoriale, dans Le Sceptre d’Ottokar, qui prend la défense du petit Quechua Zorrino contre des Latino-Américains qui le brutalisent dans Le Temple du Soleil, évite que la machine à ultrasons du Pr Tournesol ne tombe aux mains de la même Bordurie, dans L’Affaire Tournesol, et surtout qui démantèle un réseau escalavagiste dans Coke en stock.

C’est ce Tintin-là qui m’a fait rêver et je ne suis pas du tout d’accord avec ceux qui s’emparent de cette interdiction - qui ne démontre d’ailleurs pas un grand souci de liberté d’expression chez les Britanniques - pour tenter de faire le procès de Tintin. Non, Tintin n’est pas raciste. Quand bien même les tout premiers albums pourraient le laisser supposer, la vingtaine qui suit rachète, à mon sens, largement les errements qui ont marqué les débuts de l’aventurier. Pour admettre cela, il faut d’abord être capable de pardon et accepter l’idée de rédemption. Une qualité dont ne semblent pas être doués les donneurs de leçons qui sévissent ici ou là.

Commentaires :
> Non, Tintin n’est pas raciste
 par Vilain petit canard (IP:xxx.x55.117.249) le 20 juillet 2007 à  12H47

Je suis bien d’accord avec vous, Richard, Tintin n’est pas raciste. Mais pourquoi en faire un article tout d’un coup, comme ça ? Cependant, en tant que tintinophile maniaque, j’en profite pour m’épancher aussi sur le sujet.
J’ai une théorie: le personnage du Tintin baladeur des années 30 qui visite l’Afrique, l’URSS, etc. correspond à un genre assez spécifique, que j’appellerai le "folklore touristique pour gens enracinés", si vous me pardonnez la lourdeur stylistique... Ces BD s’adressaient à de jeunes belges (scouts et cathos, de plus), et voulaient leur montrer ces contrées lointaines, fatalement à l’aide de gros clichés, ce n’étaient pas de vrais reportages. C’était plutôt censé les faire rire, ou tout au moins les distraire. Les Noirs y sont donc forcément simples et un peu bordéliques, les Américains forcément entreprenants, les Indiens forcément sauvages et cruels, et les Soviets forcément dictatoriaux.

Un peu avant cette époque, on avait en France les vignettes du Chocolat Poulain, décrivant nos "belles colonies", avec des missionnaires forcément chaleureux et charitables, des Noirs forcément pieux et dévoués, roulant des yeux écarquillés dans leurs orbites, et des Arabes forcément fiers et pittoresques, tirant dans tous les sens avec des fusils damasquinés. C’était les clichés de l’époque ! Et je vous passe les manuels scolaires du temps...

Une BD comme Astérix joue de façon très habile avec tous ces clichés nationaux et pseudo-naturalistes, avec une volonté comique plus appuyée, c’est tout. "Astérix et les Corses" n’est pas plus raciste que "Tintin au Congo", le comique en est plus volontaire, c’est tout.

Mais vu d’aujourd’hui, on a perdu cette perspective "distrayante", on décode ça avec les lunettes d’un membre du politburo de SOS-Racisme. Quand ça va dans le "bon" sens, d’ailleurs, et même si c’est énorme, on se tait: les Chinois de Tintin sont bienveillants et vertueux, traditionnalistes jusqu’aux socques. Les Tibétains de Tintin (ah... Foudre Bénie...) sont sages et accueillants, alors que leur pays (qui, quoiqu’on pense de leur religion, était quand même une théocratie rétrograde), était carrément interdit aux étrangers jusqu’à l’invasion chinoise (1949), et justement le seul Chinois qui apparaisse au Tibet dans l’aventure, est le gentil Tchang (on est en 1960 !).

Reste néanmoins qu’Hergé est le seul auteur à ma connaissance à avoir défendu les Gitans (dans les Bijoux de la Castafiore), chose dont devraient s’inspirer pas mal de donneurs de leçons de notre époque.

Quant à la nouvelle que nous donne Marsupilami, elle est assez inquiétante. Astérix va-t-il échouer un jour au rayon "adultes" ? ? ?

> Non, Tintin n’est pas raciste
par Gazi BORAT (IP:xxx.x32.164.192) le 20 juillet 2007 à  13H13

Georges Rémi, l’auteur de Tintin était imprégné des préjugés de son époque, des opinions de son environnement (catholique/conservateur) et de son penchant pour Léon Degrelle, chef du parti rexiste, qui achevera sa carrière en exil en Espagne après un passage dans la waffen SS.
Cela dit, Tintin est-il raciste ?

Comme dans beaucoup de publication pour la jeunesse de cette époque, le personnage de l’étranger est nettement moins valorisé que celui de l’européen intrépide et colonisateur.

Cela dit, interdire certaines aventures de Tintin à l’époque où elles sont parues aurait été une décision présentant une certaine logique.

Aujourd’hui, beaucoup moins.

Le ton, le graphisme, l’univers de ces bandes dessinées présente un tel décalage avec l’époque que nous vivons que je ne pense pas que cela puisse représenter une influence pernicieuse pour la jeunesse de notre temps d’un idéal raciste archaïque.

De la même façon, les westerns d’avant 1965 sont particulièrement négatifs pour l’image des Amérindiens mais nul ne songe à les censurer.


 

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10 février 2007 6 10 /02 /février /2007 15:20
Dans l’appartement que j’occupais pendant toute mon enfance trônait au salon, me surveillant, l’un des visages les plus austères, les plus impressionnants de la peinture. Je sus par la suite qu’il s’agissait d’un Rouault.

Rouault. Voici le premier des deux personnages pour ce débat-duo de la peinture qui s’installe au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris jusqu’au 11 février 2007.

Mercredi 7. Nocturnes au Palais de Tokyo. Soixante-dix minutes de saveurs.

L’exposition veut montrer le parallélisme des deux peintres, même si c’est un peu osé. Même si Matisse et Rouault ont beaucoup divergé.

Tout commence par des tableaux de Gustave Moreau. Oui, Henri Matisse et Georges Rouault ont commencé tous les deux à l’atelier de Gustave Moreau.

Alors, vous avez droit à la "Fée aux Griffons" (1870), au "Jardin des Oliviers" (1875-1880) et à "Narcisse" (1880). Un décor assez vague, des couleurs diffuses, et pourtant, en surimpression, des personnages, des anges des détails très fins, très précis, vaguement fantomatiques.

Les "Bergers" de Moreau montrent ainsi des cavaliers que vous devinez à peine dans le sable.

Puis viennent les premiers essais des deux héros.

Beaucoup de nus. Le "Nu dans l’Atelier" (1895) de Matisse face au "Nu de dos" (1906) de Rouault. Le premier est plus proche de la réalité encore, plus onctueux, le second déjà à gros traits noirs, avec le déhanché et sans les autres personnages.

"Pastorale" (Matisse, 1906), "Le Modèle" (Matisse, 1901), "Composition" (Rouault, 1906)... quelques arabesques...

Rouault : "Silhouette", "Nu", "Nu de face" (de 1902 à 1914, très difficile de parler des oeuvres de Rouault, aucun titre original et distinctif, dates approximatives...).

Trois vases en terre cuite peints par Rouault en 1907. Des nus. Celui de couleur bleu vert est naturellement le plus agréable à mes yeux.

Beaucoup de nus donc... aux traits souvent marqués.

Puis, vous voilà devant l’illustration de Ubu. Alfred Jarry est mort et un éditeur se propose d’acheter au descendant la marque. Rouault peint alors beaucoup de personnages dans ces nouvelles aventures de Ubu. Gaston Bonnard en peint quelques uns aussi.

Rouault se spécialise alors dans la peinture de petits portraits. Des caricatures bien marquées. Avec des couleurs assez vives, et ces traits noirs qui font sa notoriété.

D’autres figures sont peintes. J’ai retenu : "Von X" (1915), "Le Pédagogue" (1913). Elles font penser un peu aux caricatures de Daumier.

Puis, les paysages apparaissent avec le changement de salle.

"Allée d’Oliviers" (1919) de Matisse montre une forêt aux couleurs douces. Alors que Rouault, avec "Banlieue parisienne" (1914), représentant la Seine et un bateau, réussit à esquisser furtivement le reflet des badauds.

Puis, vous arrivez dans une nouvelle salle. Toute différente. Sur l’un des quatre murs, toute la série "Jazz" de Matisse (entre 1943 et 1946). Faite de papiers colorés et découpés. Couleurs vives. Matisse veut exprimer la joie, retirer tout ce qui pourrait induire de l’amertume. Il se sent déjà trop vieux pour peindre, alors il découpe. Personnellement, j’apprécie peu. Formes trop grossières sans doute.

Cette série décrit le cirque. Le meilleur est "Icare", une silhouette noire contenant un petit coeur rouge, le tout sur fond bleu noir avec quelques étincelles jaunes autour du corps. Il y a aussi "Loup", qui ressemblerait à une tête de lion si vous ne remarquiez pas que sa longue gueule est tronquée. Un De Gaulle (avant l’heure) blanc au nez cassé, nommé "Loyal"...

En face, une série de Rouault sur le cirque aussi. "Le cirque de l’étoile filante" (de 1934 à 1938). Un tableau d’une danseuse levant sa jambe "A Tabarin" (1905) tout en ombres bleues.

Rouault avec "Paysage Biblique" souligne en noir, entoure tout, englobe chaque chose avec ses traits noirs.

Et puis une salle complète est consacrée aux tableaux tristes, gris, noirs de Rouault. "Miserere, le dur métier de vivre" (de 1922 à 1930). Vous y voyez des personnages tristes, des yeux en chagrin, des personnages squelettiques, qui font penser au "Cri" du Norvégien Edvard Munch, contemporain de Rouault et Matisse (Munch est né en 1863 et mort en 1944). Des têtes de morts, des paysages de villages incendiés par la guerre. Mysticisme, foi, mort, guerre...

Nouvelle salle. Plus joyeuse.

"Deux Jeunes Filles, la robe jaune et la robe écossaise" (Rouault, 1944), "Odalisque au fauteuil" (Matisse, 1928).

Rouault (en 1926-1927) et Matisse (1947) illustrent "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire. Magnifiques portraits de femmes dessinés à l’encre de chine par Matisse.

Des Christ de Rouault. Un paysage de désolation avec les trois croix (la mort du Christ). En bas du tableau, vous pouvez distinguer un signe noir, sur fond blanc entouré de drap rouge, vous pourriez imaginer certains insignes, mais vous regardez la date, 1926.

Puis une série de portraits de Rouault (février 1943) : "15 études préparatoires pour le divertissement".

À la fin de l’exposition, vous avez quelques informations biographiques... des photographies assez émouvantes de Georges Rouault vieux, un petit bonhomme triste avec ses albums, avec son costume, ou dans son atelier où il ressemble bigrement à Picasso...

Matisse, Rouault, deux vies parallèles et croisées.

Matisse est né le 31 décembre 1869 et Rouault le 27 mai 1871 (à Paris). Leur maître, Gustave Moreau, meurt en 1898 (sept ans après leur arrivée à son atelier).

Matisse meurt le 3 novembre 1954 (à Nice) et Rouault le 13 janvier 1958 (à Paris).

Rouault, avec ses traits noirs, est fait pour les vitraux. Il n’en fait cependant pas beaucoup à la fin de sa vie, mais étrangement, il a débuté en 1885-1890 comme peintre verrier dans la restauration de vitraux. Rouault s’est battu avec les héritiers de son éditeur Vollard et a brûlé devant huissier trois cents tableaux inachevés qu’il ne se sentait plus la force de terminer.

Voilà, la sortie arrive avec un étrange sentiment.

Henri Matisse, c’était la joie, le beau, la contemplation, l’explosion des couleurs, le rond.
Georges Rouault, c’était le désespéré, le croyant, les traits forcés aux contours, le carré.

Matisse-Rouault, Rouault-Matisse... qui va donc gagner ? suspens... non, mon choix est fait... je préfère Rouault.



Infos pratiques :

Jusqu’au dimanche 11 février 2007

Au
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
11 Avenue du Président Wilson 75116 PARIS
http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6450
Tél. : 01 53 67 40 51
De 10h00 à 18h00
Prix : 8,60 €

Du 25 mars 2007 au 17 juin 2007

Au
Musée départemental Matisse
Palais Fénelon 11 place du Commandant Edouard Richez
59360 LE CATEAU CAMBRESIS
Réservation : 03 27 84 64 64



(1) http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6450&document_type_id=2&document_id=23128&portlet_id=15515
(2) http://perso.orange.fr/art-deco.france/rouault.htm
(3) http://www.coiplet.de/art/rouault/franzoesisch.php
(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Matisse
(5) http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=6602
(6) http://www.scu.edu/desaisset/exhibits/rouault.html
(7) http://www.marquette.edu/haggerty/exhibitions/past/rouault.html
(8) http://culturofil.net/2005/09/12/le-miserere-de-georges-rouault/
(9) http://www.musees-strasbourg.org/F/exposi/plus_dinfo_expos/ROUAULT/RESOURCES_ROUAULT/cp_rouault_f.pdf
(10) http://fr.wikipedia.org/wiki/Honoré_Daumier
(11) http://fr.wikipedia.org/wiki/Edvard_Munch
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