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5 octobre 2017 4 05 /10 /octobre /2017 05:07

« Le bruit de crécelle de la caméra n’est pas le bienvenu lors des prises de vue sonores, elle se voit enfermée avec son opérateur dans une cabine insonorisée et se retrouve avec un fil à la patte. Allait-on oublier les travellings, les panoramiques et les subtilités du découpage ? Sûrement pas, mais l’on peut se féliciter que le cinéma soit né muet, car, privé des dialogues, il a été obligé d’inventer son propre langage qui en 1926, à l’arrivée du sonore, touche à la perfection. » (Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, "Grammaire du cinéma" éd. Nouveau Monde, 2010, cités par Wikipédia).



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Il y a quatre-vingt-dix ans, le 6 octobre 1927, est sorti aux États-Unis le film "Le chanteur de Jazz" (titre original : "The Jazz Singer") réalisé par Alan Crosland (1896-1936). C’était un film musical produit par la Warner Bros Pictures qui avait une particularité : il est considéré comme le premier film parlant. L’acteur principal était le chanteur Al Jolson (1886-1950). La Warner Bros était une société de production cinématographique créée par quatre frères le 4 avril 1923.

Ce fut en effet le premier film long-métrage qui, non seulement, utilisait de la musique et des chansons en bande sonore, mais faisait aussi synchroniser quelques paroles (dans une séquence très courte pour ce film de 90 minutes).

La Warner Bros a utilisé le système Vitaphone qu’elle avait déjà essayé dans un court-métrage de 10 minutes avec le même acteur principal, Al Jolson, dans le film "Une scène dans la plantation" ("A Plantation Act"), réalisé par Philip Roscoe et sorti le 7 octobre 1926, qui était une sorte de spectacle chanté face à la caméra, avec quelques paroles synchronisées du héros : « Wait a minute ! Wait a minute ! You ain’t heard nothin’ yet ! » ["Attendez une minute ! Ouvrez grand vos oreilles ! Vous n’avez encore jamais rien entendu !"]. Cette phrase est devenue l’une des tirades "culte" du cinéma mondial (en tout cas, la première dans l’ordre chronologique).

Ces quelques paroles entendues dans ce court-métrage a eu un effet très fort sur le public en salle. C’était comme si le public avait assisté à un miracle : l’image parlait ! C’est pourquoi la Warner Bros a voulu reprendre cette tirade parlée dans un long-métrage.

Un autre film a permis aussi la réalisation de "The Jazz Singer", ce fut "Don Juan" réalisé par Alan Crosland (le même réalisateur) et sorti aux États-Unis le 6 août 1926, avec en acteur principal, une star, John Barrymore (1882-1942). Très long film d’amour (167 minutes) qui a apporté un grand succès commercial à la Warner Bros, il était le premier film sonore (mais non parlant). Toujours des intertitres pour les dialogues, mais beaucoup de musiques.

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"The Jazz Singer" fut une étape essentielle dans l’histoire du cinéma puisque certaines scènes (des chansons et un monologue) furent parlants. Le reste resta dans la forme classique du cinéma muet, à savoir l’utilisation d’intertitres pour raconter l’histoire et faire les dialogues. Avec ce procédé Vitaphone, le son était enregistré par un graveur sur un disque en cire, et il était commandé par un moteur électrique synchrone, le même que celui qui commandait la caméra.

Entre deux chansons, et entre plusieurs paroles écrites, l’acteur principal sortit une parole face à la caméra (donc face au public, mais destinée à sa mère dans le scénario) en reprenant la tirade de "A Plantation Act". Effet garanti sur le public habitué seulement au cinéma muet.

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Les coûts de production du film "The Jazz Singer" s’étaient élevés à 442 000 dollars de l’époque (soit environ 6 millions de dollars de maintenant), ce qui était énorme pour le cinéma de l’époque, une production dépassant rarement les 250 000 dollars. Mais l’investissement fut rentable puisque les recettes rien qu’aux États-Unis ont atteint 3 millions de dollars (de l’époque, toujours).

Le jour de sortie du film au théâtre de la Warner Bros à New York a été fixé pour que cela correspondît au Yom Kippour, un jour férié chez les Juifs, qui était le contexte clef du film. C’était très compliqué de projeter ce film, avec quinze bobines et quinze disques, et la projection fut une réussite tant technique que commerciale. On entendit dans la salle des ovations à la fin du film. Toutefois, aucun des quatre frères fondateurs de la Warner Bros n’a assisté à cette projection historique, car l’un d’eux, Sam Warner, est mort la veille d’une pneumonie et les trois survivants étaient partis l’enterrer en Californie.

Le succès renouvelé de "The Jazz Singer" montra la grande attente du public d’avoir accès au cinéma parlant. Une société de production concurrente, la Fox Film Corporation (fondée le 1er février 1915 par William Fox), chercha à simplifier les moyens techniques en réussissant à enregistrer le son de manière optique sur la pellicule du film, mais le procédé n’était pas très fiable, les reproductions rendaient la qualité du son de plus en plus mauvaise et cela devenait rapidement inaudible. C’était le procédé Movietone qui avait l’avantage de mettre sur le même support images et son.

L’introduction du cinéma parlant dans le marché mondial cinématographique n’était pas évidente et moins rentable que le muet : la réalisation d’intertitres en langue du pays destinataire coûtait bien moins cher que la réalisation de doublages (les populations nationales réclamant des films à leur langue, se moquant même, pour les Britanniques, de l’accent américain). De plus, pour préserver la qualité sonore, il fallait enregistrer plus d’images par seconde (24 au lieu de 16 images par seconde), ce qui faisait augmenter d’un tiers les coûts matériels. En Europe, le premier film sonore qui a eu un succès commercial fut "Chantage" ("Blackmail"), sorti le 30 juin 1929 et réalisé par (le jeune) Alfred Hitchock (1899-1980), qui fit doubler in situ son héroïne car l’actrice (tchécoslovaque) ne parlait pas anglais.

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L’histoire du cinéma a commencé quasiment avec l’histoire de la photographie, inventée par Nicéphore Niepce (1765-1833) vers 1824, et même sans la photographie dans l’idée de pouvoir utiliser des images différentes pour voir une apparence de mouvement. C’était le phénakistiscope inventé par le physicien Joseph Plateau (1801-1883) en 1832 avec des images peintes. L’ingénieur Jules Duboscq (1817-1886) adapta l’idée avec des images photographiques pour concevoir le bioscope en 1851. Ce fut l’astronome Jules Janssen (1824-1907) qui développa un appareil photo pour prendre plusieurs photos à répétition en 1874 (le revolver astronomique), dans le but d’observer le passage de Vénus devant le Soleil. D’autres à la même époque ont inventé différents appareils pour étudier le mouvement en le décomposant, avec des appareils comme le zootrope du médecin Étienne-Jules Marey (1830-1904) et du photographe Eadweard Muybridge (1830-1904) en 1878, comme le praxinoscope du photographe Émile Reynaud (1844-1918) en 1888, etc.

Le cinéma n’a véritablement "commencé" qu’à partir de l’industriel Thomas Edison (1847-1931), fondateur de General Electric et de Continental Edison, avec le kinétograph en 1892, puis de l’ingénieur Louis Lumière (1864-1948) avec le cinématographe en 1895 : la première projection publique d’un film a eu lieu le 28 décembre 1895. Mais tout cela était encore en recherche et pas accessible au grand public, car Louis Lumière considérait que c’était « une curiosité scientifique sans avenir commercial ».

Le premier véritable réalisateur de films à but de divertissement et pas de curiosité scientifique fut l’ancien illusionniste Georges Méliès (1861-1938) qui comprit l’intérêt pour le grand public de cette invention extraordinaire. Il réalisa à partir de 1896 plusieurs milliers de courts-métrages dont le célèbre "Le voyage dans la Lune", sorti le 1er septembre 1902, où il développa les premiers rudiments des trucages. Ce film, qui a connu un très grand succès commercial, a d’ailleurs été copié illégalement dès sa sortie, parfois par de grandes entreprises américaines, pour de faire de gros profits qui ne rapportèrent pas aux auteurs du film de 14 minutes.

L’industrie du cinéma (forcément muet dans ce premier temps) s’est vite développée en raison de l’enthousiasme du public, avec la mise sur orbite de nouvelles stars, souvent des comiques ou des chanteurs (à partir de 1910, Max Linder est devenu une vedette mondiale, avant Buster Keaton, Charlie Chaplin, etc.). La Première Guerre mondiale a ralenti le bouillonnement cinématographique en Europe mais a favorisé Hollywood qui est alors devenu la première place mondiale du cinéma, ce qui explique que le son soit venu des États-Unis, dans une collaboration entre Hollywood (cinéma) et Broadway (musique et spectacle).

Je résume bien sûr trop rapidement et très mal cette histoire beaucoup plus riche et subtile qu’exposée ici, mais l’idée était surtout de rappeler que le cinéma muet a été un élément majeur du cinéma tout court (donc parlant). On imagine mal cet art se développer de cette manière sans les metteurs en scène cherchant à faire comprendre par la seule image, et sans le son, un certain nombre d’éléments de l’histoire.

C’est ainsi que furent imaginées les différentes techniques de cadrage, les travellings, les gros plans et les montages élaborés, à l’instar de Giovanni Pastrone (1883-1959), inventeur du travelling, et surtout de David Wark Griffith (1875-1948), qui l’utilisa souvent dans ses productions. Ces principes de cadrage n’étaient pas réservés au seul cinéma puisque, très en avance sur son temps et probablement grâce à la proximité de son frère Martial Caillebotte (1853-1910), photographe et musicien, le peintre impressionniste Gustave Caillebotte (1848-1894) les avait déjà utilisés quelques décennies auparavant pour ses toiles représentant des scènes de vie quotidienne (œuvres rejetées ou ignorées par la critique jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le cinéma parlant.
Jacques-Yves Cousteau.
Peter Falk.
"Big Eyes" de Tim Burton.
Mireille Darc.
Fadwa Suleiman.
Claude Rich.
Francis Veber.
Mimie Mathy.
Victor Lanoux.
Robert Dalban.
Acting.
Disparition de Zsa Zsa Gabor, Michèle Morgan, Claude Gensac, Carrie Fisher et Debbie Reynolds (dessin).
Kirk Douglas.
Gisèle Casadesus.
Jean Gabin.
Michel Aumont.
Grace Kelly.
Alice Sapritch.
Thierry Le Luron
Pierre Dac.
Coluche.
Charles Trenet.
Georges Brassens.
Léo Ferré.
Christina Grimmie.
Abd Al Malik.
Daniel Balavoine.
Édith Piaf.
Jean Cocteau.
Yves Montand.
Gérard Depardieu.
Michel Galabru.
Bernard Blier.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171006-cinema-parlant.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-cinema-parlant-a-seulement-90-197434

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/10/05/35739727.html


 

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