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17 septembre 2021 5 17 /09 /septembre /2021 03:22

« Un esprit de masochisme national prévaut, encouragé par une corporation décadente de snobs impudents qui se définissent eux-mêmes comme des intellectuels. » (Spiro Agnew, le 20 octobre 1969 dans le "New York Times" pour dénoncer la manifestation du Moratorium Day contre la guerre du Vietnam).



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Entre l’innovateur territorial et le gaffeur corrompu. L’ancien Vice-Président des États-Unis Spiro Agnew est mort il y a vingt-cinq ans, le 17 septembre 1996, à Berlin, pas la capitale allemande mais la ville du Maryland. Il avait 77 ans, né le 9 novembre 1918. Son nom a été synonyme de magouilles, de corruption et d’affairisme et sa postérité s’arrête surtout sur le fait qu’il a été le second Vice-Président à avoir dû donner sa démission en cours de mandat et le premier pour des raisons de scandale financier. C’était le 10 octobre 1973.

Précisons qu’un Vice-Président aux États-Unis n’est pas comme le Premier Ministre en France. Il est élu en même temps que le Président des États-Unis (ils forment ce qu’on appelle un "ticket") alors qu’en France, le Premier Ministre, bien que responsable devant le Parlement, n’est que nommé par le Président de la République dans sa totale puissance et sa légitimité émane de lui et pas du peuple.

Fils unique d’un restaurateur venu du Péloponnèse aux États-Unis en 1897 (à l’âge de 21 ans) et qui a connu la pauvreté dans les années 1930, Spiro Agnew a servi dans l’armée comme commandant d’une compagnie de la 10e Division blindée en 1942 sur le sol européen et il a fait une année de plus pour la guerre de Corée, selon le livre de Frank F. White Jr. ("The Governors of Maryland 1777-1970", 1970).

Avocat spécialisé dans le droit social et homme d’affaires, il s’est engagé au parti républicain, dans son aile centriste et progressiste. D’ailleurs, il s’est implanté électoralement dans l’État du Maryland, où il est né (à Baltimore), dont la sociologie était plutôt de tendance démocrate (un État qui a compté trente et un gouverneurs démocrates à ce jour). Spiro Agnew était donc un réformateur, républicain apprécié des démocrates (le genre de tendance aujourd’hui introuvable au sein du parti républicain où le Tea Party fait maintenant figure d’aile modérée face à Donald Trump). Côté obscur : le Maryland était un État fortement corrompu, où régnait la collusion entre la politique et le crime pendant des décennies (années 1950 à années 1970).

Après quatre ans d’implantation locale à Baltimore (il fut à l’origine de la première loi sur les logements publics avec obligation de construire des espaces verts et des parcs dans les nouveaux lotissements), Spiro Agnew a été élu le cinquante-cinquième gouverneur du Maryland, le 8 novembre 1966 (il exerça peu longtemps, à peine deux ans, du 25 janvier 1967 au 7 janvier 1969), ce qui fut une performance pour un républicain (le cinquième du Maryland). Avec cette élection, Spiro Agnew fut le premier gouverneur d’un État américain d’origine grecque (le nom de son père était Anagnostopoulos). Le deuxième fut Michael Dukakis au Massachusetts entre 1975 et 1979. Pour la famille, c’était une très forte ascension sociale.

Son élection, purement personnelle (car les républicains n’ont pas eu la majorité dans les instances législatives), il l’a eue un peu par la chance, car les démocrates (sortants) étaient très divisés et se sont autophagocytés (il a été soutenu par des dizaines de milliers de démocrates). Il s’était engagé à faire une profonde réforme fiscale, en passant de l’impôt foncier à l’impôt sur le revenu pour financer les collectivités locales, et en rendant l’impôt sur le revenu progressif. Ce fut sa principale réussite comme gouverneur.

En bonne coopération avec le législatif dominé par les démocrates, il a aussi proposé un nouveau mode de gouvernance : « Ce sera la résolution de cette administration à poursuivre une voie d’excellence dans l’exercice de ses fonctions de gouvernement. Chaque programme, chaque loi, chaque crédit sera mesuré pour s’assurer qu’il atteint des normes élevées d’excellence. Ce sera la marque distinctive de la nouvelle administration pour exiger l’excellence dans les programmes et les services… à travers ce nouveau leadership. ». Spiro Agnew a voulu aussi doter le Maryland d’une nouvelle Constitution souhaitée par les électeurs, il a fait réunir une Convention constitutionnelle à Annapolis du 12 septembre 1967 au 10 janvier 1968 pour rédiger le nouveau texte mais la nouvelle Constitution fut rejetée massivement par les électeurs. Ce fut son principal échec comme gouverneur.

Soutenu en 1966 par les partisans de Martin Luther King, Spiro Agnew a perdu leur soutien après l’assassinat de leader charismatique, les émeutes de Baltimore et son refus, le 11 avril 1968, de rencontrer les étudiants du Bowie State College qu’il a fait fermer pour l’évacuer. Spiro Agnew a dit un peu plus tard, le 7 janvier 1969, quand il a démissionné de son poste de gouverneur pour la Maison-Blanche : « Regarder une ville brûler, marcher à travers des blocs anéantis comme par les bombes d’une attaque aérienne ennemie est douloureux. On ne peut pas sortir indemne d’une telle expérience. ». D’ailleurs, le Maryland n’a pas voté en faveur du ticket Nixon-Agnew en novembre. Effectivement, Spiro Agnew allait avoir un "destin".

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Aux primaires républicaines de 1968, Spiro Agnew a soutenu la candidature du gouverneur de New York, Nelson Rockefeller mais après l’abandon de ce dernier en mars 1968, il s’est mis à soutenir la candidature de Richard Nixon. Il a notamment prononcé un discours très élogieux pour Richard Nixon, qui « a combattu tout au long de sa carrière politique pour des principes et qui n’a pas hésité à payer le prix de l’impopularité en défendant ces principes, un homme qui peut négocier la paix sans sacrifier la vie, la terre et la liberté, un homme qui a eu le courage de se relever des profondeurs de la défaite il y a six ans et de faire le plus grand retour politique de l’histoire américaine, le seul homme dont la vie prouve que le rêve américain n’est pas un mythe brisé et que l’esprit américain, sa force et son sens de la stabilité, restent constants ».

La désignation de Spiro Agnew comme candidat à la Vice-Présidence par l’ancien Vice-Président Richard Nixon à l’élection présidentielle du 5 novembre 1968 a étonné et avait pour but d’être complémentaire et de permettre de se concentrer sur les relations entre les territoires et Washington. Lorsqu’il a été désigné le 8 août 1968 à la Convention de Miami, il était un inconnu au niveau fédéral : « Bien sûr, je ne suis pas connu, mais je me ferai connaître. ». Et c’était vrai, il a commencé à se faire connaître… comme un gaffeur à répétition (Joe Biden l’est aussi), c’est-à-dire que dans ses interventions, il commettait souvent des maladresses. Au fil de la campagne électorale, Spiro Agnew handicapait plus que n’aidait Richard Nixon, si bien que ses conseillers ont écourté son itinéraire de campagne.

Néanmoins, Spiro Agnew représentait bien une nouvelle génération de responsables politiques : « des banlieusards majoritairement autodidactes qui ont pris de l’importance non pas dans les salles enfumées des clubs politiques à l’ancienne, mais dans l’atmosphère éclairée par des lampes fluorescentes du supermarché et le monde homogénéisé des association de parents d’élèves » (Franck F. White).

Le "ticket" a été gagnant (élu de justesse avec 43,4% face à Hubert Humphrey) et il a été réélu très largement à l’élection présidentielle du 7 novembre 1972 (avec 60,7% des voix face à George MacGovern). Spiro Agnew a donc succédé le 20 janvier 1969 à Hubert Humphrey, Vice-Président sortant et candidat malheureux à la Présidence.

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Lors de la première élection de Spiro Agnew, Jacques Amalric, dans "Le Monde" du 8 novembre 1968, a présenté le nouveau Vice-Président des États-Unis, peu connu des Français, ainsi : « Ce fils d’un immigrant grec (…), qui a travaillé dur pour se faire une place au soleil, ainsi qu’il aime à le rappeler, est un parfait prototype de l’habitant des "suburbs", ces îlots confortables aux rues bordées d’arbres (…). Leur principal contact avec le monde extérieur est alors la télévision, et c’est sur les petits écrans qu’ils assistent tous les étés à la désagrégation de cités qu’ils se félicitent, avec un effroi rétroactif [rétrospectif plutôt], d’avoir abandonnées à temps. ».

Richard Nixon a donné à Spiro Agnew un peu de pouvoir. Le Vice-Président avait même un bureau à la Maison-Blanche (normalement, il siège au Capitole comme Président du Sénat) et il était chargé des relations entre l’État fédéral et les collectivités locales, avec un bilan qui a été positif même s’il a été masqué par les affaires financières et les controverses.

Pendant son mandat, malgré ses bourdes, ou plutôt, grâce à ses bourdes, Spiro Agnew était populaire car il avait un franc-parler qui l’honorait, à la limite du populisme, porte-parole de la majorité silencieuse, de l’Américain moyen, un peu comme bien plus tard Donald Trump (mais il n’y avait pas d’Internet). Ses saillies contre les pacifistes opposés à la guerre du Vietnam, contre les médias, etc. sont connues et étaient à l’époque très appréciées dans les milieux populaires. En 1972, Richard Nixon aurait voulu l’évincer de son second mandat, mais il n’y est pas parvenu. Spiro Agnew fut l’un des hommes les plus contrastés du moment, admiré par certains (il a su collecter les fonds républicains pour les élections) et détesté par d’autres, méprisé par les intellectuels, la jeunesse américaine, etc. Bref, un homme qui ne laissait pas indifférent.

Il est d’ailleurs surprenant voire amusant de lire un sondege réalisé par Gallup en 1970 sur la perception que le peuple avait du Vice-Président. Il montrait la réputation de Spiro Agnew dans le pays : « un Vice-Président courageux, honnête, intègre et franc, un élu qui n’est pas un homme de main présidentiel, mais plutôt la voix de l’Amérique profonde, qui personnifie toutes les belles qualités et caractéristiques enrichissantes qui ont fait la grandeur du pays ». C’était sans savoir le niveau d’affairisme dont il serait redevable trois ans plus tard.

Les Américains sont plus lucides qu’en France sur les failles du système. Lorsqu’une personnalité politique est prise la main dans le sac, elle le reconnaît, elle s’efface honorablement et elle paie les pots cassés. En France, à de très rares exceptions près (comme Jérôme Cahuzac, eh oui !), quasiment aucune personnalité politique, même condamnée définitivement, même ayant purgé sa peine en prison, ne reconnaît quoi que ce fût de ses actes répréhensibles et certains sont même prêts à repartir à la bataille pour laver l’affront judiciaire (par exemple, le plus éloquent, Alain Carignon à Grenoble en 2020).

Les premières affaires de pots-de-vin furent révélées par les journaux en 1973. Les accusations contre lui concernaient tant des actes commis comme ancien gouverneur (on parlait d’argent caché au fisc) que comme Vice-Président (on parlait de corruption, ce qui était beaucoup plus grave).

Dans un premier temps, Spiro Agnew a nié en bloc, et dénoncé la calomnie. Il est même allé rencontrer Elliott Richardson, le procureur général des États-Unis (une sorte de super ministre de la justice, indépendant du gouvernement), mais ce dernier a courageusement refusé de l’aider. Les preuves contre lui étaient accablantes et le procureur du Maryland, Georg Beall, a annoncé à Spiro Agnew le 1er août 1973 qu’il poursuivrait l’enquête judiciaire.

Cherchant à bénéficier du vide juridique (la Constitution des États-Unis n’indiquait rien sur l’éventualité de poursuivre un Président ou un Vice-Président s’ils avaient commis un crime ou un délit au cours de leur mandat), Spiro Agnew a mis au défi le Speaker (Président) de la Chambre des Représentants Carl Albert de lancer une procédure d’impeachment (destitution) contre lui.

La politologue canadienne Karine Prémont a expliqué l’objectif de cette démarche sur Radio-Canada le 27 mars 2019 : « [Spiro Agnew] sait bien que les chances d’être destitué sont à peu près nulles. L’histoire l’a démontré. Et c’est la seule façon pour lui de prendre connaissance des actes d’accusation qui pèsent réellement sur lui. Et il joue aussi sur l’idée de peut-être gagner l’opinion publique à son égard. ».

Mais Carl Albert a refusé et l’inculpation allait suivre. Donc, dans un second temps, Spiro Agnew a reconnu les faits, du moins, il n’a pas contesté les accusations mais il n’a pas non plus plaidé coupable. Il a seulement négocié son départ immédiat de la Vice-Présidence en échange de ne pas aller en prison. C’est toujours troublant, ces négociations avec la loi.

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Gerald Ford a été désigné Vice-Président par Richard Nixon, désignation confirmée par le Congrès, ce qui, ici, pourrait sembler se rapprocher du mode de désignation d’un Premier Ministre en France. Mais comment aurait-il pu en être autrement quelques mois après une élection présidentielle ? On n’allait pas non plus proposer un poste de suppléant au Vice-Président alors que ce dernier est avant tout le suppléant du Président. Comme la démission de Richard Nixon a suivi d’assez près de celle de Spiro Agnew, Gerald Ford fut le (seul) Président des États-Unis à n’avoir jamais été soumis aux suffrages populaires (d’autant plus qu’il a échoué lors de sa tentative de réélection en 1976).

Bien plus tard, Spiro Agnew a laissé entendre dans ses Mémoires que Richard Nixon aurait été à l’origine des accusations qui l’ont fait tomber afin de défocaliser l’attention des médias sur le scandale du Watergate, scandale bien plus grave qui a finalement balayé Richard Nixon. Il aurait même reçu des menaces d’assassinat de la part du futur chef de la diplomatie américaine Alexander Haig (alors dircab de Nixon) s’il ne démissionnait pas.

Objet de sarcasmes ou de mépris de la part des journaux, Spiro Agnew avait depuis longtemps une dent contre la presse américaine, bien avant que le scandale sur ses affaires n’éclatât : « Il y a des journaux qu’on croirait seulement destinés à protéger le fond des cages à oiseaux. ». Une belle tournure pour exprimer la chienlit d’une certaine presse…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Spiro Agnew.
Bill Clinton.
Jeff Bezos.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210917-spiro-agnew.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-destin-inacheve-de-spiro-agnew-235666

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18 août 2021 3 18 /08 /août /2021 03:34

« Nous réalisons tous de meilleures choses lorsque nous travaillons ensemble. Nos différences comptent, mais l’humanité que nous avons en commun importe davantage. » (Bill Clinton).



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Ce jeudi 19 août 2021, Bill Clinton fête son 75e anniversaire, cinq ans de plus qu’un aspirant Président Jean-Luc Mélenchon, un jour de plus qu'un ancien aspirant, Laurent Fabius. Pour cet ancien jeune Président des États-Unis en exercice du 20 janvier 1993 au 20 janvier 2001, pendant longtemps, il n’a pas été question de retraite : son épouse Hillary Clinton lui a emboîté le pas et s’est lancée, elle aussi, à la conquête de la Maison-Blanche, en 2008 puis et en 2016. Sans succès.

Alors, quand, en 2007, Bill Clinton a entendu le Président de la République française en exercice Jacques Chirac affirmer son soutien à Hillary Clinton, il n’était pas difficile d’imaginer l’état d’esprit de celui qui croyait encore qu’il allait être le premier époux de la première Présidente des États-Unis. Lorsque le 30 septembre 2019, Bill Clinton est venu à Paris pour rendre un dernier hommage à Jacques Chirac, il se rappelait cet épisode de grande amitié : « Je me souviens de lui qui brandissait un pin’s de Hillary en 2007. C’était un risque politique, et il disait : " Ça m’est bien égal si tout le monde sait que c’est mon amie". J’ai adoré ça. Et je me rappelle aussi que c’est notre alliance dans l’OTAN qui a permis de mettre fin à la guerre des Balkans et d’empêcher un bain de sang ethnique au Kosovo. ».

En fait, la mort de Jacques Chirac a suscité peu de réactions diplomatiques de la part des États-Unis de Donald Trump (juste un communiqué très poli de Mike Pompeo) et aucune réaction de l’ancien Président George W. Bush (fils) qui avait regretté le manque de soutien de la France à la guerre en Irak. Par conséquent, ce fut Bill Clinton qui est venu représenter son pays aux funérailles de l’ancien Président français à l’église Saint-Sulpice (qui remplace Notre-Dame de Paris pendant les travaux) aux côtés de nombreux dirigeants du monde, actuels ou anciens (dont Vladimir Poutine, Gerhard Schröder, Abdou Diouf, Jose Luis Rodriguez Zapatero, Sergio Mattarella, Viktor Orban, Charles Michel, Saad Hariri, etc.).

Après un déjeuner à l’Élysée avec le Président Emmanuel Macron, Bill Clinton a répété qu’il venait de perdre un ami : « Tu me manqueras, Jacques ! Je l’aimais bien et il me manquera. J’aimerais bien que ce vieux Jacques soit encore là ! ». Et de compléter : « Il était toujours très français, très protecteur des intérêts français. Mais d’une manière qui réunissait les gens, pas qui les divisait. ».

Il faut dire que les deux hommes s’aimaient beaucoup parce qu’ils étaient de la même espèce, des animaux politiques qui n’abandonnent jamais même quand tout paraît incertain. D’ailleurs, l’une des formules de Bill Clinton, très américaine, c’est : « Si vous avez une longue vie, vous ferez des erreurs. Mais si vous apprenez d’elles, vous serez une personne meilleure. Il s’agit de la manière dont vous gérez l’adversité, pas de la façon dont elle vous affecte. La chose la plus importante est de ne jamais abandonner, jamais. ». La ténacité de Jacques Chirac fut d’ailleurs certainement supérieure à celle de Bill Clinton.

Les deux hommes ont su s’apprécier assez rapidement. Dans le livre "Dear Jacques, Cher Bill" de Gilles Delafon et Thomas Sancton, sorti en 1999 chez Plon, analysant les relations entre les deux hommes, voici une impression de Jacques Chirac parlant de Bill Clinton : « C’est un homme très ouvert. Moi-même je suis un homme de contact. Ça a tout de suite marché. Clinton est un homme d’ouverture, de vision, d’intelligence. C’est ce qu’on fait de mieux comme Américain. Il a toutes les qualités qu’un Américain peut avoir. Et pas ses défauts. ». Et les auteurs du livre d’ajouter : « Il y a cette admiration sincère que Jacques Chirac éprouve pour Hillary. Il apprécie son intelligence et son courage, et n’hésite pas à confier : "Elle aurait fait un bon Président". Bien qu’ils viennent d’horizons politiques apparemment opposés, Chirac et Clinton préfèrent des solutions pratiques aux principes idéologiques. ».

Et revenons à la genèse de leurs relations. Bill Clinton s’est rendu en France pour célébrer le cinquantième anniversaire du Débarquement le 6 juin 1994. C’était l’occasion de rencontrer les responsables politiques français à quelques mois de la prochaine élection présidentielle française. Bill Clinton avait donc prévu de rencontrer les principaux personnages français : le Président de la République François Mitterrand, en fin de mandat, le Premier Ministre Édouard Balladur que tous les sondages donnaient largement vainqueur de la prochaine élection, le Ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, très apprécié des diplomates américains, le fougueux Président de l’Assemblée Nationale Philippe Séguin.

Alors, pourquoi rencontrer aussi le maire de Paris, Jacques Chirac, que tous les sondages donnaient perdant ? Ce fut l’ambassadrice des États-Unis en France, Pamela Harriman, excellente observatrice de la politique intérieure française, qui a réussi à convaincre les conseillers diplomatiques de Bill Clinton de rencontrer Jacques Chirac : « Parce qu’il peut être Président ! ». D’ailleurs, la diplomate, qui avait rencontré le maire de Paris au cours d’un dîner en décembre 1993, avait été très séduite par le "coté entier" et "volontaire" de Jacques Chirac qui connaissait bien les États-Unis (il y avait fait un grand tour très formateur en 1953).

Pour Jacques Chirac, venu à l’ambassade américaine, près de l’Élysée, le 7 juin 1994, c’était une reconnaissance internationale bienvenue avec ces mauvais sondages. Il est arrivé, accompagné de trois conseillers dont Pierre Lellouche et Jérôme Peyrat. C’était sa première rencontre avec Bill Clinton, et assez vite, le courant est bien passé : « Les témoins notent immédiatement un certain mimétisme entre les deux hommes. Même taille, même carrure, même chaleur naturelle, même simplicité. Même savoir-faire de circonstance aussi. Celui des bêtes politiques. » (livre cité). Les deux "bêtes" ont alors évoqué les essais nucléaires français (que Jacques Chirac voulait reprendre en cas d’élection, au grand dam des Américains), le trafic de drogues, la situation dramatique en Algérie, etc.

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Bon contact en surface, car la réalité était moins évidente. De retour de cet entretien, Jacques Chirac qui admirait George H. W. Bush (père) pour son excellente connaissance des relations extérieures, n’était pas vraiment enthousiasmé par son successeur : « À l’arrière, Chirac grommelle et lance une plaisanterie peu flatteuse pour Clinton. En lui, il a reconnu un pro de la politique, guère plus. L’homme ne lui as pas paru préoccupé par les affaires de la planète. ». La réaction de ses conseillers : « Ce type est séduisant, mais il incarne le pur politicien américain. Le gars qui assène à chacun de ses interlocuteurs exactement ce qu’il a envie d’entendre. » (on dirait une critique à l’adresse d’Emmanuel Macron !). Un autre conseiller : « Ce n’est pas Bush [père]. Lui avait une vision du monde et connaissait parfaitement les relations internationales. Remarque, ce n’est pas Reagan non plus, avec son folklore et ses trois idées fixes. ».

Parmi les festivités, le 7 juin 1994, Bill Clinton s'est rendu au Palais-Bourbon. Témoignage de Michèle Cotta dans ses "Cahiers secrets" : « Bill Clinton est reçu aujourd’hui en grande pompe à l’Assemblée Nationale par Philippe Séguin. Après le roi d’Espagne, le voici donc face aux députés [français]. (…) Il commence, de sa voix légèrement voilée, reconnaissable entre toutes, par remercier François Mitterrand de son invitation en France : "Ce que j’ai vu hier en Normandie, dit-il, ce sont des souvenirs pour toute ma vie". Il évoque ensuite (…) la coopération entre les États, en Bosnie notamment (…). Lorsqu’il a fini de parler, les députés de tous bords se lèvent pour une standing ovation. Ce n’est pas tant ce qu’il a dit que la façon dont il l’a dit, la force qui émane de lui, son énergie, que l’on applaudit dans les travées ou dans les tribunes réservées au public (…). Joli coup de pub pour Philippe Séguin ! ».

Bill Clinton qui avait sablé le champagne le 10 mai 1981 pour fêter la victoire socialiste, était très apprécié de François Mitterrand : « Chez Clinton, Mitterrand aime l’intelligence, la capacité à écouter, la volonté de comprendre. Il déplore même que son attitude de quasi-déférence empêche leur relation de s’approfondir à travers une bénéfique confrontation. Il le trouve trop timide avec lui. ».

La consécration du président du RPR, ce fut un peu plus tard, lors de sa rencontre avec Bill Clinton à la Maison-Blanche le 20 septembre 1994. Une visite à la fois diplomatique et électorale, où le candidat gaulliste a aussi rencontré les deux leaders républicains du moment, Bob Dole (qui fut le candidat à l’élection présidentielle américaine de 1996) et Newt Gingrich, futur Président de la Chambre des représentants ("speaker") après la victoire des républicains au Congrès en novembre 1994, tous les deux très conservateurs.

Après cet entretien à la Maison-Blanche, Jacques Chirac a été "convaincu" par Bill Clinton. Et Pamela Harriman qui l’accompagnait « est aux anges. Le voyage monté par son staff se déroule parfaitement. Chirac et Clinton se sont bien entendus. Dès lors, l’équipe de l’ambassade américaine à Paris ne cache plus que dans la présidentielle française, elle aura "les yeux braqués sur Chirac". ». Belle preuve d’anticipation.

Après son élection à l’Élysée en mai 1995, Jacques Chirac a donc pu nouer des relations très proches avec Bill Clinton qui avait cru en ses chances d’être élu. En fait, si Bill Clinton ne connaissait rien en politique étrangère, il savait apprendre rapidement, et le sujet qui n’a jamais cessé d’obséder Jacques Chirac, c’était la guerre dans l’ex-Yougoslavie. Il voulait maintenir l’embargo des armes en Bosnie et créer au sein de l’ONU une force de réaction rapide (FRR) pour protéger les troupes de la FORPRONU ainsi que la population civile bosniaque.

Peu avant le sommet du G7 à Halifax, ce fut de manière très volontariste que Jacques Chirac a réussi, lors d’une rencontre à Washington le 14 juin 1995, à convaincre Bill Clinton de le soutenir au Conseil de Sécurité de l’ONU, dans un contexte de politique intérieure américaine très compliqué (la majorité était républicaine au Congrès et le vote de nouveaux crédits était difficile à obtenir).

Appréciation d’un diplomate américain : « Chirac est désormais perçu comme le leader avec lequel il va falloir compter, le futur interlocuteur européen : "Il est vu comme un partenaire très important, confie un diplomate américain. Il vient de remporter une énorme victoire et il a une immense majorité parlementaire. Clinton a aussi admiré la façon dont il a su se mettre au centre de la scène à Halifax. Il sait jouer des coudes". ».

Un autre diplomate américain : « Chirac veut réaffirmer les prérogatives présidentielles en matière de politique étrangère, après des années de cohabitation. Il a une dynamique, un désir de trancher, de prendre des décisions. Il est reaganien aussi dans le sens où ses discours témoignent d’une exaspération à l’égard de la technocratie de la politique étrangère. Il a la volonté de devenir un grand communicateur. ».

Le succès, ce fut les accords de paix. Voici comment a vu les choses Michèle Cotta le 20 décembre 1995 : « Juste quelques lignes (…) sur la fin de la première année de l’ère Chirac : j’en retiens surtout un état paradoxal, en particulier au mois de décembre [1995] qui s’achève. D’un côté, les grèves (…). De l’autre, presque aussi spectaculaire, les accords de paix en Yougoslavie qui viennent d’être signés à l’Élysée, par les Présidents de la Serbie, de la Croatie et de la Bosnie, sous le regard de bonnes fées qui ont pour noms Bill Clinton, Helmut Kohl, John Major et Felipe Gonzalez. D’un côté (…), la France qui râle. À l’Élysée, la réussite de la ligne Chirac dans le conflit yougoslave. ».

Bill Clinton est l’ami de la France, oui, mais il était d’abord l’ami de Jacques Chirac. Et c’était réciproque. La preuve : Jacques Chirac, le dimanche 13 septembre 1998, a appelé Bill Clinton pour un entretien téléphonique, dans le cadre classique d’échanges entre les deux chefs d’État. Mais cet appel était un peu particulier. Jacques Chirac voulait manifester à Bill Clinton son soutien personnel pour l’épreuve qu’il traversait. Deux jours auparavant, le procureur Kenneth Starr avait en effet rendu public son rapport qui a humilié le Président américain, l’accusant de mensonge lors de sa déposition sous serment le 17 janvier 1998 (dans l’affaire Monica). Étalage de la vie privée, et volonté de lynchage médiatique de la part du procureur et aussi des parlementaires républicains.

Gilles Delafon et Thomas Sancton ont précisé : « "Mais c’est incroyable !" s’est exclamé Jacques Chirac en découvrant vendredi ce déballage sur la chaîne américaine d’information permanente CNN. L’atteinte à la vie privée, caractérisée, que constitue cette affaire le révulse. (…) Depuis la publication du rapport, le Président [français] réfléchit à la façon dont il pourrait manifester son soutien à Bill Clinton. (…) Le Président américain fait pitié [depuis le 17 août], tant il multiplie les excuses publiques. (…) La publication du rapport Starr (…) constitue l’ultime humiliation qui pousse Chirac à réagir. Par solidarité, mais aussi parce que la tournure prise par les événements menace sérieusement l’autorité du plus puissant chef d’État. (…) Dès le début de leur conversation téléphonique, Chirac confie ainsi à Clinton : "Bill, je veux que tu saches combien je me trouve à tes côtés et je vais le déclarer officiellement. (…) Personne ici ne comprend comment la démocratie américaine a pu se dévoyer ainsi". ». La réponse de Bill Clinton : « Jacques, les mots que tu viens de prononcer ont une valeur inestimable. ».

Une très forte complicité liait effectivement les deux hommes : « À un moment, Clinton formule une requête : "Jacques, si tu faisais un communiqué précisant tout cela, cela m’aiderait". Le Président français n’y voit aucun inconvénient. Au contraire. Et les deux hommes se mettent d’accord, ensemble, sur la formulation de la déclaration française. Peu après leur entretien, dans la déclaration qu’il fera publier, Jacques Chirac renouvellera son soutien à Bill Clinton, mais ajoutera également une phrase d’importance : "Le monde, dans les épreuves qu’il traverse, a besoin d’une Amérique en état de marche". ».

En amitié comme en amour, il y a des choses intangibles : c’est d’en donner des preuves.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 août 2021)
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Pour aller plus loin :
"Dear Jacques, Cher Bill. Au cœur de l’Élysée et de la Maison-Blanche, 1995-1999" par Gilles Delafon et Thomas Sancton, éd. Plon (1999).
Bill Clinton, le roi du charisme.
Bill Clinton, l’ami de la France.
Jeff Bezos.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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4 août 2021 3 04 /08 /août /2021 01:25

« Je vois les ciels bleus et de blancs nuages
D’éclatants jours bénis, de sombres nuits sacrés
Et je pense en moi-même : Quel monde merveilleux ! »
("What a wonderful world", 1960).


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Le musicien de jazz internationalement réputé Louis Armstrong est mort il y a cinquante ans, le 6 juillet 1971, à New York, d’une crise cardiaque (en plein sommeil). Il avait une santé assez fragile et il n’allait avoir que 70 ans quelques jours plus tard (il est né le 4 août 1901 à La Nouvelle-Orléans).

C’est peu utile de présenter vraiment Louis Armstrong tant il représente par lui-même le jazz et la musique positive, avec une trompette en guise de voix qui a pris ses lettres de noblesse grâce au talent de Louis Armstrong. En fait, il a de moins en moins joué lui-même de la trompette et de plus en plus chanté car l’instrument lui détruisait les lèvres.

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Certes, Louis Armstrong n’était pas qu’un jazzman, il était un homme de scène, au charisme fou et surtout, un homme qu’on dit généreux et que je dirais surtout positif, qui respirait la joie de vivre et qui voyait beaucoup plus le verre à moitié plein que le verre à moitié vide.

Son "tube" qui est connu de tout le monde, parce qu’il a fait le tour du monde, pourrait être considéré comme naïf ou bisounours mais justement, non, il respire une tendresse, ou mieux, une philosophie de vie qu’il a toujours voulu bienveillante.










Ce qui est extraordinaire, c’est que c’est un "monstre" de la musique du XXe siècle et qu’il doit encore être reconnu comme tel. Intéressants à lire, les milliers de commentaires sur ses vidéos. Il y a quelques mois, un internaute s’est risqué à écrire : « Louis Armstrong isn’t dead, he’s just in another wonderful world. » [Il n’est pas mort, il est seulement dans un autre monde merveilleux]. Un autre : « Every time I lose faith in humanity I listen to this and a lil of it comes back. » [Chaque fois que je perds foi en l’humanité, je l’écoute et elle me revient un peu].

Louis Armstrong s’est produit de 1919 à sa mort, soit plus d’une cinquantaine d’années. On lui a reproché de ne pas s’être beaucoup battu pour les droits civiques aux États-Unis et pourtant, cela semble bien le contraire, il a énormément aidé financièrement des personnalités comme Martin Luther King, et on disait même qu’il était si généreux que la moitié de ses droits a été consacrée à des dons et œuvres pour diverses causes.

Dans le cadre de Nice Jazz Festival le 28 février 1948, il a découvert Suzy Delair chanter "C’est si bon". Il fut fasciné et a repris une version américaine de la chanson qu’il a enregistrée le 26 juin 1950. Ce fut rapidement un grand succès. Plus exactement, Louis Armstrong a écouté Suzy Delair à une répétition au Casino de Monte-Carlo. Le chef d’orchestre de celle-ci lui a fait remarquer qu’elle manquait de peps et, en colère, elle a claqué la porte et n’a jamais repris cette chanson qui fut interprétée plus tard notamment par Jean Marco, Lucien Jeunesse, Yves Montand, Eddy Mitchell, Tino Rossi, Eddie Constantine, Sophie Darel, Arielle Dombasle, Thomas Dutronc, Iggy Pop et Diana Krall, Sacha Distel, Ray Ventura, Roch Voisine, Maurice André, Mireille Mathieu, et dans la version américaine, Dolores Gray, Dean Martin, Barbara Streisand, etc. (et aussi Joséphine Baker, Marlene Dietrich, etc.).










C’était Henri Betti, le pianiste de Maurice Chevalier, qui a composé cette chanson en juillet 1947, assez rapidement (en quelques heures). Maurice Chevalier fut incapable d’y associer des paroles et proposa au parolier André Hornez de s’y coller et ce dernier imagina de faire interpréter la chanson par Suzy Delair après la bonne expérience dans un film d’Henri-Georges Clouzot ("Quai des Orfèvres", sorti le 3 octobre 1947). En effet, sur une composition de Francis Lopez (compositeur d’opérettes) et des paroles d’André Hornez, Suzy Delair est devenue une star en chantant "Avec son tralala" et "Danse avec moi". Mais celle-ci, trop irascible, lâcha l’affaire après une répétition médiocre.

La chanson la plus célèbre interprétée par Louis Armstrong fut "Hello, Dolly !", enregistrée le 9 mai 1964 (chanson qui fut interprétée aussi par Barbara Stresand, Annie Cordy, etc.).










Renommé pour ses improvisations, il était un boulimique des enregistrements, des tournées, etc. Pendant des dizaines d’années, Louis Armstrong, qui avait un petit orchestre et faisait de très nombreuses tournées, produisait environ trois cents concerts en moyenne chaque année. Il a aussi beaucoup collaboré avec d’autres artistes, en particulier avec la diva Ella Fitzgerald.






Voici, en guise de modeste hommage, un petit aperçu d’autres morceaux choisis de l’irremplaçable Louis Armstrong…






Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 juillet 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Jimmy Somerville.
Ella Fitzgerald.
Serge Gainsbourg.
Fernandel.
Eddie Barclay.
Daniel Balavoine.
Jean Ferrat.
John Lennon.
Kim Wilde.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210804-louis-armstrong.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/07/23/39068986.html



 

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16 juillet 2021 5 16 /07 /juillet /2021 02:39

« En moi circule le sang d’une meilleure époque, à travers le siècle présent j’erre comme un somnambule. » (Paul Klee).



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C’est sûr que lorsqu’on est multimillionnaire, on peut tout se permettre, on peut tout acheter. Ceux de l’ancienne génération, c’étaient villas, yachts, œuvres d’art (défiscalisées), jet set, vignobles… Les plus téméraires investissaient dans des entreprises en manque de fonds propres, voire aidaient des jeunes créateurs. Mais quand tu as des milliards ? Eh bien, la mode des GAFAM, c’est de créer ses propres industries : centre de recherche contre le cancer, studios de cinéma, etc. et maintenant, pourquoi pas ? une agence spatiale privée. Le "maintenant" est un peu trop rapidement écrit par moi, puisque Blue Origin, la société spatiale créée par Jeff Bezos, le fondateur du site Amazon, devenu milliardaire, elle a été créée en septembre 2000. Cela ne date pas d’aujourd’hui.

Il a donc fallu près de vingt et un ans de développement et la collaboration de 2 000 salariés directs, sans compter tous les prestataires externes, pour acquérir une compétence qui était jusque-là réservée aux États : être capable d’envoyer des humains dans l’Espace. Même l’Europe ne l’a jamais fait, malgré sa grande expérience de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de l’aventure du lanceur Ariane.

Quand on a de l’argent, on peut tout se permettre, même les rêves les plus fous. Les multinationales tentaculaires et planétaires sont aussi puissantes que des États, et d’ailleurs, il serait intéressant à concevoir que n’importe quel milliardaire pourrait se payer une armée personnelle pour prendre politiquement le pouvoir à un endroit du monde peu défendu militairement. Leurs motivations restent cependant plus économiques que politiques : se faire de l’argent !

C’est vrai que Jeff Bezos s’est fait doubler par Virgin Galactic, la société spatiale d’un autre milliardaire, Richard Branson, fondateur de Virgin, qui a fait un vol suborbital le 12 juillet 2021. Mais je pense que les deux essais n’ont pas grand-chose à voir sinon un choc des titans milliardaires qui veulent voir la Terre de loin. Et dans ce domaine, c’est quand même Elon Musk et sa société SpaceX qui a un temps d’avance puisqu’elle a été choisie par la NASA pour la suppléer.

L’actualité est plutôt déprimante en ce moment, et en France, ce mardi 20 juillet 2021, elle l’est particulièrement avec la confirmation de la brutale reprise épidémique, plus de 18 000 nouveaux cas en une seule journée, un taux de reproduction de l’ordre de 2, énorme… Alors, suivons ces milliardaires et rêvons avec eux. Le temps d’un article. Avant de rouvrir les yeux sur une réalité que j’évoquerai plus tard.

Ce qui s’est passé à 15 heures 12 (heure de Paris), ce mardi 20 juillet 2021, jour anniversaire du premier pas humain sur la Lune, n’était pas vraiment un exploit : à peine onze minutes seulement, une simple parabole. Je t’envoie en l’air, sorte d’ascenseur stratosphérique, je plafonne à 351 210 pieds (les ingénieurs américains ne sont toujours pas capables d’utiliser des unités en système international), cela doit faire exactement 107,049 kilomètres d’altitude (on dit qu’on est dans l’Espace à partir de 100 kilomètres, mais en pieds, d’autres disent que la limite est à 85 kilomètres). Donc, en gros, on envoie une forte poussée sur une capsule, on la pousse très haut puis elle retombe.

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En lui-même, cet essai n’a pas été plus un exploit que celui de Youri Gagarine le 12 avril 1961. Du reste, le lanceur utilisé est appelé "New Shepard", du nom du célèbre astronaute Alan Shepard, le premier Américain à être allé dans un vol habité le 5 mai 1961, trois semaines après Gagarine. Il a aussi commandé la mission Apollo 14 et a marché sur la Lune. Un sacré héros. Jeff Bezos sait baptiser ses fusées. La prochaine s’appelle déjà "New Glenn", en référence au collègue d’Alan Shepard, John Glenn, véritable premier Américain a être allé dans l’Espace, qui sera un plus gros lanceur. La mission du 20 juillet 2021 était nommée Blue Origin NS-16 (16e vol de New Shepard). Le décollage a eu lieu depuis Van Horn, dans l’extrême partie occidentale du Texas.

Mais je n’arrive pas vraiment à être un provocateur en disant que ce n’est qu’un saut de pomme de Newton (à trajectoire parabolique). Parce que la technologie est finalement assez novatrice, suffisamment pour être saluée.

Le lanceur et la capsule où se trouvaient les passagers se sont désolidarisés presque au sommet de la trajectoire. Aucun n’a été détruit (heureusement pour la capsule). Le lanceur a pu revenir à son point de départ (à quelques dizaines de centimètres, peut-être mètres ?) grâce à des jets de rétropropulsion. Cette technologie a aussi été utilisée pour l’atterrissage de la capsule, qui a été d’abord freinée par trois parachutes, puis par des jets de rétropropulsion pendant 2 secondes juste avant le contact au sol. Tout s’est passé avec douceur, une maîtrise parfaite des accélérations et des énergies. Avant ce vol, il y a déjà eu quinze vols de New Shepard, sans aucun passager, qui ont été de grands succès techniques (du 29 avril 2015 au 14 avril 2021).

De plus, cette mission était écolo-compatible, ce qui peut étonner, au contraire de la mission de Richard Branson. En effet, le lanceur et la capsule ne sont pas détruits et sont réutilisables pour d’autres missions (comme les navettes spatiales), ce qui est nouveau pour le lanceur, et l’énergie est de l’hydrogène qui ne pollue pas et ne produit que de la vapeur d’eau. Bien sûr, la question de la production d’hydrogène reste toujours en suspens, mais globalement, tout était recyclable dans cette mission (sauf peut-être les parachutes, puisque Jeff Bezos en a offert un morceau à l’un de ses coéquipiers).





C’est donc bien un exploit technologique. C’est aussi un exploit humain. Pouvoir envoyer des humains dans l’Espace, c’est aussi une folle entreprise privée : il n’y a qu’aux États-Unis que c’est possible. Pourtant, il n’y a pas qu’aux États-Unis qu’il y a des milliardaires. Elon Musk, Richard Branson et Jeff Bezos montrent un nouveau profil du capitalisme mondial : des explorateurs en plus de redoutables managers.

Je l’ai écrit, l’une des motivations de Jeff Bezos est son rêve d’aller dans l’Espace. Une autre est de faire de l’argent : son objectif commercial est de proposer aux touristes d’aller dans l’Espace. Cela n’apporte rien à la science et sans doute beaucoup au prestige de Jeff Bezos (et peut-être moins de bénéfices qu’imaginés ? car est-ce que le modèle économique est rentable ?), un peu à l’instar d’un vol du Concorde qui ne faisait qu’une boucle sans intérêt de Roissy à Beauvais (alors que le Concorde avait son intérêt lorsqu’on voulait faire en urgence le trajet Paris-New York).

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Jeff Bezos a voulu embarquer avec son jeune frère Mark (qui a été le commandant de cette mission) et il restait deux places (en fait, la capsule de 15 mètres cubes pourrait contenir six passagers). La troisième place a été mise aux enchères et remportée pour 28 millions de dollars, mais l’heureux bénéficiaire (anonyme) avait piscine le jour du décollage et a laissé sa place au jeune Néerlandais Oliver Daemen qui est désormais le plus jeune astronaute à être allé dans l’Espace dans l’histoire de l’exploration spatiale. En effet, étudiant en physique de l’Université d’Utrecht, il n’avait pas encore 18 ans au moment du vol (il est né le 20 août 2003). C’est son père qui a payé le très coûteux ticket du voyage.

La quatrième place fut pour l’aviatrice Wally Funk, qui, à 82 ans (elle est née le 1er février 1939), a battu le record de John Glenn de la personne la plus âgée dans l’Espace. Elle avait été sélectionnée comme astronaute dans le groupe Mercury 13 en février 1961 (elle n’avait que 22 ans) mais n’avait jamais eu l’occasion de voler alors qu’elle était meilleure que les hommes aux tests. Son vol à 82 ans n’était donc qu’un juste retour des choses, certes tardif, la reconnaissance de cette grande dame qui n’a jamais manqué de courage ni de détermination, et qui avait déjà fait 19 000 heures de vol aérien à son actif (elle avait payé pour aller dans le vaisseau de Virgin Galactic).





Bien que "touristes", installés devant de gros hublots pour bien voir la Terre petite (que Jeff Bezos a trouvée très fragile) et voir une partie obscure de l’Espace au-delà du ciel, ces quatre voyageurs d’un nouveau genre de la compagnie Blue Origin ont reçu un entraînement intensif et n’ont pas manqué de courage, c’est-à-dire de confiance envers les équipes techniques. Les passagers ont subi une accélération de 3 G à la montée et de 5 G à la descente. Aucun n’a vomi !

Actuellement, la Chine s’est beaucoup développée en matière de politique spatiale. Non seulement le pays de Xi Jinping a assuré de nombreux vols habités, mais il a construit sa propre station spatiale permanente. La Russie de Vladimir Poutine a aussi choisi d’investir massivement dans la défense spatiale en mettant au point des missiles capables de détruire des satellites, au point d’inquiéter sérieusement l’OTAN lors du sommet de Bruxelles du 14 juin 2021. L’Inde, Israël, et l’Europe sont aussi dans la compétition. Entre autres.

Finalement, les États-Unis manquent de projet potentiellement fédérateur comme le furent le programme Apollo et le programme des navettes spatiales. Ils ne sont même plus capables d’assurer un vol régulier vers la station spatiale internationale (ISS) et ont dû faire appel à SpaceX pour cela. Nul doute que l’initiative privée prendra pleinement sa place dans les futures ambitions spatiales des Américains qui auront probablement ce titre à la Tintin : "On a marché sur Mars"…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
Michael Collins.
Atterrissage de la navette Atlantis le 21 juillet 2011.
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.

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6 juillet 2021 2 06 /07 /juillet /2021 03:36

« C’est peut-être la plus américaine des questions et elle devrait être celle qui nous unit. Je reconnais que l’immigration peut être une question émotionnelle mais je rejette l’idée qu’il s’agit d’une question partisane. » (George W. Bush, introduction à "Out Of Many, One").



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Ce mardi 6 juillet 2021, l’ancien Président des États-Unis George W. Bush (fils) fête son 75e anniversaire. Je dois avouer que j’ai du mal à avoir une opinion tranchée sur ce personnage qui s’est retrouvé, dès le début de son premier mandat, dans la tempête du terrorisme islamiste qui n’est toujours pas terminée.

Captivé par la vie politique intérieure de certains pays étrangers, ce qui, dans les faits, pourrait être qualifié d’ingérence puisque citoyen français, je n’ai pas à faire de choix pour d’autres pays, j’ai bien sûr eu souvent des préférences lors des élections présidentielles américaines. À part peut-être Ronald Reagan, je suis généralement "démocrate", en ce sens que ce courant politique se situe dans une tendance de centre droit favorable à l’entreprise.

Avec l’élection présidentielle du 7 novembre 2000, je me suis plongé dans un clivage qui n’était pas seulement politique. Certes, pour moi, c’était une évidence, Al Gore devait être le prochain Président des États-Unis. Il avait déjà l’expérience de l’État en ayant assuré pendant huit ans les fonctions de Vice-Président des États-Unis de Bill Clinton entre 1993 et 2001, mais en fait, je l’avais déjà repéré dès la campagne des primaires démocrates en 1988, il faisait partie de ceux qu’on appelait les "sept nains" qui n’avaient jamais pu vraiment inquiéter la candidature de George H. W. Bush, lui-même huit ans Vice-Président de Ronald Reagan de 1981 à 1989.

La famille Bush devait être abonnée aux grands bouleversements mondiaux : le père, la chute du mur de Berlin, l’effondrement de l’URSS et l’invasion du Koweït par Saddam Hussein ; le fils, les attentats du World Trade Center et ses conséquences (désastreuses) sur l’Irak.

Certes, George W. Bush avait été élu deux fois gouverneur du Texas, en 1994 et en 1998, mais sa personnalité, sa réputation, ne m’enchantaient guère. Peu instruit malgré son diplôme dans une prestigieuse université, souvent gaffeur, il ne me paraissait pas indiqué pour s’occuper des affaires complexes du monde.

Au contraire, Al Gore avait développé sa propre spécificité tout au long de sa carrière politique, en se montrant très porté sur les interrogations écologiques (ce qui lui a valu un Prix Nobel). Le clivage était assez simple à comprendre, car les Américains, et on le voit encore beaucoup plus aujourd’hui qu’il y a vingt ans, est un peuple très hétérogène, il est faux de dire qu’il y a une homogénéité entre New York, Salt Like City, Miami, Los Angeles, etc. Or, ce clivage était clairement entre l’homme de Washington, de "l’etablishment" et l’homme du Texas, l’homme du peuple, l’homme de l’Amérique profonde.

Une dernière considération m’encourageait dans mon choix pour Al Gore : la république n’est pas une monarchie, et cela me paraissait inconvenant que les Présidents se succèdent de père en fils dans une démocratie aussi grande que les États-Unis. Cela se passe suffisamment dans des États moins intégrés démocratiquement comme (au choix et entre autres) la Syrie, la Corée du Nord, etc.

J’ai vécu cette élection comme les attentats quelques mois plus tard, en quelque sorte, de l’intérieur. En effet, à l’époque, je travaillais pour un groupe américain et à ce moment-là, j’étais en mission quotidienne avec une collègue américaine que j’appréciais beaucoup, en ce sens que nous avions développé un peu plus que des relations purement professionnelles. Ce qui, du reste, est très facile quand on travaille avec des Américains ; si vous vous trouvez seul dans un hôtel aux États-Unis, un collègue peut vous inviter à fêter chez lui avec sa famille la fête de Thanksgiving (dernier jeudi du mois de novembre), qui a le même caractère sacré que la nuit de Noël pour les familles.

Nos échanges étaient donc, au-delà des considérations professionnelles, également culturels. Elle adorait la France, avait visité la Corse, et s’était même mise à apprendre le français (apparemment plus difficilement que moi l’anglais). Je connaissais même son chat et quand elle l’a perdu un jour, c’était le drame, ce que je comprenais et qui montrait que cette femme avait un cœur, au-delà d’être très instruite.

J’écris cela un peu bizarrement, car dans nos conversations, elle se montrait comme on pourrait penser des Américains. Par exemple, au sujet de la peine de mort, je lui disais que je trouvais cela barbare et une infamie qu’on puisse tuer en mon nom. Elle, au contraire, trouvait cela normal : qu’un meurtrier soit puni de la même peine de celle qu’il a fait subir à sa victime.

J’ai compris nos différences par ce simple fait : je lui parlais des risques d’erreur judiciaire et de l’impossibilité de retourner en arrière, une exécution était irréversible (à l’époque, les analyses ADN n’étaient encore pas très répandues et restaient très coûteuses et trop parcellaires). Et là, elle m’a montré son étonnement : elle n’avait pas pensé à ce risque. Elle faisait confiance à la justice de son pays et ne pouvait pas imaginer qu’elle puisse se tromper. On a su plus tard que les preuves par ADN ont innocenté des dizaines de personnes condamnées à mort aux États-Unis, certaines d’ailleurs déjà exécutées, et que la condamnation d’un innocent est absolument abjecte. Néanmoins, même coupable avéré, je reste évidemment très opposé à la peine de mort qui n’a aucune valeur de dissuasion (la preuve aux États-Unis).

Bref, c’était le genre de conversation que j’avais avec elle, et lorsque la bataille présidentielle en automne 2000 a fait rage, bien entendu que nous avions nos opinions, très opposées encore. Il faut dire que tout le management du groupe américain en question, implanté dans la campagne de la côte Est, devait voter assurément pour Al Gore.

Le groupe américain, vieux de plus d’un siècle et demi, était international, il était présent à Paris, à Saint-Pétersbourg, à Sao Paolo, et aussi au Japon (je ne me souviens plus dans quelle ville, mais ce qui était sûr, c’est qu’il fallait toujours réfléchir quand on téléphonait à des collègues, à cause des décalages horaires, l’une des devises était que le soleil ne se couchait pas dans cet empire !). Pour le management, la diversité, loin de faire peur, était un enrichissement : ils cherchaient des collaborateurs issus de mondes différents, de milieux différents, de traditions différentes pour apporter quelque chose de nouveau aux méthodes et pratiques existantes.

Pour ma collègue, qui était d’origine texane (née à Dallas il me semble, et ayant fait ses brillantes études à Houston), la question ne se posait pas : Bush évidemment. J’avais du mal à comprendre pourquoi elle, une personne plutôt fine et très intelligente, pouvait soutenir un candidat aussi peu intelligent, qui faisait boulettes sur boulettes (et même incapable de mâcher correctement des bretzels), sans compter qu’il était "vendu" à l’industrie pétrolière.

S’il fallait caricaturer le débat, c’était le choix entre un cow-boy et un rond-de-cuir. Je préférais la prudence (internationale) à l’aventure (nationale). Mais pour ma collègue, il n’y avait pas d’hésitation car le charisme de George W. Bush était sans comparaison avec le caractère ennuyeux d’Al Gore. En clair, le frimeur l’emportait sur le précautionneux, même parmi l’élite.

Comme je savais qu’Al Gore n’aurait certainement pas le vote populaire, ouvrier, si, en plus, il n’était pas capable de rassembler toutes les élites, il n’aurait pas beaucoup de chance, à mon avis, de gagner même si, en théorie, il était le favori. Mes prévisions se sont avérées juste mais par hasard, puisque l’élection s’est faite en Floride à quelques dizaines de voix près (lire ici). La défaite d’Al Gore n’était donc pas inéluctable.

Nous avons vécu en direct et ensemble l’émotion de l’effondrement des deux tours à Manhattan, et le père de la collègue travaillait au Pentagone, qui lui-même a été détruit par le crash d’un avion (c’est pourquoi lorsqu’un tordu, toujours en cours chez les complotistes aujourd’hui, s’est distingué en prétendant que le Pentagone n’avait jamais rien eu, j’ai des raisons d’avoir de la haine contre les crédules qui l’ont cru, haine que mon esprit démocrate-chrétien est parvenu à canaliser au mieux).

L’image est connue de George W. Bush, qui visitait une école, et qui a appris en direct devant les caméras l’horreur des attentats. On ne s’improvise pas Président des États-Unis lorsqu’il y a de tels événements, mais Al Gore aurait-il fait mieux ? J’ai la persévérance de le croire encore aujourd’hui que jamais l’Irak n’aurait subi un tel carnage sans le gouvernement Bush Jr.

George W. Bush a été l’un des Présidents les plus populaires de l’histoire américaine, il a obtenu 89% de bonnes opinions à la fin de l’année 2001, ce qui est normal car les Américains sont patriotes et se rassemblent toujours derrière leur Président (on se demande pourquoi le peuple français n’est pas autant patriote). Il a été largement réélu le 2 novembre 2004, avec plus de 3 millions de voix d’avance (et surtout, 286 mandats de grands électeurs contre 251 au candidat démocrate John Kerrey). Mais la fin du second mandat a été lamentable, les Américains ont mis un certain temps avant de comprendre que la guerre en Irak avait été une terrible erreur que nous payons encore aujourd’hui (j'étais fier d’être français et du non de Jacques Chirac à la guerre en Irak). Sa cote de popularité était en berne : en avril 2008, seulement 25% d’opinions favorables (Gallup).

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Il faut dire qu’au gouvernement, à part le général Colin Powell aux Affaires étrangères (puis Condoleezza Rice), il n’y avait que des faucons pétroliers : Donald Rumsfeld à la Défense (puis Robert Gates) et Dick Cheney à la Vice-Présidence. Les deux ont organisé cette guerre en Irak et encouragé George W. Bush à parler de "croisades" contre "l’axe du mal", d’une manière plus messianique et idéologique que relevant simplement des intérêts des États-Unis, comme en jetant une allumette allumée dans une poudrière. Le choix de Donald Rumsfeld et de Dick Cheney, adversaires internes à George H. W. Bush, a été une manière, pour le fils, de prendre son indépendance politique par rapport au père.

Ce n’est que bien plus tard que j’ai (un peu) révisé mon jugement sur George W. Bush. La faute de la guerre en Irak était évidemment de sa responsabilité, mais il semble quand même n’avoir été qu’une marionnette de son entourage. En quelque sorte, le film "Vice" d’Adam MacKey, sorti le 25 décembre 2018, l’a rendu plus bête que méchant, et sur le plan des valeurs, c’est essentiel. Mais un film ne raconte pas forcément la réalité, d’autant plus si c’est un film engagé comme celui de "Vice" (excellent par ailleurs).

Ce qui m’a convaincu que George W. Bush avait des valeurs véritables, c’est lors de l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump. George H. W. Bush (père) a d’ailleurs reconnu qu’il avait voté pour Hillary Clinton, quittant le clivage républicain/démocrate pour d’autres considérations, sur les valeurs justement. Son fils a dû le faire aussi sans l'annoncer (aux primaires républicaines en 2016, il avait soutenu son frère, Jeb Bush, parti favori, et ensuite, il n'a soutenu ni Donald Trump, ni Hillary Clinton). En août 2020, George W. Bush (fils) est resté officiellement neutre dans la dernière bataille présidentielle.

Bush Jr a sorti le 2 mars 2021 un nouveau livre "Out Of Many, One" (éd. Crown) où il fait la leçon à Donald Trump en défendant l’immigration. Le livre a été un grand succès éditorial. George W. Bush a fait le portrait de quarante-trois citoyens américains, un portrait avec ses propres peintures, et aussi une biographie rédigée par lui (quarante-trois car il a été le quarante-troisième Président des États-Unis). Pour l’ancien Président, les immigrants ont contribué à l’enrichissement du pays : « J’espère que ce livre contribuera à attirer notre attention à tous sur les bienfaits que les immigrants apportent à notre pays. ». Une partie des droits d’auteur sera versée à des associations caritatives venant à l’aide pour l’installation des immigrants aux États-Unis.

La dernière double vie de George W. Bush est d’ailleurs peintre (il expose à Dallas) et auteur à succès : ses mémoires de Président "Decision Points", sorties en novembre 2010, ont été vendues à plus de trois millions d’exemplaires (il a assumé la guerre en Irak et a confié avoir hésité à remplacer Dick Cheney pour son second mandat), et il a sorti aussi deux autres livres à succès, "41" (2014), portrait de son père (quarante et unième Président des États-Unis), et "Portraits of Courage" (2017), sur la vie des vétérans.

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En plus symptomatique, Michelle Obama avait surpris les observateurs le 24 septembre 2016 lorsqu’elle a fait un câlin à George W. Bush à l’occasion de l’inauguration du Musée de l’histoire afro-américaine à Washington. Cette histoire étonnante des relations entre George W. Bush et Michelle Obama peut faire comprendre comment il a su séduire le peuple américain en 2000 (et ma collègue par la même occasion). Peut-être pourrait-on faire l’analogie entre Jacques Chirac et Édouard Balladur, l’un aimait les humains, l’autre les dossiers, comme respectivement Bush fils et Gore.

En fait, cela fait depuis 2009 que Michelle Obama et George W. Bush nourrissent une amitié d’une grande complicité, basée sur l’humour taquin et les mêmes valeurs. Le 11 octobre 2018, Michelle Obama expliquait sur NBC, à l’émission "Today Show" que dans les cérémonies officielles, elle était toujours placée à côté de George W. Bush selon le protocole, une occasion de faire une véritable déclaration d’amour : « Nous sommes amenés à nous côtoyer et je l’aime beaucoup. C’est un homme merveilleux. Et aussi très drôle. (…) Il est devenu mon "complice dans le crime" [partner in crime]. ».

En particulier, lors de l’enterrement de l’ancien candidat républicain John MacCain le 1er septembre 2018, où l’ancien Président a offert discrètement un bonbon à l’ancienne First Lady, comme quelques mois plus tard, le 5 décembre 2018, à l’enterrement de George H. W. Bush (père) : « La couleur de peau ou le genre ne nous sépare pas. (…) Et si, en adulte responsable, nous n’étions pas capables de maintenir des degrés de tolérance, nous ne pourrions pas l’espérer de nos enfants. », insistait la femme de Barack Obama à la télévision.





Michelle Obama a de nouveau confié le 9 décembre 2019 sur NBC, dans l’émission "Today" : « Nous parlons de nos enfants, de nos parents. Nos valeurs sont les mêmes. Nous ne sommes pas d’accord sur les politiques, mais nous n’avons pas de désaccord sur l’humanité. Nous n’avons pas de désaccord sur l’amour et la compassion. Je pense que c’est valable pour tout le monde, on se perd dans nos peurs de ce qui est différent. ». Son intervieweuse n’était autre que Jenna Bush Hager, une des filles de l’ancien Président.

Une autre manière de comprendre les valeurs de George W. Bush, ce fut en réaction non seulement à l’assassinat d’une jeune femme le 12 août 2017 par un suprémaciste à Charlottesville et aux manifestations parfois violentes contre le racisme, mais à la scandaleuse conférence de presse de Donald Trump, le 15 août 2017, qui renvoyait la responsabilité des violences dos-à-dos, « des deux côtés ». Dès le lendemain, 16 août 2017, George W. Bush et son père ont publié un appel à « rejeter le racisme, l’antisémitisme et la haine sous toutes les formes » dans un tweet qui a reçu le plus de "like" du réseau social, soit 3,4 millions !

Dans leur appel, les deux anciens Présidents républicains ont rappelé : « Alors que nos prières vont à Charlottesville, nous nous remémorons ces vérités fondamentales couchées dans la Déclaration d’indépendance par le plus éminent des citoyens de cette ville [Thomas Jefferson] : Tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables (…). Nous savons que ces vérités sont éternelles parce que nous sommes les témoins de la décence et de la grandeur de notre pays. ». Ils ont réagi bien plus rapidement que les deux anciens Présidents démocrates Jimmy Carter (96 ans) et Bill Clinton (74 ans).

Mais il n’en reste pas moins que la guerre en Irak, déclenchée le 20 mars 2003 par George W. Bush, a provoqué la mort de 100 000 à 1,2 million de personnes jusqu’au 18 décembre 2011. Il y a valeurs …et valeurs.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 juillet 2021)
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Pour aller plus loin :
George W. Bush (fils).
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
George H. W. Bush (père).
Donald Rumsfeld.
Louis Armstrong.
Jim Morrison.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210706-george-w-bush.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-valeurs-de-george-w-bush-234091

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30 juin 2021 3 30 /06 /juin /2021 16:27

« Donald Rumsfeld est l’une des personnes les plus responsables de la situation actuelle en Irak. La politique américaine dans ce pays est une faillite intellectuelle. » (Sir Mike Jackson, ancien chef des armées britanniques, 2007).



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L’ancien ministre américain Donald Rumsfeld est mort ce mardi 29 juin 2021 quelques jours avant ses 89 ans (il est né le 9 juillet 1932). Considéré comme un "faucon", c’est-à-dire un faiseur de guerre (ce "genre d’opportunité" qui permet de "remodeler le monde"), Donald Rumsfeld a été à la fois le plus jeune et le plus âgé des Ministres de la Défense des États-Unis, nommé deux fois avec un intervalle de près d’un quart de siècle (une génération !).

D’une famille originaire il y a très longtemps de Basse-Saxe, en Allemagne, Donald Rumsfeld est né dans un milieu modeste et a fait de brillantes études de science politique à la prestigieuse Université de Princeton grâce à des bourses. Il est tombé très vite dans le chaudron de la vie politique et a été élu représentant (député) dès novembre 1962, à l’âge de 30 ans. Il fut réélu tous les deux ans, et a exercé son mandat parlementaire de janvier 1963 à mars 1969.

Très rapidement, il a pris une influence considérable au sein du parti républicain. Jeune et charismatique, on l’a appelé au milieu des années 1960 le Kennedy des républicains et il s’est rapidement retrouvé en opposition avec un autre espoir du parti, George H. W. Bush (père). Après l’élection de Richard Nixon à la Maison-Blanche, Donald Rumsfeld dont il était proche a eu des responsabilités au sein du staff présidentiel, ce qui explique qu’il a quitté la Chambre des Représentants.

Ce fut à cette époque qu’il a rencontré Dick Cheney, jeune stagiaire dont il est devenu le mentor en politique. De 1972 à 1974, il s’est éloigné de Washington, nommé ambassadeur des États-Unis à l’OTAN, à Bruxelles, puis, après le Watergate, il fut nommé par le nouveau Président Gerald Ford chef de l’administration présidentielle, chef du cabinet de la Maison-Blanche (un équivalent de Secrétaire Général de l’Élysée et de directeur de cabinet). À ce poste stratégique qu’il a occupé du 21 septembre 1974 au 20 novembre 1975, il a pris pour adjoint Dick Cheney. Il venait de succéder à Alexander Haig, futur Secrétaire d’État.

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Puis, ce fut la consécration, à seulement 43 ans, avec sa nomination comme Secrétaire d’État à la Défense (ministre de la défense) de Gerald Ford, du 20 novembre 1975 au 20 janvier 1977, jusqu’à la défaite électorale du parti républicain. À la tête du cabinet présidentiel lui a succédé son poulain Dick Cheney. Au même moment, George H. W. Bush a été nommé directeur de la CIA du 30 janvier 1976 au 20 janvier 1977.

Après la victoire de Jimmy Carter, le parti républicain, terriblement secoué par le Watergate, s’est retrouvé dans une sorte de trop vide de leadership. Deux personnalités se dégageaient pour reprendre le rôle de leader, Donald Rumsfeld et George H. W. Bush. Cependant, Donald Rumsfeld s’est éloigné de la vie politique et a entrepris une carrière de dirigeant économique. Il a dirigé notamment des entreprises dans le secteur pharmaceutique, comme GD Searle qui est devenue par la suite une filiale du groupe Pfizer.

Trop absorbé par son rôle économique, il ne s’est pas présenté aux primaires du parti républicain pour 1980. Il n’a cependant pas bénéficié du retour au pouvoir des républicains en raison de la présence de son rival George H. W. Bush (candidat aux primaires) comme Vice-Président des États-Unis (puis comme Président), de 1981 à 1993. Le Président Ronald Reagan lui a cependant confié une mission diplomatique pour renouer les relations diplomatiques avec l’Irak, ce qui a abouti, comme envoyé spécial de Ronald Reagan, à sa rencontre avec Saddam Hussein le 20 décembre 1983 à Bagdad, ce qui lui a été reprochée par la suite.

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Non plus candidat aux primaires républicaines de 1988 (la désignation de George H. W. Bush était très prévisible), Donald Rumsfeld resta dans la sphère des affaires jusqu’en 2000 (pendant donc un quart de siècle). Il dirigea notamment le groupe pharmaceutique Gilead Sciences de 1997 à 2001.

Ce fut seulement lors de la campagne puis de l’élection de George W. Bush que son retour fut effectif. En effet, à cause de l’inexpérience de George W. Bush (fils), Donald Rumsfeld et son ancien poulain Dick Cheney ont fait leur grand retour en politique pour assister le nouveau Président.

Dick Cheney fut élu Vice-Président, tandis que Donald Rumsfeld fut nommé une nouvelle fois Secrétaire d’État à la Défense du 20 janvier 2001 au 18 décembre 2006. Le malheur a voulu que le premier mandat du Président George W. Bush fût marqué terriblement par les attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001. Donald Rumsfeld engagea alors les États-Unis dans deux guerres très graves et meurtrières, en Afghanistan pour renverser le pouvoir taliban, et en Irak pour renverser Saddam Hussein (terminer le travail de Bush père).

Aidé d’un Vice-Président a qui sans doute eu le plus de pouvoirs réels de toute l’histoire des États-Unis, Donald Rumsfeld a obtenu une augmentation très forte du budget des armées. Il a créé aussi une nouvelle agence, l’Office of Special Plans visant à concurrencer la CIA, placée sous l’autorité de son adjoint Paul Wolfowitz. Ce fut une officine qui aurait falsifié un certain nombre d’éléments pour faire croire à la présence d’armes de destruction massives en Irak.

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Après une certaine popularité au début de la guerre en Irak en 2003, Donald Rumsfeld fut de plus en plus contesté dans sa politique, notamment sur le traitement des prisonniers pour terrorisme (on a parlé de torture), mais aussi dans l’enlisement des troupes américaines sur le terrain après la guerre en Irak.

Contesté par des généraux en retraite et de nombreux parlementaires défendant les droits de l’homme qui ont réclamé sa démission, Donald Rumsfeld a perdu la partie : George W. Bush profita en effet des élections à mi-mandat de son second mandat pour l’éloigner. Il annonça cette décision le 8 novembre 2006 et la nomination de son successeur Robert Gates.

Il restera de Donald Rumsfeld une histoire qui aurait pu tourner à un nouveau Kennedy et qui n’a été que vénalité et guerre de désolation. Intéressé notamment par l’aspartame et le Tamiflu, Donald Rumsfeld a encouragé la guerre en Irak afin de préserver les intérêts économiques des États-Unis. Le mélange entre affaires financières personnelles et intérêt de l’État est sans doute le cocktail qui donne un bon exemple d’un responsable politique qui a suscité la perte de confiance sinon la colère d’un grand nombre d’électeurs, probablement ce terreau qu’a utilisé un peu plus tard Donald Trump pour arriver lui-même au pouvoir.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 juin 2021)
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Pour aller plus loin :
Donald Rumsfeld.
Ella Fitzgerald.
Michael Collins.
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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23 avril 2021 5 23 /04 /avril /2021 03:15

« Coupable ! Une justice obtenue dans la douleur a finalement été accordée à la famille de George Floyd. Ce verdict est un tournant dans l’Histoire ! » (Ben Crump, avocat de la famille de George Floyd, le 20 avril 2021).



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Avoir marqué les esprits à l’échelle mondiale par le simple fait de mourir, c’est à la fois malheureux et rassurant. Malheureux car une vie mérite toujours mieux que d’être connue pour sa fin, rassurant car le vent de protestations qui s’est levé non seulement à l’échelle nationale (entraînant toutefois trente-deux décès en trois mois) mais aussi internationale montre qu’il y a des hommes et des femmes, dans ce monde, prêts à s’indigner, à s’engager, à défendre ce qu’on peut concevoir de la dignité de l’être humain.

Âgé de 46 ans, George Floyd n’avait sans doute pas brillé dans le passé par une vie exemplaire (drogue, vol, braquage), mais il n’a pas du tout mérité son horrible fin le 25 mai 2020 à Minneapolis : appréhendé par des policiers pour une affaire de faux billet de 20 dollars qui aurait été donné à un épicier, il a été tué par l’un d’eux qui l’a maintenu au sol en plaquage ventral, le genou contre sa nuque pendant près de neuf minutes. George Floyd avait beau dire qu’il ne pouvait plus respirer, que le policier était en train de le tuer, il est mort avant d’avoir été desserré.

George Floyd n’était pas le seul à mourir aussi stupidement. Des centaines d’Américains sont morts de la même manière, pour la plupart, de peau noire. Qu’y avait-il dans la tête du policier de 45 ans qui était arrivé en renfort pour l’interpeller ? L’idée de vaincre un "colosse", comme si c’était une proie de chasse ? Une haine contre les gens de cette même couleur de peau ? Frimer devant des policiers novices ? Ou la bêtise de se croire cow-boy justicier ?…

Toujours est-il que contrairement aux suites généralement observées, ou plutôt, aux pas-suites généralement observées, c’est-à-dire la relaxe du policier tueur, la mort de George Floyd, qui a été filmée par les smartphones de passants, les caméras des policiers et les caméras de vidéosurveillance, et diffusée sur les réseaux sociaux, a eu des conséquences retentissantes. Les faits étaient déjà établis, ce qui n’est pas toujours le cas dans de nombreuses affaires.

Les quatre policiers en cause (dont deux étaient en formation, à leur première semaine sur le terrain) ont été immédiatement révoqués de leur emploi. Le policier tueur a été poursuivi pour meurtre. Trois autres policiers présents ont été poursuivis pour avoir laissé faire ce meurtre. Le policier tueur, dont je ne souhaite pas indiquer ici le nom car il ne mérite pas d’être connu, a donc été arrêté le 29 mai 2020 (dès le lendemain, sa femme, scandalisée, a demandé le divorce), jugé à partir du 8 mars 2021 et condamné le 20 avril 2021. Bien avant ce meurtre, il avait été mis en garde contre les risques d’asphyxie avec cette position au sol.

La justice américaine est toujours assez étonnante et déroutante. On l’a vu notamment lors de l’arrestation médiatisée de Dominique Strauss-Kahn. Elle est rapide et médiatique. Après deux jours de délibération, le verdict a été annoncé en direct à la télévision américaine le 20 avril 2021 (il faudra réfléchir un jour sur la motivation réelle qui a poussé deux chaînes d’information continue françaises à diffuser, elles aussi, en direct ce verdict). Toujours est-il que le policier tueur a été reconnu coupable de meurtre, d’homicide involontaire et de violences volontaires ayant entraîné la mort de George Floyd. La peine n’a pas encore été prononcée (elle devra l’être sous huit semaines) ; il encourt douze ans et demi de prison, éventuellement plus en cas de circonstances aggravantes reconnues.

Coïncidence sans conséquence mais curieuse néanmoins : le meurtre de George Floyd a eu lieu peu de jours avant le décollage d’une fusée de SpaceX. Le verdict aussi, puisque Thomas Pesquet et ses trois coéquipiers devraient décoller ce vendredi 23 avril 2021 de Cap Canaveral, toujours d’un lanceur SpaceX. Comme si ces deux "actualités" se croisaient et se recroisaient au fil des ans.

Le frère de la victime a lâché, en entendant le verdict : « Nous pouvons enfin respirer ! ». Intéressant a été le Président Joe Biden qui a réagi publiquement à ce procès en disant : « L’heure est venue pour ce pays de se rassembler. (…) Certains, des agitateurs et des extrémistes qui se moquent de la justice sociale, essayeront d’exploiter les émotions à vif. Nous ne pouvons les laisser faire. (…) Le verdict de culpabilité ne fera pas revenir George. (…) Nous devons écouter. "Je ne peux plus respirer, je ne peux plus respirer" : ce furent les derniers mots de George Floyd. Nous ne pouvons les laisser mourir avec lui. Nous devons continuer à entendre ces mots. ».

Barack Obama a également réagi : « On ne peut pas s’arrêter là. ». De son côté, le Premier Ministre britannique Boris Johnson s’est déclaré soulagé : « J’ai été consterné par la mort de George Floyd et je salue ce verdict. » (sur Twitter). Soulagé, c’est vrai, car pendant plusieurs semaines, pendant ce procès, la tension était très forte à Minneapolis, avec la crainte d’une relaxe du meurtrier malgré les preuves accablantes ("accablant", c’est le mot employé par Joe Biden lui-même) et un risque d’émeutes en protestations.

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Il faudra évidemment attendre l’annonce de la peine avant de pouvoir vraiment réagir à ce verdict, car douze ans, ce n’est pas "cher" payé quand on voit qu’il y a eu acharnement à asphyxier la victime. Mais aux États-Unis, on part de très loin. Au-delà de la peine, il y a aussi le fait que le procès a jugé un homicide, mais pas un acte de racisme, or, il est probable que ce racisme était réellement la cause de la mort, même si dans ce cas, il faut aussi que la cour le prouve. Mais l’essentiel était la reconnaissance officielle de la culpabilité.

Il est des coïncidences symboliques : l’Amérique de Donald Trump a laissé tuer George Floyd, l’Amérique de Joe Biden a condamné le tueur. C’est bien sûr simplificateur, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une affaire fédérale, et si Donald Trump avait été réélu, probablement que le verdict n’aurait pas été différent. Néanmoins, la réaction de Donald Trump au meurtre reconnu a été plus de protester contre les émeutiers qui avaient vivement (et violemment) réagi à la mort de George Floyd, sans beaucoup compassion pour celle-ci (même s’il a présenté ses condoléances à la famille) : « Si des pillages commencent, on commencera à tirer. », reprenant les sinistres mots du chef de la police de Miami iors de violences ethniques dans les années 1960. Joe Biden, lui, a montré clairement de quel côté il était, du côté de la victime et pas des policiers à bavure.

La cause de George Floyd était inattaquable en raison des nombreux films qui ont été diffusés et que chacun a pu, éventuellement, regarder. Mais elle ne justifie pas les récupérations.  Et notamment internationales. Ainsi, odieuse fut la récupération de la famille d’Adama Traoré (notamment la manifestation du 2 juin 2020) dont la mort le 19 juillet 20216 a peu à voir avec les circonstances de la mort de George Floyd. À force de vouloir tout mélanger, on en arrive à être contreproductif sur la cause qui est une cause juste : on ne tue pas quand on interpelle, pas plus si la couleur de peau ne revient pas.

D’ailleurs, même si la France est en avance sur les États-Unis pour condamner sévèrement ces bavures policières, elle est loin de pouvoir leur faire la leçon. Pour preuve la décision de la Cour de Cassation du 14 avril 2021 qui a exclu définitivement tout procès du tueur de Sarah Halimi dont le meurtre a été pourtant qualifié par la justice d’acte antisémite (j’y reviendrai probablement). De même, l'affaire judiciaire concernant l'interpellation policière très violente de Cédric Chouviat, le 3 janvier 2020 à Paris, qui a entraîné sa mort le 5 janvier 2020, est encore en cours d'instruction, avec deux versions différentes.

Cela dit, il y a une réponse à cette diffusion en direct à la télévision du verdict du 20 avril 2021 : cette date est en effet une date historique dans l’histoire des États-Unis. Cela montre à quel point ce pays est un pays contrasté. Et divisé.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2021)
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Pour aller plus loin :
George Floyd : la vie d’un homme, l’honneur d’un pays.
Décollage vers l'ISS.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Walter Mondale.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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20 avril 2021 2 20 /04 /avril /2021 04:29

« Disons la vérité : Ronald Reagan augmentera les impôts et je ferai pareil. Il ne vous le dira pas mais moi, je le dis. » (Walter Mondale, le 16 juillet 1984).




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L’ancien Vice-Président des États-Unis Walter Mondale s’est éteint de vieillesse ce lundi 19 avril 2021 à l’âge de 93 ans (il est né le 5 janvier 1928), dans sa ville de Minneapolis, dans le Minnesota, dans le Midwest des États-Unis. On pourra lire sa trajectoire politique ici, militant démocrate, jeune poulain d’Hubert Humphrey dès l’âge de 20 ans et sénateur des États-Unis à 36 ans.

Walter Mondale fut candidat sur le "ticket" avec Jimmy Carter (qui a aujourd’hui 96 ans) aux élections présidentielles de 1976, représentant le Nord industrieux et l’aile gauche du Parti démocrate en complément du Sud rural et de l’aile centriste (Jimmy Carter, cultivateur de cacahuètes, fut le gouverneur de Géorgie). Après leur victoire sur Gerald Ford, le voici donc bombardé Vice-Président des États-Unis de 1977 à 1981. Un Vice-Président actif, faisant partie intégrante du gouvernement mis en place par Jimmy Carter. L’échec du même ticket en 1980, face à Ronald Reagan, a ouvert une période de douze ans de Présidence républicaine.

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Si on faisait un parallèle avec la vie politique américaine contemporaine, on pourrait alors imaginer Donald Trump candidat contre Barack Obama en 2012 et le battant. Car Ronald Reagan, acteur de série B et syndicaliste engagé dans le maccarthysme à Hollywood, avait peu de crédit politique malgré son élection comme gouverneur de Californie (l’acteur Arnold Schwarzenegger fut l’un de ses successeurs, trente ans plus tard). Il suffit de relire ce que la presse française disait de Ronald Reagan lors de son élection en 1980. Le clivage, qu’on a pu retrouver aux élections présidentielles de 2016, entre le cow-boy populaire et l’intello de l’establishment (ce que n’était pas Jimmy Carter mais l’étaient Walter Mondale et Hillary Clinton).

En poussant le parallèle encore quatre ans plus tard, Reagan sollicitant le renouvellement de son mandat en 1984 et Trump en 2020, Joe Biden s’est retrouvé dans la position de Walter Mondale, c’est-à-dire du dernier Vice-Président démocrate prêt à prendre la relève, faute de mieux.

Bien que soutenu par l’appareil de son parti, Walter Mondale a eu cependant beaucoup de mal à arracher l’investiture du Parti démocrate pour 1984, en raison de deux candidatures très médiatiques. D’abord, le flamboyant Gary Hart, trop peu expérimenté dans les débats politiques et qui n’a pas survécu, quatre ans plus tard, à un scandale sexuel (relativement "anodin", une infidélité conjugale, qui n’indique rien sur sa capacité à bien ou mal présider son pays). Ensuite, le jeune révérend Jesse Jackson (43 ans), de peau noire (faut-il le préciser ?), dont la campagne a beaucoup passionné certaines communautés du Sud. Le parallèle se poursuivrait avec la désignation, à la Convention démocrate de San Francisco en juillet 1984, de la première femme candidate à la Vice-Présidence, Geraldine Ferraro, la pendante de Kamala Harris en 2020.

Mais, comme toutes les analogies, le parallèle devient foireux lorsqu’on regarde les résultats. Si le ticket Biden-Harris a gagné plutôt de justesse les élections de 2020, le ticket Mondale-Ferraro, non seulement il a perdu, mais il a perdu très largement, l’une des défaites historiques du Parti démocrate, consacrant le triomphe de la Présidence de Ronald Reagan réélu avec près de 59% des suffrages.

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Le caractère erroné de l’analogie provient surtout du fait que Ronald Reagan fut un très grand Président des États-Unis, à une époque de dérégulation économique (parallèlement à Margaret Thatcher au Royaume-Uni), ayant dû gérer des tensions internationales extrêmes (brejnevisation de la guerre froide avec l’invasion de l’Afghanistan, développement du terrorisme islamique d’État à Téhéran, etc.) et ayant réussi, par la fermeté (programme IDS, par exemple), à faire gagner le camp des démocraties face au bloc communiste, ce qui lui a permis de voir avec bienveillance l’avènement de Gorbatchev en URSS et d’instaurer la détente des relations américano-soviétiques.

Rien à voir avec la Présidence folklorique et fantaisiste d’un égocentré obsédé des réseaux sociaux au staff à fort turn-over d’un Président plus instable que déstabilisant. On aurait pu imaginer Donald Trump réélu grâce à des résultats économiques plutôt encourageants, mais son incapacité à prendre dès le début les bonnes mesures pour endiguer la pandémie de covid-19 l’a électoralement desservi et depuis le début de la Présidence Biden, on voit à quel point une politique sanitaire pertinente peut avoir des résultats positifs rapides, en quelques mois.

S’il n’y avait pas eu la forte personnalité de Reagan, Walter Mondale aurait-il pu être élu en 1984 ? L’uchronie est un jeu de scénarios historiques qui n’a d’intérêt que littéraire et sûrement pas politique. La question repose sur : la cuisante défaite de Walter Mondale est-elle due à la grande force de son adversaire ? ou à l’incapacité du Parti démocrate à se renouveler ? ou à sa propre personnalité rejetée ? En fait, dans ce genre d’états des lieux, après une défaite, tout a dû compter en cumulé, au même titre que la défaite d’Hillary Clinton a eu de multiples causes.

L’un des arguments les plus porteurs de l’adversaire le plus dangereux de l’ancien Vice-Président aux primaires démocrates de 1984, à savoir Gary Hart, ce fut que Walter Mondale était un homme du passé, un homme du New Deal de l’époque d’avant-guerre, avec une politique progressiste très courante dans les années 1970 mais complètement rejetée dans les années 1980.

Peut-être que Reagan a conforté le candidat Joe Biden dans sa campagne près d’une quarantaine d’années plus tard : à près de 78 ans, Biden a en effet "battu" Reagan dans le record du doyen, comme le candidat le plus âgé aux élections présidentielles (Reagan, en 1984, n’avait "que" 73 ans, et Donald Trump, en 2020, avait 74 ans). Très bon communicant, Reagan avait ainsi coupé l’herbe sous le pied de son (jeune) contradicteur (56 ans) l’argument de l’âge, le 21 octobre 1984 : « Je ne ferai pas de l’âge un argument de campagne. Je n’exploiterai pas pour des raisons politiques la jeunesse et l’inexpérience de mon adversaire. ».

Toujours est-il que dans une série télévisée "American Dad!", le scénario a changé le cours des élections de 1984 avec la victoire de Walter Mondale et la soumission des États-Unis à l’URSS. Ce qui s’est nourri d’une image dégradée d’un homme politique probablement assez peu adapté aux temps nouveaux.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 avril 2021)
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Pour aller plus loin :
Walter Mondale.
La vie de Walter Mondale.
Geraldine Ferraro.
Liz Taylor.
Trump, responsable de l’insurrection mais acquitté !
Georges Shultz.
Dick Cheney.
Joe Biden : enfin la démocratie restaurée !
Capitole : Trump et la dictature du moi.
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
De la Démocratie en Amérique.
USA 2020 : and the Winner is Joe Biden !
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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19 avril 2021 1 19 /04 /avril /2021 17:33

« Ce qui m’intéresse, c’est la vie des hommes qui ont échoué, car c’est le signe qu’ils ont essayé de se surpasser. » (Clemenceau).


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Ce vendredi 5 janvier 2018, Walter Mondale fête son 90e anniversaire. En pleine reaganmania, il y avait peu de chance pour que Walter Mondale fût élu Président des États-Unis le 6 novembre 1984. Période de croissance économique, de baisse des impôts et du chômage, mais aussi de graves tensions internationales avec une crise des euromissiles qui nécessitait un homme à poigne. Pire, Walter Mondale, comme numéro deux de Jimmy Carter, représentait exactement le contraire (probablement injustement).

L’échec, Walter Mondale l’a donc bien connu. L’une des plus grande défaite de l’histoire des États-Unis, la plus grande depuis  1972 ou 1936 selon qu’on parle en suffrages exprimés ou en délégués : 40,7% des voix (et 13 délégués), face aux 59,0% des voix pour son concurrent, Président sortant, Ronald Reagan qui a remporté 49 États sur les 50 (et 525 délégués sur 538). Seuls le Minnesota (du bout des lèvres) et le district de Columbia (Washington) ont préféré Walter Mondale à celui qui avait redonné confiance aux Américains. Il n’y avait pas photo, au contraire de l’élection de George W. Bush Jr. le 7 novembre 2000.

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Né le 5 janvier 1928 dans le Minnesota de grands-parents paternels norvégiens et de grands-parents maternels canadiens d’origine écossaise, Walter Mondale fut le "poulain" d’Hubert Humphrey (1911-1978), lui aussi d’origine norvégienne (par sa mère). Ce dernier était maire de Minneapolis depuis le 2 juillet 1945 lorsqu’il s’est présenté avec succès aux élections sénatoriales le 2 novembre 1948. Walter Mondale dirigeait alors sa campagne à l’âge de 20 ans (son mentor en avait 37).

Avant son élection au Sénat, Hubert Humphrey avait suscité la polémique en prononçant un discours marquant à la Convention démocrate, le 14 juillet 1948 à Philadelphie (celle qui désigna le Président sortant Harry Truman), en défendant les droits civiques : « À ceux qui disent que le programme des droits civiques est en contradiction avec le droit des États, je dis que le temps est arrivé aux États-Unis, pour le Parti démocrate, de sortir de l’ombre du droit des États et de des tourner enfin vers l’éclat lumineux des droits de l’homme. ». Ce discours très axé à la gauche du parti avait mis en colère les dirigeants démocrates du Sud des États-Unis, traditionnellement conservateurs (et qui ont voté pour Ronald Reagan en 1984).

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Hubert Humphrey a été réélu sénateur du Minnesota jusqu’au 30 décembre 1964 (désigné coordinateur de la majorité démocrate au Sénat du 3 janvier 1961 au 30 décembre 1964), date de sa démission car il fut élu Vice-Président des États-Unis le 3 novembre 1964 sur un "ticket" avec le Président sortant Lyndon B. Johnson (il l’est resté jusqu’au 20 janvier 1969). Auparavant, Hubert Humphrey s’était présenté aux primaires démocrates en 1960 (notamment contre John F. Kennedy). Pendant ces années de combat personnel, Hubert Humphrey n’a cessé de défendre des positions très "à gauche" (droits civiques, contrôle des armes à feu, aide aux pays en voie de développement, fin des essais nucléaires, etc.).

Très logiquement, son "protégé" Walter Mondale fut désigné pour lui succéder au Sénat des États-Unis, "représentant" du Minnesota : Walter Mondale fut ainsi élu sénateur du 30 décembre 1964 au 30 décembre 1976 (d’abord nommé par le gouverneur du Minnesota Karl Rolvaag, puis élu la première fois le 8 novembre 1966 et réélu le 7 novembre 1972).

Auparavant, Walter Mondale avait fait des études de science politique et de droit, et fait son service militaire à Fort Knox pendant la guerre de Corée entre 1951et 1953. Il avait aussi dirigé la campagne en 1952 (échec), 1954, 1956 et 1958 d’Orville Freeman (1918-2003), élu gouverneur (démocrate) du Minnesota du 5 janvier 1955 au 2 janvier 1961 et futur Ministre de l’Agriculture du 20 janvier 1961 au 21 janvier 1969. Après quatre années comme juge, Walter Mondale est devenu procureur général de l’État du Minnesota ("attorney general") du 4 mai 1960 au 30 décembre 1964 (d’abord nommé par le gouverneur Orville Freeman pour remplacer le prédécesseur, puis élu en 1962). Démissionnaire une fois devenu sénateur.

Très actif au sein du Parti démocrate, Walter Mondale a tenté d’y bâtir une aile centriste. Il fut aussi actif au Sénat où il s’est investi dans de nombreuses commissions, notamment la Commission des affaires aéronautiques et spatiales où il fit partie des instructeurs de l’enquête sur l’accident qui tua trois astronautes le 27 janvier 1967 lors d’un essai Apollo 204 (ils sont morts dans un incendie). Affrontant publiquement le patron de la NASA, Walter Mondale voulait renforcer le contrôle parlementaire sur les rapports de sécurité interne de la NASA : « Je crois qu’en forçant une confrontation publique sur ces inquiétudes jusqu’à maintenant profondes et secrètes sur la sécurité et la gestion du programme, cela a forcé la NASA à restructurer et réorganiser le programme d’une manière que cela fût beaucoup plus sûr. » (24 mai 2001).

En été 1972, désigné candidat démocrate à l’élection présidentielle, George MacGovern (1922-2012), lui aussi très axé "à gauche" (il s’opposa à la guerre au Vietnam), proposa d’être son Vice-Président à Walter Mondale qui refusa. Ce dernier accepta cependant d’être sur le "ticket" du candidat démocrate en 1976, à savoir Jimmy Carter, agriculteur et gouverneur de Géorgie peu connu, l’un représentant ainsi le Sud (assez conservateur) et l’autre le Nord (assez progressiste).

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Avec plus de 40,8 millions de voix (soit 50,1%), Jimmy Carter fut élu Président des États-Unis le 2 novembre 1976 face au Président sortant Gerald Ford qui n’a obtenu que 48,0% des voix (le colistier de Gerald Ford en 1976 était Bob Dole). Walter Mondale fut donc élu Vice-Président des États-Unis du 20 janvier 1977 au 20 janvier 1981.

Sous le mandat de Jimmy Carter, Walter Mondale a pris une certaine influence sur le gouvernement et la définition de la politique des États-Unis. Cette manière d’exercer la fonction vice-présidentielle a été reprise par ses successeurs (ce fut le premier Vice-Président à avoir installé un bureau à la Maison-Blanche ; rappelons que le Vice-Président assure aussi la fonction de Président du Sénat).

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Le "ticket" Jimmy Carter et Walter Mondale s’est représenté à l’élection présidentielle du 4 novembre 1980 dans un contexte très difficile pour eux (après des primaires démocrates où Ted Kennedy fut un rude concurrent  avec 37,6% des voix face à 51,1% pour Jimmy Carter) : au-delà d’une stagnation économique et d’une hausse du chômage, la crise des otages américains à Téhéran a discrédité durablement l’autorité de Jimmy Carter. En effet, depuis le 4 novembre 1979, 52 diplomates américains furent retenus par des étudiants iraniens à l’ambassade américaine à Téhéran (ils ne furent libérés que le jour même de l’investiture de Ronald Reagan, le 20 janvier 1981, renforçant le discrédit du prédécesseur).

Il y a eu plus de 8,4 millions de voix qui ont séparé Ronald Reagan (50,8%) et Jimmy Carter (41,0%). Walter Mondale, renvoyé dans l’opposition, se prépara à l’élection présidentielle suivante en prenant le contrôle du Parti démocrate.

Malgré ce contrôle du parti, les primaires démocrates de 1984 ne furent pas de tout repos pour Walter Mondale. En effet, deux autres candidats sont entrés dans la course à l’investiture. D’une part, Gary Hart, "jeune" sénateur du Colorado depuis 1975 (il avait alors 47 ans), populaire par son charisme (au point de devenir le favori des primaires démocrates de 1988) et le pasteur Jesse Jackson (42 ans), militant des droits civiques. C’était d’ailleurs la première fois qu’un homme "de couleur" fut dans la course présidentielle de manière "sérieuse".

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Les résultats des primaires donnèrent l’investiture à Walter Mondale, mais de justesse. À la fin du cycle des primaires, le 12 juin 1984, Walter Mondale a obtenu 6,95 millions de voix, soit 38,3%, et 1 606 délégués. Gary Hart 6,50 millions de voix, soit 35,9%, et 1 164 délégués. Enfin Jesse Jackson 3,28 millions de voix, soit 18,1%, et 358 délégués. La plupart des autres délégués (réservés au parti) se reportèrent sur la candidature de Walter Mondale. À l’issue de la Convention démocrate le 19 juillet 1984 à San Francisco, sur les 3 882 mandats, Walter Mondale en a obtenu 2 191, Gary Hart 1 200 et Jesse Jackson 465. Notons pour l’anecdote qu’en 1984, sans beaucoup de chance de succès, l’astronaute et sénateur John Glenn fut candidat (1921-2016) comme en 1976, ainsi que l’ancien candidat démocrate de 1972, George MacGovern. Jesse Jackon améliora nettement son score aux primaires démocrates de 1988, en recueillant 6,9 millions de voix (soit 29,4%) et 1 023 délégués.

Lors de la même Convention démocrate de 1984, Walter Mondale s’est choisi une femme comme colistière, candidate à la Vice-Présidence des États-Unis, Geraldine Ferraro (1935-2011). Ce fut la première fois qu’une femme était incluse dans un "ticket" pouvant remporter l’élection. La seconde fois, ce fut la candidature de l’ancienne Secrétaire d’État Hillary Clinton en 2016. Geraldine Ferraro avait fait campagne pour Hillary Clinton lors des primaires démocrates de 2008 et avait dû démissionner après avoir dit une "bêtise" à propos de Barack Obama.

Comme je l’ai indiqué au début de l’article, Walter Mondale a subi l’une des plus grandes défaites historiques. Ayant construit le centre du Parti démocrate pendant les années 1960 et 1970, mais marqué par son ancienne proximité avec Hubert Humphrey (disparu depuis longtemps, après être redevenu sénateur du Minnesota du 3 janvier 1971 au 13 janvier 1978), Walter Mondale s’était positionné complètement à contre-courant du peuple américain, en proposant par exemple d’augmenter les impôts pour réduire la dette publique et renforcer la redistribution en faveur des plus pauvres. Il avait néanmoins "réussi" son premier débat télévisé avec Ronald Reagan en misant sur l’âge : Ronald Reagan avait 73 ans et lui 56 ans (au débat suivant, du 21 octobre 1984, Ronald Reagan répliqua en disant qu’il valait mieux un vieux expérimenté qu’un jeune inexpérimenté).

Après sa lourde défaite, Walter Mondale quitta la vie politique et travailla dans des entreprises du Minnesota (il enseigna aussi à l’Université du Minnesota dont un bâtiment porte désormais son nom), jusqu’à l’élection de Bill Clinton. Ce dernier le nomma ambassadeur des États-Unis au Japon du 21 septembre 1993 au 15 décembre 1996, puis le nomma en 1998 envoyé spécial du Président des États-Unis en Indonésie. Le 4 septembre 2002, il a tenu une conférence au Sénat pour présenter les transformations qu’il a initiées dans le rôle du Vice-Président des États-Unis entre 1977 et 1981.

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À l’âge de 74 ans, Walter Mondale accepta de faire une dernière incursion dans la vie politique en se présentant, à la demande urgente du Parti démocrate, à la succession du sénateur démocrate du Minnesota Paul Wellstone (1944-2002), tué dans un accident d’avion le 25 octobre 2002 à onze jours de son renouvellement, mais échoua le 5 novembre 2002 avec seulement 47,3% des voix contre 49,5% au républicain Norm Coleman. Seul État l’ayant soutenu en 1984, le Minnesota le lâcha aussi : « À la fin de ce qui est ma dernière campagne, je veux dire aux habitants du Minnesota que vous m’avez toujours bien traité, vous m’avez toujours écouté. ».

Walter Mondale a cependant repris sa "revanche" sur le sénateur républicain Norm Coleman. En effet, appuyant la candidature de l’humoriste et comédien Al Franken, positionné à l’aile gauche du Parti démocrate, ce dernier fut élu de justesse sénateur du Minnesota le 4 novembre 2008 (il ne prit ses fonctions que le 7 juillet 2009 à cause de recomptages et de la contestation de son élection à quelques centaines de voix près : 312 sur 2 424 946 !), fut réélu le 4 novembre 2014 mais vient de démissionner ce 2 janvier 2018 en raison des affaires d’agression et de harcèlement sexuels éclatées le 16 novembre 2017 à l’occasion de l’affaire Harvey Weinstein.

En 2008, Walter Mondale a soutenu la candidature d’Hillary Clinton lors des primaires démocrates. Le 3 juin 2008, il a ensuite rallié la candidature de Barack Obama. Aujourd’hui, Walter Mondale continue sa retraite dans le Minnesota (veuf depuis le 3 février 2014), en faisant de la pêche, pratiquant le tennis et le ski, lisant Shakespeare et des romans historiques, et appréciant les Monty Pytthon. Sa fille Eleanor fut une présentatrice de télévision vedette (disparue à la suite d’un cancer du cerveau) et son fils aîné Ted, entrepreneur, fit, quant à lui, également, de la politique en se faisant élire membre du sénat local du Minnesota du 8 janvier 1991 au 6 janvier 1997.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 janvier 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Biographie de Walter Mondale.
Woodrow Wilson.
Walter Mondale.
Les Quatorze points du Président Wilson (texte intégral du discours du 8 janvier 1918).
Geraldine Ferraro.
Le cinéma parlant.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Charlie Chaplin.
Bill Clinton.
Zbigniew Brzezinski.
JFK, avant tout pragmatique et visionnaire.
La nouvelle frontière de John F. Kennedy.
Ted Kennedy.
Incompréhensions américaines.
La dernière navette spatiale (avril 2011).
Les premiers pas de Donald Trump.
Obama termine européen.
Cassandre ?
Donald Trump, 45e Président des États-Unis.
La doxa contre la vérité.
Peuple et populismes.
Issue incertaine du match Hillary vs Donald.
Donald Trump, candidat en 2016.
Match Hillary vs Donald : 1 partout.
Hillary Clinton en 2016.
Hillary Clinton en 2008.
Donald Trump et Fidel Castro ?
La trumpisation de la vie politique américaine.
Mode d’emploi des élections présidentielles américaines.
Idées reçues sur les élections américaines.
Malcolm X.
Le 11 septembre 2001.
Honneur aux soldats américains en 1944.
Hommage à George Stinney.
Obama et le "shutdown".
Troy Davis.
Les 1234 exécutés aux États-Unis entre 1976 et 2010.
La peine de mort selon Barack Obama.
Barack Obama réélu en 2012.
Ronald Reagan.
Gerald Ford.
Jimmy Carter.
Al Gore.
Sarah Palin.
John MacCain.
George MacGovern.
Mario Cuomo.

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5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 03:50

« Notre mouvement magnifique, historique et patriotique "Make America Great Again" ne fait que commencer. Dans les mois à venir, j’aurai beaucoup de choses à partager avec vous et je suis impatient de continuer notre incroyable aventure pour la grandeur du pays. » (Donald Trump, le 13 février 2021).



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Cette tirade de l’ancien Président des États-Unis Donald Trump le 13 février 2021, après avoir été acquitté dans son second procès pour "empêchement", avait des allures d’envolée de Ségolène Royal. En effet, au soir du second tour de l’élection présidentielle du 6 mai 2007, oubliant qu’elle avait perdu, la candidate socialiste avait lancé à ses troupes un vibrant « En avant vers de nouvelles victoires ! ». La différence, certes, c’est que Donald Trump, qui a été largement battu par son adversaire et successeur Joe Biden le 3 novembre 2020, avait été élu quatre années auparavant…

Du 9 au 13 février 2021, le Sénat des États-Unis devait en effet décider de la responsabilité de Donald Trump dans l’insurrection du Capitole le 6 janvier 2021. Pour être acquise, la culpabilité, donc la condamnation, doit être votée par les deux tiers du Sénat. Or seulement 57 sénateurs ont voté pour, 43 autres ont voté contre. Il faut se rappeler que le Sénat a basculé très récemment et de manière serrée dans le camp démocrate : 50 sénateurs démocrates et 50 sénateurs républicains, mais les démocrates ont voix prépondérante avec la Vice-Présidente Kamala Harris qui préside le Sénat. Seulement sept sénateurs républicains ont voté pour la destitution de Donald Trump.

Ce procès était un peu surréaliste car il avait pour objectif de destituer une personne qui n’était plus Président des États-Unis. Le plus intéressant est d’écouter le très influent chef de la minorité républicaine au Sénat, qui était chef de la majorité républicaine, de 2015 à 2021, principalement sous le mandat de Trump, le "vieux" Mitch MacConnell (de huit mois l’aîné du nouveau Président).

Ce dernier a été un allié fidèle de Donald Trump, et pourtant, son avis sur lui est loin d’être complaisant. Voici ce qu’il a dit, énervé, à l’issue de ce procès : « Les actions de l’ancien Président Trump qui ont précédé l’émeute ont été un manquement honteux et scandaleux à son devoir (…). Il ne fait aucun doute, aucun, que le Président Trump est concrètement et moralement responsable d’avoir provoqué les événements de la journée [du 6 janvier 2021]. (…) Il n’a pas fait son travail. Il n’a pas pris les mesures nécessaires pour que la loi fédérale puisse être fidèlement exécutée et l’ordre rétabli. Non, au contraire, selon les rapports publics, il a regardé la télévision avec joie, avec joie, pendant que le chaos se déroulait (…). Quelle que soit la réaction qu’il dit qu’il voulait produire d’ici cette après-midi-là, nous savons qu’il regardait la même télévision en direct que le reste d’entre nous. Une foule attaquait le Capitole en son nom. Ces criminels portaient ses bannières, arboraient ses drapeaux et criaient leur loyauté envers lui (…). Ils ont fait cela parce que l’homme le plus puissant de la Terre leur avait raconté des mensonges sauvages parce qu’il était furieux d’avoir perdu une élection. ». On notera au passage la très grande prétention américaine, très répandue dans la classe politique américaine, de croire que le Président américain est l’homme le plus puissant du monde, Xi Jinping doit rire sous son masque.

Le sénateur du Kentucky ajoutait : « Nous avons un système de justice pénale dans ce pays. Nous avons un système de justice civile. Et les anciens Présidents ne sont pas à l’abri d’être tenus responsables par l’un ou par l’autre (…). Le Président Trump est toujours responsable de tout ce qu’il a fait pendant son mandat. Il n s’en est pas encore tiré. ».

Avec une appréciation aussi sévère, Mitch MacConnelle a-t-il fait partie des sept sénateurs républicains "traîtres" ? Pas du tout, il a voté "non coupable" comme ses 42 autres collègues républicains car il considérait que voter une destitution quand le Président n’était plus en exercice n’avait plus de sens, et que c’était anticonstitutionnel (cette anticonstitutionnalité avait été pourtant levée par le Congrès). Par conséquent, Mitch MacConnell dit en clair que Donald Trump est bien responsable de l’émeute du 6 janvier 2021, mais pas coupable, et donc acquitté.

En fait, c’est la Présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi qui était  en colère contre Mitch MacConnell car c’était à ce dernier de convoquer le Sénat pour démarrer le procès en destitution avant le 20 janvier 2021, quand Donald Trump était encore Président en exercice, et ce dernier avait refusé, ce qui fait qu’il portait un double langage assez hypocrite puisqu’il n’a pas voté la destitution en raison d’une décision qu’il n’a pas lui-même prise à temps ! En fait, elle n’a pas employé le mot "hypocrite" mais "pathétique". Et la "Speaker" d’asséner : « Je salue les sénateurs républicains qui ont voté selon leur conscience et pour notre pays. Le refus des autres sénateurs républicains de tenir Trump pour responsable d’avoir déclenché une violente insurrection pour s’accrocher au pouvoir sera considéré comme l’un des jours les plus sombres et des actes les plus déshonorants de l’histoire de notre nation. ».

De toute façon, concrètement, Donald Trump n’étant plus Président, sa destitution votée n’aurait eu qu’une valeur symbolique et n’aurait pas beaucoup changé les choses, d’autant plus que le nouveau Président Joe Biden préférait, de son côté, se focaliser sur sa propre politique et son plan de relance de 1 900 milliards de dollars pour lubrifier la machine économique après la crise sanitaire.

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La question, pourtant, se pose pour l’avenir : Trump sera-t-il candidat à l’élection présidentielle de 2024 ? S’il avait été "destitué", aurait-il été "empêché" d’être candidat à cette élection ? Ce n’était même pas certain et cela aurait pu être à l’origine d’une nouvelle grosse polémique juridique et constitutionnelle, comme les Américains aiment bien en créer (les Français, eux, préfèrent plutôt les polémiques sur la morale et pas sur le droit).

Même si beaucoup de militants fanatisés espèrent une nouvelle candidature de Trump, il faudrait retrouver un peu le sens des réalités. D’abord l’âge (78 ans), mais on a vu que cet âge n’empêche pas une élection. Ensuite l’argent (son empire risque beaucoup de s’écrouler financièrement ces prochaines années). Enfin, la morale, car la plupart des Américains ont été terriblement choqués voire humiliés de cette émeute du 6 janvier 2021 qui a fait s’esclaffer la planète entière sur la si vantée "démocratie américaine". Sans compter sa responsabilité de la crise sanitaire.

En tout cas, comme un forgeron qui bat le fer tant qu’il est chaud, Donald Trump n’est pas resté silencieux très longtemps. Il a participé à un meeting à Orlando le dimanche 28 février 2021 afin de nourrir ce matelas incompressible d’adaptes à la nouvelle secte dont il est le gourou médiatique. Avec quelques éléments intéressants.

Le principal, c’est qu’il n’était pas question de créer un nouveau parti politique, un parti trumpiste. L’action politique future de Donald Trump restera donc dans le cadre du parti républicain. On ne sait pas si les cadres du parti républicain ont poussé un ouf de soulagement ou un soupir de déception, mais c’est la raison qui a emporté cette décision. Vouloir ne constituer qu’une secte trumpiste aurait été un peu trop visible et surtout, serait voué à l’échec électoral, il ne serait alors qu’un groupe de pression, une minorité agissante, mais certainement pas un mouvement susceptible de remporter la majorité des suffrages américains.

Et puis, un troisième parti aurait eu l’inconvénient de permettre aux démocrates de rester durablement aux commandes du pays alors qu’eux-mêmes sont profondément divisés et en manque de leaders. Le discours d’Orlando n’a donc pas eu d’autre fonction que d’alimenter la flamme du trumpisme dans le cadre des institutions américaines traditionnelles.

L’histoire jugera beaucoup plus sévèrement Donald Trump que ses contemporains. La tache de la honte et de l’humiliation nationale restera considérablement ancrée dans la "mémoire collective", celle de la risée du monde. Trump pourra s’agiter comme il le voudra, il ne sera plus qu’un cheftaillon vieillissant à la tête de militants qui ont projeté sur ce milliardaire mal léché un improbable défenseur des précaires et des laissés-pour-compte. Comprenne qui pourra.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 mars 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Trump, responsable de l’insurrection mais acquitté !
Georges Shultz.
Dick Cheney.
Joe Biden : enfin la démocratie restaurée !
Capitole : Trump et la dictature du moi.
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
De la Démocratie en Amérique.
USA 2020 : and the Winner is Joe Biden !
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/trump-responsable-de-l-231387

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