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16 octobre 2008 4 16 /10 /octobre /2008 10:36

L’Europe vagabonde semble se ressaisir. À qui le mérite ? Qu’importe ! Ce qu’il restera, c’est que lorsque l’Europe parle d’une seule voix, elle est puissante et peut compter dans le monde.


Le SAMU est venu le 12 octobre 2008 au sommet de l’Eurozone et se traduit par un Conseil des Ministres le 13 octobre, par un vote important à l’Assemblée Nationale le 14 octobre, par un Conseil européen les 15 et 16 octobre et par une rencontre à Camp David entre les dirigeants européens et George W. Bush le 17 octobre.

Le plan pour aider les banques qui a été adopté par l’Assemblée Nationale a nourri beaucoup de polémiques, d’incompréhensions et de rancœur.

En clair, on reproche à ce plan de faire financer par les contribuables (l’État) tout un système qui s’est lui-même mis en crise après en avoir faire profiter un très petit nombre. Et avec des sommes énormes alors que le millième est déjà difficile à débloquer pour des causes nettement plus morales comme l’aide aux plus défavorisés, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Peut-être le plan Paulson a-t-il causé beaucoup de confusion dans les esprits, car ce que proposent les Européens est très différent de la réaction de l’État américain de vouloir racheter des actifs sans valeur.


Que dit le plan adopté mardi par les députés français ?

Il dit que l’État se porte garant des crédits interbancaires à hauteur de 360 milliards d’euros jusqu’au 31 décembre 2009.

C’est-à-dire que ces 360 milliards sont plutôt dans le virtuel pour l’instant.

La recapitalisation, c’est une renationalisation du système bancaire. Mesure cocasse prise dans l’urgence (c’est encore plus cocasse aux États-Unis). L’État achète des actions aujourd’hui (sans droit de vote mais avec capacité d’en changer les dirigeants) et compte les revendre dans quelques temps une fois la crise passée. À moins que la banque dans laquelle l’État a investi n’existe plus…

La garantie se réalisera avec contrôle (reste à savoir comment s’opérera concrètement ce contrôle). De plus, cette garantie est payante. Et si l’établissement bancaire (au bord de la faillite alors) devait faire jouer cette garantie, alors l’État serait rémunéré en intérêts élevés pour son intervention financière (temporaire) et émettrait un emprunt afin de pouvoir accéder aux montants garantis.

En contrepartie, l’État s’assurerait que les fonds éventuellement débloqués seraient « orientés vers les prêts à l’économie française » (c’est-à-dire pour les entreprises, les particuliers et les collectivités locales) et se conformeraient à « des principes éthiques ».

Cette construction est certainement bancale, mais elle est néanmoins nécessaire à condition que les autres pays européens le fassent aussi. Ce qui est le cas avec près de 2 000 milliards d’euros qui seraient ainsi impliqués "virtuellement", soit quatre fois plus que le plan Paulson (dont 480 milliards d’euros pour l’Allemagne, 382 milliards d'euros pour la Grande-Bretagne).

Pour le Premier Ministre François Fillon, « la simple existence de ces outils devrait suffire à ramener la confiance dans le système interbancaire ».

Le risque, dans l’hypothèse la plus noire, c’est que la crise continue (les bourses asiatiques se sont effondrées ce matin d’une dizaine de pourcents) et que les 2 500 milliards d’euros des plans américain et européen ne soient pas suffisants…

Il y a eu cependant une efficacité immédiate de ces mesures : les indices boursiers du monde entier ont grimpé pendant deux jours. La baisse après le rebond ne doit pas masquer deux choses : d’une part, ce plan destiné en urgence à redonner mutuellement confiance aux établissements bancaires a bien fonctionné (l’objectif d’urgence est atteint) ; d’autre part, c’est l’Europe qui a su "reprendre" le leadership de l’économie mondiale (pour combien de temps encore ?).

Cette "européanisation" de l’économie mondiale se déroule parallèlement à la création pour janvier 2009 d’un groupe de réflexion sur l’avenir de l’Union qui sera présidé par l’ancien Premier Ministre espagnol socialiste Felipe Gonzalez et dont le but sera de réfléchir « sur le sens, le contenu et l’identité du projet européen pour le XXIe siècle ».


Quelle est la paternité de ce plan de réactivation du marché interbancaire ?

Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Gordon Brown, Jean-Claude Juncker… ? Sans doute que chacun dans son pays se l’accaparera, cette paternité (ou maternité). Et pourquoi pas ? Chaque dirigeant européen en a été l’acteur sinon l’initiateur.

Laissons Nicolas Sarkozy de côté. Il est évident qu’en présidant le Conseil européen dans une période doublement trouble (Géorgie et crise financière), il n’a pas eu un semestre de tout repos et voudra évidemment le valoriser politiquement alors que les sondages ne sont pas au beau fixe. Ce qui est naturel et humain.

En fait, ce n’est pas le plus important. En tous temps, il y a toujours eu des "récupérateurs" professionnels des idées des autres. L’essentiel, c’est que ce plan redonne confiance aux acteurs financiers, ce qui est loin d’être durablement acquis.


Qui a voté ces mesures à l’Assemblée Nationale ?

Fidèlement, les députés UMP ont voté en faveur du projet du gouvernement, mais qui s’en étonnera ?

Fidèle également à ses convictions européennes et économiques, François Bayrou a apporté son soutien au gouvernement, sans pour autant lui donner un chèque en blanc. Sa position est d’autant plus courageuse qu’il veut être le premier opposant au Président Nicolas Sarkozy. Le fait d’avoir su faire la différence entre l’intérêt du pays et son propre intérêt électoral est tout à son honneur et je pense que son positionnement le soir du 14 octobre 2008 est en quelques sortes "fondateur" de sa stature d’homme d’État.

Les communistes aussi sont restés fidèles à leurs convictions en refusant de soutenir le gouvernement. Redevenant anticapitalistes à outrance (après avoir participé à un gouvernement socialiste qui a mis en œuvre la monnaie unique européenne, j’aime bien le rappeler !), le PCF se cherche une nouvelle virginité pour contrer la rude concurrence d’Olivier Besancenot.

Et les socialistes ? Comme pour le Traité de Lisbonne, comme pour plein de décisions essentielles sur l’avenir du pays : les députés socialistes ont décidé de s’abstenir. De ne pas avoir d’opinion sur ce sujet crucial !

Ils prétendent vouloir un plan social à côté du plan financier. Ils n’osent pas reconnaître qu’ils sont favorables aux mesures gouvernementales. Mais pas tous, et les profondes divisions idéologiques au sein du Parti socialiste vont lui donner une bien mauvaise image lors son Congrès dans moins d'un mois à Reims.

Divisions idéologiques et surenchères des écuries présidentielles, cela feraient un bien noir tableau dans un monde au proie au doute, dans une atmosphère de crise financière internationale et de fin de règne aux États-Unis.


Heureusement, pas d’élection à l’horizon

Le Président de la République Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon bénéficient d’une chance inestimable : ils n’auront pas à affronter une élection nationale avant trois ans et demi. Cela leur laisse un peu de temps pour éviter de traduire la panique financière en panique électorale.

Avantage que n’ont pas les Américains, qui votent dans trois semaines et dont le plan Paulson, valable il y a trois semaines, ne paraît plus vraiment d’actualité : les État-Unis devront-ils alors imiter pour une fois cette vieille Europe qu’ils ont tant moquée ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 octobre 2008)


Pour aller plus loin :

Communications sur la crise financière au Conseil des Ministres du 13 octobre 2008.

Discours du Premier Ministre François Fillon le 14 octobre 2008 à l’Assemblée Nationale.

Audition parlementaire sur la crise financière (2 octobre 2008).

Première journée du sommet européen de Bruxelles (15 octobre 2008).



http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=45873

http://fr.news.yahoo.com/13/20081016/tot-le-plan-europeen-contre-la-crise-mon-89f340e.html


http://www.lepost.fr/article/2008/10/16/1289794_le-plan-europeen-contre-la-crise-mondiale.html


http://www.kydiz.com/article/1812-Le-plan-europeen-contre-la-crise-mondiale.htm



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14 octobre 2008 2 14 /10 /octobre /2008 22:22
14 octobre 2008

Comité de réflexion sur les codes pénal et de procédure pénale


Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice - Hotel de Bourvallais

Monsieur le Président de la Commission des Lois du Sénat, Jean-Jacques HYEST
Monsieur le député (Jean-Paul GARRAUD)
Messieurs les sénateurs (Jean-René LECERF, Jean-Patrick COURTOIS)
Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,
Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation,
Monsieur l’Avocat Général Philippe LEGER,
Monsieur le Procureur Général de Paris,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Madame et Monsieur les Professeurs,
Messieurs les Directeurs,
Messieurs les Avocats,
Mesdames et Messieurs,



C'est avec beaucoup de plaisir que je vous accueille aujourd'hui à la chancellerie pour l'installation du comité de réflexion sur la rénovation du code pénal et du code de procédure pénale.

Votre comité a une tâche majeure : réformer et moderniser deux codes qui sont des piliers de notre justice et de notre démocratie.

Je tiens tout d'abord à vous remercier vivement, Monsieur l'avocat général Philippe Léger, d'avoir accepté la présidence de ce comité.

Votre expérience riche et diversifiée de magistrat vous assure une parfaite connaissance de la législation pénale. Vous connaissez la nécessité de préserver l'équilibre entre la protection des libertés individuelles et la protection de la société.

Surtout, après avoir été pendant douze ans avocat général à la Cour de justice des communautés européennes, vous portez sur notre droit un vrai regard européen. Il sera particulièrement utile au comité. Car j'attends de vous que vous rénoviez, mais aussi que vous innoviez.

Vous serez bien entouré dans cette tâche. La réforme du code pénal et du code de procédure pénale est une œuvre qui doit mobiliser l'ensemble des acteurs judiciaires, et plus largement, toute notre société.

Je remercie chacun des membres du comité d'avoir accepté de mettre ses connaissances et sa capacité d'innovation au service de la réforme. Je tiens plus particulièrement à saluer la présence de Me Paul Lombard, grand avocat des droits de la défense. Sa connaissance pragmatique et détaillée du droit pénal et de la procédure pénale sera très précieuse.

Pourquoi faut-il aujourd'hui rénover notre code pénal et notre code de procédure pénale ?

L'histoire de ces deux codes diffère fortement :

o Le code pénal de 1810 a fait l'objet d'une première et vaste refonte à travers plusieurs lois votées en 1992 et entrées en vigueur le 1er mars 1994.
Quatorze ans après, nous disposons du recul nécessaire pour porter un regard sur l'évolution de ce qu'on a appelé le « nouveau code pénal ».


o Le code de procédure pénale actuel a, quant à lui, succédé en 1957 au code d'instruction criminelle. Il a été depuis modifié à de très nombreuses reprises. A aucun moment on ne l'a repensé dans sa globalité.

Deux histoires différentes et pourtant un même constat s'impose :

- ces codes manquent de cohérence,
- ils sont incomplets,
- ils sont sur certains points inadaptés aux besoins et aux attentes de notre société.

La catastrophe judiciaire d'Outreau a permis d'engager une réflexion sur la nécessité de réformer le code pénal et le code de procédure pénale.

J'ai mis en œuvre les 91 pôles de l'instruction. Ils fonctionnent depuis le 1er mars. Ils ont déjà été saisis près de 500 fois depuis cette date.

D'autres avancées sont aujourd'hui nécessaires.

Votre tâche est ambitieuse : remettre à plat l'ensemble de notre droit pénal. Je vous laisserai conduire votre propre réflexion. Permettez-moi simplement de vous donner quatre orientations qui pourront guider vos travaux.

Premièrement, il faut rendre notre droit pénal plus cohérent et plus lisible.

C'est tout d'abord une attente des Français.
Le Code Napoléon de 1804 énonçait un principe bien connu : « Nul n'est censé ignorer la loi ».

C'est un principe simple. Il suppose une condition première : il faut que la loi soit lisible. Je sais que c'est une préoccupation partagée par Monsieur le Président Jean-Jacques Hyest.

Aujourd'hui, la réalité est souvent inverse. La loi est mal comprise car elle est souvent incompréhensible pour nos concitoyens.

Les magistrats attendent eux aussi que notre droit pénal soit plus cohérent. Les procédures sont de plus en plus complexes, les risques de voir une procédure annulée se multiplient.

Les magistrats ont besoin de codes clairs et précis pour travailler. Dans une démocratie, ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi, doivent disposer des moyens de la connaître complètement pour l'appliquer sereinement.

 

Chacun le constate : depuis plusieurs décennies, il existe une véritable «inflation législative ». Elle se manifeste par une explosion du nombre d'infractions dispersées dans des lois particulières ou dans d'autres codes.

Il apparaît que si 87 % des crimes figurent dans le code pénal, seulement un tiers des délits sont réprimés par ce code.

Cela signifie qu'environ 70 types de crimes et plus de 3 600 délits existent, mais qu'ils figurent dans d'autres codes ou dans des textes non codifiés.

Cet éparpillement nuit aussi bien à la cohérence qu'à la lisibilité du droit pénal :
- il facilite l'existence d'infractions distinctes réprimant un même comportement avec parfois des écarts de peines incohérents,
- il réprime des infractions dépassées et laisse dans l'ombre des infractions pourtant utiles.

Par exemple : le délit d'abus de faiblesse prévu par le code pénal est puni d'une peine de 3 ans et de 375 000 euros d'amende.
Le même délit prévu par le code de la consommation, qui réprime des comportements en partie similaire, est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 9 000 euros d'amende. Il n'y a aucune cohérence.

Des incohérences existent au sein même du code pénal dans les sanctions de comportements voisins : l'abus de biens sociaux est puni de 5 ans et 375 000 euros, l'abus de confiance de 3 ans et 75 000 euros, la banqueroute de 5 ans et 75 000 euros. De même l'incrimination générale de corruption active est punie de 5 ans d'emprisonnement, tandis que la corruption aux fins d'obtenir une attestation ou un certificat est punie de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros.

Pour être efficace et compris des Français, la cohérence de notre code pénal doit être renforcée.

La loi pénale est présumée être connue de tous. Il appartient à l'Etat de mettre à la disposition de chaque citoyen des codes clairs, précis, accessibles et présentant de manière cohérente et complète l'ensemble des dispositions pénales.

Il vous appartient d'aller plus loin afin d'offrir à nos concitoyens une vision d'ensemble cohérente de notre droit pénal.

Pour cela il vous faudra :

- définir de quelle manière l'ensemble des crimes et délits doivent être codifiés dans le code pénal ;
- identifier les contentieux devant faire l'objet de mesures de dépénalisation ou de déjudiciarisation ;
- et pour chaque projet de dépénalisation, identifier le mode de régulation permettant de suppléer la sanction pénale.

Cette rénovation nécessite en particulier une mise à plat du droit pénal spécial.

J'ai déjà initié partiellement cette réflexion avec la commission présidée par Monsieur Jean-Marie Coulon. Un avant projet de loi est en cours de rédaction et sera prochainement soumis au Conseil d'Etat.

Vos travaux s'inscriront également pour partie dans la continuité de ceux de la commission Guinchard sur la répartition des contentieux. Je veux vous annoncer que ses propositions vont recevoir concrétisation à la fois au plan réglementaire et législatif, notamment dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit déposée par le président Jean-Luc Warsmann et examinée ce matin même par l'Assemblée nationale.

Vous le voyez, les rapports des commissions de réflexion créées par la Chancellerie ne restent plus dans les tiroirs ; ils reçoivent une mise en œuvre immédiate ! Ce sera aussi le cas pour les conclusions de votre comité de réflexion !

Deuxième orientation : il faut disposer d'outils efficaces pour lutter contre la récidive et la délinquance.

La loi pénale doit poser des principes clairs, simples et efficaces.

Nous y veillons depuis dix-sept mois.

Avec la loi du 10 août 2007, les magistrats disposent d'un régime juridique clair contre la récidive. Ce régime est gradué et adapté. Il a déjà été mis en œuvre plus de 14 000 fois et dans la moitié des cas, une peine plancher a été prononcée.

La loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté, complète ce dispositif. La règle énoncée est simple : les criminels particulièrement dangereux en fin de peine seront placés dans des centres de rétention de sûreté.

Dans la même logique, j'ai engagé une remise à plat totale du droit applicable aux mineurs délinquants de 2008. Personne n'avait eu le courage de le faire. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un texte de 2008 pour les mineurs délinquants de 2008 ! Ce texte doit poser des principes clairs : sanctionner le mineur délinquant et éviter la récidive.

Ces objectifs de clarté et de simplicité doivent guider vos travaux.

Ils devront permettre aux magistrats et aux enquêteurs de disposer d'outils efficaces pour lutter contre la délinquance. Je pense en particulier à la détermination d'une compétence nationale pour les officiers de police judiciaire, à un assouplissement des règles de perquisitions dans les affaires pénales d'envergure.

Troisième orientation : il faut renforcer les droits de la défense.

D'un côté, il faut que les magistrats disposent d'outils adaptés pour lutter contre la délinquance. De l'autre, il faut s'assurer que les droits des personnes interpellées et poursuivies soient assurés. C'est une question d'équilibre et de dignité.

Aujourd'hui, pour une même situation, les droits sont différents :

- cinq régimes de garde à vue distincts : deux régimes de droit commun, flagrance et préliminaire, et trois régimes dérogatoires en matière de terrorisme, de délinquance en bande organisée ou de trafic de stupéfiants. Les conditions pour rencontrer un avocat, prévenir sa famille ou voir un médecin varient selon les régimes.


- et autant de régimes de détention provisoire déterminés par la nature de l'infraction commise, l'importance de la peine encourue ou le passé de la personne mise en examen.

De la même manière, les procédures pénales simplifiées que sont la composition pénale, l'ordonnance pénale ou la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne garantissent pas toutes les mêmes droits au prévenu.

Il faudra veiller à renforcer et harmoniser les droits de la défense.

Vous pourrez vous interroger sur l'introduction d'une procédure d'habeas corpus dans notre droit. Une personne arrêtée n'est pas privée de tous ses droits. Il faut réfléchir à une procédure qui garantit à une personne arrêtée une présentation rapide devant un juge.

Cette procédure pourrait rendre possible l'intervention d'une juridiction collégiale pour le placement d'une personne en détention provisoire.

Vous devrez également vous poser la question de l'intervention de l'avocat durant la garde à vue. Aujourd'hui, l'intervention se limite à une simple entrevue. L'avocat n'a pas accès à la procédure. J'attends de vous des propositions innovantes qui tiendront compte des nécessités de l'enquête.

Vous pourrez enfin réfléchir au renforcement de l'aspect contradictoire de l'enquête initiale.

Quatrième orientation : une meilleure prise en compte des droits des victimes.

D'une manière générale, vos travaux devront veiller à ce que les victimes soient mieux informées et mieux accompagnée durant la procédure judiciaire.

Pendant trop longtemps, les victimes ont été les oubliés de la justice. On s'intéressait à l'auteur de l'infraction, à sa vie, à sa personnalité, à sa santé. On s'intéressait moins à la victime, à sa souffrance, à ses difficultés, et finalement, à ses droits.

Des réformes importantes ont déjà été mises en œuvre avec le juge délégué aux victimes et le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions qui s'est ouvert le 1er octobre.

Il faut aujourd'hui aller plus loin en associant les victimes à l'application des peines. Grâce à la création du Juge délégué aux victimes, ces dernières sont informées des aménagements de peine accordées à leur agresseur. C'était la moindre des choses. Maintenant, il faut se demander si la victime ou son représentant ne doit pas être entendu au moment de l'examen de la demande d'aménagement. C'est important de mesurer le traumatisme des victimes avant d'ordonner une mesure de semi-liberté. 
                                            
Mesdames et Messieurs,

Les travaux qui vous attendent sont aussi vastes que complexes. Vous disposez d'une liberté totale de proposition : n'hésitez pas à innover, à vous inspirer des solutions retenues par nos voisins européens, à bousculer le droit existant si cela est nécessaire.

Les résultats de vos travaux sont attendus le 1er juillet 2009.

D'ici là, vous aurez auditionné, comparé, débattu et formé des propositions qui contribueront à rénover un droit fondamental en ce qu'il marque les frontières de nos libertés et en assure la protection.

Je vous souhaite de bons travaux.

Je vous remercie.

Rachida Dati.

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14 octobre 2008 2 14 /10 /octobre /2008 20:29



Interventions du Premier ministre
14-10-2008 17:12

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,

Depuis quelques semaines, l’Europe affronte une des crises financières les plus graves de son histoire. Une action déterminée était nécessaire. La Présidence française a entrepris de la conduire, et je crois qu’on peut, ensemble, reconnaître que, partout dans l’Union, le volontarisme du Président de la République est salué. C’est d’ailleurs ce même volontarisme qui a caractérisé son intervention lors de la crise géorgienne. En quelques mois, à deux reprises, l’Europe s‘est révélée comme une force politique avec laquelle il fallait compter.

Mesdames et Messieurs les députés, depuis le 18 septembre, c’est-à-dire depuis que la crise financière, qui sévissait aux Etats-Unis en particulier depuis le début de l’été 2007, est entrée dans une phase aiguë, la France n’a pas varié. Elle a cherché, depuis près de trois semaines, à atteindre le même objectif, c’est-à-dire une réponse globale et massive à une crise financière qui est globale et massive. Cette réponse n’a pas été facile à obtenir et il a fallu tout le pragmatisme de la présidence française pour, petit à petit, de la réunion du G4 qui a permis de mettre d’accord Britanniques et Allemands, à la réunion de l’Eurogroupe de dimanche dernier, et je l’espère demain, à la réunion du Conseil européen, aboutir finalement à construire une réponse coordonnée, massive et globale européenne à la crise financière. Le 12 octobre dernier, le Président de la République a réuni les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro. Je voudrais d’abord vous faire remarquer que c’était une première puisque, jamais, depuis la création de la monnaie unique, un tel sommet n’avait été réuni. Ce qui en dit sans doute long d’ailleurs sur la manière dont on considérait le fonctionnement de nos institutions, considérant qu’il n’était pas normal que les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro se réunissent. Jamais l’Europe ne s’était engagée de façon aussi massive. Il était clair que l’urgence de la situation appelait une réponse européenne commune. Il était clair que les 15 pays de la zone euro, parce qu’ils partageaient la même monnaie, parce qu’ils partageaient la même politique monétaire, parce qu’ils partageaient la même banque centrale, devaient agir les premiers.

C’est ce qu’ils ont fait en annonçant ensemble une action immédiate, une action puissante et une action concertée.

Trois décisions majeures ont été prises dimanche soir.

• D’abord, pour pallier le manque de liquidités des banques, les gouvernements pourront garantir, directement ou indirectement, leurs nouvelles émissions, pour une période définie allant jusqu’à cinq ans. Ces garanties se feront naturellement sous conditions. Et en France, cette réactivation du marché interbancaire se fera par la création d’une "caisse de refinancement". Cette "caisse de refinancement" empruntera sur les marchés, avec la garantie de l’État, pour fournir des ressources financières aux banques qui le souhaiteront. Pour des raisons de bonne gouvernance et de transparence, nous avons préféré ce système centralisé, passant par une société de refinancement, à des garanties d’emprunts bancaires accordées au cas par cas. La société de refinancement sera placée sous un contrôle étroit, conforme à la garantie exceptionnelle dont elle est porteuse.

• Ensuite, chaque État membre de la zone euro a décidé de mettre à disposition des banques européennes des fonds propres supplémentaires pour leur assurer un "matelas de sécurité" dont elles peuvent avoir besoin dans ces temps de turbulences. L’objectif de cette mesure, c’est évidemment de renforcer la confiance vis-à-vis des établissements financiers et de faire en sorte que ces établissements financiers puissent recommencer à faire leur métier, c’est-à-dire prêter de l’argent à l’économie réelle, aux entreprises, aux salariés, aux ménages, aux collectivités locales. En France, nous avons retenu la voie de l’apport aux organismes financiers qui en feront la demande sous forme de titres subordonnés, sans droit de vote, et bien entendu, contre une rémunération.

• Enfin, les pays de la zone euro ont pris l’engagement, comme d’ailleurs la France l’avait déjà fait depuis plusieurs semaines, d’empêcher toute faillite de banque présentant un risque pour le système financier, en y consacrant les moyens adaptés, y compris l’apport de capitaux nouveaux. Comme je vous l’ai indiqué la semaine dernière, ces prises de participation devront se faire dans le respect des intérêts des contribuables et en veillant à ce que les actionnaires et les dirigeants de la banque assument entièrement leur part de responsabilité. Dans l’hypothèse où il devrait y recourir, l’État français les assortirait d’une intervention claire dans la stratégie de redressement de l’établissement et du remplacement de ses dirigeants, comme ce fut le cas lorsque nous avons décidé d’apporter notre soutien à l’établissement financier Dexia.

En ce moment même, et comme nous en étions convenus lors du sommet du 12 octobre, une réaction concertée est mise en œuvre par tous les pays de la zone euro. Et vous allez examiner dans quelques instants, le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, qui décline au niveau national les différents aspects du plan européen adopté dimanche dernier. Nous sommes conscients de la responsabilité qui nous incombe, au moment où nous nous apprêtons à solliciter de votre part l’autorisation d’engager la garantie de l’État à hauteur de 360 milliards d’euros. Et c’est la raison pour laquelle, devant les Français, je veux prendre, au nom du Gouvernement, trois engagements :

D’abord, celui de gérer au mieux les intérêts du contribuable.
Les montants indiqués correspondent à des plafonds. Ils sont d’une importance considérable, parce que nous devons apporter, face à l’ampleur de la crise, une réponse qui soit crédible.

Ils sont d’ailleurs du même ordre que les annonces qui ont été faites par nos partenaires, compte tenu de leur produit intérieur brut et de leur situation propre - 480 milliards d’euros pour l’Allemagne, 382 milliards d’euros pour le Royaume-Uni. La simple existence de ces outils devrait suffire à ramener la confiance dans le système interbancaire. En tout état de cause, les interventions seront temporaires. Elles seront aussi sécurisées que possible : ainsi, les prêts bénéficieront de sûretés apportées par les banques ; en cas de défaillance, naturellement, les créances de l’État seront prioritaires. Ces interventions seront payantes, afin que les acteurs assument entièrement le coût de marché des financements et des investissements qu’ils obtiendront. J’ajoute que le système de rémunération sera mis en place de telle manière qu’il incitera les bénéficiaires à les rembourser au plus vite, dès que les conditions de marché seront rétablies.

Le deuxième engagement que je prends devant vous, c’est celui d’exiger des bénéficiaires de ces dispositifs des contreparties qui soient proportionnées à l’effort financier que l’Etat consent.


Ces contreparties seront prévues par la loi. Pour le volet "refinancement", elles seront détaillées dans une convention. Et pour le volet "renforcement des fonds propres", elles feront partie intégrante de la politique d’investissement. Elles comportent au premier chef l’engagement d’orienter les fonds obtenus vers les prêts à l’économie française. Mais nous avons, mesdames et messieurs les députés, également tenu à ce que les établissements bancaires et leurs dirigeants s’engagent sur des règles de comportements, c’est-à-dire sur toute une série de principes éthiques qui soient conformes à l’intérêt général. Tous les établissements concernés devront ratifier la charte de déontologie sur les rémunérations des dirigeants. Ils devront adapter les rémunérations de leurs opérateurs financiers, afin d’éviter les comportements imprudents et irresponsables qui nous ont menés là où nous en sommes. Mais nous irons plus loin : ainsi, je considère qu’il n’est pas concevable qu’une banque concernée par ces dispositifs emploie les fonds obtenus, par exemple, pour procéder à des rachats d’actions ou pour se lancer dans une stratégie d’expansion prédatrice. On ne peut pas accepter non plus que ses dirigeants puissent la quitter en empochant d’importantes indemnités de départ, ou se fassent voter de généreux plans de stock-options.

Enfin, la même résolution marque notre troisième engagement, celui de transformer en profondeur le système au niveau mondial, pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent.


Le Président de la République l’a rappelé : nous devrons tirer au plus vite les leçons de cette crise pour refonder le système financier international. Il est hors de question de recommencer comme avant, c’est-à-dire comme si rien ne s’était passé. Il faut reconstruire l’architecture de la régulation mondiale en matière financière sur une véritable légitimité politique. Des marchés financiers mondialisés ne peuvent pas fonctionner en laissant persister dans leur système de supervision des trous béants, des failles, des pans entiers d’obscurité !

Tous les pays, sans exception, doivent adopter des règles de supervision et de régulation rénovées, propres à rétablir les principes de confiance, de responsabilité et de transparence.


Nous avons déjà, en Europe, pris des décisions ou des orientations dans ce sens. Je veux évoquer la régulation des agences de notation, dont, à l’évidence, il est clair qu’elles ont totalement failli dans ce dispositif. Je veux évoquer la responsabilisation des dirigeants ; le principe de transparence et de performance dans la rémunération des dirigeants ; le renforcement des exigences en fonds propres imposées aux banques ; les règles prudentielles sur les produits titrisés ; le renforcement des règles de coopération entre les pays, notamment en cas de crise. Mais ces efforts, si l’on veut qu’ils soient efficaces, ne doivent pas rester l’apanage de l’Europe ! Il faut bâtir un nouveau consensus international pour accorder entre elles les recommandations multiples issues de la crise financière. Des trous noirs, que j’évoquais la semaine dernière, comme les centres off shore, ne doivent plus exister ! Et leur disparition doit préluder à une refondation du système financier international. Et nous souhaitons que dans ce système financier international que nous appelons de nos vœux, le FMI ait un rôle de pivot dans un système financier rénové. Il doit avoir un rôle d’alerte précoce pour prévenir les crises. Il doit pouvoir porter un diagnostic objectif et partagé sur les changes. Il doit collaborer plus efficacement avec le Forum de Stabilité Financière, qui rassemble les banquiers centraux et régulateurs nationaux. Il doit profiter d’une légitimité politique renforcée. La Banque mondiale, elle aussi, doit faire évoluer sa gouvernance.

Ces chantiers, vous le savez, vont de pair avec un meilleur partage des rôles au plan mondial. Nous voulons demain que les pays émergents soient partie prenante au système que nous voulons rebâtir.
Depuis plus d’un an, la France défend la proposition d’évoluer d’une organisation, au fond de la direction des pays développés, qui est concentrée entre les mains des seuls huit Etats les plus importants ou qui étaient les plus importants sur le plan économique, au moins aux quatorze Etats qui représentent les puissances économiques qui sont émergentes sur les différents continents. Cette proposition prend aujourd’hui tout son sens, quand il s’agit de porter de tels projets financiers à l’échelle mondiale.

Mesdames et messieurs les députés, Il était indispensable, avant le Conseil européen des 15 et 16 octobre, que les pays de la zone euro montrent l’exemple et soient à la hauteur de leurs responsabilités. Je crois qu’on peut dire que c’est désormais chose faite.

Le 15 et le 16 octobre, il faudra encore que l’action décisive de l’Eurogroupe soit accompagnée par un plan cohérent des 27 États membres et de la Commission. Une étroite coordination avec le Royaume-Uni lors du sommet du 12 octobre a permis d’en tracer les prémices. Le Conseil européen sera l’occasion d’en étendre les principes à l’ensemble de l’Union européenne.

A ce Conseil d’envisager une série de décisions importantes :

- D’abord, l’élargissement à l’Union européenne de l’engagement pour assurer la protection des dépôts dans l’ensemble de l’Union ;
- Il s’agira de reconnaître aux règles européennes la flexibilité nécessaire pour répondre aux circonstances exceptionnelles que nous traversons. Cela concerne, naturellement, aussi bien les règles de concurrence que celles du pacte de stabilité et de croissance ;
- Il s’agira d’ajouter un mécanisme européen améliorant la gestion de crise, comme l’Eurogroupe l’a demandé. Ce que nous voulons, c’est que le Président du Conseil, le président de la Commission, le président de la BCE et le président de l’Eurogroupe puissent constituer une sorte d’état-major de crise capable de prendre dans un délai extrêmement court les réactions qui s’imposent pour permettre au système de s’adapter.
- Il s’agira d’adopter immédiatement les décisions nécessaires pour que les normes comptables reflètent davantage la valeur réelle des actifs bancaires.
- Nous proposerons que soit arrêtée une série de principes concernant les "parachutes dorés", sur les stock-options, le système de bonus des opérateurs financiers, pour éviter que le système ne favorise une prise de risques excessive, ou une extrême focalisation sur les objectifs de court terme, dont on a trop vu le danger ;
- Il s’agira de poursuivre les réformes structurelles de l’économie européenne en lui assurant un niveau de financement suffisant, y compris en utilisant les instruments disponibles, comme la Banque européenne d’investissement ;
- Il s’agira enfin de préparer, avec nos partenaires, une position européenne commune en vue de la prochaine initiative pour refonder le système financier international.

Mesdames et messieurs les députés,

Le 1er septembre, la Présidence française a répondu au conflit du Caucase par un plan crédible, émanant d’une Europe unie. Aujourd’hui, l’Europe est en train de répondre à une crise financière en s’unissant autour de mesures concrètes et immédiates.

Le sommet du 12 octobre et le Conseil européen du 15 sont les deux volets nécessaires de cette réponse commune.

Mais je veux vous dire que si le Conseil européen sera naturellement focalisé sur les solutions à apporter à la crise financière, il ne devra pas laisser de côté les autres sujets qui sont à l’ordre du jour de la présidence française et que nous voulons voir avancer.

D’abord, sur la base des propositions de la présidence, le Conseil européen prendra des décisions pour sécuriser l’approvisionnement énergétique des Européens. Un meilleur fonctionnement du marché intérieur de l’énergie est désormais assuré, grâce au compromis global qui a été obtenu vendredi dernier au Conseil. Il reste maintenant à progresser sur les économies d’énergie, sur l’efficacité énergétique ; il reste à poursuivre la diversification de nos sources, à inventer un mécanisme européen de gestion de crise, en cas de difficultés temporaires d’approvisionnement, à renforce et à compléter les infrastructures européennes, notamment les interconnexions électriques et gazières, à développer les relations de l’Union européenne avec les pays fournisseurs, en premier lieu la Russie, mais aussi les pays de la Mer Caspienne.

Le Conseil européen devra également réaffirmer les objectifs très volontaires que l’Union s’est fixée pour la lutte contre le changement climatique. Nous restons convaincus, quelles que soient les difficultés conjoncturelles que nous traversons, qu’il est indispensable que l’Europe, avant la réunion de Copenhague en 2009, montre l’exemple, s’agissant de son engagement à réduire les émissions de gaz à effets de serre. C’est la raison pour laquelle la proposition française a défini des orientations précises, qui doivent nous permettre de parvenir à un compromis global sur les propositions de la Commission, tout en tenant compte des demandes légitimes de l’industrie et de la conjoncture actuelle.

Naturellement, la Traité de Lisbonne sera au cœur des discussions du Conseil européen. Le Premier ministre irlandais livrera au Conseil son analyse de la situation et les solutions qu’il propose à l’impasse dans laquelle, pour le moment, l’Union européenne est engagée. La présidence rappellera qu’une solution doit être rapidement trouvée. Je pense que l’expérience de la crise que nous venons de vivre montre à quel point nous avons besoin d’une présidence de l’Union européenne stable et forte. S’il en fallait une justification, cette crise, après celle de la Géorgie, en est la preuve éclatante.

Le Conseil européen devrait adopter par ailleurs le pacte européen sur l’immigration et sur l’asile, qui constituera le socle d’une politique commune. Et là encore, je voudrais faire remarquer que l’ensemble des pays de l’Union européenne ont accepté de parvenir à un compromis qui correspond très largement aux demandes qui étaient celles de notre pays, pour faire en sorte que la politique d’immigration et d’asile ne soit plus gérée seulement sur des bases nationales, mais dans le cadre coordonné de l’espace européen.

Enfin, la Présidence a transmis à tous les Etats membres les propositions du Président du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Union, M. Felipe Gonzalez, concernant la composition de ce groupe qui doit entamer ses travaux à partir de janvier 2009. Si on a un accord unanime, puisqu’il est nécessaire, des Etats membres sur la composition de ce groupe, alors pourra commencer une réflexion de fond sur le sens, le contenu et l’identité du projet européen pour le XXIème siècle.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Une présidence de l’Union européenne se juge sur sa capacité à affronter les crises. Depuis le mois d’août, les circonstances n’ont pas ménagé la présidence française ; elles lui ont donné l’occasion de prouver sa volonté. Je veux redire devant vous que, grâce à la détermination du Président de la République, grâce à la confiance que nous accordent nos partenaires, grâce au soutien du Parlement français, nous continuerons à démontrer que l’Europe est le bon niveau pour répondre aux défis mondiaux.

L’Europe est plus puissante qu’elle ne le croit. Elle peut répondre aux crises. Mais pour cela, il faut que ses membres aient la volonté politique d’agir ensemble et d’adopter des solutions neuves et des solutions audacieuses. J’ai la conviction que cette énergie européenne dépend beaucoup de l’énergie française. L’Europe a besoin d’une France unie et volontaire, et la France a besoin d’une Europe décidée à saisir son destin.

Dans la foulée de ce débat, Christine Lagarde et Eric Woerth vous présenteront le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie. Au-delà des différences politiques, j’invite le Parlement à se rassembler autour de ce projet.

Ce rassemblement serait un signe fort de notre volonté commune de sortir de la crise et de protéger les Français. Ce serait un signe fort de notre capacité à agir ensemble et dans l’urgence, et cela aux yeux de tous nos partenaires européens qui ont confiance dans la présidence française de l’Union. Ce rassemblement, enfin, serait l’illustration d’une ambition que nous partageons tous, et d’une ambition qui d’ailleurs est singulièrement française : faire de l’Europe une puissance politique et économique, une puissance solidaire, qui, dans l’union de ses forces nationales, est bien décidée à peser sur l’avenir. C’est le sens du débat qui s’engage et ce sera, je l’espère, le sens du vote de l’Assemblée nationale.

François Fillon, le 14 octobre 2008.




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13 octobre 2008 1 13 /10 /octobre /2008 18:42


Croissance 
13-10-2008 17:35


Pour répondre à la crise financière actuelle, le projet de loi, présenté par François Fillon en Conseil des ministres du 13 octobre, est destiné à restaurer la confiance dans le système bancaire et financier, et à garantir le bon fonctionnement de l’économie française. Le projet devrait être adopté d’ici à la fin de la semaine, selon les vœux du président de la République.

Le texte de la communication en Conseil des ministres du projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie


Le Premier ministre a présenté un projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, destiné à assurer la confiance dans le système bancaire et financier, et à garantir le bon financement de l’économie française. Le texte présenté vise exclusivement à permettre l’octroi de la garantie de l’Etat qui, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, doit être autorisé par le Parlement dans le cadre d’une loi de finances. Les mesures de ce projet de loi n’ont donc pas d’impact budgétaire direct.

Les mesures présentées dans cette « loi financière » constituent la déclinaison pour la France du plan d’action concerté des Etats-membres de l’eurozone annoncé par le Président de la République le 12 octobre.

Elles doivent permettre d’assurer la continuité et le bon fonctionnement du financement des particuliers, des entreprises et des collectivités locales, en apportant aux banques qui souhaitent en bénéficier les ressources de moyen terme dont elles ont besoin et les fonds propres nécessaires au rétablissement de la confiance.

Pour ce faire, l’Etat pourra apporter, à titre onéreux, sa garantie dans la limite globale de 360 milliards d’euros aux nouvelles émissions réalisées par une caisse de refinancement des établissements de crédits, à une société de participations publiques dans les organismes financiers ainsi qu’aux émissions réalisées par les sociétés du groupe Dexia conformément à l’accord conclu avec les gouvernements belge et luxembourgeois.

Les organismes financiers qui solliciteront ces dispositifs prendront, dans le cadre de conventions passées avec l’Etat ou au travers de contreparties fixées à la recapitalisation, des engagements relatifs au financement de l’économie réelle et à l’application par les établissements et leurs dirigeants de règles éthiques conformes à l’intérêt général.

Ces interventions publiques visent à restaurer la confiance. Elles revêtent un caractère temporaire.

* * *

La ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a présenté les caractéristiques des dispositifs prévus et les conditions d’octroi de la garantie.

Alimenter le système bancaire en liquidités pour financer l’économie.


Afin d’assurer le financement de l’économie dans de bonnes conditions, le projet de loi prévoit la création d’un nouveau dispositif destiné à garantir le refinancement des banques françaises pour des maturités pouvant aller jusqu’à 5 ans. Ce dispositif vient compléter le refinancement bancaire de court terme assuré par la banque centrale.

Une caisse de refinancement bénéficiera, sous le contrôle étroit de l’Etat et de la Banque de France, de la garantie explicite de l’Etat pour se financer sur les marchés. Elle pourra être sollicitée par chaque établissement financier établi en France et respectant les ratios prudentiels réglementaires, pour obtenir des prêts, en échange de sûretés sous forme de nantissements de prêts à l’économie.

Le texte prévoit qu’une convention signée entre l’Etat et les établissements financiers qui souhaitent bénéficier de ce dispositif fixe les contreparties du bénéfice de ce dispositif garanti par l’Etat.

La garantie de l’Etat est accordée à titre onéreux, de manière à ce que les bénéficiaires assument un coût correspondant à des conditions normales de marché. Elle est en vigueur pour les émissions faites jusqu’au 31 décembre 2009.

Renforcer les fonds propres des organismes financiers.


Le renforcement des fonds propres des institutions financières (banques et assurances) est apparu, au cours des réunions internationales récentes, comme une condition du rétablissement de la confiance.

A cet effet et même si les banques françaises respectent largement les ratios de solvabilité européens, le projet de loi prévoit de donner à une société détenue par l’Etat la possibilité de souscrire à des émissions de titres subordonnés ou d’actions de préférence des institutions financières. Ainsi les banques disposeront de réserves plus importantes destinées à rétablir la confiance et assurer un financement normal de l’économie.

Comme pour le dispositif d’alimentation en liquidités, l’Etat fixera des conditions d’éligibilité de nature à garantir que le renforcement des fonds propres bénéficie effectivement au financement de l’économie et au respect de règles éthiques conformes à l’intérêt général.

Cette mesure vient s’ajouter à l’engagement du Gouvernement d’intervenir, le cas échéant, en participant à des augmentations de capital, pour stabiliser un établissement qui viendrait à connaître des difficultés.

Validation des garanties apportées par l’Etat pour garantir le système financier.


En lien avec les mesures présentées ci-dessus, le projet de loi prévoit la validation de trois garanties accordées par l’Etat :

-  garantie apportée au nouveau dispositif de refinancement des organismes financiers créé par le collectif ;
-  garantie apportée à la Société de prises de participation de l’Etat pour participer aux opérations de renforcement ou de stabilisation des fonds propres des organismes financiers ;
-  garantie sur les opérations interbancaires de Dexia dans les conditions de l’accord intergouvernemental conclu le 8 octobre 2008 avec la Belgique et le Luxembourg.

* * *

Équilibre du budget 2008.


Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a présenté la mise à jour de l’article d’équilibre requise pour la présentation de toute loi de finances.

Les grandes lignes de l’équilibre soumis au vote du Parlement sont conformes à la prévision pour 2008 déjà exposée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2009. Le solde d’exécution pour 2008 est ainsi, conformément aux informations transmises au Parlement à la fin du mois de septembre, évalué à -49,4 Md€, en dégradation de 7,7 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2008. Cette dégradation résulte :

-  de moins-values de recettes fiscales évaluées à 5 Md€ ;
- d’une aggravation de 4 Md€ des charges de la dette, sous l’effet notamment d’une inflation supérieure à la prévision initiale ;
-  d’une amélioration de 1,3 Md€ des autres composantes du budget (en particulier recettes non fiscales et comptes spéciaux).





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26 septembre 2008 5 26 /09 /septembre /2008 08:37

Les citoyens ne seront finalement pas tout nus devant l’État régalien. Leurs craintes, exprimées notamment dans des pétitions, semblent avoir été entendues.



Après un vague silence estival uniquement rompu par les déclarations du président du MoDem François Bayrou, le décret du 27 juin 2008 avait finalement suscité une large polémique à la fin de l’été.

La contestation était allée jusqu’au sein même du gouvernement avec les interrogations un peu tardives du Ministre de la Défense Hervé Morin en sa qualité de président du Nouveau centre.

Les socialistes, toujours en retard d’une bataille, avait pris le train en marche, aidés d’une grande mobilisation des citoyens.

L’objet de la contestation ?


"Flicagisation" du pays

La mise en place (ou l’officialisation ?) d’un fichier répertoriant tous les responsables de la France qui agit, à partir de treize ans ou ceux susceptibles de troubler l’ordre public, ainsi que des caractéristiques tels que l’appartenance ethnique (à la définition vague), la santé, les déplacements, les orientations sexuelles etc.

Et tout cela sans contrôle et sans limitation dans le temps, si bien qu’une bêtise d’un mineur immature de treize ans serait restée encore dans le fichier cinquante années plus tard…


Un pas en arrière

C’est donc avec soulagement que les Français ont pu entendre le gouvernement faire machine arrière le 9 septembre 2008 à la demande du Président Nicolas Sarkozy.

La Ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie avait alors accepté de revoir la copie en expliquant : « J'entends des inquiétudes, je veux lever ces inquiétudes et toutes les ambiguïtés. ».

Un nouveau projet de décret a été rédigé (voir en document joint) et a été transmis le 19 septembre 2008 par le Ministère de l'Intérieur à la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), puis il devra passer devant le Conseil d’État et ne devrait pas être publié avant un mois.


Que propose le nouveau décret ?

Il rappelle d’abord l’interdiction générale de collecter des données faisant apparaître les origines ethniques, les opinions politiques et religieuses, l’appartenance syndicale, ainsi que l’état de santé et la vie sexuelle des personnes.

Ensuite, il évoque une dérogation à cette interdiction pour deux motifs, sauf en ce qui concerne la santé et la sexualité qui, dans tous les cas, ne doivent pas faire l’objet d’un fichage.

Quels sont les deux motifs de dérogation ?

Le premier concerne les personnes qui peuvent porter atteinte à la sécurité publique. Cette notion reste vague, certes, mais ce motif est nécessaire pour combattre tout acte de violence légalement répréhensible.

Le second concerne les personnes qui font l’objet d’une enquête de moralité par l’administration pour l’exercice de certaines fonctions ou missions. Dans ce cas, les déplacements et les signes physiques ne peuvent faire l’objet d’un fichage qui devra être temporaire (maximum cinq ans).

Les données suivantes peuvent être enregistrées : motif du fichage, état civil, profession, coordonnées postales, téléphoniques et électroniques, signes physiques, immatriculation des véhicules, situation patrimoniales, casier judiciaire.

Les photographies peuvent être aussi enregistrées, mais ne doivent pas faire l’objet d’un dispositif de reconnaissance faciale.

Ces données peuvent concerner des mineurs de treize ans et uniquement pour le premier motif et ne peuvent être conservées au-delà du dix-huitième anniversaire sauf si un élément nouveau le justifie, auquel cas elles peuvent être conservées jusqu’au vingt-et-unième anniversaire.

Les mineurs de seize ans et plus peuvent être concernés par le second motif.

Aucune interconnexion ne pourra se faire avec d’autres fichiers.

Par ailleurs, le projet de nouveau décret précise en détail qui seront capables de consulter ce fichier et quel est son cadre contraignant (nécessité d’une désignation spécifique par un responsable).


Un meilleur encadrement du fichier

En clair, ce nouveau texte prend en compte toutes les recommandations de la CNIL, sauf sur le plan technique, à savoir la traçabilité des consultations et la protection du fichier contre d’éventuels hackers.

Sur ce sujet, deux observations : d’une part, il est sain que les nombreuses protestations aient été entendues par l’Exécutif. D’autre part, ce fichier, s’il n’était pas instauré officiellement, l’aurait été officieusement. La délinquance qui concerne des individus de plus en plus jeunes le nécessite sans doute pour une meilleure efficacité.

Accepter son existence ne me gêne pas s’il est bien encadré, pas systématique (en fonction des responsabilités des personnes), limité dans le temps et si tout n’y est pas consigné, ce qui semble désormais le cas.

Ce ne sera donc plus le fichier Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale (EDVIGE) mais le fichier Exploitation documentaire et valorisation de l'information relative à la sécurité publique (EDVIRSP).


Où a été la faute ?

De deux choses l’une :

Ou le gouvernement avait une mauvaise idée derrière la tête, celle de vouloir ‘fliquer’ le maximum de citoyens pour contrôler le plus possible tous les mouvements de l’opinion. Et dans ce cas, pourquoi aurait-il reculé si vite, après quelques semaines de protestations qui n’avaient pourtant pas atteint l’amplitude du CPE au printemps 2006 ?

Ou le gouvernement avait juste pris une mesure très technique pour utiliser un fichier de manière plus globale, quitte à alourdir imprudemment la barque, sans imaginer les risques énormes qui pèseraient sur les libertés publiques (pourtant bien signifiés par la CNIL). Et alors, dans une rentrée sociale déjà préoccupante, il n’a pas eu beaucoup de mal à reculer et à refaire, un peu mieux, son boulot.

Je pense que la seconde hypothèse est la plus vraisemblable.

Cette réécriture est donc heureuse.

Elle montre que le gouvernement, finalement, fait preuve d’un peu d’écoute mais surtout que les textes administratifs sont souvent mal préparés (c’était déjà constaté avec le projet initial de la loi constitutionnelle sur la réforme des institutions).

Précipitation et boulimie ne font pas forcément bon ménage avec sagesse et réflexion.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 septembre 2008)


Pour aller plus loin :

La CNIL critique la première version du fichier Edvige (22 juillet 2008).

Décret du 27 juin 2008.

L’avis de la CNIL du 2 juillet 2008.

Le texte du projet de nouveau décret.

Source : France Info (25 septembre 2008).

Tasez-vous ! (10 septembre 2008).




http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44918

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080926/tot-fichier-policier-edvige-est-allee-se-89f340e.html




http://www.lepost.fr/article/2008/09/26/1274200_fichier-policier-edvige-est-allee-se-rhabiller_1_0_1.html





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25 septembre 2008 4 25 /09 /septembre /2008 12:18

(verbatim)


Discours de M. le Président de la République - Zénith de Toulon

DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Zénith de Toulon – jeudi 25 septembre 2008

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Maire de Toulon, cher Hubert,
Et si vous me le permettez, mes chers concitoyens et mes chers amis,

Si j’ai voulu m’adresser ce soir aux Français, c’est parce que la situation de notre pays l’exige. Je mesure la responsabilité qui est la mienne dans les circonstances exceptionnelles où nous nous trouvons.

Une crise de confiance sans précédent ébranle l’économie mondiale. De grandes institutions financières sont menacées, des millions de petits épargnants dans le monde qui ont placé leurs économies à la Bourse voient jour après jour fondre leur patrimoine, des millions de retraités qui ont cotisé à des fonds de pension craignent pour leurs retraites, des millions de foyers modestes sont mis en difficulté par la hausse des prix.

Comme partout dans le monde, les Français ont peur pour leurs économies, peur pour leur emploi, peur pour leur pouvoir d’achat.

La peur est une souffrance.
La peur empêche d’entreprendre, la peur empêche de s’engager.
Quand on a peur, on n’a pas de rêve, quand on a peur on ne se projette pas dans l’avenir.
La peur est la principale menace qui pèse aujourd’hui sur l’économie.
Il faut vaincre cette peur. C’est la tâche la plus urgente. On ne la vaincra pas, on ne rétablira pas la confiance en mentant, on rétablira la confiance en disant la vérité.

La vérité, les Français la veulent, et je suis persuadé qu'ils sont prêts à l’entendre. S’ils ont le sentiment à l'inverse qu’on leur cache des choses, alors le doute grandira. S’ils ont la conviction qu’on ne leur cache rien, ils puiseront en eux-mêmes la force de surmonter la crise.

Dire la vérité aux Français, c’est leur dire que la crise n’est pas finie, que ses conséquences seront durables, que la France est trop engagée dans l’économie mondiale pour que l’on puisse penser un instant qu’elle pourrait être à l’abri des évènements qui sont en train, ni plus ni moins, de bouleverser le monde. Dire la vérité aux Français, c’est leur dire que la crise actuelle aura des conséquences dans les mois qui viennent sur la croissance, sur le chômage, sur le pouvoir d’achat.

Dire la vérité aux Français, c’est leur dire d’abord la vérité sur la crise financière. Parce que cette crise, sans équivalent depuis les années 30, cette crise financière marque la fin d’un monde, d'un monde qui s’était construit sur la chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide. Ce monde avait été porté par un grand rêve de liberté et de prospérité.

La génération qui avait vaincu le communisme avait rêvé d’un monde, où la Démocratie et le marché résoudraient tous les problèmes de l’humanité. Cette génération avait rêvé d’une mondialisation heureuse qui vaincrait la pauvreté et la guerre.

Ce rêve a commencé à devenir réalité : les frontières se sont ouvertes, des millions d’hommes ont été arrachés à la misère, mais le rêve s’est brisé sur le retour des fondamentalismes religieux, des nationalismes, des revendications identitaires, le terrorisme, les dumpings, les délocalisations, les dérives de la finance globale, les risques écologiques, l’épuisement annoncé des ressources naturelles, les émeutes de la faim.

Au fond c'est une certaine idée de la mondialisation qui s’achève avec la fin du capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir.

L’idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée de la toute puissance du marché était une idée folle.

L’idée que les marchés ont toujours raison est une idée folle.

Pendant plusieurs décennies on a donc créé les conditions dans lesquelles l’industrie se trouvait soumise à la logique de la rentabilité financière à court terme.
On a caché les risques toujours plus grands qu’on était obligé de prendre pour obtenir des rendements de plus en plus exorbitants.
On a mis en place des systèmes de rémunération qui poussaient les opérateurs à prendre de plus en plus de risques absolument inconsidérés.
On a fait semblant de croire qu’en mutualisant les risques on les faisait disparaître.
On a laissé les banques spéculer sur les marchés au lieu de faire leur métier qui est de mobiliser l’épargne au profit du développement économique et d’analyser le risque du crédit.
On a financé le spéculateur plutôt que l’entrepreneur.
On a laissé sans aucun contrôle les agences de notation et les fonds spéculatifs.
On a obligé les entreprises, les banques, les compagnies d’assurance à inscrire leurs actifs dans leurs comptes aux prix du marché qui montent et qui descendent au gré de la spéculation.
On a soumis les banques à des règles comptables qui ne fournissent aucune garantie sur la bonne gestion des risques mais qui, en cas de crise, contribuent à aggraver la situation au lieu d’amortir le choc.

C’était une folie dont le prix se paie aujourd’hui !

Ce système où celui qui est responsable d’un désastre peut partir avec un parachute doré, où un trader peut faire perdre cinq milliards d’Euro à sa banque sans que personne ne s’en aperçoive, où l’on exige des entreprises des rendements trois ou quatre fois plus élevés que la croissance de l’économie réelle, ce système a creusé des inégalités, a démoralisé les classes moyennes et a alimenté la spéculation sur les marchés de l’immobilier, des matières premières et des produits agricoles.

Mais ce système, il faut le dire parce que c’est la vérité, ce n’est pas l’économie de marché, ce n’est pas le capitalisme.

L’économie de marché c’est un marché régulé, le marché mis au service du développement, au service de la société, au service de tous. Ce n’est pas la loi de la jungle, ce n’est pas des profits exorbitants pour quelques-uns et des sacrifices pour tous les autres. L’économie de marché c’est la concurrence qui réduit les prix, qui élimine les rentes et qui profite à tous les consommateurs.

Le capitalisme ce n’est pas le court terme, c’est la longue durée, l’accumulation du capital, la croissance à long terme.

Le capitalisme ce n’est pas la primauté donnée au spéculateur. C’est la primauté donnée à l’entrepreneur, le capitalisme c'est la récompense du travail, de l’effort et de l’initiative.

Le capitalisme ce n’est pas la dilution de la propriété, l’irresponsabilité généralisée. Le capitalisme c’est la propriété privée, la responsabilité individuelle, l’engagement personnel, le capitalisme c’est une éthique, c'est une morale, ce sont des institutions.

C'est d'ailleurs le capitalisme qui a permis l’essor extraordinaire de la civilisation occidentale depuis sept siècles.
La crise financière, que nous connaissons aujourd'hui, mes chers compatriotes, n’est pas la crise du capitalisme. C’est la crise d’un système qui s’est éloigné des valeurs les plus fondamentales du capitalisme, qui, en quelque sorte, a trahi l’esprit du capitalisme.

Je veux le dire aux Français : l’anticapitalisme n’offre aucune solution à la crise actuelle. Renouer avec le collectivisme qui a provoqué dans le passé tant de désastres serait une erreur historique.

Mais à l'inverse ne rien faire, ne rien changer, se contenter de mettre toutes les pertes à la charge du contribuable et faire comme s’il ne s’était rien passé serait également une erreur historique.

Nous pouvons sortir, mes chers compatriotes, plus forts de cette crise. Nous pouvons nous en sortir et nous pouvons nous en sortir plus forts si nous acceptons de changer nos manières de penser et nos comportements. Si nous faisons l’effort nécessaire pour nous adapter aux réalités nouvelles qui s’imposent à nous. Si nous décidons d'agir au lieu de subir.

La crise actuelle doit nous inciter à refonder le capitalisme, le refonder sur une éthique, celle de l’effort et celle du travail, elle doit nous inciter à retrouver un équilibre entre la liberté nécessaire et la règle, entre la responsabilité collective et la responsabilité individuelle.

Il nous faut trouver un nouvel équilibre entre l’Etat et le marché, alors que partout dans le monde les pouvoirs publics sont obligés d’intervenir pour sauver le système bancaire de l’effondrement.

Un nouveau rapport doit s’instaurer entre l’économie et la politique à travers la mise en chantier de nouvelles réglementations.

L’autorégulation pour régler tous les problèmes, c’est fini.

Le laissez-faire, c’est fini.

Le marché tout puissant qui a toujours raison, c’est fini.

Il faut tirer les leçons de la crise pour que la crise ne se reproduise pas. Nous venons de passer à deux doigts de la catastrophe, le monde est passé à deux doigts de la catastrophe, on ne peut pas prendre le risque de recommencer.

Si l’on veut reconstruire un système financier viable, la moralisation du capitalisme financier est une priorité.

Je n’hésite d'ailleurs pas à dire que les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être désormais encadrés. Il y a eu trop d’abus, il y a eu trop de scandales.

Alors ou bien les professionnels se mettent d’accord sur des pratiques acceptables, ou bien le gouvernement de la République réglera le problème par la loi avant la fin de l’année.

Les dirigeants ne doivent pas avoir le statut de mandataire social et bénéficier en même temps des garanties liées à un contrat de travail. Ils ne doivent pas recevoir d’actions gratuites. Leur rémunération doit être indexée sur les performances économiques réelles de l’entreprise. Ils ne doivent pas pouvoir prétendre à un parachute doré lorsqu’ils ont commis des fautes ou mis leur entreprise en difficulté. Et si les dirigeants sont intéressés au résultat, ce qui est une bonne chose, les autres salariés de l'entreprise, notamment les plus modestes, doivent l’être aussi car eux aussi contribuent à la richesse de l'entreprise. Si les dirigeants ont des stock options, les autres salariés doivent en avoir aussi ou à défaut bénéficier d’un système d’intéressement.

Ce sont des principes simples qui relèvent du bon sens et de la morale élémentaire sur lesquels je ne
céderai pas.

Les dirigeants perçoivent des rémunérations élevées parce qu’ils ont de lourdes responsabilités. Mais on ne peut pas vouloir être très bien payé et ne pas vouloir assumer ses responsabilités. L'un va avec l'autre.

C’est encore plus vrai dans la finance que partout ailleurs. Et qui pourrait admettre que tant d’opérateurs financiers s’en tirent à bon compte alors que pendant des années ils se sont enrichis en menant tout le système financier dans la situation dont il se trouve aujourd'hui.

Les responsabilités doivent être recherchées et les responsables de ce naufrage doivent être sanctionnés au moins financièrement. L’impunité serait immorale. On ne peut pas se contenter de faire payer les actionnaires, les clients, les salariés, les contribuables en exonérant les principaux responsables. Personne ne pourrait accepter ce qui serait, ni plus, ni moins qu'une injustice de grande ampleur ?

Il faut ensuite réglementer les banques pour réguler le système. Car les banques sont au coeur du système.

Il faut cesser d’imposer aux banques des règles de prudence qui sont d’abord une incitation à la créativité comptable plutôt qu’à une gestion rigoureuse des risques. Ce qu’il faudra dans l’avenir, c’est contrôler beaucoup mieux la façon dont elles font leur métier, la manière dont elles évaluent et dont elles gèrent leurs risques, l’efficacité de leurs contrôles internes…

Il faudra imposer aux banques de financer le développement économique plutôt que la spéculation.

La crise que nous connaissons devrait amener à une restructuration de grande ampleur de tout le secteur bancaire mondial. Compte tenu de ce qui vient de se passer et de l’importance de l’enjeu pour l’avenir de notre économie, il va de soi qu’en France l’Etat sera attentif et jouera un rôle actif.

Il va falloir s’attaquer au problème de la complexité des produits d’épargne, de l’opacité des transactions de façon à ce que chacun soit en mesure d’évaluer réellement les risques qu’il prend.

Mais il faudra bien aussi se poser des questions qui fâchent celle des paradis fiscaux, celle des conditions dans lesquelles s’effectuent les ventes à découvert qui permettent de spéculer en vendant des titres que l’on ne possède pas ou celle de la cotation en continu qui permet d’acheter et de vendre à tout moment des actifs et dont on sait le rôle qu’elle joue dans les emballements du marché et dans la création des bulles spéculatives.

Il va falloir nous interroger sur l’obligation de comptabiliser les actifs aux prix du marché qui se révèle si déstabilisante en cas de crise.

Il va falloir contrôler les agences de notation dont j’insiste sur le fait qu’elles ont été défaillantes. Et désormais, aucune institution financière, aucun fonds ne doit être en mesure d’échapper au contrôle d’une autorité de régulation.

Mais la remise en ordre du système financier ne serait pas complète si en même temps on ne cherchait pas à mettre un terme au désordre des monnaies.

La monnaie est au coeur de la crise financière comme elle est au coeur des distorsions qui affectent les échanges mondiaux. Et si l’on n’y prend pas garde le dumping monétaire finira par engendrer des guerres commerciales extrêmement violentes et ouvrira ainsi la voie au pire des protectionnismes. Le producteur français peut faire tous les gains de productivité qu’il veut ou qu’il peut. Il peut à la rigueur concurrencer les bas salaires des ouvriers chinois, mais il ne peut pas compenser la sous-évaluation de la monnaie chinoise. Notre industrie aéronautique peut être aussi performante que possible, elle ne peut pas lutter contre l’avantage de compétitivité que la sous-évaluation chronique du dollar donne aux constructeurs américains.

Je redis donc, à quel point il me paraît nécessaire que les chefs d’Etat et de gouvernement des principaux pays concernés se réunissent avant la fin de l’année pour tirer les leçons de la crise financière et coordonner leurs efforts pour rétablir la confiance. J’ai fait cette proposition en plein accord avec la chancelière allemande, Angela Merkel, avec qui je m’en suis entretenu et qui partage les mêmes préoccupations à propos de la crise financière et sur les leçons qu’il va falloir en tirer.

Je suis convaincu que le mal est profond et qu’il faut remettre à plat tout le système financier et monétaire mondial, comme on le fit à Bretton-Woods après la Seconde Guerre Mondiale. Cela nous permettra de créer les outils d’une régulation mondiale que la globalisation et la mondialisation des échanges rendent indispensables. On ne peut pas continuer de gérer l’économie du XXIème siècle avec les instruments de l’économie du XXème. On ne peut pas davantage penser le monde de demain avec les idées d’hier.

Quand les banques centrales font tous les jours toute la trésorerie des banques et quand le contribuable américain s’apprête à dépenser mille milliards de dollars pour éviter la faillite généralisée, il me semble que la question de la légitimité des pouvoirs publics à intervenir dans le fonctionnement du système financier ne se pose plus !

Il arrive que l’autorégulation soit insuffisante. Il arrive que le marché se trompe. Il arrive que la concurrence soit inefficace ou déloyale. Alors il faut bien que l’Etat intervienne, qu’il impose des règles, qu’il investisse, qu’il prenne des participations, pourvu qu’il sache se retirer quand son intervention n’est plus nécessaire.

Rien ne serait pire qu’un Etat prisonnier de dogmes, enfermé dans une doctrine qui aurait la rigidité d’une religion. Imaginons où en serait le monde si le gouvernement américain était resté sans rien faire face à la crise financière sous prétexte de respecter je ne sais quelle orthodoxie en matière de concurrence, de budget ou de monnaie ?

En ces circonstances exceptionnelles où la nécessité d’agir s’impose à tous, j’appelle l’Europe à réfléchir sur sa capacité à faire face à l’urgence, à repenser ses règles, ses principes, en tirant les leçons de ce qui se passe dans le monde. L’Europe doit se donner les moyens d’agir quand la situation l’exige et non se condamner à subir.

Si l’Europe veut préserver ses intérêts. Si l’Europe veut avoir son mot à dire dans la réorganisation de l’économie mondiale, elle doit engager une réflexion collective sur sa doctrine de la concurrence, la concurrence n’est, à mes yeux, qu’un moyen et non une fin en soi, sur sa capacité à mobiliser des ressources pour préparer l’avenir, sur les instruments de sa politique économique, sur les objectifs assignés à la politique monétaire. Je sais que c’est difficile parce que l’Europe c’est 27 pays, mais quand le monde change, l’Europe doit changer aussi. L’Europe doit être capable de bousculer ses propres dogmes. L’Europe ne peut pas se trouver condamnée à être la variable d’ajustement de toutes les autres politiques dans le monde parce qu’elle ne se serait pas donnée les moyens d’agir. Et je veux poser une question grave : si ce qui s’est passé aux Etats-Unis s’était passé en Europe, avec quelle rapidité, avec quelle force, avec quelle détermination l’Europe, avec les institutions actuelles, les principes actuels, aurait-elle fait face à la crise ? Pour tous les Européens il est entendu que la meilleure réponse à la crise doit être européenne. En tant que Président de l’Union, je proposerai des initiatives en ce sens dès le prochain conseil européen du 15 octobre.

S’agissant de la France, je le dis aux Français qui craignent pour leurs économies déposées dans les banques et les établissements financiers : les banques françaises paraissent en mesure de surmonter les difficultés actuelles, mais je le dis avec solennité : si elles devaient êtres mises en difficulté par la spéculation, je n’accepterais pas qu’un seul déposant perde un seul euro parce qu’un établissement financier se révèlerait dans l’incapacité de faire face à ses engagements. Les épargnants qui ont eu confiance dans les banques, dans les compagnies d’assurance, dans les institutions financières de notre pays ne verront pas leur confiance trahie. Ils ne paieront pas pour les erreurs éventuelles des dirigeants et l’imprudence éventuelle des actionnaires. L’Etat est là et l’Etat fera son devoir.

C’est un engagement solennel que je prends ce soir : quoi qu’il arrive, l’Etat garantira la sécurité et la continuité du système bancaire et financier français.

Je le dis avec la même détermination : si les difficultés actuelles devaient entraîner une restriction du crédit qui priverait les Français et les entreprises, en particulier les PME, des moyens de financer leurs investissements ou d’assurer leur trésorerie, l’Etat interviendrait pour que ces financements puissent être assurés. Il le ferait par des cautions, par des garanties, par des apports en capital ou par une modification de la réglementation bancaire, mais il le ferait pour éviter que par un engrenage fatal l’économie privée de financements s’enfonce durablement dans une récession que nous n’accepterons pas.

Bien que les ménages français soient en moyenne beaucoup moins endettés que dans la plupart des autres pays développés, l’accès au logement et à la propriété risquent d’être rendus plus difficile du fait de la contraction du crédit, de la hausse des taux d’intérêt et de la diminution d’une offre déjà insuffisante pour répondre aux besoins. La loi de mobilisation pour le logement sera adoptée en urgence. J’y ajouterai des mesures fortes pour que les programmes immobiliers en cours puissent être menés à bien et pour que des terrains appartenant au secteur public soient libérés pour y construire de nouveaux logements, ce qui contribuera à la baisse des prix qui avaient atteint des niveaux parfaitement excessifs.

Face au ralentissement de l’activité se pose naturellement la question de la relance de notre économie.

Cette relance nous l’avons engagée, bien avant tous les autres, avec les mesures prises il y a un an sur les heures supplémentaires, la possibilité de déduire les intérêts de ses emprunts immobiliers, la suppression des droits de succession, le crédit d’impôt recherche, auxquels se sont ajoutées d’autres mesures comme le déblocage de la participation.

Ce soutien apporté à l’activité nous a permis de mieux résister à la crise.

Mais si l’activité venait à reculer fortement et durablement, je n’hésiterais pas à prendre les mesures nécessaires pour la soutenir. Aujourd’hui il faut du sang froid. Se garder de réactions précipitées mais en même temps être prêt à la réactivité.

La crise actuelle est une crise structurelle. Les changements qu’elle annonce sont profonds. A cette crise structurelle doit répondre une politique structurelle. Le monde change. Nous devons changer avec lui. Nous devons même autant que faire se peut, anticiper le changement. La crise appelle à accélérer le rythme des réformes, en aucun cas à l’arrêter ou à le ralentir.

Je veux dire aux Français qu’il n’existe aucune solution miracle qui permettrait à notre pays de se dispenser des efforts nécessaires pour surmonter la crise.

Il faut bien sûr d’abord penser aux plus vulnérables dont la vie n’est déjà pas facile quand il n’y a pas la crise mais dont la vie est insupportable quand la crise arrive. C’est dans ces moments-là que la solidarité avec ceux qui sont en difficulté doit être la plus forte. C’est la raison pour laquelle, j’ai pris la décision de créer le RSA, d’augmenter le minimum vieillesse, les pensions de réversion les plus modestes et pour les titulaires de minima sociaux, dont le pouvoir d’achat n’est pas garanti contrairement aux allocations familiales et aux retraites, d’accorder une prime exceptionnelle pour compenser le retard sur l’évolution réelle des prix.

Quand on veut dire la vérité aux Français, il faut la leur dire jusqu’au bout et la vérité c’est que l’Etat ne peut pas indéfiniment financer ses dépenses courantes et ses dépenses de solidarité par l’emprunt. Parce qu’un jour il faut bien payer ses dettes.

L’argent de l’Etat, c’est l’argent des Français. Ils ont travaillé trop dur pour le gagner pour que l’on ait le droit de le gaspiller. On a gaspillé l’argent des Français lorsqu’on l’a dépensé pour financer les 35 heures avec les résultats catastrophiques au plan économique et social que l’on connaît.

Alors pour retrouver des marges de manoeuvre et pour préparer l’avenir, les dépenses de fonctionnement de l’Etat doivent diminuer. L’année prochaine, c’est donc un total sans précédent de 30 600 emplois publics qui seront supprimés dans la fonction publique. La révision des politiques publiques sera menée avec beaucoup de célérité. La réforme de l’hôpital permettra d’améliorer l’accès aux soins tout en supprimant des dépenses inutiles. Les agents hospitaliers seront intéressés à l’équilibre de leur budget et partout les fonctionnaires seront associés aux gains de productivité dans la fonction publique. C’est une véritable révolution culturelle que nous mettons en place et qui va modifier en profondeur les comportements.

Après la remise à plat de la carte judiciaire, des restructurations militaires, nous irons plus loin dans la réorganisation de nos administrations et de nos services publics. Nous allons donc engager la deuxième étape de la réforme de l’Etat dès l’année prochaine.

Et je l’annonce, le grand chantier de la réforme de nos administrations locales sera ouvert dès le mois de janvier prochain. Le moment est venu de poser la question du nombre des échelons de collectivités locales dont l’enchevêtrement des compétences est une source d’inefficacité et de dépenses supplémentaires. Mesdames et Messieurs, la compétitivité de notre économie est capitale. Si nous voulons une économie compétitive nous ne pouvons plus lui faire supporter un poids excessif de dépenses publiques. J’assumerai mes responsabilités sur la diminution des effectifs et sur la réforme des échelons territoriaux français. Cela fait trop longtemps qu’on en parle, maintenant on va agir, on va décider.

Mais là aussi, je vous dois la vérité : dans la situation où se trouve l’économie, je ne conduirai pas une politique d’austérité parce que l’austérité aggraverait la récession. Je n’accepterai donc pas de hausses des impôts et des taxes qui réduiraient le pouvoir d’achat des Français. Car notre objectif, c’est de leur rendre du pouvoir d’achat et non de leur en prendre.

Je n’accepterai pas d’augmenter les charges qui pèsent sur les entreprises parce que ce serait affaiblir leur compétitivité quand, au contraire, il faudrait la renforcer. Faire payer les entreprises sous prétexte que ce serait indolore, ce serait commettre la même erreur économique que celle qui fut faite en France au milieu des années 70 lors du premier choc pétrolier, avec les résultats désastreux que l’on connaît.

La France ne s’en sortira pas en investissant moins mais en investissant plus. C’est la raison pour laquelle désormais de nouveaux investissements seront exonérés de la taxe professionnelle qui les pénalise. Nous allons avec les collectivités locales engager une grande concertation pour trouver une ressource de remplacement qui ait moins d’effets nocifs sur l’économie. Mais, vous le comprenez aussi, si nous arrivons à diminuer le nombre d’échelons territoriaux, alors nous pourrons poser plus facilement la question de la disparition à terme de la taxe professionnelle. Moins d’échelons, c’est moins d’impôts. Plus d’échelons, c’est plus d’impôts.

La France, Mesdames et Messieurs, ne s’en sortira pas en travaillant moins mais en travaillant davantage. Tout doit donc être fait pour encourager le travail alors que depuis des décennies, on s’est efforcé par tous les moyens de le décourager.

Le gouvernement a mis un terme aux effets si nocifs des 35 heures. Nous avons détaxé les heures supplémentaires. Nous avons maintenu les exonérations de charges sur les bas salaires. Nous avons instauré le RSA, relancé la participation et l’intéressement. Il y a un fil conducteur à toutes ces mesures : faire en sorte que le travail coûte moins cher à l’entreprise, que le travail paie, que le travail soit libéré, que le travail soit récompensé.

La crise va nous inciter à aller plus loin et plus vite dans les réformes qui contribuent à réhabiliter le travail au moment même où le modèle d’une finance spéculative s’effondre.

La loi à venir sur la participation et l’intéressement s’inscrit exactement dans cette perspective de rééquilibrage entre le capital et le travail. Ne pas donner tous les bénéfices aux dirigeants et aux actionnaires, en destiner une part plus grande à ceux qui par leur travail ont créé la richesse, redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs sans alourdir les charges fixes de l’entreprise et ainsi remettre le capitalisme à l’endroit, voilà l’autre révolution qu’il nous faut entreprendre.

Est-il besoin d’ajouter que dans la situation actuelle, tout ce qui pourrait contribuer à alourdir le coût du travail serait ni plus ni moins que suicidaire ?

Réduire les exonérations de charges sur les salaires, ce ne serait pas reprendre un cadeau fait aux entreprises, ce serait contribuer à détruire de l’emploi au moment même où le ralentissement de la croissance fait repartir le chômage à la hausse et où la concurrence des pays à bas salaires ne cesse de s’intensifier.
Financer le RSA en taxant le travail aurait eu le même effet.

Je veux prendre mes responsabilités devant vous, j’assume donc la décision de financer le RSA en taxant légèrement les revenus financiers qui depuis des années augmentent plus vite que les revenus du travail. C’est une décision juste, c’est une décision raisonnable. Elle ne remet pas en cause l’objectif de baisse globale des prélèvements puisque les diminutions d’impôts et de charges décidées depuis 15 mois l’emportent de plus de 10 milliards sur les hausses. Je constate que j’ai entendu des cris quand on a créé cette taxe pour financer le RSA, mais que je n’ai pas entendu grand chose quand on a baissé les impôts.

La responsabilité du gouvernement, c’est de mener une politique équilibrée. Nous sommes le gouvernement de tous les Français, pas de quelques uns, et nous devons être, me semble-t-il, prisonniers d’aucun lobby, d’aucun groupe de pression, d’aucun intérêt quel qu’il fût et quelle que soit, par ailleurs, leur légitimité.

J’ajoute qu’au fur et à mesure qu’un nombre croissant de ceux qui jusqu’à présent sont piégés par l’assistance sera incité à reprendre un travail, la taxe sur les revenus de l’épargne sera diminuée.

L’autre figure du capitalisme qu’il faut réhabiliter c’est celle de l’entrepreneur. Au capitalisme financier, il faut opposer le capitalisme des entrepreneurs. A côté de la valeur travail, il faut remettre l’esprit d’entreprise au coeur du système de valeur de l’économie. C’est toute la philosophie de la loi de modernisation de l’économie et c’est la priorité de la politique économique.

Si nous manquons d’entrepreneurs capables d’inventer l’économie de demain, ce n’est pas parce que les Français seraient plus dépourvus que les autres d’esprit d’entreprise mais c’est parce que tout a été fait pour empêcher les Français d’entreprendre comme tout a été fait pour les empêcher de travailler.

On ne parlait plus de travailleur parce que l’on détestait le travail. On ne parlait plus d’entrepreneurs parce que l’on détestait la vraie prise de risque, celle qui pousse par son travail, par son effort et par son intelligence à créer de la richesse.

Il faut opposer l’effort du travailleur à l’argent facile de la spéculation, il faut opposer l’engagement de l’entrepreneur qui risque tout dans son entreprise à l’anonymat des marchés financiers, il faut opposer un capitalisme de production à un capitalisme de court terme, il faut accorder une priorité à l’industrie au moment où l’étau de la finance se desserre, voilà tout le sens de la politique économique que nous voulons conduire.

Enfin, dire la vérité aux Français, c’est leur dire, même si cela ne plaît pas à tout le monde, que nous passons d’un monde d’abondance à un monde de rareté. C’est-à-dire d’un monde où l’on utilisait les ressources naturelles comme si elles étaient inépuisables à un monde où l’épuisement à venir des ressources naturelles sera une préoccupation de tous les jours.

Dans le monde de la rareté, je veux le dire aux Français, il va falloir payer plus cher le pétrole, plus cher le gaz, plus cher les matières premières.

Les Français devront produire autrement, consommer différemment. Ils devront apprendre à faire constamment des efforts pour économiser les ressources devenues rares qui ne peuvent plus être gaspillées.

La pollution et le réchauffement climatique menacent l’avenir de la planète.

Si l’on ne veut pas que des catastrophes écologiques débouchent sur des déplacements massifs de populations et des catastrophes humaines et politiques, alors il faut que chacun assume la conséquence de ses choix, il faut que chacun supporte le coût de ses décisions et paie le juste prix de ce qu’il consomme.

Dans le monde de demain le principe pollueur-payeur s’appliquera partout. Si nous ne l’appliquons pas, nous léguerons aux générations futures un monde invivable.

S’il faut moins taxer l’investissement, moins taxer le travail, moins pénaliser l’effort et la réussite, moins taxer les produits propres, il faut en revanche davantage taxer la pollution.

Utiliser la fiscalité pour relever le défi écologique, c’est indispensable si l’on veut inciter à des changements profonds de comportements.

Si dans la situation actuelle où tant de Français se trouvent confrontés à une baisse de leur pouvoir d’achat, il est exclu de renchérir le prix des produits de grande consommation, je veux dire à quel point je crois que le système du bonus-malus est un bon système. L’expérience sur l’automobile a été particulièrement concluante avec 500 000 bonus distribués en 8 mois, qui ont déplacé massivement la demande vers les véhicules les plus écologiques. Ce système extrêmement incitatif du bonusmalus permet de gagner des années dans le changement des modes de consommation, nous devrons l’étendre à d’autres produits. Cette extension se fera dans la concertation. Elle se fera progressivement. Mais elle se fera. J’en prends l’engagement. Comme je prends l’engagement solennel que toutes les conclusions du Grenelle de l’environnement seront mises en oeuvre parce qu’elles permettront à notre pays de prendre de l’avance dans la mutation inéluctable qu’imposera dans les années qui viennent à tous les pays du monde la prise de conscience du risque écologique et de l’épuisement du pétrole et des ressources non renouvelables.

Il y a tous ceux qui me conseillent de ne pas prendre des mesures difficiles et de laisser à ceux qui nous suivront, les mesures que l’on n’aura pas eu le courage de prendre. Eh bien, si le général de GAULLE avait agi ainsi, nous n’aurions pas l’atout que représente aujourd’hui l’énergie nucléaire.

Mon devoir, c’est de prendre les décisions, de les assumer tout de suite et de les prendre immédiatement.

Je crois à la croissance durable.

Ce que nous avons décidé de faire est très ambitieux.

Et la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement, c’est la multiplication par 4 de nos capacités de transports en commun en sites propres. C’est la construction de 2 000 kilomètres de lignes à grande vitesse supplémentaires. Nous sommes très fiers de Strasbourg, capitale européenne. Mais quand nous mettons tant d’années à faire venir le TGV à Strasbourg, permettez-moi de vous dire, cela ne grandit pas l’image de notre pays. Si on voulait que Strasbourg soit la capitale de l’Europe, alors il fallait faire le TGV Est plus rapidement que nous ne l’avons fait, c’est la décision qu’avec François FILLON et Jean-Louis BORLOO, nous avons prise.

La mise en oeuvre du Grenelle de l’Environnement, c’est aussi la rénovation de tout le parc des logements sociaux et des bâtiments publics pour les adapter aux exigences d’économie d’énergie.

Toutes ces dépenses nouvelles seront gagées sur les futures économies d’énergie et elles exerceront sur notre activité un formidable effet d’entraînement. Il ne s’agira pas cette fois-ci de sacrifier l’avenir au présent, mais au contraire de mettre notre pays dans la meilleure situation possible pour affronter l’avenir.

Face à la crise, il y a toujours deux attitudes : il y a celle qui consiste à bien rester caché, attendre que cela passe en attendant que la croissance revienne, car elle reviendra. Et puis, il y a celle qui consiste, et c’est la politique que nous allons mener, à profiter de la crise pour en faire une opportunité au service des réformes qui ont trop attendu dans notre pays, dont notre pays a besoin et qui lui permettront de tirer le meilleur parti de la reprise.

Alors, je le sais, il y aura des mécontentements, il y aura des rentes de situation qui vont être changées, il y aura des immobilismes qui seront bousculés, mais personne ne pourra dire que le gouvernement de la France n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités en refusant de sauter les obstacles inéluctables que le monde nouveau impose à notre pays. De cette crise, on va faire une opportunité pour augmenter la vitesse et la rapidité de l’adaptation de la modernisation de notre pays.

Je souhaite que nous développions massivement les programmes de recherche dans les nouvelles sources d’énergie, ce n’est pas parce que nous avons le nucléaire que nous devons être absents des nouvelles sources d’énergie. Il faut une nouvelle source d’énergie et le nucléaire. Nous allons investir massivement dans les technologies propres, dans les nouveaux systèmes de transport comme la voiture électrique. Nous allons remplacer nos centrales nucléaires par les centrales de nouvelle génération de façon accélérée. Nous allons mettre en oeuvre le programme des infrastructures des transports collectifs le plus rapidement possible. Et cela donnera du travail à nos entreprises.

Je veux que soit mis à l’étude un grand plan de rénovation des infrastructures des transports collectifs dans les grandes villes où la situation est devenue souvent critique. L’Etat jouera son rôle, y compris financièrement, de toute façon, l’Etat a trop dépensé dans le passé pour la gestion, et l’Etat n’a pas assez investi parce que l’investissement est au coeur d’une stratégie économique tournée vers l’avenir.

Nous ne pouvons plus attendre pour investir dans la formation, dans la recherche, dans l’innovation pour accomplir la révolution numérique.

C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que notre système de formation professionnelle soit entièrement repensé. Cette réforme de la formation professionnelle qui fait l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux, je souhaite qu’elle soit ambitieuse et surtout qu’elle soit rapidement mise en oeuvre. Le diagnostic est connu de tous. Je souhaite que des décisions en la matière soient prises avant la fin de l’année.

J’ai voulu que nos universités soient autonomes et qu’une partie du capital d’EDF soit vendue pour financer la rénovation de nos campus. J’ai voulu également donner la propriété intellectuelle de leurs découvertes et leur donner les moyens de les valoriser à nos universités. Nous allons développer encore ce système.

En matière de recherche, avec le crédit d’impôt recherche à 30%, nous avons maintenant le meilleur, le système le plus ambitieux pour favoriser la recherche de nos entreprises. La réforme de notre système de recherche public sera menée jusqu’au bout. Une stratégie nationale de recherche sera définie.

La priorité budgétaire à la formation et à la recherche, quelles que soient les difficultés d’aujourd’hui, nous allons la maintenir.

Mesdames et Messieurs,

Tous ces défis sont immenses.

Mais la France, la France que nous aimons, peut relever ces défis. J’ai confiance dans les Français. J’ai confiance dans les atouts de la France. J’ai la certitude que nos réformes vont porter leurs fruits. J’ai la certitude que par notre travail, la France saura faire sa place dans le monde du XXIème siècle. J’ai la certitude que nous pouvons réussir à refonder le capitalisme.

Jamais, j’en ai conscience, depuis 1958 autant de changements n’ont été accomplis en si peu de temps.
Quand la situation économique mondiale redeviendra meilleure, car elle redeviendra meilleure, parce que l’histoire de l’humanité, c’est l’histoire de crises et puis de reprises. Eh bien, quand elle reviendra meilleure, nous tirerons les fruits de nos efforts sur l’équilibre de nos finances publiques, sur l’emploi, sur le pouvoir d’achat et sur le bien-être de chacun. Je suis lucide sur la gravité de la crise, mais optimiste sur les atouts de la France.

Je suis déterminé à poursuivre la modernisation de notre économie et de notre société quelles que soient les difficultés parce qu’au plus profond de moi-même, j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’autre voie efficace pour la France.

Alors que les vieilles idées et les vieilles structures sont balayées, notre stratégie c’est d’être imaginatifs, c’est d’être audacieux.

Nous avons le choix : subir le changement ou en prendre la tête. Mon choix est fait.

Mes chers compatriotes,

Au milieu des difficultés, nous devons précéder la marche du monde et non la suivre et ainsi la France, la France sera fidèle à elle-même. Elle sera fidèle à son histoire, à ses valeurs.

Mesdames et Messieurs,
Vive la République !
Vive la France !



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10 septembre 2008 3 10 /09 /septembre /2008 10:33

Le tout sécuritaire, est-ce une réalité qui se décrète ?


Cet été 2008, le gouvernement aura décidé deux mesures visant à assurer une meilleure sécurité (enfin, d’après ce qui est affirmé) par simple décret.

Le décret 2008-632 du 27 juin 2008 pour officialiser un fichier (Edvige) déjà largement utilisé de façon opaque mais qui n’est pas de nature à rassurer les défenseurs des libertés et du droit à la vie privée (la CNIL a fait un certain nombre de réserves qui n’ont pas été entendues par le gouvernement).

Et un décret signé aussi en juin 2008 mais dont la publication au journal officiel tarde encore (elle est prévue à partir de ce mercredi 10 septembre 2008) et qui autoriserait l’utilisation du pistolet Taser aux 17 000 policiers municipaux.

Depuis le décret 200-276 du 24 mars 2000 (sous le gouvernement socialo-communiste de Lionel Jospin, c’est toujours utile de le rappeler !), les policiers municipaux sont déjà autorisés à porter des pistolets et des revolvers dirons-nous classiques.

Notons que la police nationale et la gendarmerie nationale ont l’autorisation de s’en servir depuis septembre 2006. 3 700 gendarmes et policiers en sont déjà équipés.


Taser, arme supposée "non létale" (plus clairement, non mortelle)

Le Taser n’est pas une arme nouvelle. J’en avais déjà parlé l’été dernier alors qu’elle faisait l’objet de plus en plus de controverses en Amérique du Nord et qu’elle commençait depuis quelques années à intéresser sérieusement le gouvernement français.

Son principe est assez simple à rappeler.

C’est une arme à impulsion électrique. Le modèle prévu, le Taser X26, envoie à dix mètres deux dards sur l’individu cible qui lui transpercent la peau, ce qui lui occasionne une décharge électrique de 50 000 volts avec une très faible intensité, de deux milliampères. Les conséquences : la décharge agit sur le système nerveux et tétanise l’individu plus de cinq secondes (coupant temporairement les liaisons entre le cerveau et les muscles), le rendant hors d’état de nuire et facile à neutraliser.

Sur le papier, donc, cette arme est plus favorable à la vie qu’une arme à feu classique, capable de tuer. Pour maîtriser un individu, il vaut mieux le "taser" que le tuer.


La haute tension, jamais anodine

Certes… mais une décharge à haute tension n’est pas si innocente que cela. Certes, le département Électrostatique du Palais de la Découverte fait régulièrement des manipulations en ce sens pour voir les cheveux se décoller spectaculairement de la tête avec 300 000 volts et montrer que le danger provient principalement du courant électrique et pas de la tension. Mais les cobayes sont généralement en bonne santé.

Aucun responsable de l’ordre n’est capable, a priori, de savoir si la personne qu’il viserait avec ses dards électriques souffre d’insuffisance cardiaque ou pire, porte un pacemaker qui nécessite un contrôle total de l’environnement électromagnétique (les porteurs de pacemakers sont dispensés du portique de contrôle des aéroports pour cette raison).

Plusieurs dizaines de cas de morts suspectes après l'utilisation d'une arme de même type ont été recensés au Canada et aux États-Unis (78 entre 2000 et 2004, 167 entre 1999 et 2005, 290 entre 2001 et 2006 selon les sources), avec une incertitude quant à la cause réelle du décès (généralement, le "tasé" était aussi en overdose). Des médecins assurent cependant qu'aucune séquelle n'est à craindre après la décharge électrique que fait subir l'arme.


Ne pas tuer, l’idéal…

Le problème, c’est que le Taser serait une arme idéale si ses utilisateurs ne l’employaient que dans les mêmes cas (extrêmes) que pour leur arme à feu classique.

Or, ce n’est visiblement pas le cas. Le Taser est utilisé pour des cas beaucoup plus mineurs, comme celui de maîtriser des manifestants. Or, la multiplication de l’emploi du Taser (considéré de façon inopportune comme ‘non létal’) accentue la policiarisation de la vie des citoyens. Un contestataire pourra se faire électriquement déchargé et il lui sera très difficile de porter plainte par la suite en précisant les circonstances.

L’utilisation d’une caméra embarquée (il me semble qu’elle est obligatoire, à vérifier) réduira évidemment les abus, mais la psychologie de l’utilisateur du Taser est un facteur important. Déjà pour les armes à feu, le manque de sang-froid a engendré de nombreuses ‘bavures’. Maintenant, sachant que le Taser n’est par mortel, son utilisateur pourra être tenté de s’en servir plus fréquemment.


Un rapport accablant pour la France

Dans un rapport remis le 8 février 2008 au Haut commissariat aux Droits de l’Homme et au groupe de travail du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (voir en fin d'article) par le Réseau d’alerte et d’intervention pour les Droits de l’Homme (RAIDH), il a été constaté l’usage disproportionné du Taser par la gendarmerie nationale : 83% des usages du Taser X26 n’ont pas respecté le cadre envisagé par les procédures internes, à savoir la légitime défense et l’état de nécessité.

Dans le même rapport, il a été présenté le cas d’un malade mental qui a reçu le 12 mai 2006 six fois une décharge de Taser utilisé par un membre de la police nationale et qui a fait un arrêt cardio-vasculaire.

Par ailleurs, le Taser est considéré par le Comité contre la torture de l’ONU depuis le 22 novembre 2007 comme une arme de torture pouvant tuer : « L’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et (…) dans certains cas, il peut même causer la mort, ainsi que l’ont révélé des études fiables et des faits récents survenus dans la pratique. ».


Choix de société

Taser… Edvige… Avant de signer des décrets à tout va, il serait temps que des réflexions plus approfondies soient entreprises afin de placer en conscience l’enjeu crucial qui se présente aux citoyens : quelle société voulons-nous ? sommes-nous prêts à réduire nos libertés pour assurer notre sécurité et celle des nôtres ? ou au contraire, préférons-nous préserver nos valeurs fondamentales ?

Tant que ce débat n’aura pas lieu clairement et publiquement, toutes ces mesures resteront contestables.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 septembre 2008)


NB : Le 9 septembre 2008 en soirée, le Président Nicolas Sarkozy a reculé sur Edvige en décidant d'ouvrir la concertation et en soumettant le fichier au Parlement. La Ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a déclaré : « J'entends des inquiétudes, je veux lever ces inquiétudes et toutes les ambiguïtés. ». C'est une sage décision qui montre (comme vient de le dire François Bayrou) que cela vaut la peine de se battre.


Pour aller plus loin 
:

Une arme peut-elle être inoffensive ? (22 août 2007).

Rapport sur l’usage du Taser en France (8 février 2008).

Flou et retard pour le pistolet Taser (Libération, 28 août 2008).




http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44293



http://www.lepost.fr/article/2008/09/12/1263578_francais-edvigez-la-securite-et-tasez-vous.html

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12 août 2008 2 12 /08 /août /2008 07:47

Depuis son élection le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy a beaucoup innové dans la pratique présidentielle. Entre l’occupation permanente d’une résidence du Premier Ministre, un divorce et un remariage avec un top model, et les directives personnelles aux ministres et parlementaires de la majorité, l’activisme incessant de Nicolas Sarkozy étonne, déstabilise, agace, énerve, mais aussi parfois motive, encourage, rénove…



Wikipédia assure que « la transgression a souvent un côté ostentatoire : on transgresse aussi pour se faire remarquer, (…) pour se situer par rapport à un système de valeur et par rapport à une éthique, un ensemble de règles de comportement. ».

Des transgressions, depuis mai 2007, il y en a eu beaucoup de commises. Certes, il faut savoir différencier les enjeux de valeurs du simple comportement psychologique du Président de la République, un comportement nouveau, mais pas plus déconcertant que celui de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 après quatorze années de gaullisme présidentiel, avec ses petits-déjeuners avec des éboueurs ou ses dîners chez l’habitant.

De façon non exhaustive, j’en ai noté sept qui sont essentiellement guidées par des idées décomplexées, une attitude sans distance ni recul et la volonté de déstabiliser en permanence son monde.


1. Comportement présidentiel

L’absence de distance consacre la désacralisation de la fonction présidentielle.

Si elle peut engendrer quelques écueils, comme quelques jurons lors de ses déplacements sur le terrain (tous ses prédécesseurs pouvaient être aussi grossiers, y compris De Gaulle, la différence, c’est qu’ils se gardaient bien de le faire savoir publiquement), il y a aussi un aspect fort réconfortant.

Le dialogue direct avec le Président de la République, son humour parfois vachard, son langage peu châtié le rapprochent immanquablement des ‘gens’. Il les représente mieux en leur ressemblant.

Contrairement à Valéry Giscard d’Estaing, qui avait aussi souhaité innover en la matière, Nicolas Sarkozy n’est pas tombé dans la condescendance. En revanche, c’est la fonction présidentielle qui en pâtit.


2. Rapports avec l’argent

La France est un pays frileux dans ses rapports avec l’argent. Inutile d’y trouver des explications religieuses ou historiques, les faits sont là : on ne dit pas à son voisin combien on gagne (ce qui permet aux employeurs d’avoir une fourchette de rémunérations très contrastée) ; si l’on le dit, on est traité d’impudique et en général, on minore toujours le montant. Paradoxalement, on préfère étaler quelques signes extérieurs de réussite (la voiture, les vêtements de marque etc.).

Idem quand il s’agit de parler des profits des entreprises. Une entreprise, par définition, est faite pour faire des profits. Sans cela, elle n’a plus qu’à mettre la clef sous la porte (et ses employés avec). Mais le principe du profit est quelque peu tabou. Rien à voir avec le contexte anglo-saxon où tout se jauge à l’aune pécuniaire.

Nicolas Sarkozy, en ce sens, ne peut que choquer. Pas seulement les personnes défavorisées et peu aisées. Mais aussi les possédants qui préfèrent la discrétion d’un François Pinault aux vociférations d’un Bernard Tapie. À vouloir faire de sa propre réussite personnelle une sorte de légende bling-bling, il décrédibilise tout son discours politique.


3. Dans la politique économique et sociale

La plupart des mesures prises par le gouvernement depuis mai 2007 se sont montrées pleinement décomplexées. Peut-on appeler cela une politique franchement libérale ? Évidemment non, le fait même de légiférer autant, de faire intervenir sans arrêt l’État va à l’encontre des idées libérales. Est-ce une politique dite de droite ? Cela ne veut pas dire grand chose. Politique d’offre ou de demande ?
En fait, il est très difficile de définir une véritable vision politique dans ce domaine. Les mesures sont prises souvent sur du court terme, pour réagir à des agitations sociales ponctuelles.

Parfois, le gouvernement s’attaque à des graves sujets. Par exemple celui des retraites. De quoi faire sauter dix gouvernements, selon Michel Rocard, Premier Ministre de 1988 à 1991 (il y a vingt ans). Cela fait vingt ans que le problème du financement des retraites se pose. Je ne suis pas sûr que financièrement, le problème ait été résolu, mais au moins, il a été posé. Rappelons par exemple que Lionel Jospin, Premier Ministre de 1997 à 2002 (il y a dix ans), avait décidé de reporter le sujet après l’élection de 2002. Pour préserver sa popularité ?

Les relations avec le patronat (participation publique aux manifestions du Medef, amitiés non cachées avec les patrons de grandes entreprises), ainsi que les relations avec les syndicats (dans un mélange de volontarisme et de diplomatie mis en œuvre avec brio par le Ministre du Travail Xavier Bertrand), tendent à révolutionner le monde de la négociation sociale. Ce n’est peut-être pas forcément un mal.


4. Transgressions institutionnelles

Les nouveautés de la pratique présidentielle vont de paire avec les caprices institutionnels. En réussissant de justesse à faire adopter sa ‘modernisation’ des institutions, il a pu s’octroyer quelques petits avantages auxquels Nicolas Sarkozy rêvait depuis longtemps.

Par exemple, pouvoir parler, en tant que chef de l’État, devant les parlementaires. Cela ne changera pas grand chose dans les faits, puisqu’il s’exprime déjà beaucoup dans les médias mais aussi auprès des parlementaires qu’il invite régulièrement à l’Élysée. Mais en le codifiant pour s’autoriser à se rendre dans les lieux mêmes du Parlement (à Versailles en fait), il transgresse l’interdiction faite à Adolphe Thiers en mars 1873, accusé par les députés monarchistes de pressions sur les députés avant un vote.

Le retour vers le passé se fait également sur une plus grande collusion entre Législatif et Exécutif, en particulier en redonnant aux futurs ex-ministres ex-parlementaires leur siège au Parlement sans élection partielle.

Parmi les transgressions institutionnelles, il y avait aussi cette volonté de rendre rétroactive la loi sur la rétention de sûreté avec une argumentation uniquement basée sur l’émotionnel.


5. Rapports avec les religions et l’esprit républicain

Là encore, la transgression est de taille pour un sujet généralement consensuel dans la société française. La tradition française (depuis la Révolution française) a fait du citoyen l’élément unique et égal de la communauté nationale. Aucune distinction ne peut se faire hors son mérite personnel, hors ce qu’il réalise.

Déjà place Beauvau en structurant les musulmans de France, Nicolas Sarkozy allait à l’encontre de cette idée. Il préfère la commode société communautariste : chacun détermine quelle est sa communauté (mais définie comment ? religieusement, ethniquement, sexuellement ?), et chaque communauté a ses droits et ses devoirs.

Encore une fois, une idée très anglo-saxonne qui a cependant bien fonctionné pour construire l’Afrique du Sud d’après-Apartheid. Mais le modèle américain est lui-même essoufflé.

Sur ce registre, Nicolas Sarkozy suit ses propres intuitions et convictions. Sa pensée (que je réprouve ici) est cohérente, permanente et logique.


6. Relations internationales

Là, il est un peu difficile d’avoir une idée claire de la politique étrangère tant celle-ci est brouillonne et inaudible. Beaucoup d’initiatives (Europe-Méditerranée, Libye, Traité de Lisbonne etc.), à l’image du personnage. Mais qui suscitent beaucoup d’agacement auprès de ses homologues (notamment de la part d’Angela Merkel).

Un discours ambigu entre le candidat défenseur des Droits de l’homme, de la liberté en Tchétchénie, de la fin des rapports franco-africains hasardeux, et le Président du discours de Dakar, de l’amitié avec Poutine, de la realpolitik avec la Chine etc.

Globalement, il ressort de sa politique étrangère une forte teinte à la fois de realpolitik (son action en tant que Président du Conseil européen à propos du conflit en Ossétie du Sud va être à ce titre intéressante à suivre), et d’atlantisme à peine voilé.


7. La sécurité

Certainement que les plus grandes transgressions sont dans le domaine sécuritaire et qu’elles renforcent la tendance déjà forte de l’histoire post-attentat du 11 septembre 2001.

La création du fichier Edvige, la volonté d’un traçage ADN généralisé, le regroupement familial facilité par l’empreinte génétique, le quota d’expulsions, la rétention de sûreté et la remise en cause de la présomption d’innocence, les statistiques ethniques… tous ces sujets, déjà largement discutés et à peine freinés par le Conseil Constitutionnel, ne sont que des éléments de transgression qui traduisent des valeurs très différentes du consensus républicain généralement établi depuis la Libération (rappelons par exemple que Jacques Chirac avait voté en faveur de l’abolition de la peine de mort en 1981).


Transgresser… un comportement d’adolescent ?

Les transgressions sont d’autant plus nombreuses que Nicolas Sarkozy en est fier en se disant que plus rien n’est tabou. Or, il ne s’agit pas de tabou mais de principes fondateurs d’une société, et pour évoluer, pour se développer, une société doit être stable, doit avoir des bases durables.

Les déstabilisations incessantes amusent Nicolas Sarkozy mais condamne le pays.

Est-ce la volonté délibérée de vérifier son pouvoir de prince que par simple ordre personnel, il puisse changer un élément de la société ? Ou plus simplement, n’est-ce que ce désir plutôt positif en soi de vouloir agir et agir sans arrêt (55 lois pour la première année parlementaire de son quinquennat, un record) ?

Toutefois, « transgression et système de valeur vont de paire et ne se conçoivent pas l’un sans l’autre : lorsqu’on transgresse, c’est toujours par rapport à un système de valeur donné, que l’on tend alors à dépasser ponctuellement et auquel, par là même, on est amené à se référer. Paradoxalement, l’acte transgressif affirme donc l’existence de ces principes moraux et de ces règles de conduite qu’il prétend remettre en cause. » (Wikipédia).


Juger la politique et pas l’homme

Il faut faire des nuances dans l’analyse de l’action présidentielle.

La marque personnelle de Nicolas Sarkozy est sans doute plus forte que celle de ses prédécesseurs.

Autant son dynamisme et sa boulimie politique peuvent être critiquables, ils n’en sont pas moins des éléments respectables, du moins autant que les silences de Sphinx d’un François Mitterrand terré dans l’indécision et l’incertitude (ou la maladie).

Certaines réformes (comme celles des retraites ou des universités) étaient nécessaires. D’autres ont été faites à la va-vite et sans réflexion ni concertation.

Ce qu’il faut juger, et les prochaines élections nationales de 2012 seront là pour cela, ce sont les faits, pas la manière. La politique engagée depuis 2007 et son bilan. Sur l’emploi, l’économie, les systèmes sociaux.

De transgression à régression, il y a un petit pas, le même que pour atteindre la progression.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 août 2008)


Pour aller plus loin :

Apprentissage et transgression : article (Philippe Meirieu).

Apprentissage et transgression : diaporama (Philippe Meirieu).





http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=43166




http://www.lepost.fr/article/2008/08/19/1247124_les-transgressions-du-president-sarkozy.html

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22 juillet 2008 2 22 /07 /juillet /2008 09:16

Les responsables économiques, sociaux, politiques, associatifs, syndicalistes, religieux seront désormais ‘surveillés’ de près dès l’âge de 13 ans. Une décision qui ne réjouit guère les gardiens de l’informatique et des libertés.


L’information a été déjà largement relayée et commentée ici et ailleurs : un décret du 27 juin 2008 a permis la création du fichier Edvige qui va répertorier les individus susceptibles, par leurs activités ou fonctions, de perturber l’ordre public, ce qui est d’autant plus large comme critère qu’il inclut des enfants de treize ans et plus !

Un tel fichage va hélas dans le sens de l’histoire administrative et technologique, mais sûrement pas dans le sens d’une démocratie irréprochable.

Toutes ces données dont aucune garantie de protection n’a été apportée par le Gouvernement, ne serait-ce que pour éviter un piratage par un hacker particulier, pourraient être dans le futur utilisées par un dirigeant politique peu scrupuleux des principes républicains et démocratiques.


Garde-fous face à un Exécutif sécuritaire

Même si ce décret est du ressort réglementaire et pas législatif, la France a quelques garde-fous.

Parmi ceux-là, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), créée en 1978 et qui contrôle en France toutes les créations et utilisations de fichiers de toutes sortes.

Par exemple, le 12 juin 2008, la CNIL a donné son accord pour la constitution d’un « fichier clients comportant une liste noire d’exclusion des naturistes ne respectant pas les dispositions du règlement intérieur » d’un centre naturiste du Cap-d’Agde, à la condition que ladite liste soit « fermée objective » ne comportant que des éléments factuels (impayés etc.) sans aucun commentaire.

Le 2 juillet 2008, la CNIL a rendu public son avis du 16 juin 2008 sur ce nouveau fichier de renseignement Edvige.

La CNIL avait émis de nombreuses réserves et les principales ne furent pas écoutées par le Gouvernement. Il m'a semblé intéressant de les présenter.


L’influence minime de la CNIL sur Edvige

Certes, la CNIL a réussi à imposer au Ministère de l’Intérieur de publier le décret du 27 juin 2008 au Journal Officiel. Son avis a également été publié au JO.

Juridiquement, la publication au Journal Officiel permettra de garantir un « contrôle sur place et sur pièces » de ce fichier.

Par ailleurs, l’interconnexion du fichier Edvige avec d’autres fichiers de la police judiciaire a été abandonnée sur demande express de la CNIL.

En revanche, la CNIL a maintenu de grandes réserves sur d’autres éléments très importants de la réforme gouvernementale.


Treize ans et déjà fauteur de trouble ?

Par exemple, elle juge souhaitable que les personnalités fichées aient plus de seize ans et pas seulement treize, d’autant plus que le décret parle de personnes dont l’activité est « susceptible de porter atteinte à l’ordre public ». Considérer qu’un mineur de treize ans (quel qu’il soit) puisse porter atteinte à l’ordre public, ce serait assurément croire que notre pays est bien faible.


Une erreur de jeunesse qui collerait à la peau 50 ans après ?

Ce jeune âge est d’autant plus scandaleux que la CNIL regrette l’absence de limite de durée de conservation des données. Si des mineurs étaient à l’origine de troubles publics, il ne faudrait pas leur opposer de tels faits trente années après, ou plus ! La CNIL remarque avec bon sens que « le droit de changer, le droit à l’oubli, doivent être assurés pour tous, y compris pour les citoyens de demain. ».


L’exception, règle floue d’un enregistrement systématique ?

Si la CNIL a obtenu que le « comportement » et les « déplacements » des personnalités fichées ne soient plus enregistrés, leur « orientation sexuelle » , leurs « origines ethniques » et leur « santé » le resteront néanmoins, même si c’est uniquement de « manière exceptionnelle » (encore faut-il savoir ce que signifie ‘exceptionnel’, la CNIL s’en inquiète).


Ni traçabilité des accès ni sécurisation des données

De plus, aucune garantie de sécurité technique du fichier ne lui a été apportée et aucune procédure de traçabilité d’utilisation du fichier n’a été prévue pour vérifier les conditions d’accès aux données, contrairement à ce que voulait la CNIL.


La CNIL, empêcheuse de tourner en rond… en sursit ?


On le voit, les avancées obtenues par la CNIL ont été bien maigres mais existent malgré tout.

L’existence de la CNIL reste incertaine avec l’adoption par le Congrès à Versailles le 21 juillet 2008 de la révision constitutionnelle qui prétend moderniser les institutions, car cette dernière institue un Défenseur des droits des citoyens qui pourrait s’emparer des prérogatives de la CNIL (ce que je n’espère pas, la CNIL ayant fait ses preuves).


Le fichage systématique et la démocratie

Edvige, c’est un peu le fichage a priori des fauteurs de trouble dans la même philosophie que la rétention de sûreté votée il y a plusieurs mois, à savoir, vouloir mettre hors d’état de nuire des individus qui n’ont encore rien fait ou pour des faits pas encore commis, des personnes qui, selon des critères très discutables, pourraient éventuellement voire probablement faire quelque chose…

Ce n’est pas nouveau : des empreintes génétiques sont collectées même pour des témoins dans des affaires judiciaires ou pour toute autre raison. Petit à petit, les bases de données sur la vie privée des personnes s’enrichissent.


Au moins, un début de transparence ?

La démocratie ne s’accommode pas de compromis avec un système totalitaire, certes, mais faut-il pourtant en conclure que la création du fichier Edvige va conduire la France vers un régime totalitaire ?

Évidemment non, car les élections y sont libres et précieusement préservées. C’est d’ailleurs souvent la France qui est citée comme modèle, et sans doute avec raison, malgré ses nombreuses imperfections, quand on regarde à côté, notamment hors de l’Europe.

Car après tout, en acceptant de rendre publique l’existence de ce fichier, le Gouvernement rompt finalement une pratique très ancienne de fichage secret des individus, notamment par les Renseignements Généraux voués à disparaître au profit de la réforme des services français du renseignement.


Aux citoyens, aux instances de régulation, aux parlementaires de garder la vigilance et de surveiller le comportement du Gouvernement et des services de l’Intérieur au sujet de cette nouvelle base de données.

La sécurité ne peut s’affranchir de la liberté.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 juillet 2008)


Pour aller plus loin :

Décret 2008-632 du 27 juin 2008.

L’avis de la CNIL du 16 juin 2008.





http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42468

http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20080722/tot-fichier-edvige-la-cnil-tire-les-orei-89f340e.html





http://www.lepost.fr/article/2008/07/22/1228692_fichier-edvige-la-cnil-tire-les-oreilles-du-gouvernement.html




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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 14:31
Voici les considérations de la CNIL sur le nouveau fichier EDVIGE.

http://www.cnil.fr/index.php?id=2488&news%5Buid%5D=569&cHash=2e101fe0ec

L’avis de la CNIL sur le nouveau fichier de renseignement Edvige  

02/07/2008 - Communiqué

La CNIL s’est prononcée le 16 juin sur la création du fichier Edvige, mis en oeuvre par le ministère de l’intérieur dans le cadre de la réforme des services français du renseignement et confié à la direction centrale de la sécurité publique (DCSP).


Les points sur lesquels l’avis de la CNIL a été suivi par le Ministère de l’Intérieur :

Le ministère de l'intérieur avait souhaité que le décret de création du fichier « Edvige » ne soit pas publié au Journal officiel. Dans un souci de transparence démocratique et d’information des citoyens, la CNIL a demandé à ce que ce texte soit publié afin que le débat public puisse exister. Elle a obtenu satisfaction puisque tant l’acte créant ce fichier que son avis ont été publiés. 

La publication de la création de ce fichier a également pour conséquence juridique de permettre le  contrôle sur place et sur pièces de ce fichier par la CNIL, ce qui constitue une garantie supplémentaire.

La CNIL a obtenu que le traitement ne fasse l'objet d'aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d'autres fichiers, notamment ceux de police judiciaire. 

La CNIL a obtenu que l'enregistrement de données concernant les personnalités publiques, syndicales , religieuses ou politiques (élus locaux et nationaux) soit nettement plus limité que dans le projet de décret initial. Ainsi, le décret ne prévoit plus, notamment, l’enregistrement de données relatives au « comportement » ou aux « déplacements » de ces personnalités, ce qui garantit pleinement l’exercice de leurs fonctions. De même, la CNIL a obtenu que les données concernant l’orientation sexuelle ou la santé de ces personnalités ne soient enregistrées que de « manière exceptionnelle ».

Le projet de décret ne prévoyait aucune limite dans la durée de conservation des données enregistrées. La CNIL a obtenu qu’une durée limitée à 5 ans soit définie s'agissant des informations collectées sur une personne faisant l'objet d'une enquête administrative pour l’accès à certains emplois (de sécurité etc..).

La CNIL maintient ses réserves sur certains points :

Concernant la collecte d’informations relatives aux mineurs, la CNIL a rappelé son attachement à ce que le principe d'une telle collecte reste exceptionnel et soit entouré de garanties particulièrement renforcées. Elle a notamment exprimé le souhait que l'âge minimum lié à la collecte d'informations sur des mineurs soit de 16 ans, et non de 13 ans. La CNIL regrette la confusion de la rédaction retenue par le décret et le maintien du seuil de 13 ans pour les personnes dont l’activité est « susceptible de porter atteinte à l’ordre public ».

La question de l’âge des personnes susceptibles d’être enregistrées dans le fichier doit être mise en relation avec l’absence de limite dans la durée de conservation des données. En effet, si des mineurs peuvent être à l’origine de « troubles à l’ordre public », en revanche de tels faits ne doivent pas leur être opposés 30 ans après, voire plus. Le droit de changer, le droit à l’oubli, doivent être assurés pour tous, y compris pour les citoyens de demain.

La CNIL regrette que la possibilité de collecter désormais des informations relatives aux origines ethniques, à la santé et à la vie sexuelle des personnes ne soit pas assortie de garanties suffisantes. Elle sera particulièrement vigilante sur ce point et utilisera son pouvoir de contrôle pour s’assurer du caractère « exceptionnel » de l’enregistrement de ces données dans le fichier.

De même, la CNIL n’a pas obtenu d'informations précises sur les niveaux de sécurité technique entourant le fonctionnement du fichier "Edvige" ni sur l'existence éventuelle d'un dispositif de traçabilité qui permettrait de vérifier les conditions d'accès, par les autorités publiques, aux données figurant dans le fichier. 

Enfin, la CNIL regrette l’absence dans le décret d’une procédure formalisée de mise à jour et d’apurement des fichiers. Elle prend acte cependant de l’obligation annuelle pesant sur le directeur général de la police nationale de rendre compte à la CNIL de ses activités de vérification, de mise à jour et d'effacement des informations enregistrées dans Edvige.

 

Dernière modification : 02/07/08   





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