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9 mai 2017 2 09 /05 /mai /2017 06:38

« Nous vivons en permanence dans l’illusion présidentialiste. Dès lors que les projecteurs sont braqués par le système médiatique sur des candidats à l’élection présidentielle, s’installe le sentiment que le Président de la République est un être tout puissant, omnipotent, pourvu de tous les pouvoirs. Or, cela est totalement faux. Le chef de l’État a relativement peu de pouvoirs propres en temps ordinaire. Son seul véritable pouvoir qu’il exerce seul en son nom est celui de dissoudre l’Assemblée Nationale. Il ne peut organiser un référendum que sur proposition du Premier Ministre ou conjointe des deux assemblées. Il ne dispose pas du pouvoir réglementaire (prendre des décrets) qui appartient au Premier Ministre, ni celui de déposer des projets de loi qui est celui du conseil des ministres, du gouvernement. Ses actes, par exemple, la nomination d’un haut fonctionnaire, doivent être cosignés par un ministre. Dès lors, le chef de l’État, s’il ne parvient pas à s’entourer d’une équipe ministérielle cohérente et stable, soutenue par l’Assemblée Nationale, sombre inévitablement dans l’impuissance. » (Maxime Tandonnet, historien, le 14 avril 2017 sur Atlantico).


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L’une des premières décisions qu’aura à prendre le nouveau Président de la République Emmanuel Macron, ce sera de nommer un nouveau Premier Ministre. Bernard Cazeneuve, intérimaire de la fonction depuis le 6 décembre 2016, sait qu’il devra quitter Matignon après l’élection présidentielle. Il aura peut-être à cœur de diriger la campagne du PS aux élections législatives. Je lui souhaite bon courage pour ce challenge !

L’identité du nouveau Premier Ministre va dépendre des objectifs qu’Emmanuel Macron va se donner à court terme. Et le premier, c’est de pouvoir obtenir une majorité relative sinon absolue à l’Assemblée Nationale aux élections législatives des 11 et 18 juin 2017. Cette nomination ne sera pas connue avant la passation des pouvoirs qui aura lieu le dimanche 14 mai 2017.

Revenons à ce Premier Ministre. Pour la première fois, la nature de la majorité présidentielle est très incertaine. On imagine sans mal qu’elle pourrait englober le PS et le PRG, et Emmanuel Macron aimerait aussi intégrer des adhérents LR et UDI mais ces deux partis semblent solidement engagés à rester solidaires et à résister aux chants des sirènes d’En Marche. La "révolution" d’Emmanuel Macron, c’est de créer une nouvelle force politique à partir d’aucune base existante. C’est un pari fou, mais depuis un an, il est habitué à en faire et même à les gagner.

Il y a cependant quelque probabilité pour que le Premier Ministre qui sera nommé (sans doute) le 15 mai 2017 ne le reste pas après le 18 juin 2017. Si c’est le cas, Bernard Cazeneuve aura gardé très brièvement son record de brièveté à Matignon.

Prenons quelques caractéristiques qui, à mon avis, devraient définir ce Premier Ministre. Il devra être très expérimenté dans les relations entre le gouvernement et le parlement. Il devra être capable d’autorité auprès des différentes formations politiques. Il devra être bon négociateur. Il devra être en mesure de mener la campagne des législatives pour Emmanuel Macron. Donc, il devra être proche du nouveau Président.

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En termes d’origine politique, à mon sens, Emmanuel Macron aurait intérêt à nommer une personnalité politique (pas de la "société civile" qui ne connaît pas la procédure parlementaire) et pas du côté gauche de sa majorité. Pourquoi ? Parce que Emmanuel Macron sait que le PS et le PRG sont sans condition sous son influence, et que l’image du risque de recyclage des élus socialistes si discrédités pourrait écarter les électeurs potentiels. Cela signifie qu’Emmanuel Macron aurait intérêt à le trouver parmi ceux qui sont venus de la droite et du centre, pour séduire ces électeurs prêts aussi à lui imposer une cohabitation LR et UDI.

Enfin, il faudra que ce Premier Ministre incarne réellement le changement, non seulement des visages mais aussi des pratiques. C’est donc un véritable mouton à cinq pattes, car s’il veut gagner les élections législatives, il faudra bien être expérimenté dans les campagnes électorales. Enfin, il aimerait qu’il ne fût jamais ministre auparavant.

Bien sûr, de très nombreux noms sont possibles, et beaucoup ne correspondent pas à la totalité des caractéristiques énoncés.

Le meilleur moyen pour Emmanuel Macron serait de débaucher une personnalité d’envergure de LR. Bruno Le Maire, qui avait axé sa campagne de primaire très à droite, s’est déjà dit prêt à trahir ses amis politiques pour un poste auprès d’Emmanuel Macron, mais pas sûr que l’image d’un traître soit la meilleure manière d’attirer les électeurs. Quant à Christian Estrosi, redevenu maire de Nice (quittant la présidence du conseil régional de PACA), pas sûr qu’il ait l’étoffe d’un Premier Ministre.

Beaucoup de personnalités LR pourraient jouer ce rôle de Premier Ministre pivot, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, peut-être même Nathalie Kosciusko-Morizet ou Édouard Philippe, mais toutes devraient restées soudées pendant le temps de la campagne législative. Peu avant le second tour de l’élection présidentielle, le secrétaire général de LR, Bernard Accoyer avait déjà indiqué que LR retirerait son investiture à tout candidat LR qui se rangerait sous la protection d’Emmanuel Macron, mais après les élections législatives, il n’exclut rien car cela dépendra de la configuration de l’Assemblée.

François Bayrou pourrait dans un premier temps inspirer confiance et apporter expérience pour cette mission très délicate de réunir les contraires. C’est sûr qu’il ne peut pas être le symbole du renouvellement. Il peut aussi agacer certains électeurs LR, et laisser croire qu’il prendrait un ascendant sur le Président. Son atout, c’est qu’il a longuement réfléchi à cette fameuse "majorité centrale" qu’il appelait de ses vœux dès 2002. Ce pourrait être un CDD de six semaines, juste le temps d’atteindre les élections législatives. D’autres noms équivalents peuvent être cités dans ce même registre : Marielle de Sarnez, Sylvie Goulard, voire Jean Arthuis (pour ce dernier, on repassera également pour le renouveau). Jean-Louis Borloo avait également proposé le 30 avril 2017 ses services le cas échéant.

Parmi les possibles issus de la droite, il y a bien sûr d’abord Jean-Paul Delevoye, responsable des investitures d’En Marche. Là encore, pas de renouvellement réel, tout comme Renaud Dutreil, engagé très tôt derrière Emmanuel Macron. Parmi ceux qui ne se sont pas engagés auprès d’Emmanuel Macron explicitement, il y a aussi la directrice générale du FMI Christine Lagarde, assez populaire.

Dans la catégorie des apolitiques, on pourrait imaginer Nicolas Hulot (mais je pense qu’il n’est définitivement pas fait pour la politique), ou encore Laurence Parisot, l’ancienne présidente du Medef, mais son nom avait circulé pour discréditer Emmanuel Macron qui a clairement indiqué qu’il ne la nommerait pas à Matignon lors du débat face à Marine Le Pen le 3 mai 2017.

Parmi les autres Premiers Ministres possibles, il y a bien sûr les fidèles de toujours d’Emmanuel Macron. Christophe Castaner, qui avait volontairement renoncé à se présenter au second tour des élections régionales en PACA (perdant toute possibilité d’avoir des élus) pour aider Christian Estrosi à gagner face à Marion Maréchal-Le Pen en décembre 2015. Mais l’homme le plus important de l’organisation, c’est Richard Ferrand, député PS qui est devenu le secrétaire général d’En Marche et en quelques sortes, le principal acteur de cette organisation qui a permis l’élection de son leader à l’Élysée en dehors d’un parti établi.

Enfin, si l’expérience et l’habileté politiques l’emportaient sur le renouvellement, aux côtés de François Bayrou et Jean-Louis Borloo, on pourrait aussi citer Jean-Yves Le Drian qui, bien qu’élu PS, bénéficie d’une popularité largement élargie vers l’électorat de la droite et du centre.

Dans tous ces noms, il y a peu de femmes, mais cela ne semble pas la principale priorité d’Emmanuel Macron pour choisir un Premier Ministre.

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L’autre nomination, ce sera après le 18 juin 2017 et le Premier Ministre devra être celui qui aura constitué une majorité cohérente. Si c’était une majorité En Marche, il est probable que le Premier Ministre nommé le 15 mai 2017 serait reconduit car cela signifierait qu’il aurait réussi à convaincre les électeurs de construire une majorité En Marche.

L’autre possibilité la plus probable, c’est que la coalition LR et UDI puisse contrôler le parlement, soit par une majorité absolue (peu probable), soit par une majorité relative. Dans ce cas, on s’acheminerait vers une cohabitation dite douce (selon Georges Fenech), et le seul Premier Ministre acceptable pour une telle majorité serait François Baroin.

Enfin, en cas de morcellement de l’Assemblée, il se pourrait qu’il faille recoller des morceaux peut-être hétéroclites et le Premier Ministre serait la personne la plus cohérente dans le contour majoritaire trouvé.

Autres noms possibles : Gérard Collomb (l’antirenouvellement mais jamais nommé ministre), Bertrand Delanoë (idem), Philippe Douste-Blazy, Serge Lepeltier, etc.

La bataille des élections législatives va se faire d’une manière très différente de la campagne présidentielle. Il est probable qu’il y aura une forte abstention (autour de 40%), comme ce fut le cas pour les élections législatives de juin 2012, juin 2007 et juin 2002. Les Français ont intégré que l’événement institutionnel majeur était l’élection du Président de la République. Généralement, ce sont les électeurs du gagnant qui vont se mobiliser et les électeurs des perdants, par déception, vont laisser le Président gouverner.

La différence historique, c’est que le mouvement présidentiel est un parti nouveau qui n’a donc qu’une implantation locale virtuelle dont les législatives seront l’épreuve du feu. En face, il aura LR et UDI, bien structurés, bien implantés, et en cohérence pour un programme politique qui sera présenté ce mercredi 10 mai 2017. Les autres partis pourraient avoir du mal à avoir beaucoup de sièges : le PS laminé et éclaté, le FN détesté et FI discréditée par les tergiversations de Jean-Luc Mélenchon entre les deux tours de l’élection présidentielle.

Comme on le voit, il est très difficile de deviner le nom du futur Premier Ministre d’Emmanuel Macron. C’est une première dans l’histoire de la Ve République.

En effet, tous les Premiers Ministres issus des élections présidentielles étaient connus avant le résultat de l’élection jusqu’à présent : Georges Pompidou reconduit par De Gaulle en décembre 1965, Jacques Chaban-Delmas nommé par Georges Pompidou en juin 1969 (pour contrôler les barons UDR), Jacques Chirac nommé par Valéry Giscard d’Estaing en mai 1974 (en guise de remerciement pour son soutien et pour contrôler l’UDR), Pierre Mauroy nommé par François Mitterrand en mai 1981 (le dauphin de Guy Mollet), Michel Rocard nommé par François Mitterrand en mai 1988 (il avait hésité avec Pierre Bérégovoy), Alain Juppé nommé par Jacques Chirac en mai 1995 (l’un de ses derniers soutiens avec Philippe Séguin), Jean-Pierre Raffarin nommé par Jacques Chirac en mai 2002 (cité avant l’élection présidentielle et lot de consolation des anciens UDF pour faire accepter la phagocytose de l’UDF par le RPR au sein de l’UMP), François Fillon nommé par Nicolas Sarkozy en mai 2007 (responsable du programme), enfin Jean-Marc Ayrault par François Hollande en mai 2012 (son alter ego).

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Comme nous terminons le long processus de désignation du Président de la République, rappelons tout de même les premiers-ministrables des principaux concurrents d’Emmanuel Macron durant cette compétition présidentielle.

Marine Le Pen : le 29 avril 2017, elle a annoncé qu’elle nommerait Nicolas Dupont-Aignan à Matignon. Elle aurait pu aussi nommer Florian Philippot, son homme indispensable.

Notons au passage qu’en cas d’élection de Marine Le Pen, le Premier Ministre sortant Bernard Cazeneuve aurait confié qu’il aurait fait résistance, à savoir, il n’aurait pas démissionné. En effet, selon les termes de la Constitution, le Président de la République nomme le Premier Ministre… mais il ne le révoque pas. Si bien que Bernard Cazeneuve et tout son gouvernement auraient pu se maintenir jusqu’aux élections législatives, ce qui aurait créé six semaines de bataille institutionnelle très dure (peut-être contreproductive pour les opposants au FN).

François Fillon : là encore, il y avait peu de suspens puisque depuis début mars 2017, François Baroin faisait figure de premier-ministrable. Néanmoins, François Fillon avait refusé de le désigner explicitement, estimant que le désigner avant l’élection serait une forme d’arrogance vis-à-vis des électeurs (considérer que l’élection était acquise). D’autres noms avaient pourtant circulé : Bruno Retailleau, Gérard Larcher, Valérie Pécresse, et même Xavier Bertrand.

Jean-Luc Mélenchon : comme avec le FN, et les extrêmes en général, la France insoumise n’avait pas beaucoup de personnalités d’envergure pour occuper Matignon, pas même Alexis Corbière pourtant très présent dans les médias.

Benoît Hamon : Christiane Taubira, Martine Aubry, Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti, voire Vincent Peillon.

Remarquons pour finir que s’il est parfois difficile d’imaginer le Premier Ministre d’un "grand candidat", il est complètement impossible de l’imaginer d’un "petit candidat" tant l’entourage politique fait défaut.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 mai 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Matignon en mai et juin 2017.
Matignon en avril 2017.
Matignon en 2012.
Matignon en 2010.
Matignon en 2007.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170426-matignon.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/qui-sera-nomme-a-matignon-le-15-192958

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/05/09/35264378.html

 

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