« L’Histoire n’est pas finie. La France peut être en moins de dix ans la première puissance européenne. Ce n’est pas un rêve mais c’est le défi que nous devons relever. Nous avons tant d’atouts pour cela : la démographie, la technologie, la science, la culture, la productivité, l’influence diplomatique et militaire. (…) On les dit découragés, abattus, blasés mais ils sont des millions, ces Français dévoués et ingénieux, prêts à se retrousser les manches. Je ne vois dans leurs yeux ni lâcheté, ni résignation, mais bien une force qui attend son heure. Cette force peut être extraordinaire si nous savons la guider vers des changements inédits. Jamais je n’ai senti autant de lucidité et d’exaspération face aux blocages. » (François Fillon, le 30 mai 2015 à la Grande Halle de la Villette, à Paris).
Le mercredi 28 septembre 2016, François Fillon a sorti son dernier livre "Vaincre le totalitarisme islamique" chez Albin Michel. Il a tenu un grand meeting de campagne, le 21 septembre 2016, au Cirque d'hiver à Paris. Il a réuni le 9 septembre 2016 le parrainage de 80 parlementaires LR, de 6 000 militants LR et de 400 élus locaux LR. Après avoir évoqué Alain Juppé et ses propositions pour la lutte contre le terrorisme, j’évoque un candidat un peu oublié des médias, François Fillon.
Préparé dès 2012
Dès le soir du 6 mai 2012, François Fillon s’est positionné pour être le candidat à l’élection présidentielle de 2017. Prenant tous ses rivaux de l’UMP de court, il a montré combativité et détermination alors qu’il était réputé comme mou et sans saveur. Sa bataille pour la présidence de l’UMP en novembre 2012, contre Jean-François Copé, n’aura pas laissé un grand souvenir et pourrait être mise en parallèle avec la bataille du congrès du PS à Reims en novembre 2008 (aucun des principaux protagonistes, ni Ségolène Royal, ni Martine Aubry, ni Bertrand Delanoë, n’a finalement été candidat en 2012). Mais au moins, cela aura prouvé que François Fillon n’était pas un homme à renoncer et surtout, cela a imposé le principe de la primaire LR (j’y reviendrai plus tard).
La préparation de sa candidature présidentielle a véritablement démarré le 26 février 2013 à la Mutualité de Paris. Là, une salle remplie de parlementaires et de forces vives de la nation était venue applaudir celui qui n’avait pas peur de se découvrir comme candidat. C’était il y a trois ans et demi et il faut bien reconnaître que, de tous les candidats à la primaire LR, c’est celui qui a le plus travaillé, le plus étudié, le plus construit son projet présidentiel.
Objectivement, François Fillon était le candidat "idéal" du parti "Les Républicains" pour 2017. Quand j’écris "idéal", c’est en termes de profil : ni trop vieux, ni trop jeune, avec une forte expérience politique, tant parlementaire (sa première élection date d’il y a trente-cinq ans, il n’avait que 27 ans !) que gouvernemental (de nombreuses fois ministre, avec des dossiers très lourds, et Matignon, pendant cinq ans, parmi les plus longs de la Ve République, avec Georges Pompidou, Lionel Jospin et Raymond Barre), sans casserole judiciaire, sans reproche financier à lui faire, d’une grande loyauté aussi (il aurait pu se présenter dès 2012, il avait 55% de bonnes opinions dans les sondages à l’époque)… Bref, face à un parti en défaite en 2012, il était le seul à relever le défi et à se préparer.
À la traîne dans les sondages
Aujourd’hui, à ses dépens, il y a une sorte d’injustice. Depuis au moins deux ans, il est en perte de vitesse. La bataille de la primaire se réduit pour les médias essentiellement à la bataille de titans entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Parfois, il n'est même plus pris comme hypothèse. Pire. Dans les sondages, François Fillon se fait même dépasser par Bruno Le Maire dont la notoriété est pourtant nettement plus faible que la sienne. Alors, la bataille serait-elle perdue ?
Je suis bien incapable de répondre à cette question, et même si les sondages pour la primaire des socialistes en octobre 2011 ont montré une relativement bonne prédiction, il reste toujours très incertain d’imaginer le résultat de celle de LR en novembre 2016, car la nature du corps électoral est totalement inconnue.
Du coup, François Fillon n’a plus grand chose à perdre dans la bataille. Il sait par exemple que c’est sa seule tentative. Il ne reviendra pas en 2022. Il n’en aura plus l’âge ni la motivation. Lors de sa rentrée politique dans sa ville de Sablé, le 28 août 2016, il est donc allé très fort. Il a attaqué frontalement Nicolas Sarkozy en expliquant que jamais le Général De Gaulle n’aurait été mis en examen. Au-delà du scud envoyé à celui qui l’avait nommé à Matignon, il a voulu montrer en filigrane que sa candidature était la plus gaulliste de toutes.
Le staff de François Fillon a publié le 21 juillet 2016 un document intéressant pour justifier la candidature présidentielle de François Fillon. Je propose ici de présenter quelques lignes de "défense" intéressantes du candidat Fillon. Comme on peut le comprendre, ce ne seront donc pas des éléments à charge, puisqu’ils ont vocation à le soutenir et à soutenir sa démarche. Ses adversaires sauront sans état d’âme trouver les handicaps. J’en expose ici les atouts.
Détermination, intégrité et cohérence
François Fillon peut aller jusqu’au bout car il a l’expérience, la détermination, la vision et les soutiens tant parlementaires que locaux. Au contraire d’autres candidats (il vise Bruno Le Maire et NKM en disant cela), il n’est pas candidat pour occuper un poste en 2017. Comme il n’a pas voulu être candidat à la mairie de Paris en mars 2014 malgré les très fortes sollicitations de ses amis. Il veut soit l’Élysée, soit rien.
Son objectif est donc de parvenir au second tour de la primaire le 20 novembre 2016. Il est candidat pour gagner et mettre en application le programme qu’il construit depuis trois ans. Cette ténacité n’est pas si nouvelle que cela : il faisait partie des douze rénovateurs en avril 1989 (avec François Bayrou, Philippe Séguin et Dominique Baudis notamment) qui avaient la grande ambition de changer de génération à l’époque, en voulant tourner les pages Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing !
François Fillon met en avant des qualités qui devraient être banales mais qui ne sont pas forcément si répandues que cela (comme on le voit avec le procès d’un ministre essentiel de François Hollande, à savoir Jérôme Cahuzac) : l’honnêteté intellectuelle, la loyauté, le sens de l’intérêt général et l’expérience.
Pour François Fillon, il ne s’agit pas de parler d’exemplarité, mais d’être exemplaire. Le sens de l’intérêt général, c’est de prendre des décisions personnelles au regard du service au pays et pas de son intérêt tactique (il explique ainsi son maintien à Matignon en novembre 2010 alors qu’il aurait eu intérêt à prendre du recul pour se différencier de Nicolas Sarkozy et ne pas assumer tout son quinquennat).
L’expérience et un bilan de nombreuses réalisations politiques
L’expérience mise en avant n’est peut-être plus porteuse si le vent est au renouveau : il a presque tout été, député, sénateur, maire, président de conseil général, président de conseil régional, ministre, et Premier Ministre. Cette énumération, qu’il voit comme un atout, pourrait vite le plomber en l’étiquetant de professionnel de la politique qui n’a jamais connu que cela, ce qui est un peu vrai.
Il met aussi en avant ses capacités d’écoute et de dialogue, et sa capacité à rester digne (en disant que la dignité est une qualité essentielle, on imagine à qui il pense : « On ne l’a jamais vu perdre les pédales ou même basculer vers des écarts de langage ou de comportement. », pour que ce soit très clair !).
Cette écoute va de pair avec son courage politique à assumer jusqu’au bout une politique s’il considère que c’est de l’intérêt national. Par exemple, les deux réformes des retraites qu’il a mises en œuvre (l’une comme Ministre des Affaires sociales, en 2003, l’autre comme Premier Ministre, en 2010). Est cité aussi son passage au Ministère des Télécommunications où il a mis en œuvre la privatisation de France Télécom et il est aujourd’hui fier que cette entreprise soit devenue Orange, un groupe très performant (mais au management des ressources humaines particulièrement discutable).
À Matignon, il a réalisé aussi d’autres réformes structurantes que les retraites, en particulier la réforme des universités menée par Valérie Pécresse dont l’appui de François Fillon fut décisif. Également la réforme de la carte judiciaire exécutée par Rachida Dati, la réforme de la taxe professionnelle, le statut de l’auto-entrepreneur, 40 milliards du plan d’investissement d’avenir, le service minimum dans les transports publics pour éviter le renouvellement des blocages de Noël 1995, l’interdiction de la burqa, la rupture conventionnelle entre employeur et salarié, etc. Ce sont évidemment des réformes qu’il n’a pas conduites seul mais au sein de ses gouvernements sous la Présidence de Nicolas Sarkozy.
Mais ce qui compte, évidemment, c’est le programme des réalisations à venir.
Une erreur d’appréciation en 2007
La première question qui vient donc à l’esprit est : pourquoi ne pas avoir fait entre 2007 et 2012, alors qu’il était à Matignon, ce qu’il propose aujourd’hui ? Les réalisations qui ont été faites entre 2007 et 2012 avaient été des engagements du candidat Nicolas Sarkozy en 2007 (au contraire des réalisations de François Hollande entre 2012 et 2017).
Mais le 15 septembre 2008 marque le début de la plus grande crise financière mondiale après celle de 1929. Pour François Fillon, « la priorité était alors d’éviter l’effondrement de l’économie européenne ». La crise de 2008 n’est pas l’unique raison en cause, car elle aurait pu être envisagée auparavant : « L’erreur de 2007 est de n’avoir pas suffisamment pris la mesure de la gravité de la situation de la France. C’est une erreur de diagnostic. ». François Fillon a marqué les esprits en parlant d’un « État en faillite ». Il se distingue depuis plus de dix ans en voulant dire la vérité. Pari sur l’avenir.
Cette erreur d’appréciation, en 2007, a convaincu François Fillon que le projet de réformes en 2017 doit être "radical" (je ne suis pas sûr que ce mot soit très adroit dans le contexte actuel de radicalisation). En clair, selon lui, il faut un programme de rupture. C’est ce à quoi il travaille depuis trois ans et demi.
Pour réaliser les réformes de rupture, la méthode compte autant que le fond. Il ne veut faire ni du Alain Juppé version 1995, ni du Manuel Valls version 2014. Il veut s’inspirer de sa méthode personnelle : il dresse un diagnostic en disant la vérité aux Français ; il construit un programme de réformes en concertation avec la "société civile" (terme maladroit désignant la société réelle, pas celle des antichambres politiques) ; il annonce à l’avance ces réformes pour qu’elles soient débattues dans le cadre de la campagne électorale (tout le contraire du quinquennat actuel) ; enfin, il est prêt à réformer dès son élection afin de bénéficier de la légitimité du suffrage universel (qui s’effrite maintenant très tôt).
Dans cette préparation, François Fillon est aussi prêt à aller contre l’esprit des institutions en annonçant bien avant l’élection qui seraient ses prochains ministres. Et en leur demandant de préparer les projets de loi avant son élection, pour être tout de suite opérationnel. Alain Juppé a repris cette idée en rédigeant des projets de loi dès avant l'élection présidentielle, pour être prêt à légiférer immédiatement.
Tout faire contre le chômage, principale injustice sociale
Sur le fond, le programme de François Fillon est basé uniquement sur la lutte contre le chômage. Tout doit être fait dans cette optique.
Ainsi, il propose dix mesures clefs : la fin de la durée légale du temps de travail, une allocation sociale unique et des indemnités chômage dégressives et plafonnées, la retraite à 65 ans, 50 milliards d’euros de baisses des charges sur les salaires, 110 milliards d’euros de baisse de la dépense publique avec notamment le passage de quatre à deux niveaux de collectivités territoriales et la réduction de 500 000 fonctionnaires avec le passage de 35 à 39 heures dans la fonction publique, l’objectif de 1,5 million de jeunes en apprentissage, un code du travail qui passe de 4 000 pages à 200 pages seulement, le développement du travail indépendant, et la suppression de l’ISF. Une autre mesure qui n’est pas économique et qui reste assez floue concerne « une politique de sécurité tournée vers l’efficacité avec l’impunité zéro comme principe directeur ».
Pour François Fillon, ce programme n’est pas libéral mais pragmatique et a pour but de lutter efficacement contre le chômage : « Depuis le début, la justice sociale est au cœur de ce qu’il entreprend. Son héritage séguiniste est fondamental. Sa vision de la justice sociale est bien différente de la bien-pensance usuelle et actuelle. C’est ce qui se fait en France depuis des années et les dépenses sociales n’ont fait qu’augmenter. L’intention est certes bienveillante mais cela a créé des dysfonctionnements qui conduisent à de l’injustice. ».
Et parmi les dysfonctionnements les plus criants, le chômage, le logement, la différence entre le public et le privé (pour les retraites, etc.), la très grande pauvreté… « L’idée de François Fillon est donc la suivante : maintenir l’effort de solidarité tout en corrigeant ces iniquités de manière à ce que chacun ait le sentiment que l’effort est partagé. Tout doit être fait pour redonner du pouvoir d’achat aux classes moyennes qui ont subi un véritable matraquage pendant le quinquennat de François Hollande. Il veut redonner un sentiment de justice, en corrigeant la ponction insupportable qui a été faite sur ces classes moyennes au cours des trois dernières années. ».
Candidature idéale… mais sans faire rêver ?
D’un point de vue théorique, la candidature de François Fillon devrait être "parfaite" : une personnalité intègre, expérimentée et pas trop âgée encore, déterminée et courageuse, qui a beaucoup réfléchi non seulement sur les réformes à faire mais sur la manière de les faire, enfin qui a été à l’origine de la primaire de LR et qui a inspiré les projets présidentiels de la plupart des autres candidats LR.
Pourtant, la sauce Fillon ne semble pas prendre. Peut-être que le trop lisse ne fait pas assez rêver. Peut-être que les électeurs veulent avant tout le droit de rêver, ne serait-ce que quelques mois. Quitte ensuite à exprimer leur désillusion et leur colère pendant les quatre ans et demi qui suivront…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 octobre 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Fillon.
François Hollande.
Nicolas Sarkozy.
Bruno Le Maire.
Alain Juppé.
Jean-François Copé.
Gérard Larcher.
François Bayrou.
Emmanuel Macron.
Débat avec Manuel Valls.
Force républicaine.
Discours du 30 mai 2015 à la Villette.
Philippe Séguin.
Jacques Chirac.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160721-fillon.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-fillon-pourquoi-est-il-184638
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/10/04/34317739.html
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