Le candidat socialiste a annoncé qu’il envisagerait de désigner des futurs snipers pour répondre éventuellement aux attaques de l’UMP. Pendant qu’il envisage, il y a un sniper qui ne l’a pas attendu…
Le secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé était l’invité principal de l’émission "Des Paroles, des actes" animée par David Pujadas le jeudi 17 novembre 2011 sur France 2.
Personne ne s’est donc étonné de son grand talent de débatteur face à ses adversaires, n’hésitant pas, parfois, à utiliser le ton de la polémique ou de la mauvaise foi, mais employant quelquefois, avec parcimonie certes, le langage de la sincérité.
Jean-François Copé va probablement rester présent dans le paysage politique pendant encore une bonne vingtaine d’années, et les socialistes, qui sont ses premiers adversaires, auraient bien besoin de personnalités de ce talent, car il est redoutable.
Pour ce soir-là, deux débats : un avec le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, un autre avec l’ancien Ministre de la Culture, Jack Lang, devenu conseiller spécial du candidat François Hollande.
En fait, il aurait dû y avoir trois débats : le troisième devait le confronter à Marine Le Pen, mais cette dernière, prudente (car peu sûre de ses thèmes économiques et sociaux), a préféré annuler, montrant ainsi une réelle lâcheté et une grande hypocrisie à crier encore sous tous les projecteurs qu’elle n’est jamais invitée dans les médias !
Débat Copé-Mélenchon
Les échanges entre Jean-Luc Mélenchon et Jean-François Copé n’ont été qu’un dialogue de sourds sans aucun intérêt.
Jean-Luc Mélenchon a su éviter l’écueil des négociations entre le PS et les écologistes (actualité politique des derniers jours) en affirmant haut et fort qu’il comptait rester totalement indépendant du PS en 2012, y compris aux législatives. Stratégie que pourraient mettre en doute les communistes qui, grâce à la bienveillante alliance avec les socialistes, ont réussi à préserver un groupe à l’Assemblée Nationale depuis deux décennies malgré leur baisse historique d’audience.
D’ailleurs, Jean-François Copé n’a pas hésité non plus à pointer du doigt un autre désaccord majeur entre Jean-Luc Mélenchon et son principal soutien, le Parti communiste français : sur le nucléaire, il est sur la même position que les écologistes alors que les communistes sont les défenseurs traditionnels de l’industrie nucléaire.
Jean-Luc Mélenchon a cependant trouvé le moyen de botter en touche : proposer un référendum sur le sujet, s’en remettant ainsi à la vox populi sans prendre beaucoup de risque électoral sur le sujet, mais sans non plus prendre ses responsabilités.
Débat Copé-Lang
Le nucléaire, c’était évidemment l’un des deux principaux sujets du débat avec Jack Lang.
La diction vieillie par le temps, même s’il n’a pas perdu de sa pugnacité et de son enthousiasme, Jack Lang (72 ans) est un dinosaure du PS, le seul, avec Jean-Pierre Chevènement, à avoir survécu et à se retrouver encore au combat politique pour 2012.
On peut se demander d’ailleurs pourquoi François Hollande a désigné Jack Lang pour le représenter face à Jean-François Copé. N’y avait-il que cet homme de disponible ? Une Aurélie Filippetti (38 ans), députée PS de Moselle et ancienne écologiste, aurait été à mon sens bien plus pertinente dans ce débat sur l’énergie nucléaire si le candidat socialiste voulait apporter un réel vent nouveau dans la vie politique. Elle avait d’ailleurs émis beaucoup de réserve sur la position du PS sur le nucléaire lors de la catastrophe de Fukushima.
Jean-François Copé a eu beau jeu d’appuyer là où l’accord PS-Verts fait mal, à savoir sur l’énergie nucléaire et en particulier, sur le flou concernant la position sur les Mox. Jean-François Copé a répété qu’il était scandalisé que le sort de l’industrie nucléaire soit ainsi scellé rapidement, sans réflexion (sans se préoccuper que les énergies alternatives puissent compenser la réduction du nucléaire), sur un bout de table, mettant en jeu des dizaines de milliers d’emplois et une politique énergétique sur vingt ans, et a même sorti de sa poche la carte de France des réacteurs nucléaires pour demander à Jack Lang comment les socialistes comptaient choisir les vingt-quatre réacteurs à arrêter : avec des fléchettes ? Un réacteur par circonscription donnée aux apparatchiks des Verts.
Le discours de Jean-François Copé était évidemment facile et Jack Lang avait bien du mal à lui répondre puisqu’il était sans doute sur la même longueur d’onde que son contradicteur. Jack Lang a même estimé qu’il n’était pas question de casser l’excellence française dans le domaine nucléaire (ce qui relativise l’accord avec les écologistes).
Jean-François Copé a évoqué le fait que les socialistes auraient décidé de sous-traiter le nucléaire aux écologistes, phrase qui est un évident "élément de langage" puisque le matin même, l’influente Ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet avait dénoncé l’accord PS-Verts de la même manière, en parlant de sous-traitance.
Le boulet des 60 000 postes
L’autre thème du débat Copé-Lang, c’était sur l’éducation, un des éléments auxquels tient celui qui fut Ministre de l’Éducation nationale de 1992 à 1993 et de 2000 à 2002. Cet échange m’a encore confirmé que la proposition du recrutement des 60 000 fonctionnaires dans ce ministère était un véritable boulet pour le candidat Hollande.
Sur ce sujet, trois éléments sont à noter.
Le premier est une boulette arithmétique. Ce n’est pas la première fois qu’elle est signalée. Dans son débat face à Martine Aubry, François Hollande avait affirmé que ce recrutement, à raison de 12 000 postes par an, à 500 millions d’euros, coûterait en définitive sur cinq ans 2,5 milliards d’euros. Ségolène Royal avait été la première à évoquer une grosse erreur de calcul, car François Hollande avait oublié de comptabiliser les années suivantes le coût des recrutements dans années précédentes, ce qui fait que sur cinq ans, il faut tabler sur un coût de 7,5 milliards d’euros. On peut être inquiet d’une telle légèreté de calcul.
Eh bien, Jack Lang a continué sur cette lancée et a refusé d’admettre cette erreur de calcul alors que Pierre Moscovici avait clairement reconnu dans le débat qui l’avait opposé à Bruno Le Maire le 14 novembre 2011 que cette mesure coûterait bien 7,5 milliards d’euros.
Évidemment, Jean-François Copé a insisté sur cette erreur et a même rappelé que le recrutement d’un fonctionnaire ne coûtait pas seulement pendant cinq ans, mais pendant quarante ans de carrière (en fait quarante-deux ans avec la réforme des retraites) et sa retraite, mais avec ce raisonnement, les coûts deviendraient inutilement astronomiques (puisqu’il faudrait aussi cumuler les recettes de l’État sur quarante ans). L’unité de temps placée sur une année ou sur un quinquennat semble quand même plus adaptée aux comparaisons.
Le deuxième élément, c’est que Jack Lang est devenu beaucoup plus consensuel que polémique et il avait bien du mal à répliquer aux arguments de Jean-François Copé. Soutien de la politique universitaire du gouvernement (de la loi Pécresse sur l’autonomie des universités), des investissements en recherche et développement, et aussi de la réforme des institutions, Jack Lang n’a rien répondu sur le fait qu’il y avait moins d’élèves dans les écoles et que ce n’est pas en recrutant des enseignants en plus qu’on améliorerait la qualité de l’enseignement.
Pourtant, il est facile de comprendre que plus les classes sont petites, plus l’enseignement peut être adapté au niveau de chaque élève, chose matériellement impossible à faire quand il y a trop d’élèves.
Ce que cela dénote, c’est surtout l’incapacité de François Hollande à bien briefer ses représentants, puisque, si j’avais bien compris la proposition initiale, mise à part la boulette de son coût et de son financement (après tout, si c’était utile et efficace, cela pourrait valoir le coup/coût), ces postes supplémentaires dans l’Éducation nationale ne concernaient pas la fonction enseignante mais plutôt l’encadrement, toutes les compétences autour : surveillants, conseillers pédagogiques, éducateurs, infirmières etc.
Enfin, le troisième élément, c’est que Jean-François Copé en a profité pour marteler l’irresponsabilité budgétaire de François Hollande à vouloir recruter massivement de nouveaux fonctionnaires alors qu’il faut réduire la voilure pour diminuer les déficits, que d’autres pays ont même des plans bien plus draconiens qu’en France avec réduction du salaire des fonctionnaires, et en France, on voudrait au contraire recruter tout azimuts. Aucune réponse de Jack Lang sur ce réel argument.
Questions politiques
En dehors de ces deux débats, Jean-François Copé a montré un réel talent à naviguer à vue sur les différentes questions. Il a convenu qu’il avait un peu changé : il n’était plus antisarkozyste comme en 2007, il ne regarderait plus 2017 comme seul point de mire et il se focalisait uniquement sur l’élection présidentielle de 2012 et la perspective de la réélection de Nicolas Sarkozy.
Franz-Olivier Giesbert n’a d’ailleurs rien compris à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 en se demandant quand reviendrait la rivalité entre Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy. La réponse est simple : à nul moment, puisque les deux hommes ne sont pas en situation de compétition, Nicolas Sarkozy ne pouvant pas se représenter à l’élection présidentielle de 2017 puisque les mandats sont limités à deux successifs (et en cas d’échec en 2012, Nicolas Sarkozy aura bien du mal à faire le consensus autour de lui pour 2017).
Jean-François Copé a été assez transparent sur ses intentions après 2012 : il voulait garder la main sur l’UMP, quitte à renoncer à Matignon. Il est convaincu que sans chapeauter un grand parti gouvernemental, il ne pourrait pas gagner une élection présidentielle. L’histoire électorale depuis 1981 le conforte dans cette conviction.
Sur Nicolas Sarkozy, malgré quelques mots présidentiels sur l’alimentation d'un bébé, il a simplement décrit un Président sur les yeux duquel se lirait la gravité. La gravité, c’est également la posture qu’a adoptée François Hollande depuis le 31 mars 2011.
Jean-François Copé a dû s’expliquer deux fois sur une photo de vacances qui prouve son amitié (confirmée) avec Ziad Takieddine. D’un côté, c’est une photo privée qu’il paraît indécent de mettre en exergue en "prime time" à la télévision ; d’un autre côté, les explications n’ont pas été très convaincantes car se basant uniquement sur une parole (qu’on peut croire ou pas), sans apporter par exemple d’éléments factuels, comme la date de la photo (selon Médiapart, il était déjà ministre) ou sur comment il a rencontré cet intermédiaire. Il a juste rejeté toute implication personnelle dans la campagne d’Édouard Balladur en disant qu’il était à l'époque dans le camp chiraquien et qu’il n’avait que 28 ans (en fait 31 ans).
Et le FN ?
Autre sujet sensible, l’alliance possible entre l’UMP et le FN. Jean-François Copé, sans trop de surprise, a été une nouvelle fois très clair : « Il n’y aura jamais d’alliance avec l’extrême droite. ». Il y voit un réel clivage entre ceux qui stigmatiseraient (le FN) et ceux qui apporteraient des solutions (l’UMP).
Cependant, cette clarté est devenue un peu floue lorsqu’il admettait vaguement être d’accord avec deux des trois mesures présentées de la Droite populaire :non automaticité de la naturalisation à 18 ans et remise en cause des allocations familiales en cas de délinquance, ce qui contredit son refus d’étanchéité politique totale avec les idées du FN.
Capitale versus France profonde ?
Pendant toute l’émission, Jean-François Copé n’a cessé de fustiger Paris face à la province, sans explicitement parler d’etablishment (mot lepéniste), en reprenant le mot "système" qu’avait utilisé Martine Aubry à l’encontre de François Hollande, « le candidat du système », en affirmant un peu rapidement qu’il y aurait deux visions sur la sécurité, sur la fraude sociale, sur la réalité industrielle, une parisienne (tout irait bien et François Hollande serait déjà élu) et une au-delà du périphérique.
Mais quel est donc l’intérêt de Jean-François Copé, député-maire de Meaux qui ne multiplie ses références à son action locale, à fustiger ainsi le parisianisme dont l’ancien député-maire de Neuilly-sur-Seine serait pourtant plus proche que le député de la Corrèze ?
Protection versus irresponsabilité ?
Les thèmes de campagne de l’UMP ont été assez clairement exprimés par Jean-François Copé ce 17 novembre 2011 : face à un candidat François Hollande jugé irresponsable si ce n’est indécis (sur le déficit public, l’éducation, sur le nucléaire, sur les retraites etc.), Nicolas Sarkozy serait le Président protecteur, qui veut protéger les Français de la tempête financière mondiale.
Je suis bien incapable de dire si ces arguments vont faire mouche ou pas auprès de l’électorat hésitant, mais ce dont je suis sûr, c’est que François Hollande et ce qu’il croit être son équipe (pléthorique et pas formée à ses propositions) font en tout cas tout pour les rendre convaincants.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (18 novembre 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Débat Le Maire-Moscovici du 14 novembre 2011.
Jean-François Copé, 2017 ?
Jean-Luc Mélenchon.
Les 60 000 postes dans l’Éducation nationale.
Hollande coincé entre Chevènement et Eva Joly.
Jack Lang au secours de la Sarkozye.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-francois-cope-face-a-jean-luc-104531
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