« Le monde a besoin de ce que les Françaises et les Français lui ont toujours enseigné : l’audace de la liberté, l’exigence de l’égalité, la volonté de la fraternité. (…) Depuis des décennies, la France doute d’elle-même : elle se sent menacée dans sa culture, dans son modèle social, dans ses croyances profondes, elle doute de ce qui l’a faite. Voilà pourquoi mon mandat sera guidé par deux exigences. La première sera de rendre aux Français cette confiance en eux depuis trop longtemps affaiblie. (…) Tout ce qui concourt à la vigueur de la France et à sa prospérité sera mis en œuvre. Le travail sera libéré, les entreprises seront soutenues, l’initiative sera encouragée. La culture et l’éducation, par lesquelles se construit l’émancipation, la création et l’innovation seront au cœur de mon action. » (Emmanuel Macron, le 14 mai 2017, Palais de l’Élysée).
Le nouveau Président de la République française Emmanuel Macron a pris ses fonctions ce dimanche 14 mai 2017 dans la matinée. Pour l’occasion, la cérémonie en plusieurs étapes montre un faste particulier, un faste républicain, pour l’investiture du chef des armées. Et encore, le protocole a été très réduit depuis Valéry Giscard d’Estaing ; avant, il fallait porter un costume de pingouin pour pouvoir porter sur soi le collier de Grand-Croix de la Légion d’honneur.
On pourrait imaginer qu’un jour, on délaisserait la cravate, et pourquoi pas, se faire investir en tongs ? On n’y est pas encore, même si des palmes (non académiques) et un tuba auraient eu leur utilité ce dimanche pendant les grosses averses qui, comme lors de l’investiture de François Hollande le 15 mai 2012, ont salué le nouveau monarque !
Eh oui, la Ve République a quelques tendances à la monarchie (du reste, les républiques précédentes aussi). Cette cour (j’allais écrire cette cour des miracles qui permet par le réseau des carrières accélérées), ces invités triés sur le volet (dis-moi qui tu invites à ton investiture et je te dirai qui tu es), ces vingt et un coups de canons (on précise bien qu’avant la République, c’était cent un coups de canons pour saluer le nouveau roi), tous ces petits signes qui montrent qu’on fait partie ou pas de cette élite républicaine, donnent un petit air d’aristocratie avec ses barons, ses courtisans, ses allégeants, ses obligés...
L’Élysée est un palais national qui appartient à tous les Français. Peut-être que certains, qui ne font pas partie de l’élite, ont pu y être invités, mais cela reste cependant un univers très fermé. Le Président Jacques Chirac, probablement le Président le plus proche des Français, avait ouvert l’accès de ce palais lors de la garden party chaque année au 14 juillet en invitant quelques classes d’écoliers à venir en profiter aussi.
Emmanuel Macron a raccompagné son prédécesseur jusqu’à sa voiture, avant son départ définitif. François Hollande se la jouait à la François Mitterrand en allant directement rue de Solferino faire une visite de courtoisie à son ancien parti socialiste aux côtés de Jean-Christophe Cambadélis. L’objectif était clair : marteler qu’il laisserait, selon lui, une France en meilleur état à la fin de son quinquennat qu’au début. Décidément, il n’aura jamais réussi à lire correctement une "courbe du chômage"… Décidément, on ne le regrettera pas…
Le protocole veut que le nouveau Président se fasse suivre par les principaux personnages de l’État : Gérard Larcher, Président du Sénat, Claude Bartolone, Président de l’Assemblée Nationale, qui ne se présentera plus aux législatives, et Bernard Cazeneuve, Premier Ministre, qui, lui aussi, va se retirer de la vie politique après les législatives (il va quand même participer à quelques meetings pour la campagne qui s’annonce). Enfin, Brigitte, l’épouse, brillante dans son tailleur bleu clair (diable, on ne parle que des vêtements des dames, c’est vrai ; disons aussi que le costume du mari était fort coquet).
Celui qui fut le maître de cérémonie est le Président du Conseil Constitutionnel, c’est-à-dire, petite ironie du sort, Laurent Fabius, 70 ans, nommé en février 2016 à cette fonction pour neuf ans. Laurent Fabius, qui a parlé sans aucune note (au contraire de son interlocuteur), a proclamé formellement les résultats officiels déjà publiés le 9 mai 2017, et s’est permis un petit commentaire personnel.
Rappelons qu’au-delà de la courtoisie, il a dû s’y trouver, moins visible, une petite pointe de jalousie pour cet animal politique, lui aussi énarque, qui, depuis 1976, a labouré le terrain politique, avant même la naissance de son interlocuteur. Laurent Fabius, en 2016, avait rappelé avec un certain mépris qu’à son âge (l’âge d’Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Économie), il était déjà Premier Ministre. Eh bien, oui, si à 39 ans, Laurent Fabius quittait Matignon le 17 mars 1986, Emmanuel Macron, au même âge, entre à l’Élysée le 14 mai 2017. Que reste-t-il de la carrière de Fabius ? Pas grand chose. Que restera-t-il d’Emmanuel Macron ? Il est encore bien trop tôt, évidemment, pour le dire, mais il va devoir faire ses preuves, bien plus que Laurent Fabius à Matignon.
Après l’allocution assez longue d’Emmanuel Macron, ce fut les traditionnelles poignées de mains avec les invités. Les poignées de main, ou même, les accolades, voire, parce que le nouveau Président paraît très dactyle, le toucher d’oreille pour les plus proches. Il y avait une petite gêne à voir Emmanuel Macron toucher ainsi l’oreille (entre autres) de Gérard Collomb, sénateur-maire PS de Lyon qui, tellement ému, en pleura même, François Patriat, ancien président PS du conseil régional de Bourgogne, qui faillit mourir dans un accident de la route en automne dernier, ou encore son grand organisateur Richard Ferrand, député PS et secrétaire général de La République En Marche. Même François Bayrou, l’allié centriste un peu encombrant, a rougi de s’être fait triturer l’oreille par le nouveau Président, mais il savait goûter avec une certaine satisfaction la victoire de son combat pour rompre le clivage droite/gauche.
Avec ce toucher d’oreille, ce n’est plus la République mais carrément l’Empire ! Emmanuel Macron a toujours montré, par son audace, sa jeunesse, son dynamisme, son intelligence et même ses nuits courtes, une certaine ressemblance avec Napoléon. Il ne lui reste plus qu’à choisir ses maréchaux avant d’amorcer sa révolution. Mais attention, Napoléon, c’est aussi Waterloo.
Parmi les invités, on peut citer en outre Lionel Jospin, probablement plus en qualité de membre du Conseil Constitutionnel que d’ancien Premier Ministre socialiste, Élisabeth Guigou, Marielle de Sarnez, Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Pécresse, Thierry Solère, Pierre Gattaz (la poignée de main fut furtive), Jean-Claude Mailly, Jean-Paul Delevoye, Jacques Toubon (comme Défenseur des droits), Jean-Pierre Jouyet, Bruno Julliard, Benjamin Griveaux, Jacqueline Gourault, Didier Migaud (comme Premier Président de la Cour des Comptes), Hélène Carrère d’Encausse (comme secrétaire perpétuelle de l’Académie française), Christophe Castaner, Laurence Haïm, Sylvie Goulard, François de Rugy, Roger-Gérard Schwartzenberg, Leïla Bekhti, Valérie-Anne Giscard d’Estaing, Renaud Dutreil, Michel Bouquet (le vieil acteur), Catherine Barbaroux (la présidente par intérim de La République En Marche), etc. La famille (le frère, les deux belles-filles Laurence et Tiphaine, les parents du Président, etc.) a évidemment participé à la fête.
Un militant particulier était également présent : Daniel Cordier, vieillard qui va avoir 97 ans dans quelques semaines, l’un des derniers compagnons de la Libération encore en vie, a eu droit, lui aussi, à la palpation présidentielle de l’oreille. Dans le futur, Daniel Cordier sera peut-être à Emmanuel Macron le Pierre Mendès France de François Mitterrand le 21 mai 1981 ou le Pierre Mauroy de François Hollande le 15 mai 2012, ou encore la Simone Veil de Nicolas Sarkozy le 16 mai 2007.
En revanche, n’étaient pas invités ni Jean-Yves Le Drian, ni Daniel Cohn-Bendit, ni Alain Minc, ni Jacques Attali, ni même Manuel Valls…
Alors qu’il a bénéficié d’un heureux soleil à l’Élysée, Emmanuel Macron a dû affronter, comme son prédécesseur, la grosse pluie Place de l’Étoile devant la tombe du soldat inconnu alors qu’une foule assez clairsemée l’avait longuement attendu aux Champs-Élysées.
Tout cela n’est que le rituel républicain, nécessaire mais dérisoire. L’important, c’est la suite, les premiers actes du nouveau Président. Et en particulier, les premières nominations. Alexis Kohler est le nouveau Secrétaire Général de l’Élysée. La nomination du prochain Premier Ministre est très attendue, car elle va donner un véritable sens à son quinquennat. La logique voudrait qu’il penche plus à droite qu’à gauche, pour sortir définitivement du piège d’Emmanuel Hollande. Dimanche 14 mai 2017, c’était la journée d’Emmanuel Macron. Ce lundi 15 mai 2017, c’est prévu d’être celle du nouveau Premier Ministre…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (14 mai 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170514-macron.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-sacre-d-emmanuel-macron-193173
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/05/14/35285571.html
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