« Il faut dire les choses franchement. Oui, vous avez perdu confiance dans les politiques. C’est pourquoi chaque candidat de ma liste a signé une charte d’éthique et pris des engagements fermes pour la moralisation de la gestion régionale. » (Valérie Pécresse, novembre 2015).
Après la victoire de ses listes avec 60 148 voix d’avance (soit 43,80% des suffrages exprimés), Valérie Pécresse sera élue présidente du conseil régional d’Île-de-France ce vendredi 18 décembre 2015. Sa majorité bénéficie d’une large assise : le conseil régional est composé en effet de 121 conseillers de l’alliance LR-UDI-MoDem, 66 conseillers du PS et alliés, et de 22 conseillers du FN. Cette élection tourne la page de plus de dix-sept ans de gestion socialo-écolo-communiste sous la houlette de Jean-Paul Huchon.
Pour se consacrer à 100% à la région, après avoir démissionné de la haute fonction publique, elle démissionne de son mandat de députée des Yvelines devançant ainsi l’obligation légale fixée à 2017. Si Xavier Bertrand l’imite (démission de la mairie de Saint-Quentin et du mandat de député), ses collègues présidents Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau gardent leur mandat de parlementaire ainsi que leurs responsabilités partisanes… et Jean-Yves Le Drian ses fonctions de Ministre de la Défense.
Au premier tour, la région Île-de-France n’a pas suivi le mouvement général du pays. Les électeurs franciliens y avaient moins voté (seulement 45,90% des 7 087 089 électeurs franciliens avaient pris part au vote) et le FN n’était pas au niveau national même s’il a doublé quand même son score entre 2010 et 2015. La grande gagnante du premier tour du 6 décembre 2015 a été Valérie Pécresse (LR-UDI-MoDem) qui est arrivée largement en tête avec 30,51% des voix, suivie de Claude Bartolone (PS) avec 25,19%, soit un retard de plus de 5% et Wallerand de Saint Just (FN) avec 18,41%. Ces trois listes s’étaient maintenues au second tour.
Vieilles lunes socialo-écolo-communistes
Au lendemain du premier tour, le spectacle était surréaliste : Claude Bartolone, très laborieusement, lisait sa joie de fusionner avec les communistes de Pierre Laurent (au silence d’enfant de chœur) et avec les écologistes d’Emmanuelle Cosse. Pourtant, rien ne les réunit puisque cela fait plus d’un an qu’ils ne cessent de se critiquer les uns et les autres.
Comment pourrait-on imaginer que, face aux défis majeurs que représentent les attentats de Paris ou encore la vague nationale du FN qui pourrait dévaster tout le paysage politique dans un futur proche, comment pourrait-on encore imaginer que l’alliance avec les archéo-communistes fût une réponse rassurante pour les électeurs ? Claude Bartolone a eu, à l’évidence, quarante ans de retard. Il s’est cru encore du temps du programme commun. Et comment les écologistes auraient-ils pu faire confiance au bétonneur qu’il fut à la tête de la Seine-Saint-Denis ?
Notons au passage que l’écologiste Jean-Vincent Placé, démissionnaire de son parti EELV, sénateur car élu comme premier de la liste du PS dans l’Essonne le 25 septembre 2011, deuxième vice-président du conseil régional chargé des transports à l’issue des élections régionales de mars 2010, n’était pas présent au premier tour sur la liste EELV mais sur la liste PS et a pu être élu au second tour malgré l’échec socialiste.
Absence de projet régional au PS malgré 17 ans aux commandes
L’absence de leadership assumé, disputé initialement par Jean-Paul Huchon (président sortant), Marie-Pierre de La Gontrie (première vice-présidente sortante) et Benoît Hamon (ancien ministre), a vidé de tout contenu la campagne des socialistes.
Le PS en Île-de-France tablait sur une logique arithmétique, additionner des serviettes et des torchons, en comptabilisant les 6,63% du PCF et les 8,03% de EELV, ce qui aurait donné un total supérieur à l’ensemble des électeurs de Valérie Pécresse et éventuellement de Nicolas Dupont-Aignan (qui, sagement, n’avait donné aucune consigne de vote). Mais les électeurs n’appartiennent pas aux états-majors des apparatchiks et ont démenti ces calculs d’apothicaires : et si la logique arithmétique s’appliquait aux élections, ça se saurait !
La vérité, c’est que Claude Bartolone, arrivé comme un cheveu sur la soupe régionale très récemment (ce serait difficile de parler de parachutage pour l’Île-de-France !), n’avait aucun programme et ne pouvait pas en avoir un cohérent avec cette fusion qui faisait l’alliance de la chèvre et du chou dont le seul objectif était de sauver des postes ! Le seul projet politique cohérent et rationnel a été porté par Valérie Pécresse. Cela fait plusieurs années qu’elle l’a travaillé, qu’elle l’a peaufiné, qu’elle était désormais prête.
Une femme, jeune, dynamique, intelligente, expérimentée, grande connaisseuse des finances publiques et de l’excellence universitaire, avec une équipe tout aussi dynamique et compétente va tourner avec avantage la page de la gestion de copinage de Jean-Paul Huchon que Claude Bartolone voudrait faire perdurer dans une région où le nombre de demandeurs d’emploi franciliens a crû de 188 000 en cinq ans.
Alors, maintenant qu’elle est élue, intéressons-nous à Valérie Pécresse, son parcours et son programme, car rappelons-le aussi : en Île-de-France, ce fut la seule candidate qui a parlé de son programme régional et uniquement de son programme régional, sans se dissiper dans des considérations nationales voire internationales. Et une femme présidente de région, finalement, cela reste encore très rare (seulement trois femmes sur les treize grandes régions, aucune en outremer) dans cette France de 2015 qui se veut ouverte à la parité et aux femmes mais qui, dans les faits, est archaïque (les femmes n’ont eu le droit de voter qu’en 1945, un siècle et demi après la Révolution !).
Une personnalité brillante et dynamique
À 48 ans, Valérie Pécresse s’est totalement débridée pendant cette campagne des régionales. Elle considère qu’elle est "assez grande" pour dire crûment ce qu’elle pense sans se lier avec les supposés irremplaçables éléments de langage. Spécialiste des questions familiales et très attentive au sort des réfugiés syriens, elle avait déjà lancé un cri d’alarme dès juillet 2014 pour demander d’aider les chrétiens d’Orient qui étaient massacrés en Syrie et en Irak. C’est dans la capacité à anticiper les grands problèmes d’une époque qu’un homme ou une femme d’État peut s’affirmer. Catholique pratiquante, elle a défendu très tôt la laïcité, seule méthode possible du vivre ensemble, au point de venir soutenir le 27 octobre 2014 la crèche Baby Loup en difficultés financières.
Elle a donné aussi des preuves de son authenticité entre ses discours et ses actes : auditrice au Conseil d’État en 1992 après un brillant parcours, elle a démissionné de la haute fonction publique en novembre 2015 pour se consacrer totalement et sans filet à la vie politique, et donc sans parachute doré (elle est l’une des très rares à l’avoir fait, avec Bruno Le Maire).
Hyper-diplômée au service de ses convictions
Très brillante élève (au point d’apprendre le russe à 15 ans dans un camp de jeunes en Crimée ; elle parle aussi le japonais), elle a fait la prépa Ginette à Versailles puis est diplômée de HEC et de l’ENA (HEC ENA, comme François Hollande !). Elle est sortie de l’ENA vice-major. Mariée et mère de trois enfants, elle a intégré le prestigieux Conseil d’État et a donné des cours de droit constitutionnel à l’IEP Paris et à HEC.
Considérée politiquement comme une "bébé Chirac" parce qu’elle est devenue conseillère à l’Élysée de juillet 1998 à juin 2002 (elle avait aussi été sollicitée dans le camp d’en face, à Matignon, par Lionel Jospin). Sa famille était liée à celle de Jacques Chirac en raison des graves problèmes de santé d’une fille du Président. Succédant au député RPR sortant Franck Borotra, Valérie Pécresse a été élue députée des Yvelines en juin 2002, réélue en juin 2007 (dès le premier tour) et en juin 2012 (en 2002, elle avait aussi pour adversaire le général Philippe Morillon, proche de François Bayrou). Elle fut élue conseillère régionale d’Île-de-France en mars 2004 sur la liste de Jean-François Copé, puis, comme tête de liste, réélue en mars 2010 et présidente du groupe de l’opposition pendant cinq ans.
Son activité parlementaire a été tellement efficace qu’Alain Juppé, alors président de l’UMP, déclara à son propos dès 2002 : « Elle a vocation à entrer dans un gouvernement. ». Ce qui fut fait durant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy (après avoir attendu son tour lors de la nomination du dernier gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et de celui de Dominique de Villepin) : elle fut Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 18 mai 2007 au 29 juin 2011, c’est elle qui lança le plan Campus de 5 milliards d’euros pour développer dix pôles universitaires majeurs en France, puis Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État ainsi que porte-parole du gouvernement du 29 juin 2011 au 10 mai 2012.
Didier Migaud, Premier Président de la Cour des Comptes (et ancien député PS) a reconnu le 23 avril 2014 que l’année 2011 avait été la meilleure année de maîtrise de la dépense publique depuis vingt ans. C’était aussi le thème régional de prédilection de Valérie Pécresse pour ces élections régionales : ne pas augmenter les impôts mais financer la réforme du Pass Navigo (qui coûte dans les 400 millions d’euros non financés par le conseil régional sortant) par des réductions de dépenses dans le train de vie du conseil régional.
Parmi les personnalités qui comptent réellement dans la vie politique
Sacrée par ces élections régionales, Valérie Pécresse fait donc maintenant partie des rares personnes à très grand potentiel pour les prochaines années, d’autant plus qu’elle fut l’une des rares ministres à avoir réalisé avec succès la réforme des universités (loi n°2007-1199 du 10 août 2007), l’idée étant de les rendre plus autonomes et de leur permettre d’avoir d’autres fonds que publics, en particulier par des collaborations avec des grandes entreprises et par la défiscalisation des dons. Une grande partie des universitaires était initialement très opposée pour des raisons idéologiques mais tout le monde a aujourd’hui largement accepté cette réforme qui offre un grand développement et une valorisation des atouts d’enseignement et de recherche. Le succès de cette réforme, l’une des plus réussies et abouties des réformes du quinquennat de Nicolas Sarkozy, est surtout le résultat de la détermination et ténacité de Valérie Pécresse face à la contestation.
Lors de la bataille entre François Fillon et Jean-François Copé à la tête de l’UMP en novembre 2012, Valérie Pécresse avait soutenu ardemment le premier et était, à ce titre, candidate au poste de secrétaire générale. Elle reste toujours proche de François Fillon (c’est un autre filloniste, Jérôme Chartier, qui a été en charge du projet régional) et elle a réussi le tour de force (unique) de réunir le dimanche 27 septembre 2015, au Pavillon Baltard à Nogent-sur-Marne, tous les leaders de la droite et du centre dans un meeting commun : Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, Jean-Christophe Lagarde, Marielle de Sarnez, Bruno Le Maire, etc. après avoir fédéré autour de son leadership l’ensemble des formations de l’opposition parlementaire.
Programme régional
S’il y a eu un élément terriblement escamoté dans ces élections, c’est la campagne électorale, interrompue après les attentats de Paris et l’état d’urgence, et polluée par des considérations nationales (en particulier sur les réfugiés et sur la sécurité) qui ne correspondaient pas aux attributions des régions (au sens de la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015).
Pourtant, Valérie Pécresse fait partie des rares candidats, en Île-de-France, à n’avoir parlé que de ses projets pour la région. Et ses idées sont nombreuses. L’idée, ici, n’est pas de toutes les énumérer mais d’indiquer quelques points forts de ce programme qui me paraissent intéressants.
1. L’emploi
Beaucoup de mesures proposées ont montré que la nouvelle présidente comprend très bien les enjeux économiques, comme le fait de régler dès réception les factures dues par la région aux PME ; de faciliter la trésorerie des PME ; d’accompagner les chefs d’entreprise pour leur transmission ; de renforcer l’aide à la formation des demandeurs d’emploi en investissement massivement pour pourvoir aux 100 000 emplois non pourvus ; de créer un contrat d’apprentissage pour les "seniors" ; de doubler l’aide régionale aux apprentis ; de favoriser le télétravail ; et de lancer un plan 100 000 stages pour les jeunes Franciliens dans les entreprises qui ont des aides ou un marché régionaux.
2. L’éthique
Aucune augmentation d’impôt ne devrait être subie par les Franciliens. Pour financer son programme, Valérie Pécresse veut réduire les dépenses inutiles de fonctionnement : déménager dans des locaux moins coûteux en Seine-Saint-Denis ; réduire des deux tiers le parc automobile des élus ; supprimer l’impression papier du journal de la région (aujourd’hui à 3,5 millions d’exemplaires) au bénéfice de sa version numérique ; supprimer les postes de complaisance au siège régional ; lutter plus efficacement contre la fraude dans les transports publics qui coûte 200 millions d’euros chaque année ; instaurer une taxe pour les poids lourds en transit en Île-de-France ; et aider les communes à nettoyer les dépôts d’ordures sauvages.
Le programme s’est engagé également sur l’exemplarité : « Nous interdirons aux élus de recruter les membres de leur famille au conseil régional et de les loger dans un logement social de la région. (…) Chaque élu remplira une déclaration d’intérêts consultable par tout Francilien et ses indemnités seront réduites à due concurrence de ses absences du conseil régional. ».
3. La richesse des personnes
Valérie Pécresse a proposé que la région finance des chaires d’excellence pour attirer les plus grands chercheurs du monde ainsi que des contrats de retour en France des postdoctorants pour éviter qu’ils restent expatrié ; renforce les programmes sur fonds européens trop peu exploités par l’exécutif sortant ; ouvre les établissements scolaires le soir et les jours non travaillés pour du soutien scolaire ou des activités culturelles et sportives ; construise 25 000 logements étudiants et 3 000 places d’internat (notamment d’excellence avec un retour des bourses régionales au mérite) ; soutienne enfin le plan Campus pour hisser Saclay et Condorcet (Aubervilliers) au rang mondial ; protège les enfants en situation de handicap par un accompagnement personnalisé à chaque rentrée et fasse de 2016 l’année de la cause de l’emploi des personnes en situation de handicap ; soutienne les aidants familiaux qui accompagnent les personnes dépendantes ; investisse dans de nouvelles crèches ; combatte vraiment la drogue et l’alcool dans les lycées ; et augmente de 20% le budget culturel.
4. La sécurité
Thème que Valérie Pécresse a adapté à la suite des attentats du 13 novembre 2015, la sécurité a pris beaucoup d’importance dans ce programme malgré la faiblesse des leviers régionaux : vidéoprotection dans tous les trains et les bus ; 250 agents de police régionale supplémentaires dans les transports ; éclairage et vidéoprotection du parcours entre lycée et transports publics ; descente des bus entre deux arrêts la nuit ; et clôture de sécurité dans tous les lycées.
5. Les transports
Le programme des transports a été lui aussi très ambitieux : automatisation des lignes des métros 4, 11 et 13, et des tronçons parisiens de tous les RER ; liaison ferroviaire directe entre Paris et les aéroports (il serait temps !) ; 1 000 bus supplémentaires pour la grande couronne ajustés aux horaires des trains ; 10 000 nouvelles places de parking près des gares en grande couronne ; investissements massifs pour renforcer l’infrastructure routière aujourd’hui saturée et réduire la pollution automobile ; renforcement de l’offre en transports publics la nuit et le week-end ; maintien du Pass Navigo unique à 70 euros avec tarif spécial notamment pour les familles ; un seul ticket pour tous les modes de transports (métro, train, tramway et bus) sur le même trajet ; construction de murs anti-bruit ; et construction de pistes cyclables le long de toutes les berges franciliennes. En ce sens, elle relancera le Grand Paris.
Une région réconciliée
Valérie Pécresse avait conçu un programme solide et réaliste pour rendre la région Île-de-France plus forte et plus armée face à la crise économique. Son credo devrait être celui de tous les responsables politiques : « C’est cette ambition d’une région conquérante, exemplaire et réconciliée, qui fait respecter la loi partout, récompense le travail et l’effort, protège les plus fragiles, que je vous propose de partager. ».
Elle a maintenant les moyens d’agir avec efficacité. Je lui souhaite bonne chance dans cette ambitieuse entreprise, dans l’intérêt de tous les Franciliens.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (16 décembre 2015)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le Grand Paris.
Régionales 2015 : sursaut ou sursis ?
Les enjeux du second tour des régionales de 2015.
Valérie Pécresse.
Claude Bartolone.
Résultats des élections régionales de décembre 2015.
Le premier tour des régionales du 6 décembre 2015.
Les enjeux des élections régionales de décembre 2015.
Réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 avril 2013.
Le référendum alsacien.
Élections municipales des 23 et 30 mars 2014.
Élections européennes du 25 mai 2014.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Élections départementales des 22 et 29 mars 2015.
Les dernières élections régionales des 14 et 21 mars 2010.
Le ni-ni Doubs.
La poussée annoncée du FN.
Le vote électronique, pour ou contre ?
Le Patriot Act à la française.
Changement de paradigme.
Mathématiques militantes.
2017, tout est possible...
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151216-pecresse.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/valerie-pecresse-nouvelle-175473
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/12/17/33074506.html
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