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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 19:22

« Qu'il retourne en Afrique ! » (Grégoire de Fournas, le 3 novembre 2022 dans l'hémicycle).



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La nature profonde revient toujours au galop, d'une manière ou d'une autre, malgré les mots d'ordre policés de respectabilité et de responsabilité. Le Rassemblement national qui se réunit en congrès ce samedi 5 novembre 2022 pour départager qui, de Jordan Bardella, le chouchou de Marine Le Pen, ou de Louis Aliot, l'ex de Marine Le Pen, sera le président du RN pendant que Marine Le Pen continuera à présider le groupe des 89 députés RN élus à l'Assemblée Nationale en juin 2022.

Incontestablement, sa stratégie de respectabilité se heurte à la nature profonde de ce parti dont l'histoire demi-centenaire est éloquente. Lors de la séance des questions au gouvernement le jeudi 3 novembre 2022 à l'Assemblée Nationale, peu avant 17 heures, un député RN a interrompu un orateur en exprimant un sentiment présumé raciste qui a scandalisé l'ensemble des autres groupes de l'hémicycle.

Il s'agissait d'une question posée par le député FI Carlos Martens Bilongo sur les difficultés que rencontre l'Ocean Viking qui a secouru 234 candidats migrants rescapés d'un naufrage en Méditerranée. Ceux-ci sont bloqués sur le pont du bateau depuis une douzaine jours.

Certes, au-delà de la question légitime sur le sort de ces naufragés et de son volet humanitaire, le jeune député FI n'avait pas omis le côté volontiers provocateur de sa question puisqu'au-delà du gouvernement, il s'adressait aussi à ses collègues du RN : « J’aimerais dire à la collègue du Rassemblement national qui, du haut du perchoir de l’Assemblée Nationale, croit pouvoir organiser les opérations de sauvetage en Méditerranée, avec la plus grande désinvolture et sans autre mérite que d’être née dans un pays en paix : ne vous en déplaise, leurs vies comptent ! ».

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Revenant au sort des rescapés, Carlos Martens Bilongo a poursuivi : « L’Ocean Viking a adressé aujourd’hui sa septième demande d’assistance aux autorités maritimes italiennes. L’île de Malte, tout aussi proche, n’a tout simplement pas répondu aux trois demandes qui lui ont été adressées. Le blocage de ces personnes est une violation grave du droit de la mer. L’évaluation du statut et de la nationalité des personnes secourues ne doit pas retarder le débarquement des survivants. Je ne peux que partager l’inquiétude de ces migrants, à l’heure où la nouvelle Première Ministre italienne s’est engagée à bloquer l’arrivée des immigrants en provenance d’Afrique. Quelle sera l’action du gouvernement français sur le sujet ? Quelle forme la coopération avec l’Italie prendra-t-elle ? Allez-vous vous saisir, avec les autres pays européens, de la question de la répartition des migrants ? Malte ne répond plus aux demandes de coordination de sauvetage. ».

En clair, le député FI demandait au gouvernement de s'activer pour les aider, auprès des autorités italiennes et maltaises, et plus généralement, de coordonner les politiques européennes. Et puis, il a commencé une phrase qu'il n'a jamais pu achever : « Les personnes secourues se trouvent dans une situation d’urgence absolue et les prévisions météo indiquent une détérioration significative du climat… ».

Ses propos ont été coupés par le député RN Grégoire de Fournas qui a crié dans l'hémicycle : « Qu'il retourne en Afrique ! ». Tollé général dans l'assistance. Beaucoup de députés se sont levés et ont demandé une sanction immédiate auprès de la présidente de séance, Yaël Braun-Pivet. Pour de nombreux députés, et pas seulement de gauche, cette saillie est tout simplement du racisme. Le sens en restait confus car personne ne connaît l'intention, si c'était de dire au député d'origines congolaise et angolaise de retourner en Afrique (mais il est né à Villiers-le-Bel), auquel cas ce serait une injure raciste très forte, ou si c'était de dire que le bateau doit retourner en Afrique, ce qui serait stupide car le besoin d'être secouru impose que le port le plus proche l'accueille (il y a obligation de sauvetage), et cette indifférence au sort de ces personnes en danger de mort est également contraires aux plus élémentaires des valeurs humanitaires.

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Dans un chahut inaudible, après avoir demandé quel député avait sorti cette idiotie, Yaël Braun-Pivet a été obligée de suspendre la séance de cinq minutes pour la reprendre très temporairement et pour dire : « Chers collègues, pouvez-vous me laisser parler, s’il vous plaît ? Compte tenu de l’événement grave qui vient de se dérouler, je vous propose d’en confier le traitement à la prochaine réunion du bureau de l’Assemblée, prévue mercredi prochain. Cette instance est la plus à même, selon moi, de déterminer si les faits qui ont été commis à l’instant sont passibles d’une sanction et de quelle sanction. Je vous propose donc, chers collègues, de porter ce point à l’ordre du jour de la prochaine réunion du bureau. ».

Une députée insoumise a alors réclamé une sanction immédiate, mais la présidente a expliqué : « Chère collègue, l’article 74 de notre règlement prévoit que les peines disciplinaires applicables aux membres de l’Assemblée sont : le rappel à l’ordre, le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, la censure et la censure avec exclusion temporaire. Ces deux dernières sanctions ne peuvent être prononcées que par le bureau. Si vous voulez que je prononce une sanction immédiate, ce sera donc un simple rappel à l’ordre ou un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal. Compte tenu de la gravité des faits, je préfère renvoyer la question au bureau. Une réunion du bureau est prévue mercredi prochain. Le bureau de l’Assemblée est l’organe pluraliste compétent pour se prononcer sur ce qui vient de se passer dans l’hémicycle. ».

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En fin de compte, le gouvernement n'a pas pu répondre à la question car, à cause de l'état d'excitation de l'hémicycle, Yaël Braun-Pivet a finalement clos la séance jusqu'au lendemain : « Étant donné l’émotion légitime qui s’est emparée des membres de l’Assemblée et du Gouvernement, je lève la séance des questions au gouvernement. Nous nous retrouverons demain à quinze heures trente, pour la discussion de la motion de censure, ainsi qu’en a décidé la conférence des présidents. ».

Le député Grégoire de Fournas, qui gère un domaine familial de viticulture dans le Médoc, favorable aux chasseurs et contre les éoliennes, avait déjà montré sur les réseaux sociaux sa grande tolérance des opinions qui frisaient le racisme. Il prétend qu'il a voulu parler du bateau et pas de l'orateur, mais au fond, ce n'est pas là l'essentiel. L'essentiel, c'est que ce député se moque bien du sort des centaines de personnes qui périssent dans la Méditerranée au nom d'une idéologie qui place l'immigration comme la raison de tous les malheurs du pays.

Alors que celle-ci est généralisée partout sur la planète et que nul n'est capable de savoir quel peuple aura besoin de quel autre peuple, car les hypothèses alarmantes sur les futurs migrations climatiques sont catastrophiques par rapport à ce qu'on vit actuellement. Or, on ne pourra jamais donner une réponse simpliste à un problème particulièrement compliqué et humain (le besoin de fuir son pays au point de mettre en danger sa propre vie).

Évidemment, le groupe FI était particulièrement satisfait d'avoir piégé ainsi un député RN, et cela juste deux jours avant le congrès de Rassemblement national qui aurait dû donner un nouvel élan, plus moderne et moins extrémiste. C'est donc peine perdue, la nature, comme je l'ai écrit, revient au galop. Il faut rappeler, insister, qu'exprimer du racisme n'est pas une opinion mais un délit. Le bureau de l'Assemblée Nationale va statuer pour savoir si l'interpellation du député était raciste ou pas et si des sanctions disciplinaires, voire avec des suites judiciaires, devront être prises.

Marine Le Pen n'est bien sûr pas sur cette longueur d'onde et jamais elle n'a émis ne serait-ce une parole ambiguë qui pourrait l'associer à du racisme. Ce n'est pas dans sa nature et son ambition est justement de se montrer au-delà de ces stupidités. Mais dans cet incident, elle a pris la défense de Grégoire de Fournas tandis que de nombreux députés lui demandent au contraire de l'exclure du groupe RN ou alors, cela signifierait que le groupe RN validerait les déclarations intempestives (imprudentes et inutilement haineuses) de Grégoire de Fournas.

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Le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a tweeté dans la soirée : « Racisme d'un député à l'Assemblée Nationale : du FN au RN, le nom change mais les références hideuses et les habitudes ignobles restent. Quelle honte. ». Le Président de la République Emmanuel Macron a également été choqué par cet incident parlementaire. L'un de ses proches, le député européen Stéphane Séjourné a tweeté : « Ce qui s'est passé cet après-midi est d'une gravité exceptionnelle : cela implique des sanctions exceptionnelles. Nul ne peut ceindre l'écharpe tricolore après avoir tenu de tels propos : Marine Le Pen doit exiger sa démission sans délai. Indéfectible soutien à Carlos Martens Bilongo. ».

Pour le gouvernement aussi, et même surtout, c'est une opportunité de revenir aux fondamentaux : le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a ainsi réagi vers 22 heures sur LCI pour demander solennellement à Marine Le Pen de se désolidariser de ce député : « Madame Le Pen, si vous ne voulez pas que vos 89 députés soient associés à 89 nuances de haine, demandez sa démission ! ». Mais les propos d'Olivier Véran sont aussi politiques que moraux, lorsqu'il s'est adressé aux groupes de la Nupes pour leur dire de ne pas voter la même motion de censure que le groupe RN, comme cela a été déjà le cas les 24 et 31 octobre 2022, et probablement ce vendredi 4 novembre 2022, parce que le RN n'a pas du tout les mêmes valeurs républicaines que cette ultragauche d'opposition systématique.

Pour le coup, on voit que le mot d'ordre de respectabilité, du port de la cravate, de sérieux dans le travail parlementaire imposé par Marine Le Pen connaît ses limites. Et au plus mauvais moment. Finalement, elle n'a plus besoin de son père Jean-Marie Le Pen pour avoir des petites phrases assassines, ses troupes lui suffisent amplement...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (03 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Carlos Martens Bilongo.
Le congrès du RN.
Grégoire de Fournas.
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221103-gregoire-de-fournas.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/04/39696480.html





 

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17 octobre 2022 1 17 /10 /octobre /2022 05:39

« Dans un contexte d'extrême tension et d'agressivité mutuelle, j'ai donné une gifle. Je l'ai donnée alors que cela ne me ressemble pas et cela ne s'est jamais reproduit. J'ai profondément regretté ce geste et je m'en suis alors beaucoup excusé. Je sais qu'aucune explication (…) et qu'aucun contexte (…) ne justifient ces comportements. Ils ont eu lieu dans un moment particulier et rare de tension et ne caractérisent aucunement notre vie de couple dans la durée. » (Adrien Quatennens, communiqué du 18 septembre 2022).



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En lisant cette véritable confession de deux pages sur sa vie conjugale, le lecteur pourrait ressentir une gêne, celle du voyeur regardant par le trou de serrure d'une scène de ménage qui semble se terminer par une séparation dite conflictuelle. Ce malaise est récurrent lorsqu'on étale la vie privée de personnages publics. Parfois, c'est à l'initiative même desdits personnages, mais pas toujours. Ce qu'on appelle l'affaire Quatennens est sortie un peu benoîtement il y a un peu plus d'un mois, le 13 septembre 2022 d'une indiscrétion du "Canard enchaîné" : l'existence d'une main courante déposée à l'initiative de l'épouse du député FI Adrien Quatennens (32 ans).

Après avoir fait le gros dos pendant quelques jours, il s'est résolu à faire cette confession (j'allais écrire "ces aveux") pendant le week-end qui a suivi, ce qui, il faut bien l'avouer, était courageux bien qu'impudique de sa part, pensant sans doute un peu trop naïvement que cela ferait taire toutes les critiques ultérieures. Au contraire, à la différence d'autres personnalités publiques (hommes) accusées soit d'avoir été violentes, soit d'avoir harcelé des femmes (et on peut en citer beaucoup, Damien Abad, Éric Coquerel, Nicolas Hulot, Patrick Poivre d'Arvor, Richard Berry, etc.), Adrien Quatennens, loin de nier fermement tous les faits, a au contraire reconnu qu'il avait eu, effectivement, des gestes violents avec sa femme.

Pour moi, c'est grave car cela représente un fait avéré. Lorsque ces faits sont niés, ils peuvent bien sûr avoir eu lieu, mais il y a un bénéfice du doute et seul, un (vrai) juge peut, si les faits ne sont pas prescrits, condamner éventuellement les auteurs des violences citées. Dans un tel cas de communication politique, moins on en dit, mieux ça vaut. Car tout ce que vous dites peut être retenu contre vous, selon la formule classique.

Je rappelle ainsi que l'ancien ministre et ancien maire de Grenoble Alain Carignon, qui a purgé une peine de prison après une condamnation définitive, donc, reconnu coupable par la justice au nom de la société, a toujours nié les faits qui lui étaient reprochés et a même pu se refaire une virginité politique (en se présentant de nouveau aux municipales), expliquant sa condamnation en s'estimant victime d'un complot. Le cas est extrême et n'a pas trait à des violences physiques mais il est très rare d'avoir une reconnaissance de faits reprochés par une personnalité politique. L'autre cas, aussi caricatural, est le Ministre en exercice du Budget Jérôme Cahuzac traqueur de fraudeurs du fisc et lui-même fraudeur ! Il faut aussi citer le cas du politologue Olivier Duhamel dont le silence assourdissant vaut quasiment des aveux (pour des faits autrement plus graves).

Adrien Quatennens est l'une des personnalités clefs de la classe politique depuis plus de cinq ans. Élu d'extrême justesse député de la première circonscription du Nord en juin 2017 face à un candidat LREM (bénéficiant de la forte abstention pour succéder au député socialiste Bernard Roman, ancien dauphin de Pierre Mauroy pour la mairie de Lille), Adrien Quatennens est devenu, à l'âge de 27 ans, l'un des enfants terribles de Jean-Luc Mélenchon au point d'être désigné le coordinateur de la France insoumise, c'est-à-dire le chef du parti, le 22 juin 2019 après le désastre électoral des européennes (succédant à Manuel Bompard).

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Réélu au second tour en juin 2022 (il a fait plus 50% au premier tour mais pas assez en % des inscrits), Adrien Quatennens est le bon soldat de la Mélenchonie, excellant dans les émissions politiques à la radio et à la télévision, reprenant systématiquement les éléments de langage dans les débats, tant dans les médias qu'à l'Assemblée Nationale. Brillant élève du gourou insoumis, il lui manque cependant un peu de sel ou de piment, ce qui fait justement ce charisme inimitable, ce talent qui rend Jean-Luc Mélenchon sympathique à entendre, juste à entendre évidemment ! Et vers 2018, il envisageait sérieusement à se présenter aux municipales à Lille pour la succession de Martine Aubry, qui, finalement, a voulu encore poursuivre un nouveau mandat en 2020.

Pour ses opposants politiques, et ils sont nombreux, et peut-être pour quelques faux amis insoumis, qui sait ?, les déboires publics d'Adrien Quatennens font naturellement sourire même si la vie privée ne devrait pas sortir du domaine privé (car finalement, qui est totalement parfait dans sa vie privée ? Qui n'a rien à se reprocher ?), même si aboyer avec les chiens lors d'un lynchage médiatique n'a jamais grandi un homme (ou une femme), et même si les arguments politiques ne manquent pas pour simplement s'opposer à lui. Il y a certainement un côté arroseur arrosé qui réjouit dans cette mésaventure, car Adrien Quatennens, au même titre que ses camarades mélenchonistes, n'a cessé de faire des leçons de morale à tout va, à la majorité présidentielle, à l'extrême droite, etc. et qu'avant de faire des leçons de morale, il vaudrait mieux s'assurer d'être tout "propre" (cela vaut aussi dans d'autres contextes, comme celui de François Fillon).

Ces donneurs de leçon, on voit bien comment ils réagissent quand un copain devient paria : ils le défendent, ce qui est très honorable pour des compères politiques (la fidélité est aussi une valeur morale), mais pas très cohérent sur le plan des principes. Les hésitations de Jean-Luc Mélenchon sont étonnantes et discréditent complètement toutes les leçons de morale qu'il peut ou a pu imposer à ses interlocuteurs, passées, présentes et à venir.

Adrien Quatennens a donc démissionné de la tête de la France insoumise, ce qui est gênant pour le dispositif de Jean-Luc Mélenchon qui, décidément, est irremplaçable (et se moque pas mal de la retraite à 60 ans, lui qui a déjà 71 ans !). Notez bien que depuis le 18 septembre 2022, aucun successeur n'a pris l'intérim, ni aucune date n'a été fixée pour désigner formellement son successeur. C'est à se demander si cette fonction était réelle ou fictive. Sa principale raison de démissionner, c'était qu'il ne voulait pas gêner ses camarades insoumis qu'il représentait alors. Là encore, c'est tout à son honneur, Jean-Luc Mélenchon n'a ainsi pas dû l'évincer de lui-même, ce qui lui aurait fait mal au cœur.

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Plus ennuyeux, c'est qu'Adrien Quatennens est aussi député et donc, siège à l'Assemblée Nationale. A priori, aucun député, élu de la République et du peuple souverain, ne peut être démis de ses fonctions, sauf par un juge et une condamnation pour inéligibilité, après levée de l'immunité parlementaire. Institutionnellement, Adrien Quatennens, élu pour cinq ans, sauf dissolution, est invité à siéger à l'Assemblée Nationale et nul, si ce n'est lui, ne peut lui enlever ce droit.

En revanche, je rappelle que bien qu'élu dans une circonscription donnée, un député est le représentant de l'ensemble du peuple français, c'est pour cela qu'on parle de "représentation nationale", c'est la magie du suffrage universel, un député est un et multiple, il représente des intérêts géographiques, ceux de sa circonscription, et il représente la nation toute entière. En ce sens, même si je n'étais pas électeur dans sa circonscription, même si, le cas échéant, candidat dans la mienne, je n'aurais jamais voté pour lui, Adrien Quatennens me représente au même titre que les 576 autres députés, moi en tant que citoyen et électeur français.

 

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Et cela me met mal à l'aise que l'un de ceux qui me représentent ait pu exercer de la violence sur son épouse. Je ne m'estime pas représenter justement alors qu'une certaine morale sinon la loi n'est pas respectée. Comment peut-on vouloir réduire la violence en classe, chez les jeunes, dans les familles, si l'un de nos représentants dit ouvertement qu'il a battu sa femme ? Avec d'ailleurs souvent l'argument des ivrognes : c'était la seule fois ! Comme le chauffard qui dit qu'il n'avait jamais eu d'accident... jusqu'au jour où son premier accident a été fatal. "Je ne suis pas violent", dit le mari qui bat sa femme. C'est courant et le pauvre Adrien Quatennens, dont je ne doute pas de la sincérité, est tombé dans ce panneau sémantique qui lui ôte toute crédibilité, bien malgré lui (je ne le pensais pas naïf politiquement, répétant sa langue de bois ad nauseam, mais comme François Fillon lorsqu'il s'agit d'argent, Adrien Quatennens redevient visiblement un enfant ou un adolescent quand il s'agit d'amour).

Depuis un mois, Adrien Quatennens a fui l'Assemblée Nationale. On peut comprendre qu'il prenne du recul, mais un député, cela ne sert-il pas à travailler ? À travailler les dossiers sur le terrain, à travailler les textes législatifs et s'il y en a moins, chaque voix compte. Jean-Luc Mélenchon a souhaité le 9 octobre 2022 qu'il fasse son retour à l'Assemblée : « Je pense qu'il doit revenir. ». Le 12 octobre 2022, on apprend que finalement, malgré son absence, Adrien Quatennens vote quand même parce qu'il a donné sa procuration de vote (précisément, sa "délégation" de vote) à sa collègue FI Raquel Garrido (selon TF1), elle-même fière de voter pour lui : « C'est normal, il est en arrête maladie. Il a le droit de donner sa délégation. Ça s'est joué à une ou deux voix près à chaque fois. (...) En l'occurrence, je suis contente d'avoir sa voix pour lutter contre les lois les plus extrêmes. ».

Retrait, arrêt maladie, absence, mais vote comptabilisé, ce n'est pas très clair, tout cela et chez les insoumis, il y a une division entre ceux qui veulent oublier cet épisode désolant, comme Manuel Bompard, et ceux qui, au contraire, veulent jusqu'à l'exclure du groupe FI. Sandrine Rousseau, qui, rappelons-le, n'est pas députée FI mais EELV, a quand même donné son grain de sel en disant qu'il faudrait que ce soit son suppléant qui vote à sa place (apparemment, elle ne connaît pas les lois qui lui ont permis de siéger à l'Assemblée, puisque les suppléants ne remplacent que les députés décédés ou nommés ministres, et pour les autres cas, il faut organiser une élection partielle pour remplacer un député éventuellement démissionnaire, sauf la dernière année de la législature, auquel cas le député démissionnaire n'est pas remplacé). Olivier Faure, premier secrétaire du PS et devenu un ardent mélenchoniste au point de vouloir en être le premier héritier, verrait bien le voir écarter du groupe FI : « Un député n'est pas un ministre, il est élu et pas nommé, on ne peut pas l'obliger à démissionner, en revanche son parti peut l'exclure. ». Et hop ! Un rival de moins !

L'affaire politique pourrait tourner en vinaigre judiciaire, contrairement à ce qu'avait indiqué initialement le principal intéressé. En effet, après la première main courante, son épouse a déposé une seconde main courante le 23 septembre 2022 pour affirmer qu'elle était victime de harcèlement par l'envoi de nombreux SMS par son mari, puis elle a déposé plainte le 26 septembre 2022 au commissariat de Lille, contre son mari, reprenant les faits cités dans les deux mains courantes (l'information a été connue le 3 octobre 2022). L'avocate d'Adrien Quatennens a réagi en minimisant l'importance du dépôt de plainte : « Cette plainte n'a aucune incidence sur la procédure actuelle puisqu'elle intervient dans le cadre d'une enquête préliminaire déjà en cours et se borne à reprendre les éléments contenus dans les deux mains courantes sans ajouter d'élément nouveau. ».

Le parquet de Lille avait en effet indiqué le 19 septembre 2022 l'ouverture d'une enquête préliminaire dès le dépôt de la première main courante, dans le cadre d'une « politique pénale volontariste pour le traitement des violences conjugales ». Dans ce cadre, Adrien Quatennens a été entendu en audition libre le 26 septembre 2022 (information confirmée par son avocate le 1er octobre 2022 sur France Info) et il a reconnu avoir donné une gifle à son épouse en 2021, lui avoir serré le poignet le 28 août 2022 et l'avoir blessée au coude le 2 septembre 2022 (selon les informations du Journal du dimanche). Une enquête judiciaire a lieu systématiquement quand il s'agit de violences au sein de la famille pour savoir si l'absence de dépôt de plainte de la personne battue provient ou pas d'une emprise psychologique par la personne présumée violente.

Je me garderai de juger moralement ce député insoumis, d'autant plus que la justice est saisie et donc, elle est là pour faire la lumière et le cas échéant, sanctionner selon les lois en vigueur (il pourrait quand même risquer, dans le pire des cas, trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour violences commises sur conjoint). J'espère simplement qu'Adrien Quatennens ne sera pas un bouc émissaire, même si, très malheureusement, cette situation me paraît assez tristement ordinaire, les violences conjugales, et même les meurtres qui ne sont que l'aboutissement extrême de ces violences, sont souvent le fait d'un ancien conjoint qui ne supporte pas l'idée d'une séparation a priori à l'initiative de la femme (ce qui explique que pour se séparer, il faut souvent un certain courage à la femme violentée).

En ce sens, aussi brillant était-il dans les médias encore récemment, Adrien Quatennens n'est qu'un triste sire qui ne vaut pas mieux que ces hommes violents qui, monsieur le juge, je vous l'assure, n'ont jamais été violents qu'une seule fois, la mauvaise...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (15 octobre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Adrien Quatennens.
Clémentine Autain.
Éric Coquerel.
Jean-Luc Mélenchon.
Danièle Obono.
François Ruffin.
Sandrine Rousseau.
Pour ou contre M… ?
Sous la NUPES de Mélenchon.
La consécration du mélenchonisme électoral.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221015-adrien-quatennens.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/mais-ou-est-donc-passe-adrien-244383

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4 octobre 2022 2 04 /10 /octobre /2022 05:08

« L'objectif premier est cette fois de prospérer ou d'influencer sur le terrain électoral et politique. Pour l'atteindre, Jean-Marie Le Pen est choisi pour président. Deux raisons semblent avoir présidé à ce choix. La première est son éloignement relatif des différentes "chapelles" qui sont à l'origine du FN. Sous cet angle, il peut s'imposer comme le plus petit commun dénominateur politico-idéologique. En même temps, et c'est la deuxième raison, Jean-Marie Le Pen n'est pas vraiment un novice en politique. (…) Sont ainsi rassemblées dans une seule organisation les deux grandes sensibilités de l'extrême droite, les nationaux et les nationalistes. » (Pascal Delwit, "Les étapes du Front national. 1972-2011").




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En quelques phrases, le politologue bruxellois Pascal Delwit a résumé la naissance du FN (avec une petite erreur, Jean-Marie Le Pen était le plus grand commun dénominateur, pas le plus petit). Petite date symbolique et historique pour ce mercredi 5 octobre 2022 : le Front national a été fondé il y a exactement cinquante ans. Certes, il a changé de nom (c'est maintenant Rassemblement national depuis le 1er juin 2018), certes il a changé de prénom (le patron n'est plus Jean-Marie Le Pen mais sa fille Marine Le Pen), mais sa naissance montre bien que ce parti est d'essence d'extrême droite malgré tout ce que la fille a tenté de faire pour gommer, effacer cette hérédité au point même d'exclure son propre père fondateur de ce parti le 20 août 2015 et de tenter une nouvelle virginité.

Quand on relit l'histoire de l'extrême droite et les raisons de la fondation du Front national (plus exactement, au début, Front national de l'unité française), on s'étonne de la manière dont Jean-Marie Le Pen a su s'accaparer d'un parti dont l'initiative lui était très étrangère. En effet, il faut se remettre dans le contexte politique de l'époque, fin des années 1960 et début des années 1970. Les luttes politiques étaient très violentes entre extrémistes de gauche et extrémistes de droite. La fin de la guerre d'Algérie d'un côté, la révolte étudiante de mai 68 de l'autre, les jeunes étaient dans une sorte de bouillonnements idéologiques assez désordonnés.

Le mouvement Occident a été dissous en 1968, le GUD l'a remplacé et principalement le mouvement Ordre nouveau s'est créé (dirigé par François Brigneau, François Duprat et Alain Robert). Ces milieux d'extrême droite étaient très divisés, même idéologiquement puisque certains mouvements ont fait scission et se sont rapprochés des maoïstes ! Entre catholiques intégristes, païens, nostalgiques de l'Algérie française, anciens soutiens du candidat Jean-Louis Tixier-Vignancour à l'élection présidentielle de 1965, anciens poujadistes, et également nostalgiques plus ou moins assumés du pétainisme, voire du nazisme, ou du fascisme, se disputait la représentation de ce qu'ils appelaient la droite nationale et nationaliste. L'activisme militant était violent et souvent à la limite de la loi en raison de la violence, plusieurs mouvements ont été dissous et la concurrence militante et idéologique très rude. Ordre nouveau fut dissous le 28 juin 1973 par le conseil des ministres avec aussi la Ligue communiste (dirigée par Alain Krivine), ces deux mouvements s'étant violemment affrontés lors d'un meeting politique le 21 juin 1973 à la Mutualité de Paris.

Auparavant, Ordre nouveau, au-delà de son activisme, voulait aussi participer aux élections et avait besoin d'une devanture politiquement correcte. Il y a eu des premières participations électorales à des élections législatives partielles en 1970 et aux élections municipales de mars 1971 où l'union de la gauche avait suscité aussi une inquiétude dans les milieux d'extrême droite. Au deuxième congrès des 10 et 11 juin 1972 d'Ordre nouveau, il a donc été décidé de créer un rassemblement des extrêmes droites afin de participer aux élections législatives de 1973 et les négociations furent assez rudes. Le nom fut adopté par 83% des adhérents.


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Depuis plusieurs mois, le nom de Jean-Marie Le Pen était proposé pour présider l'ensemble, en raison de sa notoriété et du fait d'avoir été élu deux fois député (la première fois dans la vague poujadiste, en janvier 1956 à l'âge de 27 ans, réélu avec l'étiquette du CNIP en novembre 1958, battu en mars 1962 et juin 1968). Depuis la fin de la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour, Jean-Marie Le Pen s'était retiré de la vie politique et avait préféré faire fructifier sa maison d'édition de disques un peu particuliers, créée en 1963 (la Serp). Quand on l'a rappelé car sa personnalité pouvait faire consensus au sein de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen a tout de suite cherché à y trouver intérêt en imposant un certain nombre de ses amis à la direction du FN.

Le logo même du FN (la flamme) provenait du logo du MSI, le grand parti italien rassemblement les nostalgiques de Mussolini (Frères d'Italie de Giorgia Meloni a toujours cette flamme en guise de logo, et loin d'être une copie de l'ancien logo du FN, elle est surtout la reprise du logo du MSI). Pour Ordre nouveau, le MSI était le parti de référence dans l'extrême droite européenne.

Parmi les fondateurs du FN, on peut citer : Dominique Chaboche, François Duprat, Roland Gaucher, Léon Gaultier, Pierre Sergent, Jean-Maurice Demarquet, André Dufraisse, etc. Dans le bureau désigné le 12 octobre 1972, à côté de Jean-Marie Le Pen, président, furent désignés entre autres François Brigneau (vice-président), Roger Holeindre (secrétaire général adjoint), Alain Robert (secrétaire général), Pierre Durand (trésorier adjoint), Pierre Bousquet (trésorier), etc.


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Notons que l'ancien Président du Conseil (et ancien successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil national de la Résistance en tant que représentant de la démocratie chrétienne et du MRP) Georges Bidault a été présent à la fondation du FN en raison de ses amitiés nationalistes et de ses positions en faveur de l'Algérie française, mais l'a quitté immédiatement après (dès le 12 octobre 1972). Ce parrainage fut trop bref pour avoir pu être politiquement exploité mais il était notable.

À l'origine, donc, les dirigeants d'Ordre nouveau ont cru qu'il pourrait diriger le Front national en manipulant Jean-Marie Le Pen mais au fil des années, ce fut ce dernier qui, progressivement, a transformé le FN en parti personnel, à sa dévotion. La première échéance fut les élections législatives de mars 1973. Naturellement, Jean-Marie Le Pen s'est présenté à Paris et s'il n'a obtenu que 5,2% dans la 15
e circonscription de Paris, il venait de faire passer ses premiers messages.

Lisons son tract électoral de 1973 : « La crise dont souffre la France n'est pas tellement politique ou sociale. C'est une crise morale qui met en cause les valeurs fondamentales de notre société. Sans doute, l'évolution du monde moderne trouble partout les esprits et perturbe les mœurs. Mais c'est justement le rôle des pouvoirs publics de maîtriser cette évolution et de sauvegarder les principes qui nous ont faits ce que nous sommes, et dont l'oubli conduit à la décadence. ». C'était déjà grandiloquent et cela fait donc cinquante ans qu'on parle de décadence, de valeurs morales en perte de vitesse etc.

Mais arrêtons-nous au discours par exemple de l'ancien candidat Éric Zemmour qui justement dénigre notre période actuelle alors qu'il regrette …le temps du RPR, le RPR a été fondé en 1976, donc bien après 1973 : en clair, le discours de l'extrême droite, c'est de toujours dire qu'avant, c'était mieux et qu'aujourd'hui, ça craint, mais lorsqu'on martèle ce discours depuis cinquante ans, il devient complètement absurde !

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Il y a aussi, dans le tract de 1973, un laïus contre l'immigration (« contre l'invasion de la France par les indésirables ») où les mots restent ceux de l'extrême droite : « Les Français ne sont ni xénophobes, ni racistes. (…) Mais ils ne supportent plus que la France soit colonisée, exploitée, terrorisée. Il n'est pas tolérable que notre pays soit devenu un dépotoir ouvert aux bons-à-rien, aux délinquants, aux criminel... (…) Il n'est pas non plus tolérable que notre budget social et hospitalier soit dilapidé au profit des indésirables. ». Onze ans après les Accords d'Évian, la France devient une colonie selon son point de vue, un argument qu'on entend ad nauseam encore aujourd'hui ! À l'époque, il n'y avait pas de CMU, mais l'argument était déjà là, on paie trop les immigrés (on n'ose simplement plus parler des "indésirables" dont le mot est trop provocateur).

Après le premier congrès du FN en avril 1973, des premières tensions ont apparu entre Jean-Marie Le Pen et ses "amis" d'Ordre nouveau qui se sont séparés du FN en novembre 1973 après la dissolution de leur mouvement pour créer finalement le Parti des forces nouvelles (PFN) le 9 novembre 1974. Jean-Marie Le Pen en a profité pour créer son propre mouvement de jeunesse, le Front national de la jeunesse (FNJ) en décembre 1973, vivier de ses futurs cadres.

On peut dire aussi que Jean-Marie Le Pen a complètement compris la logique de la Cinquième République. Il fut pour l'extrême droite ce que François Mitterrand fut pour la gauche qui, elle, avait du mal à comprendre la prédominance présidentielle (cf Pierre Mendès France, Gaston Defferre et même Michel Rocard n'ont jamais compris la logique politique de la Cinquième République).

Ainsi, après les législatives, Jean-Marie Le Pen s'est lancé dans la campagne de l'élection présidentielle de 1974, qu'il n'avait pas anticipée puisque consécutive à la mort de Georges Pompidou. À l'époque, il suffisait de 100 parrainages de maires pour pouvoir se présenter. Il était toujours question de décadence dans sa propagande : « Cette crise, dans notre pays, trouve ses origines dans la décadence morale et civique qui mine notre société. ». Il a alors obtenu 0,7% des voix, pas même 200 000 suffrages et pour le second tour, il a annoncé son soutien à Valéry Giscard d'Estaing (on oublie trop souvent cette prise de position).

Pendant tout le septennat de VGE, Jean-Marie Le Pen a su verrouiller le FN pour en faire son parti, au prix de véritable guerre à l'intérieur de l'extrême droite (François Duprat a été assassiné le 18 mars 1978 ; auparavant, Jean-Marie Le Pen a été victime d'une tentative d'assassinat le 2 novembre 1976, un attentat qui a détruit son appartement parisien), et en 1976, justement, le leader du FN a hérité des ciments Lambert, ce qui lui a fourni les moyens de faire vivre à grande échelle son mouvement (l'attentat pourrait avoir un rapport avec cet héritage qui aurait spolié une partie de la famille de l'ami millionnaire).


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Pour les élections législatives de mars 1978, Jean-Marie Le Pen a mis au point son thème de prédilection, l'immigration, qui ne cessa pas d'être le thème principal de ce parti extrémiste. Pourtant, les résultats étaient encore très faibles (3,9% pour lui, 0,3% pour le FN en général), et 1981 fut encore pire pour lui puisqu'il n'a pas pu se présenter à l'élection présidentielle, n'ayant pas su recueillir les 500 parrainages d'élus (au lieu des 100 en 1974), réforme qu'avait réalisée Valéry Giscard d'Estaing pour éviter la démultiplication des candidatures à l'élection présidentielle.

À l'arrivée de la gauche au pouvoir, le FN était donc au plus bas. Mais justement parce que la gauche, elle aussi archaïque, a commencé à hystériser le débat, le FN a su profiter de l'aubaine pour reprendre du poil de la bête, parallèlement à la crise économique et sociale (fort taux de chômage). Et la véritable percée du FN a eu lieu le 4 septembre 1983 avec la liste menée par Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du FN depuis juin 1981, lors qu'une élection municipale partielle à Dreux : 16,7%. Ce score n'a pas bondi spontanément : le candidat FN avait obtenu 12,6% aux cantonales en mars 1982 à Dreux Ouest. L'erreur de la droite a alors été d'accepter la fusion de la liste mené par le candidat RPR avec celle du FN pour finalement remporter la mairie de Dreux sur la maire socialiste sortante. De même, candidat à une élection législative partielle dans le Morbihan, Jean-Marie Le Pen a obtenu 12,0% des voix le 11 décembre 1983, ce qui était remarquable.

L'épisode de Dreux a marqué profondément l'opposition UDF-RPR et malgré quelques alliances sporadiques et très locales, à aucun moment une alliance nationale n'a été envisagée avec le FN pour reconquérir le pouvoir sur la gauche. Cette ligne de conduite était la résultante de la position de trois leaders importants de l'opposition dès septembre 1983 : Simone Veil, Bernard Stasi et Jacques Chirac. Si Bernard Stasi était vice-président du CDS, l'une des composantes importantes de l'UDF, il n'avait pas une influence prépondérante sur les investitures, au même titre que Simone Veil, elle sans étiquette. En revanche, la position de Jacques Chirac, président du RPR, a été déterminante dans l'absence d'alliance qui reste encore de rigueur en 2022, engendrant d'ailleurs une haine exceptionnelle de Jean-Marie Le Pen contre Jacques Chirac (en 1988 et 1995), et contre Nicolas Sarkozy qui a gardé la consigne de non-alliance (en 2007 et 2012), les consignes de vote plus ou moins assumées du FN étant de favoriser le candidat de gauche contre celui de de droite.

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Avec un réel soutien de François Mitterrand, Jean-Marie Le Pen a pu faire connaître ses idées grâce à des invitations récurrentes à la grande émission politique "L'heure de vérité" sur Antenne 2 (la première invitation a eu lieu le 13 février 1984), ce qui a sorti le FN de la confidentialité avec l'élection de 10 députés européens aux élections européennes du 17 juin 1984, faisant jeu égal avec le PCF, et, grâce à la proportionnelle voulue par François Mitterrand pour empêcher la constitution d'une majorité à droite, l'élection, le 16 mars 1986, de 35 députés FN à l'Assemblée Nationale, sous l'étiquette du... Rassemblement national.

Aujourd'hui, en 2022, Marine Le Pen, héritière de son père, se retrouve à la tête d'un groupe de 89 députés RN, élus au scrutin majoritaire, et avait rassemblé au second tour de l'élection présidentielle près de 13,3 millions d'électeurs, soit 41,5% des suffrages. Je ne suis pas sûr qu'elle souhaite rappeler l'origine de son mouvement qui fait pourtant partie des plus anciens du paysage politique. Il est parfois utile de rappeler l'histoire politique. Et singulièrement, celle de l'extrême droite.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 octobre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...
José Gonzalez.
La marque Le Pen fonctionne toujours aussi bien.
Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre.
Élysée 2022 (46) : le second débat télévisé Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du 20 avril 2022.
Duel Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du second tour du 3 mai 2017.
Avec Marine Le Pen, l’État de droit en peine.
Marine Le Pen : ne nous trompons pas de colère !
Programme 2022 de la candidate Marine Le Pen (à télécharger).
Philippe de Villiers.
Élysée 2022 (38) : Marine Le Pen et la Russie de Vladimir Poutine.
François Bayrou, le parrain de Marine Le Pen.
Robert Ménard.
Éric Zemmour et l’obsession de l’immigration.
Faut-il craindre un second tour Éric Zemmour vs Marine Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen.
L’effet majoritaire.
Florian Philippot.
Bruno Mégret.
Jean-Frédéric Poisson.
Christine Boutin.
La création de Debout la Patrie.
Marion Maréchal.
Patrick Buisson.
Nicolas Dupont-Aignan.
Choisis ton camp, camarade !
Fais-moi peur !
Peuple et populismes.
Les valeurs de la République.
Être patriote.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221005-front-national.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-front-national-des-le-pen-50-244110

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/09/30/39650349.html





 

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27 août 2022 6 27 /08 /août /2022 05:04

« Pour l’emporter dans la course de vitesse engagée avec la Macronie et l’extrême droite, il faut emporter la dynamique dans la société. » (Clémentine Autain, le 21 août 2022).



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Ma question du titre est volontairement provocatrice (elle avait tenté de se présenter déjà en 2007), mais Clémentine Autain a fait l’actualité politique cette semaine. Pas étonnant puisque l’université d’été des insoumis (les "AMFIS") a lieu à Valence du jeudi 25 au dimanche 28 août 2022, dans le prestigieux Palais des Congrès à Châteauneuf-sur-Isère. Clémentine Autain participe à trois débats (le 25 sur le communisme et l’extrême gauche, puis sur la "révolution féministe" ; le 26 sur "le RN, néofascisme ou trumpisme à la française ?"). L’événement politique n’est pas négligeable puisque même des ministres ou anciens ministres y viennent débattre avec des députés FI, comme Marlène Schiappa, Clément Beaune, Olivia Grégoire ou encore Rachida Dati.

La date n’est donc pas un hasard du calendrier : le dimanche 21 août 2022, sur son blog, Clémentine Autain a écrit un certain nombre de réflexions pour fustiger le fonctionnement non démocratique de son mouvement, France insoumise, vaguement dirigé par Jean-Luc Mélenchon, et proposer quelques pistes d’amélioration. J’écris "vaguement" car FI n’est même pas une association. Donc, pas de statuts, pas d’assemblée générale, pas de bureau, pas de président, pas de trésorier. C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon a trouvé l’astuce pour diriger ses troupes en dictateur omnipotent.

Le problème, c’est que lorsqu’on passe de 17 à 75 députés, le groupe FI est lui-même un parti véritable, présidé ici par Mathilde Panot. Pas de bol, le RN a obtenu bien plus de députés et Marine Le Pen a préféré la présidence du groupe RN à la présidence du parti RN (qui va devoir choisir entre Jordan Bardella et Louis Aliot). L’ancienne candidate du RN a compris que le pouvoir, dès lors qu’il n’y avait plus de majorité absolue, se trouvait au Parlement. Jean-Luc Mélenchon ne s’est même pas représenté aux élections législatives, trop fatigué pour faire toutes les semaines l’aller-retour entre Paris et Marseille (il a quand même 71 ans).

Or, le leadership de FI, et de la Nupes, c’est Jean-Luc Mélenchon, exclusivement lui, et l’existence politique de ce dernier va décroissante. On imagine mal qu’en 2027, à presque 76 ans, Jean-Luc Mélenchon se présente une quatrième fois à l’élection présidentielle. C’est pourtant sa personnalité, son talent politique et son éloquence, son audace et sa mauvaise foi aussi, qui ont permis à ce mouvement d’atteindre presque 22% à l’élection présidentielle, ce qui était peu prévisible encore au début de l’année. En clair, il faut que les insoumis se trouvent rapidement un leader de remplacement, ou plutôt, un candidat de remplacement. À l’évidence, Clémentine Autain est dans les starting-blocks même si elle ne le dit pas encore explicitement.

À 49 ans, elle a déjà derrière elle une longue carrière politique et surtout médiatique. Elle est connue des médias depuis plus d’une vingtaine d’années et a l’avantage de passer très bien à la télévision, photogénique, s’exprimant clairement, précisément et avec de la réflexion personnelle, pas sortie d’un moule idéologique même si la gauche est sa famille.

Ses aventures électorales n’ont pas commencé très favorablement, à part un mandat d’adjointe au maire de Paris (Bertrand Delanoë) chargée de la jeunesse entre mars 2001 et mars 2008, puis de conseillère municipale de Sevran de mars 2014 à juin 2020. Elle a également été élue conseillère régionale d’Île-de-France de décembre 2015 à juillet 2017, puis depuis juin 2021 (à cette élection, elle était candidate FI à la présidence de la région, échouant face à Valérie Pécresse, mais aussi face à ses rivaux et alliés de gauche Julien Bayou et Audrey Pulvar).

Elle était proche du parti communiste pendant longtemps, militante de l’UNEF. Mais elle a obtenu sa consécration quand elle s’est rapprochée de Jean-Luc Mélenchon et qu’elle a été élue députée de Seine-Saint-Denis avec l’étiquette FI en juin 2017, mandat qu’elle a renouvelé en juin 2022. Avec ce mandat parlementaire, elle trouve un écho particulier à sa parole qui était déjà très médiatique depuis la fin des années 1990.

Elle a un autre avantage sur ses autres camarades, c’est que son engagement politique est moins idéologique et plus sociétal, donc plus dans l’air du temps. Je m’explique : l’un de ses combats les plus prégnants est son féminisme. Il est issu aussi d’une très mauvaise "expérience", le terme est trop faible pour parler du viol dont elle fut la victime, et tous les combats qui concernent l’émancipation des femmes sont les siens, au risque peut-être de ne pas suivre une stratégique politicienne donnée. Sa sincérité et son authenticité ne peuvent donc pas être mises en doute. Du reste, son père chanteur et sa mère actrice (Clémentine Autain est devenue orpheline de mère à l’âge de 12 ans), elle-même actrice quand elle était très petite, l’ont habituée à être sur le devant de la scène. La politique aussi était dans la famille, un grand-père député (mort jeune aussi) et surtout un oncle, François Autain, parlementaire socialiste et ancien sous-ministre de François Mitterrand, qui est mort il y a deux ans et demi.

En réaction à la défaite de la liste FI aux élections européennes, dans une tribune publiée le 4 juin 2019 dans "Le Monde", avec sa camarade Elsa Faucillon, elle a lancé un appel à l’unité de la gauche autour des exigences sociales et écologiques. Elle s’est alors attirée les foudres des hiérarques mélenchonistes qui y ont vu un crime de lèse-mélenchonceté. François Ruffin était le seul député à ne pas la traiter de traître. Danièle Obono et Éric Coquerel n’étaient pas les derniers à condamner ouvertement l’initiative de Clémentine Autain.

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En été 2022, la situation politique de FI est très différente de l’été 2019 parce que Jean-Luc Mélenchon a eu un très beau score à la présidentielle et FI un groupe de députés nombreux. Mieux, Jean-Luc Mélenchon a réussi à fédérer la gauche non-macroniste dans un ensemble pourtant hétéroclite mais pour l’instant durable, la Nupes. La Nupes, c’était ce qu’attendait Clémentine Autain depuis une dizaine d’années.

Dans son blog sur Medipart, le 12 juillet 2022, elle écrivait : « L’accélération de l’histoire à gauche s’est jouée à une vitesse impressionnante, le temps d’un accord inédit avec la création de la Nupes. Ce qui nous a propulsés, c’est la défense d’un projet de transformation. (…) Je plaide ici pour un rassemblement qui ne soit pas dans l’entre-soi, mais tourné vers ce qui bouge, ce qui conteste, ce qui s’invente dans la société. ». Elle proposait ainsi une analyse de la séquence électorale qui venait de s’achever : « Notre irruption reconfigure l’ensemble de l’échiquier autour de trois pôles, auquel il faut bien sûr ajouter les abstentionnistes, que chaque bloc va chercher à attirer, à convaincre, puisque c’est celui qui réussira à en mobiliser le plus qui prendra la main. ». Les trois pôles, ce sont bien sûr la majorité présidentielle autour de Renaissance (ex-LREM), le RN et la Nupes autour de FI (quant à LR et l’UDI, ils se retrouvent aujourd’hui dans une sorte de no man’s land politique).

Dans son blog personnel, Clémentine Autain a écrit une nouvelle tribune plus précise le 21 août 2022 sur le fonctionnement de France insoumise, intitulée "LFI : franchir un cap pour gagner". C’est assez étrange de parler ainsi au lendemain d’une défaite électorale (car il faut rappeler tout de même que FI et la Nupes ont perdu les élections présidentielle et législatives ; avec tout le boucan médiatique qu’a fait Jean-Luc Mélenchon, on l’oublierait presque !).

Clémentine Autain plaide généralement contre les formes traditionnelles des partis politiques qui donnent une lourdes place aux batailles d’appareil et souvent, peu de place aux femmes : « Le désamour des Français à l’égard des partis, l’essor des réseaux sociaux, la volonté grandissante de chaque individu de pouvoir compter ou encore l’atomisation des lieux de sociabilité comme les grandes usines ou les centres de tri postal d’autrefois sont autant de réalités contemporaines qui imposent de nouvelles pratiques pour militer, convaincre, agréger. ».

Du coup, la députée de Seine-Saint-Denis a des mots très durs contre la "forme gazeuse" de FI. Certes, ce schéma nouveau est « plus souple, tourné vers l’action, très offensif sur les réseaux sociaux, débarrassé des batailles internes de congrès », mais en revanche : « Les lieux de la prise de décision restent flous, l’espace du débat stratégique n’est pas identifié, la partition entre le local et le national mériterait d’être redéfinie. ».

Elle a précisé plus clairement : « Reposant de fait sur un petit noyau de dirigeants, [les formes lâches] permettent difficilement d’agréger des cadres, d’en former de nouveaux pour animer un mouvement véritablement implanté sur tout le territoire et de profiter de la diversité des regards contenus dans le mouvement, celle qui permet d’affiner une orientation et de fidéliser des cadres militants ailleurs qu’au siège. ». Et avec un petit soupçon de "tuer le père" : « Sans identification claire des processus de décision, le gazeux désoriente et rend plus facile les procès en légitimité des décisions prises, même si la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, "clé de voûte" de la FI, a jusqu’ici joué en grande partie un rôle de légitimation. En outre, permettre la maîtrise et la compréhension des choix opérés, c’est aussi mieux résister à la décrue de l’engagement militant lorsque la situation nous est moins favorable. C’est pourquoi je suis convaincue que nous devons franchir une nouvelle étape organisationnelle. ».

Je suis plutôt convaincu que Jean-Luc Mélenchon n’a aucune envie de franchir cette nouvelle étape, car l’ambiguïté du processus de prise de décisions l’avantage énormément puisqu’il est le leader incontesté et on le voit bien entre les scores de FI à la présidentielle (autour de 20% en 2017 et 2022) et aux européennes (6%), sans son leadership (la tête de liste était une inconnue, certes méritante mais inconnue, Manon Aubry).

Dès lors qu’il sera créé une instance de décision, instance officielle, il faudra en donner la composition officielle, dire qui est membre et qui n’est pas membre, ce qui créera des susceptibilités et vexations, ou des déchirements comme à l’UMP en novembre 2012, et le grand timonier pourrait alors être un jour mis en minorité. Le flou, l’opacité, sont les formes les plus abouties du pouvoir absolu.

En clair, Clémentine Autain veut résolument préparer son mouvement dans l’après-Mélenchon, et à part la réactivité, elle ne voit pas d’autres avantages à ce flou politique : elle veut « une meilleure collégialité aux décisions et une place plus grande à l’échelon local ». Elle est ainsi très transparente : « En un mot : plus efficace dans la durée. Dans cette perspective, un petit groupe unifié et déterminé au sommet de FI ne suffira pas. Il nous faut disposer de centaines de cadres sur tout le territoire. Voir plus grand, plus large, suppose de faire vivre le pluralisme. ».

Mais comme Marine Le Pen avec le RN, Jean-Luc Mélenchon n’en veut pas. FI est devenu comme le RN, une PME qui a bien réussi mais qui est bien incapable de se transformer en grande entreprise parce que cela nécessite tout un tas d’accompagnements juridiques et politiques contraignants (démocratie interne, instance arbitrale interne, etc.). Ce sera aussi le problème du troisième pôle, la majorité actuelle, qui devra bien sortir un jour du macronisme politique si elle veut avoir une pérennité électorale au-delà de 2027.

Au travers de ses exigences, Clémentine Autain a beaucoup insisté sur la diversité, car elle-même est un électron libre et voudrait apporter la richesse de son expérience, mais aussi la richesse de nombreuses autres expériences que son mouvement serait capable d’entraîner : « Notre vitalité réside aussi dans notre diversité. (…) Plus nous serons une grande force, plus des nuances voire quelques divergences apparaîtront. Il en va d’ailleurs de notre capacité à intégrer toujours plus de profils différents, de cultures politiques diverses. L’ampleur prise par notre mouvement et les attentes à notre égard nous obligent à accroître notre ancrage territorial et à faire vivre le pluralisme, qui représentent à mon sens deux marges de progression essentielles. ».

Certes, la députée FI ne voudrait pas revenir aux anciens modèles de parti qui figeraient des majorités internes et des minorités internes, mais elle veut se laisser la possibilité de départager par le vote quand il y a des désaccords importants : « le vote m’apparaît comme un recours ».

Autre sujet de préoccupation, continuer à faire vivre la Nupes durablement : « Si la FI doit être fer de lance, elle doit se garder d’agir de façon hégémonique avec les partenaires de la Nupes. (…) Parce que la Nupes est candidate au pouvoir, sa construction, son affirmation à toutes les échelles est déterminante. ». Le mot "hégémonique" est très fort et est un reproche très grinçant contre la manière de diriger de Jean-Luc Mélenchon qui attendait depuis 2008 pour humilier ses anciens camarade du PS grâce auquel il est pourtant ce qu’il est devenu sur la scène médiatique. Pour Clémentine Autain, il faut multiplier les instances où le travail en commun se réalise : « Plus nous aurons d’espaces de production en commun, plus nous serons reliés et forts. ». En somme, la méthode de Robert Schuman appliquée à la Nupes ! La conclusion de la députée, c’est qu’il faut que FI s’ouvre pour trouver « une proposition politique et des incarnations qui parlent au "peuple de gauche" et à tous ceux qui, écœurés de la politique et aujourd’hui abstentionnistes, sont sensibles aux idées émancipatrices » (on voit l’importante préoccupation sociétale de Clémentine Autain).

C’est inutile de dire que Clémentine Autain sera probablement frustrée par les réponses qu’elle n’obtiendra pas à ses propositions de transformations fonctionnelles de France insoumise car ce n’est pas dans l’intérêt de Jean-Luc Mélenchon qui, même en retrait, souhaite encore avoir une influence déterminante dans la vie politique française entre 2022 et 2027.

Pour terminer, deux remarques amusantes dans le service après-vente. Dans l’article présentant cette analyse sur CNews, il est écrit : « Élément central de l’alliance de gauche observé lors de la dernière présidentielle et des législatives 2022 : le Parlement. Place forte de la Nupes avec une majorité de députés y siégeant, ce lieu a une importance stratégique pour la gauche. ». Le journaliste qui a écrit cela n’a dû rien comprendre à l’analyse de Clémentine Autain, car il ne s’agissait pas du Parlement (français), mais du "parlement de la Nupes", une instance qui permettait de réunir un grand nombre de responsables venus de divers horizons politiques et culturels pour les faire travailler ensemble. Il ne s’agissait donc pas du Parlement dans les institutions républicaines, mais d’un groupe de travail interne à la Nupes !

Enfin, dans "20 minutes", en réaction à l’article présentant les propositions de Clémentine Autain, un internaute écrit, en parlant de la députée, de manière très inattendue (j’ai corrigé les fautes) : « Enfin une qui se réveille. Il est temps. Ce parti fonctionne comme celui du RN, pas d’élection interne et un petit groupe très restreint qui commande. C’est dommage que cette personne soit dans ce parti, elle serait mieux chez LREM ou au MoDem. ». Rideau !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 août 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Clémentine Autain.
Éric Coquerel.
Jean-Luc Mélenchon.
Danièle Obono.
François Ruffin.
Sandrine Rousseau.
Pour ou contre M… ?
Sous la NUPES de Mélenchon.
La consécration du mélenchonisme électoral.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220821-clementine-autain.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/clementine-autain-prepare-t-elle-243366

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/08/24/39605328.html











 

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28 juin 2022 2 28 /06 /juin /2022 16:55

« Qu’importe après tout que les mots manquent ou trébuchent, s’ils parviennent, fugitivement du moins, à ramener parmi nous l’Algérie exilée et la mettre, avec ses plaies, à un ordre du jour dont enfin nous n’ayons pas honte. » (Albert Camus).





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Albert Camus était très lié à l’Algérie (c’est un euphémisme) mais il n’a pas eu le temps de connaître la fin de la guerre d’Algérie. Il y a soixante ans, le 5 juillet 1962, l’Algérie est devenue indépendante de la République française. Cette date est la conséquence des Accords d’Évian du 18 mars 1962. A priori, le cessez-le-feu devait être appliqué à partir du 19 mars 1962 et la paix devait régner, mais l’année 1962, après ces accords, fut au contraire marquée par de nombreux massacres entre Algériens et Européens, commis par différents "partis".

Lors de la réception des représentants des rapatriés d’Algérie au Palais de l’Élysée le 26 janvier 2022 à Paris, le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé un discours très important où il a rappelé quelques mauvais souvenirs : « J’ai souhaité (…) que vos voix puissent être rassemblées pour transmettre cette mémoire, pour dire l’attachement de la France aux rapatriés, à leurs familles. Et pour continuer de cheminer sur la voie de l’apaisement des mémoires blessées de la guerre d’Algérie, vous savez mon engagement su ce sujet. (…) À cette terre évanouie de vos parents ou de votre enfance, vous devez vos leçons de bonheur. Et votre arrachement, je le sais, à cette terre, fut une peine inconsolable.  (…) L’histoire des rapatriés d’Algérie est l’histoire d’un amour charnel pour cette terre, d’effort, de labeur pour la faire fructifier. Puis l’histoire d’un exode et d’un exil, l’exode contraint et subi de Français nés dans cette France de l’autre côté de la Méditerranée et pris dans la tourmente de la guerre, puis l’exil déraciné au sein de leur propre patrie. ».

Et Emmanuel Macron d’évoquer le souvenir de deux massacres.

Le massacre de la rue d’Isly à Alger le 26 mars 1962 où l’armée française a tiré sur une foule de manifestants, « attisée par l’OAS » pour exprimer son attachement à l’Algérie française : « Ce jour-là, les soldats français déployés à contre-emploi, mal commandés, moralement atteints, ont tiré sur des Français. Il est plus que temps de le dire. Ce qui devait être une opération de maintien de l’ordre s’acheva par un massacre, un massacre dont aucune liste définitive des victimes ne fut établie, qui fit des dizaines de tués et des centaines de blessés. Les familles ne purent pas enterrer dignement leurs morts. Les obsèques religieuses furent interdites. Les corps convoyés directement au cimetière par camions militaires au jour et à l’heure choisis par les autorités. Le choc fut immense pour les citoyens qui se pensaient auparavant protégés par l’armée française et qui voyaient se retourner contre eux le glaive qui devait les défendre. (…) En métropole, le drame fut passé sous silence. Soixante ans après, la France reconnaît cette tragédie. Et je le dis aujourd’hui haut et fort : ce massacre du 26 mars 1962 est impardonnable pour la République. ».

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Puis, après avoir parlé de « ce cycle infernal d’attaques, de vengeance, [qui] faucha sa moisson de morts, des Français, mais aussi des Algériens et des Algériens musulmans », il a évoqué un autre massacre. Car le soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie est aussi celui d’un massacre, celui commis dans les rues d’Oran ce 5 juillet 1962 : « Ce massacre, lui aussi, doit être regardé en face et reconnu. La vérité doit être de mise et l’histoire transmise. Il nous faut aussi raconter ces mois d’adieux, de déchirures où des Français d’origine métropolitaine, européenne, où des populations installées depuis des siècles, comme certains Juifs d’Algérie, furent poussés à cette extrémité insupportable, la valise plutôt que le cercueil. Leur fuite devient un exode brutal, massif, désordonné (…). On quitte sa maison, son appartement ; sans même savoir si l’on a fermé la porte, on se rue vers les navires ou l’aéroport pour se frayer un chemin de survie pour soi, pour sa famille, pour ses proches. ».

À Oran, ce 5 juillet 1962, une foule d’Algériens a manifesté leur joie (comme depuis quatre jours) pour l’indépendance reconnue de leur pays après les atrocités d’une guerre civile. L’ambiance y était détendue et apaisée d’autant plus que les éléments armés de l’OAS s’étaient retirés. L’armée algérienne dirigée par le capitaine Bakhti n’est composée que de quelques centaines d’hommes, tandis que l’armée française dirigée par le général Joseph Katz était présente, composée de 18 000 hommes. Soudain, peu avant midi sur la Place d’Armes, des tirs furent entendus et des Européens furent lynchés. D’autres furent arrêtés et furent tués ou ont disparu.

L’article apparemment bien référencé de Wikipédia parle ainsi des scènes d’horreur : « Les hommes armés se ruent sur les immeubles, enfoncent les portes des appartements, ouvrent le feu dans les restaurants, arrêtent, enlèvent, égorgent, au hasard des rencontres. Des rafales de mitraillette balaient les terrasses des cafés, les porches, les voitures. Sur les atrocités commisses, de nombreux témoignages se recoupent : exécutions sommaires d’Européens et d’Algériens soupçonnés de leur avoir été favorables, scènes de lynchage (…), actes de torture (pendaison, pendaison à un croc de boucher, mutilations, énucléations), il semblerait que cette vendetta véhiculait deux messages, le premier serait un message de vengeance en perpétuant les mêmes sévices qu’ils aient pu subir et le second, celui de prévenir le peuple européen qu’il ne serait plus en sécurité. ».

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En tout, des centaines de Français furent tués, des historiens parlent de 700 à 800 morts ou disparus. Jean-Pierre Chevènement, à l’époque sous-lieutenant et affecté pour son stage de l’ENA auprès su conseil général de France à Oran, a expliqué en 1977 : « Ma principale tâche était de retrouver les huit cents disparus du 5 juillet. ». L’armée française n’est pas intervenue immédiatement et a laissé faire, probablement dans le souci de ne plus impliquer l’armée française après l’indépendance. Beaucoup de corps n’ont pas été retrouvés et le silence fut imposé par les autorités tant algériennes que françaises qui n’avaient pas rempli leur mission de protection. Les auteurs des tirs n’ont pas été identifiés, probablement provenant de l’ALN, l’armée provisoire du FLN.

Malgré cet éloignement dans le temps (deux à trois générations plus tard), la guerre d’Algérie a laissé derrière elle un traumatisme durable et reste un marqueur historique important dans la vie politique. Pour preuve, le tout premier discours de la XVIe Législature prononcé dans l’hémicycle le 28 juin 2022 par le doyen d’âge avant d’élire le Président de l’Assemblée Nationale. C’était le discours du président de la première séance, le nouveau député RN José Gonzalez (79 ans), né à Oran et rapatrié en France métropolitaine dans des conditions difficiles en 1962.

Et il a déclaré, plein d’émotion, aux députés nouvellement élus ou réélus : « En ce lieu sacré de la représentation du peuple français, de l’expression de la volonté nationale, vous voir réunis côte à côte, par ordre alphabétique, au-delà de toutes nos divergences, est un symbole d’unité française. Ce symbole touche l’enfant d’une France d’ailleurs que je suis, arraché à sa terre natale et drossé sur les côtes de Provence par les vents de l’histoire en 1962. J’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie… Pardonnez mon émotion, je pense à mes amis que j’ai laissés là-bas. (Applaudissements). Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie par le sentiment d’abandon et les périodes de déchirement. Comme nous tous, je n’en doute pas, je sais combien cette exigence d’unité française est nécessaire, notamment dans les temps complexes que nous traversons. J’émets le souhait, mes chers collègues, qu’elle éclaire nos débats et inspire nos décisions. ».

Fortement applaudie, et pas seulement par les 88 collègues du groupe RN du doyen, cette courte allocution d’ouverture de la législature a été fortement critiquée par certains députés FI qui y voyaient une apologie de l’OAS (ce qu’elle n’était pas). Dans tous les cas, même si ceux qui la critiquaient n’étaient pas encore nés à l’époque des faits, les passions politiques demeurent encore très intenses et prégnantes lorsqu’on évoque ce passé très trouble de l’Algérie.

Le cinéma a tardivement honoré de son art ce terrible massacre du 5 juillet 1962 à Oran, passé sous silence pendant si longtemps. En effet, Nicole Garcia a réalisé un très beau film, "Un balcon sur la mer" (sorti le 15 décembre 2010), avec comme acteur principal Jean Dujardin qui a profondément surpris par ce rôle qui n’a rien de comique (aux côtés de Marie-Josée Croze, Sandrine Kiberlain, Michel Aumont, Toni Servillo et Claudia Cardinale). Je recommande très vivement ce film tout en subtilité, très complexe, qui retrace avec authenticité l’attachement de Français européens à l’Algérie et les tragédies humaines des massacres et de l’exode.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 juillet 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le massacre d’Oran, 60 ans plus tard…
José Gonzalez.
Reconnaissance par Emmanuel Macron le 26 janvier 2022 de deux massacres commis en 1962 en Algérie (Alger et Oran).
Pierre Vidal-Naquet.
Jean Lacouture.
Edmond Michelet.
Jacques Soustelle.
Albert Camus.
Abdelaziz Bouteflika en 2021.
Le fantôme d’El Mouradia.
Louis Joxe et les Harkis.
Chadli Bendjedid.
Disparition de Chadli Benjedid.
Hocine Aït Ahmed.
Ahmed Ben Bella.
Josette Audin.
Michel Audin.
Déclaration d’Emmanuel Macron sur Maurice Audin (13 septembre 2018).
François Mitterrand et l'Algérie.
Hervé Gourdel.
Mohamed Boudiaf.
Vidéo : dernières paroles de Boudiaf le 29 juin 1992.
Rapport officiel sur l’assassinat de Boudiaf (texte intégral).
Abdelaziz Bouteflika en 2009.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220628-jose-gonzalez.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/07/06/39547586.html










 

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20 juin 2022 1 20 /06 /juin /2022 04:19

« Vous êtes le pire du système, vous êtes l’incarnation du système. La famille Le Pen, depuis cinquante ans, elle vit de l’argent public, elle spécule sur la misère des gens. » (Xavier Bertrand, le 27 octobre 2015 sur Europe 1).



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L’ancien président de l’ancien Front national, Jean-Marie Le Pen fête son 94e anniversaire ce lundi 20 juin 2022. Comme cadeau d’anniversaire, même s’il n’était pas expressément adressé à lui, un groupe de 89 députés RN à l’Assemblée Nationale élus la veille. Beau cadeau d’anniversaire ! Un double anniversaire d’ailleurs car ce parti va bientôt célébrer son 50e anniversaire (à l’automne).

C’est certainement l’information la plus importante des élections législatives de juin 2022 : l’arrivée massive du Rassemblement national (ex-FN depuis 2018) au Palais-Bourbon. Elle dépasse en importance de loin la bonne performance des candidats de la Nupes (qui ont à peine fait mieux en nombre de voix) et enfin, la troisième information, le fait que la majorité présidentielle reste majoritaire à l’Assemblée Nationale mais sans majorité absolue, ce qui va rendre cette législature particulièrement difficile si ce n’est épuisante.

Cette venue massive s’est accompagnée d’un orage sur Paris en cette soirée d’élection du 19 juin 2022, comme si le ciel voulait tonner et dire son grain de sel. En voix, le RN a obtenu 18,7% des suffrages exprimés au premier tour le 12 juin et 17,3% au second tour du 19 juin, ce qui est énorme (il n’avait eu que 13% en 2017). En nombre de sièges, à l’issue du second tour, le RN a conquis 89 sièges, ce qui est encore bien plus élevé que les hypothèses les plus folles. Avec 89 sièges, Marine Le Pen va pouvoir saisir le Conseil Constitutionnel de manière totalement autonome, sans attendre qu’un autre groupe de l’opposition fasse une démarche conjointe. Cela fait plus de 15% des députés. Il faudra donc compter avec eux. Et même, l’idée que le RN soit le groupe le plus nombreux de l’opposition fait son chemin : en effet, si les élus de la Nupes se répartissent dans des groupes différents selon leurs partis respectifs, le groupe FI sera moins important que celui du RN. De plus, Marine Le Pen souhaiterait attirer des députés non encartés au RN, comme Nicolas Dupont-Aignan ou encore Emmanuelle Ménard. Certains nouveaux députés RN réclament déjà la présidence de la commission des finances, poste stratégique dans l’hémicycle réservé depuis quinze ans, selon le règlement intérieur, à un membre de l’opposition (rendez-vous le 30 juin 2022 pour l’élection très délicate de ce président). De quoi être sonné !

Jean-Marie Le Pen a vécu lui aussi cette émotion le 16 mars 1986. Grâce à la proportionnelle mise en place par François Mitterrand expressément pour aider le FN. Le leader d’extrême droite a en effet pu faire entrer à l’Assemblée Nationale 35 députés FN, lui permettant de créer et présider un groupe politique (à l’époque, il fallait 30 députés pour former un groupe politique). D’ailleurs, il a appelé son groupe Front national – Rassemblement national car cela permettait à des élus non encartés au FN de faire partie de l’aventure. Comme quoi, il n’y a jamais beaucoup d’imagination dans l’appellation des partis.

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Pour illustrer cette arrivée, l’excellent dessinateur Plantu a publié dans "Le Monde" un dessin représentant les députés FN enrégimentés et envahissant le Palais-Bourbon à la queue leu leu. Une drôle d’impression qui sera retrouvée probablement dans les jours actuels à l’Assemblée Nationale. La différence entre ces deux événements (espacés de trente-six ans), c’est que désormais, le RN et Marine Le Pen sont complètement banalisés. Les multiples oppositions à Emmanuel Macron l’ont bien compris puisque Marine Le Pen soupçonne aujourd’hui LR de faire le jeu de la majorité présidentielle (c’est le seul moyen pour pouvoir gouverner) et propose donc aux élus LR qui s’y opposeraient de la rejoindre. Quant aux députés FI, ils fustigent Emmanuel Macron d’avoir banalisé l’extrême droite alors qu’elle a été principalement banalisée par les médias depuis janvier 2011, bien avant l’existence politique d’Emmanuel Macron.

Quel retournement pour Marine Le Pen qui était prête à s’occuper de ses chats et prendre une paisible retraite ! Désormais, elle ne reprendra pas la présidence du RN et se concentrera sur la présidence de son groupe. Ce qui sera très nouveau pour elle car dans la précédente législature, elle n’était pas très présente et n’a quasiment rien fait comme travail parlementaire. Retournement effectivement. En automne 2021, Marine Le Pen était considérée comme en perte de vitesse, doublée sur sa droite par la venue soudaine dans le débat électoral du polémiste Éric Zemmour au point que les sondages le plaçait au-dessus de la candidate RN.

Les provocations à répétition du candidat de Reconquête (sur les prénoms, sur les enfants en situation de handicap, etc.) ont suffi à balayer l’éditorialiste, nostalgique d’une période idéalisée, qui voulait être Président de la République, tant à l’élection présidentielle qu’aux élections législatives, au point de faire perdre de ses candidats qui avaient pourtant démontré leur talent électoral (Guillaume Peltier par exemple).

L’original est une valeur sûre. Dans l’industrie, il existe des quantités de produits qui cherchent à proposer les mêmes choses que le produit d’origine et pourtant, c’est le produit d’origine qui souvent gagne la bataille commerciale car on préfère l’original à la copie (on l’imagine pour la pâte à tartiner Nutella ou pour le jeu Lego, entre autres nombreux exemples). Le Pen et le RN-FN, c’est pareil : l’original aura toujours une longueur d’avance sur toutes les autres ersatz, et au fil du demi-siècle que le RN-FN existe, il y en a eu beaucoup, des copies hors de contrôle.

La marque Le Pen a toujours eu la préférence des électeurs. Le journal "Libération" est revenu sur ce groupe des 35 députés FN à son trentième anniversaire en 2016, et s’est aperçu que la plupart des membres de ce groupe avaient quitté plus ou moins rapidement Jean-Marie Le Pen et le FN. Exactement comme les maires élus en juin 1995 qui se sont très rapidement éloignés du leader et du parti d’extrême droite.

La première scission de grande ampleur a eu lieu en décembre 1998 : le numéro deux du FN, Bruno Mégret, souhaitait une stratégie de conquête du pouvoir alors que Jean-Marie Le Pen préférait la provocation politique dans une opposition confortable pour l’ego et pour les finances. Résultat, il est devenu le "félon", emportant avec lui plus de la moitié des cadres locaux du FN. Deux années plus tard, le candidat Bruno Mégret mordait la poussière tandis que le grand chef était présent, à sa stupéfaction, au second tour de l’élection présidentielle de 2002.

D’autres séparations ont eu lieu par la suite, que ce soit sous Jean-Marie Le Pen ou sous sa fille Marine Le Pen. La plus connue est celle de Florian Philippot qui a claqué la porte en 2017 après avoir échoué aux législatives, mécontent d’une position floue sur l’Europe (il est pour le retrait de la France) ; il souhaitait créer un grand parti patriotique. Au bout de cinq ans, le résultat est un désastre pour Florian Philippot qui n’a même pas su être au niveau de Jean-Marie Le Pen version 1974, c’est-à-dire 0,7% à l’élection présidentielle, car il n’a même pas pu se présenter à l’élection présidentielle de 2022, faute de parrainages (il n’a eu qu’un seul parrainage !). Il s’est arrêté à la pandémie de covid-19 en reprenant à son compte les refrains complotistes des antivax. L’ancien numéro deux est devenu un marginal de la vie politique.

La redoutable marque fait aussi son effet même dans la famille. Ainsi, Marion Maréchal-Le Pen a été élue députée FN très jeune en 2012 (elle ne détient plus le record de jeunesse car un nouveau député FI polynésien l’a battue), mais dès lors qu’elle a quitté le FN-RN (pour Reconquête) et dès lors qu’elle a repris son patronyme Marion Maréchal, elle, qui était candidate à une position de suppléante, a été éliminée dès le premier tour comme une simple inconnue. On ne blasphème pas la marque qui vous a fait.

Séduit intellectuellement par Éric Zemmour, Jean-Marie Le Pen avait envisagé de le soutenir dans la campagne présidentielle, mais le polémiste ne lui en étant pas reconnaissant l’a laissé à sa retraite, si bien que le vieux leader a renouvelé son soutien à sa fille, malgré les différences, avec cette formule décidément qui fait mouche chez les Le Pen : il vaut mieux l’original à la copie. À cette heure, Jean-Marie Le Pen comptera un peu plus de bougies que de sièges attribués à ce nouveau groupe du RN. Mais sa fille compte bien en débaucher encore quelques-uns chez Les Républicains pour faire le compte…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 juin 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La marque Le Pen fonctionne toujours aussi bien.
Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre.
Élysée 2022 (46) : le second débat télévisé Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du 20 avril 2022.
Duel Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du second tour du 3 mai 2017.
Avec Marine Le Pen, l’État de droit en peine.
Marine Le Pen : ne nous trompons pas de colère !
Programme 2022 de la candidate Marine Le Pen (à télécharger).
Philippe de Villiers.
Élysée 2022 (38) : Marine Le Pen et la Russie de Vladimir Poutine.
François Bayrou, le parrain de Marine Le Pen.
Robert Ménard.
Éric Zemmour et l’obsession de l’immigration.
Faut-il craindre un second tour Éric Zemmour vs Marine Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen.
L’effet majoritaire.
Florian Philippot.
Bruno Mégret.
Jean-Frédéric Poisson.
Christine Boutin.
La création de Debout la Patrie.
Marion Maréchal.
Patrick Buisson.
Nicolas Dupont-Aignan.
Choisis ton camp, camarade !
Fais-moi peur !
Peuple et populismes.
Les valeurs de la République.
Être patriote.

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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-marque-le-pen-fonctionne-242306

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24 mai 2022 2 24 /05 /mai /2022 03:21

« Jean-Luc Mélenchon a voulu humilier les socialistes et il a réussi. » (Jean-Louis Bourlanges, le 5 mai 2022 sur LCI).



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Grand-messe le samedi 7 mai 2022 à Aubervilliers. Y officiait en grand prêtre de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES), Jean-Luc Mélenchon, tout enivré non seulement de ses 22% au premier tour de l’élection présidentielle (ce qui, soit dit en passant, ne constitue pas une majorité des Français, très loin de là) et surtout de son bluff monumental, exprimé dès son interview sur BFM le 19 avril 2022, de prétendre à Matignon à l’issue des élections législatives des 12 et 19 juin 2022.

Je n’avais pas compris pourquoi Jean-Luc Mélenchon tenait tant à accoler l’adjectif "nouvelle" à "union populaire" (qui du reste n’est ni écologique ni sociale, mais écologiste et socialiste), c’est simplement pour la logotiser avec la lettre grecque nu qui pourrait faire penser au signe de la victoire (v), ce qui a fait pousser des oreilles de lapin à Julien Bayou ! Mais si Jean-Luc Mélenchon est aussi bon en analyste politique qu’il n’est connaisseur en lettres grecques, alors Emmanuel Macron n’a rien à craindre, car j’avais mis plusieurs années à comprendre pourquoi il utilisait la lettre grecques phi pour symboliser France insoumise et j’ai compris qu’il confondait fi et phi. On ne peut pas demander à tout le monde d’être des hellénistes distingués.

Ainsi, pour les mélenchonistes, se constitue progressivement, depuis le 10 avril 2022, une zone de seconde vérité, un monde parallèle, où ce que le Lider Maximo n’avait pas accompli par la présidentielle pourra s’accomplir en passant par la fenêtre, très étroite fenêtre, des législatives. Non seulement il a bluffé son monde, au détriment de la Constitution et de l’esprit des institutions (on n’est jamais candidat au poste de Premier Ministre, en tout cas, dans le vrai monde de la réalité actuelle, ici et maintenant, comme disait l’autre), mais la sauce a tellement tourné que le gourou a commencé à croire à ses propres délires, et sans doute aussi une partie de son électorat.

Heureusement, les Français sont un peu plus raisonnables que cet ancien apparatchik cyclothymique du PS se nourrissant sur la bête pendant plus d’une trentaine d’années, qui a été parmi les premiers à donner sa voix à Jacques Chirac en 2002. Évidemment, il s’en moque car son objectif depuis qu’il a quitté le PS en 2008 a été atteint ce 4 mai 2022, lorsqu’il a soumis les socialistes à ses propres caprices.

L’histoire se posera encore longtemps la question sur les raisons de cette soumission : pourquoi les socialistes résiduels du PS ont-ils accepté l’accord inacceptable de Jean-Luc Mélenchon ? Comme l’expliquait sur LCI le 5 mai 2022 le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale Jean-Louis Bourlanges, toutes les convictions du PS depuis plus de soixante-quinze ans ont été abandonnées « d’un trait de plume, pour quelques circonscriptions, quelques plats de lentilles vraiment dérisoires ».

Parler de faillite idéologique des socialistes est déjà anachronique puisqu’il n’est plus question d’idéologie pour un macchabée. En tout cas, les socialistes ont fait une erreur d’appréciation qui risque d’être fatale à leur survie : croire qu’il y a eu 22% de mélenchonistes dans l’électorat et moins de 2% de socialistes.

En fait, on peut plutôt évaluer le "niveau de socialisme" entre 5% et 10% de l’électorat, peut-être même plus, mais la nullité de la candidate Anne Hidalgo, car il faut bien parler de nullité, tant sur la personnalité qui n’a jamais mobilisé une dynamique, que sur son programme fait de brics et de brocs wokistes, et que sur son expérience (la gestion désastreuse de la ville de Paris, son endettement colossal, ses incompétences en matière de circulation), et le vote utile ont défavorisé le PS au profit de FI.

Ce niveau 5 à 10%, on peut en effet l’estimer à partir des sondages à la fin de l’été 2021, quand aucune mécanique de vote utile n’était encore en place et que le contenu de la candidature Hidalgo n’était pas encore vraiment connu. Inversement, les vrais mélenchonistes, c’est-à-dire ceux des électeurs qui ont adhéré pleinement au candidat Mélenchon, sont plutôt entre 10% et 13%, c’est-à-dire le niveau des sondages avant la mécanique redoutable du vote utile. Les communistes aussi ont été "réduits" par le vote utile, puisqu’ils affichaient des scores beaucoup plus flatteurs dans les sondages d’avant mars 2022.

Seuls, à mon sens, les écologistes ont échappé à cette soustraction due au vote Mélenchon, n’ayant jamais réellement décollé au-delà des 5% d’intentions de vote dans les sondages depuis l’été 2021. De plus, ce sont les écologistes qui avaient tout à gagner à passer un accord avec FI aux législatives, puisqu’ils n’avaient aucun groupe à l’Assemblée Nationale et aucun autre parti capable de les aider à faire élire plus de 15 députés écologistes. C’est donc logique que EELV fût le premier parti à conclure un accord avec FI car sans cela, tous les candidats EELV se seraient fait laminer par leur très faible audience électorale.

En revanche, les socialistes n’étaient pas du tout dans cette situation. Implantés partout dans le pays, aux responsabilités dans de nombreuses collectivités (grandes villes, départements, régions), ils pouvaient espérer conserver leur groupe politique en restant fidèles à eux-mêmes et en refusant de s’allier avec un partenaire arrogant qui voudrait les humilier.

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Le jeudi 19 mai 2022, Jean-Luc Mélenchon a tenu une conférence de presse pour présenter le programme de la NUPES, en présence notamment du premier secrétaire du PS Olivier Faure et du secrétaire national d’EELV Julien Bayou. Et la moindre des observations, c’est de voir qu’après la joie irraisonnée de la convention du 7 mai 2022, Olivier Faure tirait une tête d’enterrement, de l’enterrement de son propre parti en écoutant un tel programme. Pour quelques plats de lentilles, comme le rappelait Jean-Louis Bourlanges, fin observateur de la vie politique !

Dans le préambule du texte du programme, il est indiqué que c’est « le fruit d’un travail collectif associant plusieurs organisations politiques, sur la base de programmes eux-mêmes élaborés en associant des milliers de citoyennes et citoyens, acteurs associatifs, syndicalistes, environnementaux, politiques ». Évidemment, pipeau que tout ça : jusqu’au 7 mai 2022, "on" a discuté gros sous, circonscriptions, investitures. Donc, ce n’est pas en douze jours qu’on fait un programme collectif (rappelons que le programme commun de la gauche a mis douze mois pour être rédigé et approuvé en 1971 et 1972 !). Ce préambule sur la collectivité du texte est plusieurs fois répété au cours de ce programme, tant ce n’est pas crédible qu’il y faut insister ! (méthode de propagande bien connue).

Donc, dès le départ, il y a tromperie sur la marchandise mais juste après ce court préambule, il y a l’introduction de Jean-Luc Mélenchon : voici que cela se clarifie, ce programme collectif est en fait celui d’un individu, Jean-Luc Mélenchon, qu’il présentait déjà en avril 2017 (eh oui !). On s’en doutait, c’est confirmé.

Alors, "amis" socialistes qui espérez encore revenir aux affaires, même dans longtemps, lisez bien ce qui va suivre, les propositions qui vous empêcheront définitivement de revenir un jour au gouvernement. Je n’ai inscrit qu’une partie des mesures les plus irresponsables, les plus autoritaires et les plus piège-à-électeurs.


I. Mesures irresponsables (du genre "on rase gratis") :

1. « Passage aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit immédiatement, et leur généralisation par la négociation collective ».

2. « Sixième semaine de congés payés » (et il y a « etc. » indiqué à la fin, y aurait-il d’autres concepts de jours de congés que les congés payés ?).

3. « Abroger la loi El Khomri » (qui a été adoptée uniquement par la majorité socialiste en 2016 : pourquoi le PS veut-il tuer ses bébés législatifs ?).

4. « Supprimer les stock-options » (il faudra dire comment on motive les meilleures compétences quand on démarre des activités d’innovation qui sont pourtant encouragées par ailleurs).

5. « Restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein ». Alors que l’espérance de vie augmente, que le nombre des boomers déséquilibre déjà les comptes sociaux et que c’était 65 ans il y a quarante ans.

6. « Supprimer les lignes aériennes quand l’alternative en train est inférieure à trois heures ». La conséquence, ce sera la fermeture de compagnies aériennes ou de lignes régionales "autorisées" car certaines lignes "courtes" pouvaient permettre de compenser économiquement d’autres lignes non rentables dans un fragile équilibre fnancier.

7. « Stopper l’étalement urbain : renoncer aux grands projets d’infrastructures inutiles et écologiquement néfastes ». Aucun projet déjà avancé n’est inutile, sinon on n’aurait pas financé leur étude. Cette mesure pipeau est cependant plus encore irresponsable, car cela signifie la construction de tours d’habitation comme dans les années 1960 et 1970 et on se poser la question dans les années 2050 : mais pourquoi donc a-t-on construit des tours dans les années 2020 ? (ça vous rappelle quelque chose ?).

8. « Instaurer une taxe significative sur les transactions financières ». Lorsque la France sera ruinée, on essayera de comprendre pourquoi. Mais ce sera trop tard.

9. Refus d’appliquer les traités européens sur lesquels la France s’est engagée : « Quand nécessaire, cesser d’appliquer les normes incompatibles avec les engagements écologiques et sociaux contenus dans notre programme. (…) Le contexte de remise en cause des règles européennes face aux urgences joue en notre faveur. ».


II. Mesures autoritaires car elles nient la liberté des personnes ou la complexité des situations :

10. « Instaurer un quota maximal de contrats précaires dans les entreprises » sans se soucier du secteur dans lesquelles elles évoluent.

11. « Lutter contre l’artificialisation des sols et la pêche illégale ».

12. « Interdire immédiatement les plastiques à usage unique ». Sans se poser la question de la spécificité de certaines usages, par exemple en milieu hospitalier, ou en période de pandémie.

13. « Former l’ensemble des citoyens dans le cadre d’exercices annuels obligatoires de sécurité civile, en matière sanitaire, nucléaire, d’inondation ou de feux de forêt ». Ah, voici la république bolivarienne qui s’annonce ! D’inspiration chinoise probablement.

14. « Instaurer une tarification progressive et différenciée [de l’eau] selon les usages pour lutter contre les mésusages et les gaspillages ». Pour différencier, il va falloir que l’État connaisse exactement la destination de chaque millilitre d’eau consommée par les citoyens. Comme traçage intrusif de la vie privée, il n’y a guère mieux.

15. Confiscation des successions au-delà de 12 millions d’euros (déjà proposé en janvier).

16. « Rehausser le seuil minimal de logements sociaux par commune (loi SRU) à 30%, augmenter les sanctions contre les communes hors la loi et ordonner aux préfets de se substituer systématiquement aux maires défaillants ». La loi permet déjà aux préfets de prendre les commandes, la rédaction de cette mesure montre que ce programme n’a aucune considération vis-à-vis des maires. Si on arrivait à faire appliquer le seuil de 25%, ce serait déjà pas mal.

17. « Utiliser le droit de réquisition et les surtaxes pour lutter contre les logements vacants, et les remettre en location ».


IIII. Mesures pipeaux qui prennent les électeurs pour des imbéciles :

Beaucoup de mesures sont bisounours (dépolluer l’Atlantique et la Méditerranée par exemple) sans montrer un début de commencement de comment les financer, mais vu que la réponse sera : en faisant payer les riches, j’ai évité toutes les mesures abusivement dépensières pour ne pas surcharger l’article, car la plupart des mesures de ce programme devraient trouver refuge dans cette catégorie car la plupart sont floues, démagogiques et non mesurables.

Beaucoup de mesures (dans des secteurs entiers) sont des cahiers de doléances de certaines catégories professionnelles sans mettre en relation l’intérêt général (on appelle cela clientélisme : par exemple, les chercheurs, les acteurs de la culture, les enseignants, etc.). Le problème n’est pas de vouloir améliorer la situation de chacune de ses catégories qui en ont en général besoin, le problème est de définir une hiérarchie dans les priorités au nom de l’intérêt commun.

18. « Créer au moins un million d’emplois grâce à l’investissement dans la bifurcation écologique et sociale ». Seul problème, dans la notice, il n’est pas indiqué comment.

19. « Interdire les parachutes dorés et les retraites chapeaux », phrase qui, concrètement, ne signifie rien mais qui fait plaisir à entendre, c’est intégralement du populisme de gauche et jusqu’à maintenant, le PS s’était gardé d’en faire.

20. « Indemniser les chômeurs dès le premier jour de la fin de contrat ». Apparemment, aucune des corédacteurs de ce texte n’a été au chômage, ce qui est tant mieux pour eux, car ils n’ont aucune notion de ce qu’est l’administration. Même si Pôle Emploi devenait ultraperformant, il serait dans l’impossibilité de faire ce qui est indiqué, vu que pour faire une demande de droits, il faut déjà être effectivement en fin de contrat, et pour les calculer et les verser, cela prendra un peu plus que les dix minutes du premier rendez-vous. À moins que l’idée est de renforcer à fond l’efficacité de la fonction publique qui devra obtempérer à la première seconde d’une demande ?

21. « Garantir le maintien du revenu en cas de reconversion et de formation ». Il n’est pas dit qui paiera alors ce revenu ? Les contribuables ? Le dernier employeur ? Un fonds spécialement créé pour cela ?

22. « Organiser une conférence sur l’organisation des collectivités territoriales et la décentralisation chargée de faire une proposition de simplification et de clarification du rôle de chaque échelon ». C’est la tarte à la crème dont il n’a même pas la recette.

23. « Annuler les cadeaux fiscaux accordés sans contrepartie aux plus grandes entreprises ces dix dernières années ». J’aurais pu le classer dans les mesures irresponsables, mais c’est tellement peu précis que cela ne signifie rien concrètement.

24. « Créer 300 000 emplois agricoles pour instaurer une agriculture relocalisée, diversifiée et écologique ». Ce programme n’a pas encore compris que les initiatives économiques sont des initiatives privées et que l’État peut les inciter, mais pas les créer lui-même.

25. « Garantir la gestion publique d’une liste des biens communs et services essentiels établie par référendum ». Complètement loufoque : comment établir une liste par référendum ? Qu’est-ce qu’un "bien commun" au sens mélenchonien du terme ?

26. « Interdire les pratiques cruelles [des animaux] » dont « broyage des poussins ». Intention louable (que j’approuve totalement), mais il va falloir remettre à jour ce vieux programme, car le broyage des poussins est désormais interdit.

27. « Interdire les licenciements boursiers ». Là encore, mesure irresponsable, mais le flou l’emporte sur l’irresponsabilité : que signifie "boursiers" dans cette mesure ? Qu’est-ce qu’un "licenciement non boursier" ? Cela fait plaisir aux électeurs de FI de l’entendre, rien de plus.

28. « Obtenir que la BCE transforme la part de dette des États qu’elle possède en dettes perpétuelles à taux nul ». Comment l’obtenir ? Mystère et boule de gomme.

29. « Faire racheter par la BCE la dette publique qui circule sur les marchés financiers ». Non seulement ce programme se moque du monde en voulant s’opposer aux traités européens en vigueur, mais ose quand même faire l’aumône auprès d’une institution qu’il déteste pourtant fortement. Naïveté… ou tromperie ? Pipeau, assurément.

30. « Refonder la taxe foncière pour la rendre progressive et pour que chacun paie à hauteur de son patrimoine total réel ». Visiblement, le programme ne sait pas comment est calculée actuellement la taxe foncière…

31. « Atteindre l’objectif de zéro sans-abri : doublement des places d’accueil (estimée aujourd’hui à 100 000) et simplification des dispositifs ». Objectif extrêmement louable et qui fait consensus, mais irréaliste (Emmanuel Macron l’avait promis aussi en 2017), car il ne s’agit pas seulement de places, de financement, mais aussi de dignité de la personne, et certaines personnes refusent des places qui leur étaient pourtant réservées par simple exercice de leur liberté personnelle. À l’époque Ministre du Logement, Christine Boutin avait posé publiquement la question : l’État doit-il les obliger à accepter ces places d’hébergement pour les empêcher de mourir de froid la nuit ? Peut-être que Jean-Luc Mélenchon a répondu à la question (auquel cas je devrais ranger cette mesure dans la deuxième catégorie et pas la troisième).

32. « Abolir la prostitution et garantir la dignité de la personne ».


IV. La grosse arnaque de la fausse union !

L’arnaque, c’est qu’à la fin de chaque chapitre, le programme explique que ce n’est que le programme de FI et que les autres partenaires sont parfois en désaccord majeurs avec lui. Alors, pour résoudre ce problème, le texte explique pour ces différences que ce sont des « points qui seront mis à la sagesse de l’Assemblée » alors que les pauvres partenaires de FI n’ont eu le droit de se présenter que dans une ultraminorité des circonscriptions éligibles. Là est l’humiliation politique, cette hypocrisie totale qui impose le programme de Jean-Luc Mélenchon à tous ses partenaires.

33. « Le PS et EELV ne soutiendront pas le droit de veto suspensif des comités d’entreprise sur les plans e licenciements. ».

34. « Le PS ne soutiendra pas la suppression de toutes les stock-options et la titularisation proposée à tous les contractuels de la fonction publique. ».

35. « Le PS proposera d’optimiser la durée de vie des centrales nucléaires, de planifier les travaux permettant de prolonger leur exploitation. ». En clair, le contraire du programme qui propose la fermeture de toutes les centrales nucléaires.

36. « EELV proposera l’octroi d’une personnalité juridique aux animaux et la reconnaissance de leurs droit fondamentaux. ».

37. « Le PS et le PCF ne soutiendront pas les propositions relatives à la chasse et à la corrida. ».

38. Peut-être que l’arnaque de l’union est la mieux illustrée à propos de l’OTAN qui est une position qui affecte notre stabilité et la paix, on le voit en Ukraine, puisqu’il y a deux positions incompatibles sur un sujet extrêmement important : « France insoumise proposera le retrait immédiat de la France du commandement intégré de l’OTAN, puis, par étapes, de l’organisation elle-même. (…) Le PS sera favorable au maintien de la France dans l’OTAN. ». L’arnaque, c’est que ce n’est pas une union mais une humiliation pour le PS puisque ses candidats seront ultraminoritaires face aux candidats FI.


La suite…

J’aurais pu faire une cinquième catégorie, les mesures qui avouent sans le dire que la politique d’Emmanuel Macron était la bonne. Par exemple : « repousser de deux ans le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) ». C’était la politique du "quoi qu’il en coûte" qui a permis de sauver de nombreuses entreprises en les aidant par des PGE. Cette proposition est donc une véritable reconnaissance de la politique pro-entreprises du Président de la République reconduit. Pareil pour la suppression de la taxe d’habitation sur laquelle le programme ne revient pas (ou j’ai mal lu ?).

Tout cela n’est évidemment pas exhaustif (c’est un véritable catalogue à la Prévert), et les propositions que je ne mentionne pas, je ne les approuve pas plus évidemment. Ce sont juste quelques exemples qui montrent que le programme de la NUPES qui est exclusivement le programme de Jean-Luc Mélenchon est irresponsable, autoritaire, populiste et hypocrite. Et les socialistes et les écologistes l’ont accepté sans ciller.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2022 (4) : sous la NUPES de Mélenchon.
Élysée 2022 (53) : la composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Législatives 2022 (3) : Valérie Pécresse mènera-t-elle Les Républicains aux législatives ?
Législatives 2022 (2) : la mort du parti socialiste ?
Législatives 2022 (1) : le pari écolo-gauchiste de Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220507-nupes.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2022-4-sous-la-nupes-241701

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/05/20/39485012.html









 

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16 mars 2022 3 16 /03 /mars /2022 03:32

« La découvertes des critiques de Trotski envers le régime stalinien, ses condamnations de son système en même temps que son soutien aux acquis qu’avait permis la révolution, ont constitué pour moi une véritable révélation, parce qu’elles m’ont enfin permis de comprendre ce qu’il y avait de contradictoire entre les idéaux communistes d’une art et ce que je pouvais savoir, ou pressentir, de la réalité de l’URSS et des pays de l’Europe de l’Est d’autre part. » (Arlette Laguiller).




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S’il y a bien une personnalité qui a horreur du star system, qui refuse les paillettes et la célébrité, c’est bien Arlette Laguiller qui fête ce vendredi 18 mars 2022 son 82e anniversaire. Et pourtant, c’est "notre" Arlette nationale, pour rien au monde "nous" ne l’échangerions contre une autre. Elle est un spécimen éclatant que tous les dinosaures n’ont pas disparu.

Car Arlette Laguiller s’est forgée une solide notoriété, qui a contribué à façonner l’histoire des élections présidentielles sous la Cinquième République. Si elle n’a pas été la première candidate révolutionnaire et  trotskiste (le premier, c’était Alain Krivine en 1969, qui vient de disparaître), elle a été la première femme candidate, à une époque où la libération de la femme était en cours, au milieu des années 1970 (elle a été candidate à l’élection présidentielle de 1974).

Beaucoup de téléspectateurs et électeurs ont alors découvert une jeune femme (elle n’avait que 34 ans) qui s’époumonait à utiliser au mieux, au plus dense, ses quelques minutes de gloire, de temps de parole audiovisuel comme la réglementation sur le temps de parole l’imposait. Dans cet exercice militant, Arlette Laguiller était probablement la meilleure, cette capacité à débiter un discours ressassé souvent sur le capitalisme, les exploiteurs, les travailleurs qu’on spolie, etc. à une vitesse folle était un véritable exploit et une partie de son talent oratoire.

Un exemple lors de sa deuxième campagne, le 14 avril 1981 sur Antenne 2.





En mars 2021, dans "Toujours militante", son dixième ouvrage de témoignage, Arlette Laguiller a expliqué sa participation à l’élection présidentielle de 1974 : « Notre espoir, en participant à cette campagne électorale, n’était pas, bien sûr, de remporter la victoire dans la course à l’Élysée, mais nous avions voulu, plus modestement et plus audacieusement aussi, permettre aux travailleurs, aux petites gens, à tous ceux qui en ont assez des mensonges et des belles promesses, d’exprimer aussi bien leur colère vis-à-vis des hommes en place que leur méfiance envers celui qui se dit du côté des travailleurs mais qui a si longtemps participé à des gouvernements au service des riches. ». Elle parlait bien sûr de François Mitterrand.

Dans son article dans la revue "Histoire Politique" n°44 de 2021, l’historien Gilles Vergnon explique qu’Arlette Laguiller avait gagné un peu de notoriété tant comme porte-parole de LO aux élections législatives de mars 1973 que comme syndicaliste chez son employeur, le Crédit Lyonnais et que militante féministe revendiquant l’IVG (elle a même participé à une émission de télévision sur la famille en juillet 1973) : « Son rôle dans la grève des employés du Crédit Lyonnais au printemps 1974, quelques semaines avant l’élection, lui apporte une once de notoriété supplémentaire, comme en témoigne un article de "Paris Match" le 25 mars 1974 qui la désigne, photographie à l’appui, sous le chapeau "Les femmes qui font l’événement", comme "la Piaget des banques en révolte", l’alter ego féminin de Charles Piaget, héros de la grève des Lip. Le choix de la direction de LO d’en faire sa candidature procès donc (…) d’un choix rationnel enraciné dans l’histoire de l’organisation. ».

Dans "Moi une militante" publié en mars 1974 (Georges Pompidou était encore vivant et l’échéance présidentielle prévue en 1976), Arlette Laguiller esquissait déjà sa propre candidature à la prochaine élection présidentielle. Elle représentait les travailleurs, au sens, les "vrais" travailleurs, et s’opposait ainsi au trotskiste Alain Krivine, le candidat concurrent, qui était "l’intellectuel".

En 1974, Arlette Laguiller a disposé de 553 parrainages d’élus locaux pour se présenter alors que 100 suffisaient. Tous les territoires étaient représentés, autant les zones très urbanisées que les contrées rurales. Elle représentait : « une candidature d’extrême gauche au premier tour pour voter contre Giscard et Chaban sans donner un chèque en blanc à Mitterrand » ("Lutte ouvrière" n°294 du 16avril 1974).

À chaque élection présidentielle, elle était même la candidate attendue, celle qui revenait sans cesse à la charge malgré des scores lilliputiens, au point de battre, devant Jean-Marie Le Pen, le record de présence à une élection présidentielle : six fois ! En 2007, elle avait 67 ans. C’est toute une vie ! Pendant la campagne officielle de chaque élection présidentielle entre 1974 et 2007, elle se faisait donc voir et entendre, même si son action était en continu, qu’elle haranguait aussi à la télévision pour les campagnes officielles des élections législatives, européennes, tout ce qui pouvait être au niveau national. Une telle persévérance est d’ailleurs à saluer, c’est sans doute le signe du meilleur brevet de militantisme et d’une conviction solidement acquise.

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Au départ, pour les deux ou trois premières participations, elle n’était pas vraiment connue, on la citait parce qu’il le fallait bien (égal traitement de tous les candidats). Mais l’élection de 1995 était un peu différente. Elle est devenue la star. Peut-être aidée des "Guignols de l’Info" (mais je pense, comme l’histoire de la pomme avec Jacques Chirac, que les "Guignols" n’ont fait que traduire une sympathie populaire préexistante, au mieux, ils l’ont amplifiée), Arlette Laguiller est devenue la caricature d’elle-même. Ovationnée pour ce qu’elle est, une personnalité politique désormais historique, aussi une vieille routarde (vocabulaire laid au féminin) de la politique.

Et l’aspect un peu froid du discours laissait place à son admirable sourire et finalement, à un courant de sympathie qui, assurément, ne lui aurait jamais permis d’être élue, mais qui lui a permis d’atteindre plusieurs fois le seuil des 5% des suffrages exprimés, ce qui était historique dans une démocratie libérale. Les 5,3% de l’élection présidentielle de 1995 étaient en effet remarquables, soit plus de 1,6 million d’électeurs, devant notamment Philippe de Villiers et Dominique Voynet. Et ce n’est pas la déshérence du PCF qui l’a aidée puisque le candidat communiste Robert Hue avait fait un meilleur résultat (8,6%) que son prédécesseur de l’élection de 1988, André Lajoinie (6,8%) concurrencé par le "dissident" Pierre Juquin (2,1%). En 1988, Arlette Laguiller ne faisait que 2,0% des voix.

Gilles Vergnon remarque : « Arlette Laguiller devient une véritable star des médias, chantée par Alain Souchon, invitée chez Michel Drucker ou Thierry Ardisson… Mais cette éphémère médiatisation s’appuie sur des résultats électoraux incontestables. (…) Pourtant, dans la durée, ces campanes successives, qui ponctuent un travail militant acharné et ininterrompu, n’ont finalement pas permis de déboucher sur une quelconque "percée" ni de stabiliser une force politique au niveau souhaité, encore moins de construire un "parti révolutionnaire". ».

La fin des années 1990 et début des années 2000 fut donc l’âge d’or de l’extrême gauche française, paradoxalement alors que le communisme international venait de s’écrouler en même temps que l’URSS. Fort de son score à l’élection présidentielle, Arlette Laguiller a gagné quelques mandats électifs locaux : en juin 1995, conseillère municipale des Lilas (jusqu’en mars 2001), en mars 1998, conseillère régionale d’Île-de-France (jusqu’en mars 2004).

En juin 1999, ce fut alors la consécration grâce à l’idée très audacieuse d’unification des forces trotskistes, alors que Lutte ouvrière (LO), le mouvement dont Arlette Laguiller était le porte-parole, avait toujours refusé des compromis électoraux. Aux élections européennes, effectivement, la liste menée par Arlette Laguiller et Alain Krivine a conquis 5 sièges (sur les 87 à pourvoir) avec 5,2% des voix. Arlette Laguiller a donc exercé pendant cinq ans un mandat de parlementaire européenne de 1999 à 2004. Avant 1999, LO et la LCR avaient toutefois déjà fait liste commune aux européennes, et en juin 2004, Arlette Laguiller était la numéro deux d’une liste menée par Olivier Besancenot.

À l’élection présidentielle de 2002, elle a amélioré son score précédent de 15 000 électeurs supplémentaires, avec 5,7%, confirmant qu’elle fait partie des figures importantes du paysage politique français, cinquième place sur seize candidats, devant entre autres Jean-Pierre Chevènement, Noël Mamère, Alain Madelin, Robert Hue, Bruno Mégret, Christiane Taubira, Corinne Lepage et Christine Boutin. C’était d’autant plus un bon score qu’Arlette Laguiller n’était pas la seule candidate trotskiste à cette élection présidentielle, puisqu’il y en avait trois ! Avec Olivier Besancenot (LCR), qui a eu 4,2%, et Daniel Gluckstein (PT), ce triumvirat de l’extrême gauche a recueilli près de 3 millions d’électeurs, soit un total de 10,4% du corps électoral ! En comptant les 19,2% de l’extrême droite (Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret), cela faisait beaucoup, 30% pour les extrêmes après cinq ans de gouvernement de la gauche plurielle.

En 2007, ce fut pourtant le reflux : Arlette Laguiller a livré son dernier combat présidentiel et n’a obtenu que 1,3%, elle a perdu les trois quarts de son électorat tandis que son concurrent trotskiste de la LCR, Olivier Besancenot, a maintenu son score avec 4,1% (il a même gagné près de 300 000 électeurs). La forte mobilisation électorale autour des trois principaux candidats, qui ont marqué une nouvelle génération : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou, n’ont pas laissé beaucoup d’espace pour les extrémismes, de gauche mais aussi de droite (Jean-Marie Le Pen, Olivier Besancenot, Philippe de Villiers, Marie-George Buffet, Arlette Laguiller, José Bové et Gérard Schivardi) qui ont représenté autour de 20% de l’électorat au lieu de 30% en 2002. Olivier Besancenot, symbolisant la jeunesse et le renouveau militant, a fortement concurrencé la candidate LO, figure trop ancienne du trotskisme.

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Au début, la porte-parole de LO donnait des consignes de vote pour le second tour de l’élection présidentielle. En 1974 et en 1981, Arlette Laguiller a appelé à voter pour François Mitterrand pour ne pas décevoir ses électeurs de gauche mais sans illusion. En 1988, elle n’a pas donné de consigne de vote et en 2002, elle a refusé d’appeler à voter pour Jacques Chirac pour faire barrage au FN. En 2007, elle a appelé à voter pour Ségolène Royal au second tour.

Lutte ouvrière est une organisation très secrète et certains l’auraient même assimilée à une secte. Ce sont des militants aguerris, efficaces et tenaces et dans les campagnes électorales, locales ou nationales, ils peuvent être seulement deux dans une agglomération mais ils sont généralement les derniers la nuit à repasser parmi les colleurs d’affiches si bien qu’au petit matin, les "travailleurs" qui vont au boulot voient surtout les affiches LO recollées sur les autres partis ou candidats.

Dès le 8 décembre 2008, LO et Arlette Laguiller ont choisi Nathalie Arthaud comme nouvelle porte-parole et surtout, représentante attitrée de LO à l’élection présidentielle, et 2022 représente la troisième participation de Nathalie Arthaud.





Arlette Laguiller refuse de se dire à la retraite et à l’occasion, elle participe encore à des actions militantes (autrement dit, à des manifestations politiques). Le 9 octobre 2021, Arlette Laguiller a répondu aux questions politiques d‘Yves Thréard dans ses "grands entretiens" diffusés sur LCP, la chaîne parlementaire, où l’on comprend que malgré l’expérience politique, malgré l’ancienneté, l’utopie est toujours au bout du rêve de cette dame qui inspire une sympathie sincère qui est inversement proportionnelle à son audience électorale.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 mars 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :

"La force électorale ? Les campagnes d’Alain Krivine et Arlette Laguiller (1969-1974)" par Gilles Vergnon ("Histoire Politique" n°44, 2021).

Arlette Laguiller.
Alain Krivine.
Pierre Juquin.
Romain Goupil.
50 ans de mai 1968.
Daniel Cohn-Bendit.
Nathalie Arthaud.
Philippe Poutou.
Rencontre surréaliste avec Trotski.
Trotski.
Les 200 ans de Karl Marx.
Le Capital de Karl Marx.
Totalitarismologie du XXe siècle.
La Révolution russe.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220318-arlette-laguiller.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/arlette-laguiller-et-les-240144

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/03/14/39388490.html








 

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12 mars 2022 6 12 /03 /mars /2022 16:09

« Je n’ai pas été élu Président de la République. Il m’a toujours manqué 99% des suffrages ! » (Alain Krivine).



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L’ancien candidat aux élections présidentielles de 1969 et 1974, longtemps porte-parole de la ligue communiste révolutionnaire, une structure trotskiste, Alain Krivine est mort à Paris ce samedi 12 mars 2022 à l’âge de 80 ans et demi (il est né le 10 juillet 1941). Parmi les acteurs de la "révolution" de mai 1968, le "jeune" Alain Krivine (il avait alors 27ans) était au service militaire affecté au régiment d’infanterie de Verdun quand il s’est présenté à la succession du Général De Gaulle afin de dire aux Français, paradoxalement, que « le pouvoir n’était pas dans les urnes ». Il ne fallait pas manquer d’audace et avoir des convictions révolutionnaires chevillées au corps qui n’ont jamais ramolli avec l’âge (je l’expliquais ici).

Qu’a pensé, qu’aurait pensé Alain Krivine de l’invasion russe en Ukraine, lui qui était originaire d’une famille juive ukrainienne partie se réfugier en France pour fuir les pogroms de la fin du XIXe siècle ? L’aurait-il passé au filtre de l’anticapitalisme ? ou plus simplement à celui du néo-impérialisme russe d’un autocrate qui a des visions messianiques au point d’accepter de tuer des dizaines de milliers, peut-être des centaines de milliers d’êtres humains ?

Gendre d’un historien socialiste peu connu mais très influent issu du PSU (Gilles Martinet), Alain Krivine n’a cessé de vouloir profiter des élections pour exprimer la parole révolutionnaire : « Nous voulons faire entendre la voix révolutionnaire de mai et juin 68 à la télévision. Cette candidature révolutionnaire tendra à dissiper les illusions électoralistes et parlementaristes du PC. Nous voulons rompre avec cette vision et affirmer une force sur la gauche du PC. ».

Alain Krivine a été choisi candidat de la Ligue communiste en son absence. À l’origine, on avait songé à son frère Jean-Michel Krivine, chirurgien communiste, à un ouvrier breton de 42 ans, André Fichaut, ou encore à une jeune militante de 31 ans, Janette Habel. Finalement, il fut retenu parce que, porte-parole de la JCR pendant mai 68 et ayant déjà derrière lui une quinzaine d’années de militant, il avait obtenu une petite notoriété et qu’il était un bon orateur, d’autant plus qu’il avait été brièvement arrêté et emprisonné.

Pour présenter sa candidature en 1969 (il a obtenu 229 parrainages, sur les 100 qu’il fallait à l’époque), le leader révolutionnaire avait bénéficié du soutien médiatique de nombreuses "pointures" intellectuelles comme Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Michel Leiris, Marguerite Duras, etc.

Ces signatures de maires, ce n’était pas rien de les collecter. Gérard Filoche, un ancien compagnon de route, à l’époque étudiant de 23 ans au moment de l’élection de 1969, passé ensuite au PS comme Henri Weber, a ainsi témoigné : « On partait des journées entières avec des sandwichs et une carte… pendant dix jours autour de Rouen, on n’a pas dû laisser un seul village sans voir son maire… on les trouvait dans le fond de la ferme, dans les champs, au bistrot de la place, chez eux. On découvrait une France inconnue qui n’était pas celle de notables. Ces maires échappaient aux consignes des états-majors des appareils politiques. ».

Ces parrainages provenaient de maires ruraux et la cartographie des signatures était presque l’inverse de l’implantation du mouvement révolutionnaire surtout présent dans les grandes agglomérations urbaines et étudiantes. Le journal "Rouge hebdo" du 21 mai 1969 précisait : « Dans leur immense majorité, ils sont maires de petits villages campagnards et exercent souvent les professions de leurs administrés… Ils n’approuvent pas le programme de la Ligue, mais leur situation les rend plus libres que d’autres à notre égard…. Les maires des petites communes sont moins sensibles aux pressions administratives et partisanes, d’autant que, dans un petit village, être maire n’ouvre pas forcément la voie des honneurs et même des profits substantiels. ».

L’historien lyonnais Gilles Vergnon ajoute que Pierre Mauroy aurait "toléré" des parrainages d’élus SFIO pour la ligue communiste, et que celle-ci a refusé le parrainage d’un député UDR : « La LC rejette le parrainage d‘un élu UDR, le docteur Jacques Moron, député de la Haute-Garonne, élu dans la "vague bleue" de juin 1968. À ce dernier qui allègue qu’un "pays qui refuserait d’entendre le porte-parole de ceux qui, il y a un an, ont ébranlé la France, ne serait pas digne du titre de République", Alain Krivine rétorque ne vouloir "en aucune façon du parrainage gaulliste" et dénonce la "mauvaise provocation" d’un "gaulliste futé" qui aurait délibérément tendu un piège. ». Apparemment, ni Marine Le Pen, ni Éric Zemmour ni Jean-Luc Mélenchon n’ont eu de tels scrupules en 2022 à propos de l’initiative de François Bayrou de proposer une banque de parrainages pour candidats en manque de signatures, qui reprend exactement l’argumentation (provocatrice ?) du député Jacques Moron.

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Lors de son déplacement de campagne à Londres le 30 mai 1969, le candidat Alain Krivine avait annoncé qu’il comptait sur « 200 à 300 000 suffrages ». Finalement, il a obtenu 239 104 voix (soit 1,06%), ce qui l’a pourtant déçu, car il était dernier, derrière le candidat inclassable Louis Ducatel. En 1974, Alain Krivine a terminé avec 93 990 voix (soit 0,37%), beaucoup moins, mais il devait se frotter à la concurrence de la candidature d’Arlette Laguiller (2,33%) et aussi à l’effet vote utile de François Mitterrand qui nourrissait un vrai espoir à gauche. En 1981, avec l’augmentation du seuil à 500 parrainages, Alain Krivine n’a pas pu se présenter et ne se présenterait plus à aucune élection présidentielle.

Depuis de la candidature de 1969, à chaque élection présidentielle en France, il y a eu systématiquement au moins un candidat trotskiste révolutionnaire, souvent deux, et même parfois, trois ! Ligue communiste puis LCR, Lutte ouvrière, MPPT, etc. avec, du côté LO, les candidatures d’Arlette Laguiller puis Nathalie Arthaud, sans discontinuer de 1974 à 2022 inclus, et pour la LCR puis NPA, celles d’Alain Krivine, Olivier Besancenot et Philippe Poutou en 1969, en 1974 et de 2002 à 2022 inclus. Le troisième courant trotskiste a été représenté par Pierre Boussel (MPPT) en 1988, Daniel Gluckstein (PT) en 2002 et Gérard Schivardi (PT) en 2007.

Avant 1995, chaque candidat trotskiste recueillait seulement autour de 1%, parfois moins, parfois un peu plus mais à peine. Mais à l’élection présidentielle de 1995, peut-être parce que la candidate Arlette Laguiller commençait à être connue et en quelque sorte, appréciée pour son talent de militante et sa ténacité électorale, elle a obtenu 5,3% des voix, soit devant Philippe de Villiers et Dominique Voynet, troisième force de la gauche derrière Lionel Jospin et Robert Hue, et surtout, dépassant le seuil pas seulement symbolique de 5%.

C’est à partir de cette élection que les deux "vieux" leaders trotskistes Arlette Laguiller et Alain Krivine ont décidé d’unir leurs forces (pour LO, c’était une vraie révolution) pour les élections européennes de juin 1999. En effet, le fait d’être capable d’atteindre le seuil de 5% des voix est crucial et aux européennes, s’ils étaient capables de renouveler l’exploit, cela leur permettrait, pour la première fois, de faire élire des parlementaires : des députés européens. C’est ce qui s’est donc passé : leur liste commune a atteint de justesse le seuil avec 5,18% et par conséquent, elle a obtenu 5 sièges au Parlement Européen : 3 LO et 2 LCR. Voici Arlette Laguiller et Alain Krivine bombardés députés européens pour cinq ans. Paradoxalement, ils se sont inscrits dans le même groupe que les communistes français, à savoir La Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (créée en 1993).

Pour Alain Krivine, c’est la consécration d’une quarantaine d’années de militantisme. Il est devenu respecté, reconnu, institutionnel et même, il a reçu des moyens, celui d’embaucher des collaborateurs parlementaires. Il a recruté un syndicaliste, un certain Olivier Besancenot qui fut candidat LCR aux élections présidentielles de 2002 et 2007 : ce dernier a obtenu respectivement 4,2% et 4,1%, ce qui est remarquable, tandis qu’en 2002, au sommet de sa popularité, Arlette Laguiller a atteint 5,7%, devant Jean-Pierre Chevènement (un coup très dur pour l’ancien ministre qui comptait obtenir 15%).

Selon l’historien Gilles Vergnon, il y a « incontestablement un "effet 1968" qui s’est prolongé au moins jusqu’en 2017 » (et même jusqu’en 2022) « qui oppose un "avant" marqué par des candidatures éphémères [quelques candidatures aux législatives de 1936, 1946, 1967] à un long "après-1968" de plusieurs décennies marqué par le systématisme et la régularité des candidatures, malgré les maigres résultats enregistrés dans la plupart des cas ».

Toujours selon Gilles Vergnon dans un article dans la revue du Centre d’histoire de sciences po ("Histoire Politique" n°44 de 2021), ces candidatures d’extrême gauche révèlent « la présence d’une stratégie des organisations concernées, qui font de la présentation d’une candidature, un élément de construction ou de pérennisation d’un courant politique, qui les distingue dans la vaste nébuleuse des groupes révolutionnaires ».

Avec ce bâton de maréchal qu’est son mandat de député européen de juin 1999 à juin 2004, Alain Krivine a pu ainsi suivre le cours du monde avec plus d’échos et utiliser cette caisse de résonance pour faire avancer ses idées, en particulier au sein de la Commission juridique et du marché intérieur. Il a notamment questionné sur la persécution des homosexuels en Égypte, sur les paradis fiscaux et la taxation des transactions sur devises, sur la dette des pays pauvres, etc.

Malgré un monde en perpétuelle mutation depuis cinquante ans, Alain Krivine n’a pas bougé d’un iota sur ses convictions et jugeait assez sévèrement ses anciens camarades de mai 68 qui ont (beaucoup) "évolué" : « Il y a plein d’anciens, comme Cohn-Bendit et Goupil, qui sont devenus macronistes. Je crois qu’ils ont tourné parce que la situation a viré, mais je crois qu’ils ont tort. (…) Les gens en ont marre de Macron, mais il n’y a rien d’autre. » ("Le Dauphiné libéré" du 3 mai 2018).

Même le Président de la République Emmanuel Macron a rendu un hommage politique appuyé à Alain Krivine : « Ses révoltes jamais ne faiblirent, ses engagements jamais ne tiédirent. Faisant mentir ceux qui lui prédisaient que sa radicalité passerait avec l'âge, Alain Krivine vécut son existence le poing levé. Révolutionnaire corps et âme, il voulait changer la vie et ne changea pas d'avis, prenant part durant plus d'un demi-siècle à toutes les luttes d'émancipation, étudiantes, prolétaires, syndicalistes, féministes, antiracistes et antifascistes. (...) [Je] salue une vie d'engagement et de militantisme menée avec cette soif inaltérable, cet espoir inentamé de juste et d'égalité. ».

À quatre semaines du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, Alain Krivine n’aura désormais plus à choisir. La révolution l’a percuté en pleine personne. On retiendra de lui qu’il a initié les très nombreuses et récurrentes candidatures d’extrême gauche, des candidats toujours fidèles au poste et toujours efficaces dans la recherche des parrainages, et bien sûr, on retiendra une fidélité inoxydable à ses idéaux de jeunesse, ce qui reste assez rare dans la vie politique. Par sa présence militante de longue durée, il a contribué à façonner une partie de l’histoire de la Cinquième République.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 mars 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :

Biographie de Patrick Roger dans "Le Monde" du 12 mars 2022.

"La force électorale ? Les campagnes d’Alain Krivine et Arlette Laguiller (1969-1974)" par Gilles Vergnon ("Histoire Politique" n°44, 2021).

La fidélité dans les vieux dogmes.
Alain Krivine.
Pierre Juquin.
Romain Goupil.
50 ans de mai 1968.
Daniel Cohn-Bendit.
Nathalie Arthaud.
Philippe Poutou.
Rencontre surréaliste avec Trotski.
Trotski.
Les 200 ans de Karl Marx.
Le Capital de Karl Marx.
Totalitarismologie du XXe siècle.
La Révolution russe.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220312-alain-krivine.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-heritage-politique-d-alain-240119

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/03/12/39385398.html






 

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5 décembre 2021 7 05 /12 /décembre /2021 17:10

« Vive la République ! Et surtout, surtout, vive la France ! » (Éric Zemmour, le 5 décembre 2021 à Villepinte).



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C’est parti, le candidat Éric Zemmour est lancé en pleine campagne. Si sa déclaration de candidature le 30 novembre 2021 a été doublement un flop (une vidéo de geek amateur et un JT 20 heures insipide), sans compter le doigt d’honneur du 27 novembre 2021 à Marseille, le candidat du nouveau parti Reconquête !, avec le point d’exclamation et un logo R! sensiblement identique à celui de LR, a réussi son premier meeting le dimanche 5 décembre 2021 au parc des expositions de Villepinte.

Quand j’écris "réussi", c’est sur la forme sans évoquer les "détails". Une assemblée de militants galvanisés, une énorme salle, et du charisme. Eh oui, Éric Zemmour est capable de charisme, ce qui n’était pas gagné d’avance. Ses interventions par exemple chez LR en 2018 ou 2019 étaient particulièrement soporifiques. Oui, Éric Zemmour est un orateur, plutôt un bon orateur, et même un excellent orateur. Au contraire de sa vidéo passéiste, il a su regarder son auditoire, utiliser les prompteurs, et ce n’est pas donné à tout le monde, et même ses lunettes étaient suffisamment discrètes pour passer inaperçues, et si on les remarquait, cela lui donnait un petit air d’intellectuel qu’il prétend être. J’imagine même qu’Éric Zemmour a dû rêver de ce meeting, pas seulement depuis qu’il est candidat, mais même bien avant, peut-être même depuis quarante-cinq ans peut-être.

Au-delà de ce côté réussi (il est capable d’être un tribun, ce qui n’est pas le cas de tous les candidats actuellement en piste ; c’est aussi une question d’entraînement), j’ai vu beaucoup d’impostures chez le candidat Zemmour.

La première imposture est sa candidature. Il hésitait, disait-il, et en commençant son meeting, il racontait que l’élection présidentielle devait se passer normalement, comme une formalité, et puis, il y avait un petit caillou dans la chaussure, un grain de sable dans la machine. Et Éric Zemmour, au lieu de dire que ce petit caillou, c’était lui, a plutôt dit, très habilement, que c’était "vous", ses militants venus à Villepinte, sans qui il ne se serait pas présenter.

Pourtant, ce n’est pas vrai. Dès le lendemain, le 6 décembre 2021, chez Jean-Jacques Bourdin, sur BFM-TV, Patrick Stefanini, le docte directeur de campagne de Valérie Pécresse, avait confirmé que dès "l’an dernier", Éric Zemmour l’avait contacté et lui avait demandé de devenir son directeur de campagne (ce sera finalement l’ancien major général de l’armée de terre Bertrand de La Chesnais, conseiller municipal RN de Carpentras). Patrick Stefanini avait refusé car il n’était pas en accord avec ses idées, mais il a conclu très justement cet épisode qui a duré quand même quatre mois par : « Depuis un an, il nous balade ! ». Éric Zemmour avait déjà pris sa décision depuis très longtemps.

L’autre imposture du début de campagne, sur le journal de 20 heures de TF1, le 30 novembre 2021, c’est que le candidat renierait déjà l’éditorialiste, refusant d’assumer tous les propos qu’il a écrits ou exprimés oralement dans ses nombreuses interventions dans les médias depuis au moins vingt ans. Et pourtant, il n’a pas changé, pire, il a sans arrêt mis des références à ses bouquins sur sa vidéo de campagne. C’est d’ailleurs le lot quotidien de tous les responsables politiques, de tous les candidats, leur mettre le nez face à leurs incohérences.

Éric Zemmour n’est pas le seul à subir cette épreuve du feu. S’il ne voulait pas qu’on parle des femmes, des victimes de Merah, des attentats du Bataclan, de Pétain, etc., il lui suffisait de ne pas en avoir parlé auparavant avec des propos polémiques. La question est bien : pourquoi en a-t-il parlé ? et pourquoi ne veut-il plus en parler alors que c’est lui qui a mis ces sujets sur la place publique ?

L’imposture des ralliements est réelle. On affirmait qu’il y aurait beaucoup de ralliements, et finalement, on ne peut pas dire que les quelques arrivées, ce soient des personnalités de premier plan : Jean-Frédéric Poisson, Christine Boutin, Laurence Trochu, Jacline Mouraut, Benjamin Cauchy, Éric Naulleau (qui affirme ne pas être rallié à son compère des médias), Joaquin Son-Forget, Lorrain de Saint-Affrique, Paul-Marie Coûteaux, Vijay Monany…

Là aussi, imposture, les trois premiers se revendiquent catholiques et c’est leur droit (de l’être et de le revendiquer), mais il ne doit pas s’agir de la même religion que celle du pape François qui, à Lesbos le 5 décembre 2021, a demandé à ce qu’on accueille tous les réfugiés. Entre les revendications chrétiennes et ce qu’elles devraient signifier, il y a un gouffre, celui qui veut politiser la religion.

Sur le plan sanitaire, les masques étaient peu visibles, et peu portés par les orateurs du premier rang. Absence de masque, contacts physiques (poignées de mains), absence de distanciation physique… Éric Zemmour a fait comme si la pandémie de covid-19 n’existait pas alors qu’elle tue actuellement en France entre 150 et 200 personnes chaque jour et qu’il y a plus de 60 000 nouveaux cas chaque jour. Non seulement il n’a aucun sens des responsabilités, mais son meeting pourrait être le dernier du genre pour le temps de la cinquième vague.

Autre imposture sur la forme du meeting : c’était un meeting violent. Un homme l’a agressé à son arrivée dans la salle. Il a semblé n’être blessé qu’à la fin du meeting. C’est condamnable et personne ne pourra soutenir décemment l’agresseur (qui est actuellement en garde-à-vue). On a beau s’opposer à un orateur aux idées violentes, la violence ne résout rien et en démocratie, elle est condamnable car personne n’empêche personne de s’exprimer.

Mais c’est une autre violence qui a fait surtout les titres de journaux, également condamnable : des militants de SOS Racisme sont venus pour provoquer les militants zemmouriens et parmi ces derniers, certains zouaves sont tombés dans le piège et les ont violentés. Or, aussi provocateurs soient-ils, c’est de la responsabilité du candidat d’avoir un service d’ordre compétent et d’éviter toute violence, sûrement pas de l’amplifier. D’ailleurs, comment qualifier un candidat qui sème la violence sur son passage ? Sûrement pas un rassembleur.

Deux jours plus tard, le 7 décembre 2021, chez Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV, Éric Zemmour a rejeté sa responsabilité à la manière d’un gosse de l’école primaire : c’est pas moi, c’est les autres. Eh bien non, c’est le rôle du candidat de faire régner l’ordre chez lui. Pire, pour quelqu’un qui prône sans arrêt la sursécurité à tout bout de champ, ne même pas être capable d’assurer la sécurité de ses soutiens montre qu’il serait un bien piètre Président incapable de garantir la sécurité de tous les Français (et Françaises bien sûr). C’est une imposture de plus.

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Ah, toujours dans le registre démagogique, fustiger l’élite. Quelle imposture ! Éric Zemmour est l’un des meilleurs représentants de cette élite parisienne tant décriée. Il a fustigé les journalistes qui ne sont pas d’accord avec lui, les a bousculés. D’ailleurs, très bientôt, un certain nombre de journalistes vont tomber dans le piège du provocateur polémiste et vont publier une tribune dans un grand quotidien pour hurler leur victimisation et demander le droit à faire leur boulot pendant la campagne présidentielle. Savent-ils donc qu’ils font exactement ce que le diable Zemmour voulait qu’ils fissent, à savoir le placer lui-même dans la position de victime du système pour dire que l’élite le déteste ? Et pourtant, lui-même avait ces petites mœurs de l’élite, comme vouloir à tout prix être membre du Cercle Interallié, entre autres petites coquetteries d’élite. Imposture.

Inutile aussi d’en rajouter sur son amour du RPR fondé il y a exactement quarante-cinq ans, tout en fustigeant en permanence la politique et la personnalité de Jacques Chirac (alors que le RPR était exclusivement le parti de Jacques Chirac, comprenne qui pourra), mais on pourra dire la même chose de sa référence à De Gaulle alors qu’il trouve des circonstances atténuantes sinon des qualités à la politique antisémite de Pétain (qui, rappelons-le, ne distinguait pas les Juifs : il n’en aimait aucun, ni Juif français, ni Juif étranger).

Lorsque Jean-Jacques Bourdin, le 7 décembre 2021, lui a demandé quel serait son premier déplacement international s’il était élu (une question classique posée aussi aux cinq candidats LR lors d’un des quatre débats), Éric Zemmour a dit simplement qu’il n’y avait pas pensé, qu’il ne savait pas, avant de rajouter, prouvant l’imposture : en tout cas, pas à Berlin. Et pourquoi pas sinon par simple dogmatisme idéologique ? Cela pourrait très bien représenter un intérêt pour les Français. C’est d’ailleurs le cas, puisque tous les nouveaux élus, d’Allemagne ou de France, font leur premier déplacement chez l’autre, dans le cadre de cette amitié franco-allemande qui est dans l’intérêt des deux pays. C’est pourquoi le nouveau Chancelier Olaf Scholz va rencontrer Emmanuel Macron le vendredi 10 décembre 2021 à Paris.

Sur le fond, l’imposture de dire qu’il faut moins de chômage, plus d’emplois, plus de réindustrialisation, plus d’aides aux PME… des propos complètement fades et sans intérêt avec lesquels tout le monde devrait être d’accord, des lapalissades, mais le problème, c’est la manière de diminuer le chômage, de réindustrialiser, etc. Or, sur le plan économique, il n’est resté que dans les idées générales, il n’a apporté aucune valeur ajoutée, aucune idée originale (même anti-économique), juste des yaka fokon. Tandis que le gouvernement a réellement fait baisser le chômage à 7%.

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Encore une imposture sur un plan plus arithmétique. Éric Zemmour a indiqué au début de son meeting que 15 000 personnes étaient présentes à Villepinte, mais le texte semblait préparé sur le prompteur bien avant le début du discours. En fait, BFM-TV a montré, au début du discours, les nombreux sièges vides. Un journaliste du quotidien "Le Parisien" aussi. C’est une imposture minime et particulièrement courante dans les années 1970 ou 1980. Éric Zemmour semble coincé dans un couloir du temps.

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En somme, Éric Zemmour est effectivement resté bloqué dans les années 1970, en faisant la politique de ces années-là, où les ténors respectaient peu les Français parce que ces derniers avaient moins la possibilité de s’informer et de s’instruire. Et quand Éric Zemmour, toujours chez Bourdin, a fait un portrait très irrespectueux du Président de la République (en salissant la fonction par son terme irrespectueux : "ce type"), en disant qu’il était un "adolescent pas fini", j’ai vraiment l’impression d’être dans une cour de récréation et de répondre : c’est celui qui dit qui est !...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Éric Zemmour, l’imposture permanente ?
Le Théâtre de Villepinte.
Élysée 2022 (17) : Éric Zemmour, l’adolescent retardé.
Faut-il craindre un second tour Éric Zemmour vs Marine Le Pen ?
Jean-Marie Le Pen.
Marine Le Pen et l’effet majoritaire.
Radio Kaboul dans les sondages : Éric Zemmour au second tour !
Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
Les prénoms d’Éric Zemmour.
Le virus Zemmour.
Le chevalier Zemmour.
Élysée 2022 (1) : un peuple d’ingouvernables ?
Les Républicains et la tentation populiste.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211205-zemmour.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/12/09/39254921.html






 

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