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30 juin 2023 5 30 /06 /juin /2023 05:54

« Mon soutien et ma confiance renouvelée aux policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers qui assurent leur mission avec courage. » (Élisabeth Borne, le 30 juin 2023).




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Les événements se suivent et ne se ressemblent pas. Qui aurait pu imaginer que la France serait au bord de l'implosion à la veille de la grande trêve estivale ? Certes, beaucoup promettaient une explosion sociale en raison de la contestation de la réforme des retraites. Eh bien, pas du tout, celle-ci a finalement été absorbée, digérée, même si c'est amèrement, par les Français qui sont passés à autre chose. Et malheureusement, le autre chose, c'est ce pays en proie avec ce qu'on pourrait (très mal) appeler une "révolte des banlieues". Il sera assez difficile d'appeler ce que nous vivons depuis trois jours. Émeutes ? Révolte ? Saccages de sauvageons ? Délinquance des "cités" ?

Aujourd'hui, deux familles sont disloquées. Celle de Nahel parce qu'un fils a été enlevé à la vie. Et celle du policier qui va vivre un autre enfer, celui d'un père ou d'un époux en prison, celui de la honte qui rejaillit sur l'entourage avec un risque de vengeance (il semblerait que l'adresse du policier a été révélée dans les réseaux sociaux). Un véritable gâchis. Comprendre ce qui a amené à cette tragédie. Et agir pour que cela ne se reproduise plus.

La mort de Nahel a été une sorte de catalyseur de cette révolte contenue et souterraine dans les "banlieues". Certains pourront toujours dire "je vous l'avais dit", ceux-là n'ont pourtant jamais imaginé ce qui allait se passer, et encore moins pourquoi (il faudra plusieurs mois voire plusieurs années d'investigations) et surtout, ils le disent depuis cinquante ans à vide, à froid, comme un mantra ("attention, les banlieues vont se révolter", etc.) avec la manière de mettre de l'huile sur le feu.

On ne compte plus le nombre de manifestants (selon la police, selon les syndicats), mais le nombre de policiers et gendarmes mobilisés (40 000 dans la nuit du 29 au 30), le nombre de policiers et gendarmes blessés (249 dans la nuit du 29 au 30) et le nombre d'interpellations (667 personnes ont été interpellées dans la nuit du 29 au 30, 150 dans la nuit du 28 au 29 et 31 dans la nuit du 27 au 28).

La situation ne fait qu'empirer, et cela dans de nombreuses communes de France. De nombreux bâtiments publics (écoles, etc.) et privés (agences bancaires, etc.) ont été visés, vandalisés, incendiés. De nombreuses voitures ont été incendiées. Treize bus ont été incendiés. Il est même devenu une certaine "mode" débile de faire rouler un bus dans le feu. Toute cette violence urbaine est d'autant plus stupide qu'elle n'apporte rien, elle s'en prend aux services publics même de ces émeutiers. Ils s'autopunissent. Des communes ont décrété le couvre-feu (la première est Clamart), la région Île-de-France a décidé d'arrêter la circulation de ses bus à 21 heures, etc.

La mort de Nahel est sans doute la goutte qui a fait déborder le vase. Mais quel vas ? Ce n'est qu'un prétexte car la question est : que veulent véritablement les émeutiers ? Juste une reconnaissance ? Ou pouvoir faire leur trafic tranquillement sans être inquiétés par les forces de l'ordre ? Dans certains cas, ce sont d'autres habitants qui ont voulu protéger leurs biens communs, leurs écoles, etc.

Certains mettent de l'huile sur le feu. D'un côté, l'extrême droite qui réclame une répression sévère, l'instauration de l'état d'urgence. Ce qui serait probablement une erreur de communication, car cela dramatiserait une situation qui doit être au contraire apaisée, et c'était l'erreur du Président Jacques Chirac le 8 novembre 2005 (sur demande de son Premier Ministre Dominique de Villepin) en réponse aux émeutes urbaines du 27 octobre 2005 au 17 novembre 2005 (3 morts, 2 921 personnes interpellées) à la suite de la mort de deux adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré qui se sont fait électrocuter en se réfugiant dans un poste électrique pour se soustraire à un contrôle de police. En outre, la plupart des prérogatives de l'état d'urgence sont désormais possibles en situation normale. D'un autre côté, celui des émeutiers, on crie contre la police, on préjuge que le policier qui a tué Nahel aurait tiré en raison de son origine ethnique (ce préjugé de racisme n'a rien d'établi), on amalgame le policier qui a (visiblement) fauté et les policiers dans leur généralité alors que la plupart sont courageux, calmes et professionnels.

Et pourtant, tout devait amener vers l'apaisement.

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La mère de Nahel a fait la différence entre ce policier qui a tué son fils et toute la police. La marche blanche en hommage à son fils, qui a rassemblé à Nanterre 6 200 personnes le jeudi 29 mai 2023 s'est déroulée dans le calme même si on pouvait lire quelques banderoles provocatrices.

Le policier lui-même, pendant sa garde-à-vue, s'est déclaré "désolé" selon son avocat, et a demandé pardon à la famille, prétendant qu'il ne voulait pas tuer. Il faudra encore déterminer ce qui l'a conduit à appuyer sur la détente (il a assuré qu'il voulait tirer plus bas mais la voiture aurait bougé). Le policier avait une dizaine d'années d'expérience et était bien noté par sa hiérarchie. On se demandera toujours pourquoi il n'a pas tiré dans les pneus, par exemple. La mère de Nahel était tout à fait d'accord pour que son fils fût interpellé, car il avait commis le délit de refus d'obtempérer, mais, dans tous les cas, cela ne vaut pas la mort.

La justice elle-même a fait son possible pour éviter toute contestation de la procédure judiciaire, la garde-à-vue a duré deux jours, le policier a été mis en examen pour homicide volontaire (c'est très fort comme motif), et surtout, il a été placé en détention provisoire, ce qui est presque incompréhensible car c'est très rare dans ces situations (on imagine mal le policier mettre encore en danger autrui ou même fuir, car il perdrait aussi son travail). Si le policier est en prison aujourd'hui, c'est surtout pour éviter de faire croire qu'il serait impuni et montrer la gravité de son acte. Son avocat a fait appel de la décision.

Enfin, le gouvernement, le pouvoir, dans sa communication et ses actes, a fait tout son possible pour éviter l'embrasement. Dès le premier jour, les plus hautes autorités de l'État (Président de la République, Première Ministre, ministres) ont évoqué la vidéo accablante du tir apparemment inexcusable, et n'ont pas eu ce premier réflexe fréquent chez les gouvernements de défendre les agents de police avant de connaître la réalité des faits. Les hautes autorités de l'État ont pris toute la mesure des enjeux.

Le 29 juin 2023, la Première Ministre Élisabeth Borne était à Garges-lès-Gonesse, le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin était à
Marcq-en-Barœul, le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti était à Asnières-sur-Seine. Bref, tout le monde était sur le pont, sur le terrain, pour tenter d'apaiser, d'expliquer que la justice passera dans tous les cas mais aussi réaffirmer l'autorité de l'État et que les violences urbaines de ces dernières nuits étaient inacceptables (et il est heureux qu'il n'y ait pas eu de mort, mais jusqu'à quand ?).

Cependant, le risque est grand que les prochaines nuits soient encore plus violentes, car c'est la fin de l'année scolaire, les esprits sont échauffés et certains veulent en découdre. Oui, la situation est très grave car tout peut arriver. Au-delà de ces violences, l'enjeu du gouvernement, c'est de convaincre que la mort de Nahel sera la dernière de cette manière, il ne faut plus qu'une personne soit tuée pour ce simple délit routier. Recrutement, formation, cadre réglementaire ou législatif, à l'évidence, il faut faire évoluer ces procédures d'interpellation qui sont effectivement aussi très dangereuses pour les forces de l'ordre elles-mêmes. Une mission... peut-être impossible mais nécessaire.



Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (30 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Mort de Nahel : la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et l'huile sur le feu...
Nanterre : le refus d'obtempérer ne vaut pas la peine de mort.
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230629-nahel.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/mort-de-nahel-la-goutte-d-eau-qui-249101

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/06/30/39956282.html










 

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28 juin 2023 3 28 /06 /juin /2023 18:51

« Suivant les textes, Monsieur le Ministre, le refus d’obtempérer peut être sanctionné par trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, non par la peine de mort ! » (Sabrina Sebaihi, le 27 juin 2023 dans l'hémicycle).



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En fait, la députée écologiste s'est trompée : lorsque le refus d'obtempérer est commis avec des circonstances aggravantes, c'est-à-dire avec mise en danger de la vie ou de l'intégrité physique d'autrui, l'article L. 233-1-1 du code de la route laisse la possibilité d'une sanction plus lourde, cinq ans d'emprisonnement (et pas trois), 75 000 euros d'amende, retrait de 6 points et suspension voire annulation du permis de conduire allant jusqu'à une durée de cinq ans d'interdiction de le repasser.

Mais le refus d'obtempérer ne vaut pas la peine de mort. D'ailleurs, rien ne vaut la peine de mort car la peine de mort ne résout rien de l'insécurité habituelle (et même exceptionnelle) et c'est pour cela qu'elle a été abolie dans de nombreux pays. C'était le sens de la question de Sabrina Sebaihi : « Non, le jeune homme n’a pas foncé sur les policiers, comme l’affirment les professionnels de la récupération politique qui siègent à l’extrême droite de cet hémicycle ! (…) Pourquoi, au sein de notre République, le refus d’obtempérer est-il passible d’une balle dans la poitrine ou dans la tête ? ».

Un nouveau fait que je n'ose pas écrire fait-divers tant la mort d'un adolescent n'est jamais "divers". C'était le mardi 27 juin 2023 dans la matinée à Nanterre. Un jeune homme de 17 ans, Nahel, au volant d'une voiture plutôt luxueuse (avec deux passagers dont on ne sait rien à cette heure), a refusé de s'arrêter devant le barrage de la police. Comme il a redémarré, l'un des deux policiers a tiré à bout portant et l'adolescent est mort.

La première pensée ne peut qu'aller à la victime et à sa famille, une considération première de l'émotion, de la sidération, même si, dans un autre temps, plus tard, il faudra aussi comprendre les circonstances exactes, pourquoi le jeune conducteur a-t-il refusé de s'arrêter ? pourquoi roulait-il sans permis (il avait 17 ans) ? pourquoi conduisait-il une voiture qu'il n'avait forcément pas pu s'acheter ? etc. On pourrait aussi rappeler que le jeune conducteur aurait déjà commis un délit routier en 2022 (le même, refus d'obtempérer, à confirmer), etc. mais cela n'explique pas le tir à bout portant en situation qui n'était pas de légitime défense.

On pourra toujours attendre prudemment le verdict de la justice (le policier est actuellement en garde-à-vue pour homicide volontaire par agent détenteur de l'autorité), car la (première ?) version de la police semble en discordance avec une vidéo qui a été diffusée en public. C'est la nouveauté récurrente des temps modernes : il y a toujours dans les parages une personne qui prend la vidéo de la scène (ce qui devrait conduire le Ministre de l'Intérieur a accepté de rendre obligatoire une caméra portative pour chaque policier en train de faire son travail).

Or cette vidéo est particulièrement accablante sur la responsabilité des deux policiers, les phrases qu'ils ont dites juste avant que l'un d'eux n'ait tiré, et l'absence de danger pour d'autres collègues à l'avant du véhicule.

À gauche, la loi du 28 février 2017 sous le quinquennat de François Hollande est mise en cause (gauche qui l'avait votée à l'époque, pourtant) sur la possibilité de tirer en cas de refus de s'arrêter (loi votée à la suite des quatre policiers gravement brûlés dans leur voiture à Viry-Châtillon le 8 octobre 2016
et aussi à la suite de l'attentat de Nice le 14 juillet 2016).

Cette loi serait un assouplissement du concept de légitime défense lorsque le véhicule est susceptible d'être un danger pour autrui, ce qui est très subjectif. En fait, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé en 2018 que l'interprétation de cette loi fait qu'il ne devrait pas y avoir de changement avec les pratiques antérieures. La gendarmerie a intégré cela alors que la police y a vu un encouragement à agir plus régulièrement sous la légitime défense. Dans les faits, en 2022, treize personnes sont mortes dans les mêmes conditions que Nahel pour refus d'obtempérer, et cinq policiers poursuivis pour cette raison.

Quelques heures après ce drame, les députés ont réagi à la séance des questions au gouvernement de cette semaine. Un seul a interrogé le gouvernement sur ce sujet et cela s'est fait avec retenue et sagesse, presque consensus.

La députée écologiste Sabrina Sebaihi, loin du discours classique et provocateur de la Nupes ("la police tue"), n'a pas voulu, effectivement, instrumentaliser le tragique événement en faisant la part des choses : « Comme vous, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, nous reconnaissons l’action difficile et risquée, partout dans notre pays, des forces de l’ordre, dont les agents sont bien souvent les premiers à faire face au danger. Toutefois, ces représentants de la force publique doivent ne faire usage de leur arme que dans des cas très précis, y compris lorsque leur vie est en péril. ». Mais elle a réclamé la remise en cause de la loi du 28 février 2017, qu'elle a considérée trop ambiguë.

Le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a également répondu avec justesse, sans vouloir faire de ce sujet un sujet politique, par respect pour la famille de Nahel :
« Ce matin, à Nanterre, deux motards de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police ont effectué un contrôle ; sinon par les images extrêmement choquantes que j’ai moi-même, comme beaucoup de Français, visionnées, nous n’en savons pas davantage, puisque ces policiers sont auditionnés en ce moment par la justice. En outre, deux enquêtes ont été confiées à l’IGPN. De toute manière, c’est un drame qu’un conducteur de 17 ans soit manifestement mort des suites de ce contrôle. Comme le maire [de Nanterre, Patrick Jarry], que j’ai eu au téléphone en début d’après-midi et dont je salue les paroles républicaines, je souhaite pour la famille de ce jeune homme, pour la ville de Nanterre, mais aussi pour la police nationale et pour ses membres, que les résultats de l’enquête nous parviennent le plus vite possible, dans le respect, bien entendu, des procédures judiciaires. ».

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En raison de la vidéo, Gérald Darmanin n'a pas défendu, a priori, les policiers en cause, même s'il est resté prudent (une vidéo ne donne pas tout le contexte) :
« Je suis très attaché à la présomption d’innocence : le fonctionnaire de police qui a tiré devra rendre compte de son acte à l’administration et à la justice, mais en ce qui me concerne, madame la députée, je ne suis ni juge ni procureur de la République. (…) De surcroît, je suis désolé de vous le dire, mais beaucoup de membres des forces de l’ordre sont morts à la suite d’un refus d’obtempérer ; sans vouloir assimiler ces cas à celui de ce matin, beaucoup de familles ont également pleuré leur enfant policier ou gendarme. C’est pourquoi le refus d’obtempérer demeure inacceptable, même s’il l’est tout autant que des policiers tirent à bout portant sur un conducteur, jeune ou moins jeune. Respectons donc, encore une fois, le deuil des familles et la présomption d’innocence des policiers ! ».

Mais cette sagesse de réaction, c'était sans compter avec les provocations de l'extrême droite et aussi celle des "quartiers" (et pas seulement à Nanterre, à Bordeaux, à Toulouse, à Mantes-la-Jolie, entre autres) : la nuit du 27 au 28 juin 2023, il y a eu un embrasement de violences à la limite des émeutes, 24 interpellations ont eu lieu. Quant à l'extrême droite, elle a fustigé le gouvernement incapable, selon elle, de maintenir l'ordre et aussi a laissé entendre que le policier avait raison de tirer (
deux exemples de "Riposte laïque", le soir du 27 : « Je suis triste pour le flic qui a tiré, pas pour le jeune de 17 ans tué » ; le soir du 28 : « Minute de silence honteuse à l'Assemblée : soumission de nos députés à la racaille »). De son côté, Marine Le Pen a affirmé : « Rien ne justifie les explosions de violence, derrière cet événement, il y a le problème de l'autorité de la police. ». 2 000 forces de l'ordre sont ainsi mobilisées pour la nuit du 28 au 29 juin 2023.

Le lendemain du drame, mercredi 28 juin 2023, les esprits se sont échauffés dans la classe politique. Si le gouvernement est resté dans une certaine neutralité par respect pour la famille de la victime, le Président de la République Emmanuel Macron, en déplacement à Marseille, a déclaré que cet acte était « inexcusable » sans attendre l'appréciation de la justice.

Il a déclaré notamment : « Rien ne justifie la mort d'un jeune (…). Je veux dire l'émotion de la nation toute entière après ce qui est arrivé et dire toute ma solidarité ) sa famille (…). Nous avons un adolescent qui a été tué, c'est inexplicable et inexcusable (…). Il faut le calme pour que la justice se fasse, nous n'avons pas besoin d'un embrasement (…). Je souhaite que la justice fasse son travail avec célérité et que la vérité puisse être faite dans les meilleurs délais. ».

Si dans un concert bien orchestré, le syndicat Alliance et le RN ont fustigé les mots "inexplicable" et "inexcusable" du Président de la République, l'enjeu pour l'exécutif, c'était avant tout d'apaiser et d'éviter d'envenimer les tensions très fortes qui pourraient reproduire les trois semaines d'émeutes en novembre 2005 (d'autant plus que le calendrier musulman et la fin de l'année scolaire s'y prêteraient bien).

Un peu plus tard, à la séance des questions au gouvernement au Sénat du 28 juin 2023, au sénateur écologiste Thomas Dossus, Gérald Darmanin a réaffirmé : « On tirera les conséquences individuelles et collectives à la fin de cette enquête (…). Nous souhaitons avoir toute la vérité sur ce qui s'est passé, en respectant le temps de la justice. », tandis qu'auparavant, répondant à une question du sénateur communiste Pierre Laurent puis à une autre du sénateur socialiste Patrick Kanner, la Première Ministre Élisabeth Borne n'a pas hésité à donner son opinion de l'affaire : « Les images diffusées hier montrent une intervention qui ne semble manifestement pas conforme aux règles (…). Seule la justice permettra de faire toute la lumière sur ce drame et garantira notre unité. ».

Mais déjà, les sénateurs de la Nupes ont voulu faire de l'instrumentalisation de cette tragédie à des fins politiques, reprochant au gouvernement d'avoir refusé de les écouter pour réduire la liberté d'initiative des forces de l'ordre. Or, ce n'est pas le moment de dégager une nouvelle politique de ce qu'on pourrait appeler cette "bavure" (mais comme l'a rappelé Alain Bauer, un homicide n'est pas qu'une simple tache sur un buvard, cela peut être un meurtre !). C'est le temps de l'émotion, et le temps de réflexion devra venir, mais avec toutes les connaissances bien établies des circonstances de ce qui s'est passé.

Toutes les strates de la société y sont allées de leur réaction, souvent sous le coup de l'émotion, comme le footballeur Kylian Mbappé sur Twitter : « J'ai mal à ma France. Une situation inacceptable ». Tandis que la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet a fait une minute de silence dans l'hémicycle à la mémoire de Nahel (le 28 juin 2023).

Selon Alain Bauer (le spécialiste de la criminologie sur les plateaux de télévision), les policiers en cause ont mal agi du début à la fin, et leur troisième faute est le mensonge pour expliquer les circonstances de leurs actes. Le mensonge devrait être sanctionné plus durement encore que maintenant car il rejaillit sur toute l'institution et il devient indéfendable quand une vidéo existe et prouve le contraire (heureusement pour ce cas-là).

Plus tard, dans le temps de la réflexion, il faudra réfléchir sur la modification ou pas des procédures d'interpellation. Si le ministre donne l'ordre de ne pas poursuivre un conducteur qui refuserait de s'arrêter, le risque est le laxisme généralisé. Il faut que la loi de la République soit appliquée, toute la loi, rien que la loi. Il faudrait sans doute rendre plus indépendante l'institution chargée d'enquêter sur les actes des forces de l'ordre.

Et évacuer des forces de l'ordre tous ceux qui, peut-être à cause d'une formation déficiente, d'un encadrement trop léger ou alors de motivations peu avouables qui signifieraient qu'il faudrait repenser le recrutement, se laissent envahir par la peur et par le vague sentiment de justicier, si de pires sentiments. Les forces de l'ordre doivent faire respecter la loi mais ils doivent aussi, eux-mêmes, la respecter. On ne tue pas un homme pour un refus d'obtempérer. Point barre. Le reste est littérature.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (28 juin 2023)
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Pour aller plus loin :
Nanterre : le refus d'obtempérer ne vaut pas la peine de mort.
Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Alisha, victime d’un engrenage infernal.
À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
La sécurité des personnes face aux dangers.
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Alexandra Richard, coupable ou victime ?
Jacqueline Sauvage.
Éric de Montgolfier.


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13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 05:49

« C'est pas l'homme qui prend la mer
C'est la mer qui prend l'homme, ta-ta-tin »
(Renaud, "Dès que le vent soufflera", 1983).





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J'ai une petite pensée pour le navigateur Éric Tabarly, capitaine de vaisseau à l'armée, qui est mort emporté par la mer il y a vingt-cinq ans, le 13 juin 1998 (dans la nuit du 12 au 13) en mer d'Irlande. Son corps a été retrouvé à près d'une centaine de kilomètres de sa chute le 17 juillet 1998. Il avait 66 ans (né le 24 juillet 1931 à Nantes) et semblait pourtant insubmersible.

Effectivement, les "métiers", ou plutôt, les passions de navigateur, d'alpiniste ou de vulcanologue, entre autres activités dangereuses, connaissent beaucoup de disparition dans la mer ou dans la montagne (ou sur les volcans), des lieux toujours hostiles, qui nécessitent une compétence technique excellente et une forme physique exceptionnelle, mais, malheureusement, souvent, cela ne suffit pas à éviter la tragédie parce que la passion peut aussi vouloir faire sortir des limites du possible ou le hasard faire croiser une malchance fatale.

La liste est hélas longue des navigateurs disparus en mer, à commencer par Alain Colas, disparu le 16 novembre 1978 à 35 ans sur la Route du Rhum, Loïc Caradec, disparu le 13 novembre 1986 à 38 ans aussi sur la Route du Rhum, Daniel Gilard, disparu le 23 octobre 1987 à 38 ans dans l'Atlantique entre La Baule et Dakar, Paul Vatine, disparu le 21 octobre 1999 à 42 ans dans l'Atlantique au large des Açores, ou encore Andrew Simpson, noyé le 9 mai 2013 à 36 ans dans la baie de San Francisco, etc.

On pourrait ajouter l'animateur de télévision Philippe de Dieuleveult, disparu le 6 août 1985 à 34 ans dans les chutes d'Inga au Zaïre (même si cette disparition pourrait avoir d'autres causes que purement sportives), et le surfeur Arnaud de Rosnay (frère de Joël de Rosnay), disparu le 24 novembre 1984 à 38 ans en voulant traverser le détroit de Formose, en mer de Chine, à planche à voile. Quant à Florence Arthaud, elle est morte le 9 mars 2015 à 57 ans en Argentine, lors d'un transfert en hélicoptère qui s'est écrasé à l'occasion du tournage d'un stupide jeu de téléréalité.

Mais dans les années 1970 et 1980, et plus généralement toutes ces années avant sa mort depuis qu'il a remporté la Transat anglaise en solitaire sur son Pen Duick II le 19 juin 1964 à l'âge de 32 ans (Alain Colas, Philippe Poupon, Loïck Peyron, Francis Joyon et Michel Desjoyeaux, entre autres Français, l'ont également gagnée plus tard), Éric Tabarly, très présent dans les médias, semblait effectivement insubmersible, invincible, comme s'il ne faisait que de la communication et n'allait jamais en mer, ou, au contraire, comme s'il était tellement fort qu'il avait totalement maîtrisé la mer. Comme s'il était à la fois courageux et prudent et que cela suffisait à empêcher tout accident.

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Pendant une trentaine d'années, vainqueur de nombreuses courses, auteur d'une quinzaine de livres souvent best-sellers, formateur de nombreux marins français à la course au large pour "l'école française" (notamment Alain Colas, Daniel Gilard, Éric Loizeau, Olivier de Kersauson, Philippe Poupon, Marc Pajot, Yves Parlier, Michel Desjoyeaux, Jean Le Cam, etc.), membre de l'Académie de marine à partir de 1990, Éric Tabarly s'est aussi distingué par la recherche d'un voilier performant, en participant activement à l'innovation technologique sur l'hydrodynamique (il a même conçu le prototype d'un hydroptère en 1976 ; pour Pen Duick VI conçu en 1973, la quille est en uranium appauvri, etc.). Il a confié à "Libération" le 13 octobre 1997 : « Je ne suis ni misanthrope, ni misogyne, ni marginal, et (…) je m'intéresse à la vie de notre planète. Mais le bateau est vraiment le seul domaine qui me captive, qui alimente mes idées novatrices. » (cité par Wikipédia).

Selon l'adage les chats ne font pas des chiens (en l'occurrence, elle est spécialiste en éthologie des chevaux), Marie Tabarly, fille d'Éric et Jacqueline Tabarly (elle avait 13 ans quand il a disparu), est également skippeuse et a fait ses "premières armes" en mer sous la protection d'Olivier de Kersauson, un ami de la famille. La voile est comme une évidence pour Marie Tabarly : « Je suis retournée dans cet univers où j’ai été éduquée. J'aimais la convivialité, la bonne ambiance, et puis la beauté de ces bateaux. Je suis aussi retournée dans un monde de compétition où le niveau d’exigence était élevé, on a fait performer le bateau en travaillant beaucoup ! ».

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Elle a fait son premier tour du monde à partir du 3 juillet 2018 à bord de Pen Duick VI, le voilier de 22 mètres de long commandé par Éric Tabarly (construit en 1973) qui a fait gagner son père une seconde fois à la Transat anglaise le 28 juin 1976 (cette édition 1976 de la Transat anglaise a connu trois drames, deux concurrents ont disparu en pleine mer, le Canadien Mike Flanagan et le Britannique Mike MacMullen, ce dernier venait de perdre deux jours avant le départ de la course son épouse électrocutée en l'aidant aux préparatifs).

Marie Tabarly a eu cette idée d'inviter pour quelques semaines, selon les escales durant son tour du monde, diverses personnalités, des artistes, des sportifs, etc., pour les rencontrer et échanger avec eux : « Il y a mon envie mais essentiellement mon besoin, m'épanouir, rencontrer des gens et être utile. Ça fait très longtemps que je me demandais comment ce bateau pouvait être utile, comment moi je pouvais être utile et comment est-ce que ce nom peut être utile. » a-t-elle déclaré le 2 juillet 2018 juste avant de partir.

Éric Tabarly échangeait avec beaucoup de monde à la maison, et Marie voudrait perpétuer l'idée de manière originale : « J'ai eu la chance d'avoir une vie pas forcément facile, mais hyper riche, je ne peux pas la garder que pour ma gueule, ça n'a pas de sens ! ». Et elle adore ce voilier : « Pen Duick VI est très beau, performant, hyper agréable, très marin même si, avec son petit cul, il roule au portant. ». Elle est rentrée en 2021, année où elle a participé pour la première fois à la Transat Jacques-Vabre avec Louis Duc du 7 au 29 novembre 2021 (« Il est Normand, je suis Bretonne, on se met sur la gueule et c’est moi qui gagne ! » s'est-elle vantée le 6 novembre 2021). C'était son rêve d'y concourir car son père avait gagné cette course le 31 octobre 1997 avec Yves Parlier.

À bord de Pen Duick VI, Marie Tabarly fera un nouveau tour du monde à la tête d'un équipage de douze personnes en participant à l'Ocean Globe Race, pour son cinquantième anniversaire, départ en septembre 2023 et arrivée vers avril 2024 (la course impose l'absence de GPS et de moyen de communication moderne, et un équipage avec 70% de bénévoles) : « Le bateau est un catalyseur, il permet aux gens de se déconnecter tout en se reconnectant aux autres et aux valeurs fondamentales (…). On va passer par des pays qui ont une histoire riches, par des routes maritimes, des expériences et moments incroyables qui vont amener à la réflexion. Je suis impatiente de découvrir les travaux des bénévoles du bord ! ».

Le 5 février 2023, elle faisait part de son "statut" de femme navigatrice : « Tellement obsédée par le problème d’être la "fille de", je ne voyais même pas le problème d’être une femme dans la voile. (…) À 38 ans, je suis capitaine d’un maxi de 22 mètres, et d’un équipage de 25 personnes. Actuellement dans l’arc antillais pour aller courir la Caribbean 600, au moment du contrôle de la douane, 2 fois sur 3 je dois convaincre l’agent des douanes que je suis bien la capitaine, et la propriétaire. Idem en métropole, que ce soit dans les salons parisiens ou ailleurs. (…) Pour les médias nous devons sourire, être belles, lumineuses, ouvertes, rayonnantes, de vraies bulles de champagne. Pourtant on ne demande jamais ce genre d’attitude à Francis Joyon, ou Yves Le Blevec, qui eux, ont le droit d’avoir de "vraie gueule de marin burinée par le vent". Pourtant nous sommes tous marins, avec donc un ADN commun et souvent un foutu caractère. Mais c’est aussi ce qui fait que nous allons courir sur l’eau, que nous avons la force de revenir à terre monter des projets, pourquoi pas même de créer une famille, et repartir. ».

Par ailleurs, les proches d'Éric Tabarly voudraient le classement aux Monuments historiques de toute la gamme des Pen Duick, comme l'a expliqué Arnaud Pennarun, le président de l'Association Pen Duick : « Le fait de classer les bateaux interdit les propriétaires de les revendre à l’étranger et leur impose des normes sur les types de réparation ou d’entretien à faire. Tout ça est surveillé par les Monuments historiques. On souhaite que les bateaux restent dans leur état actuel. ». Un manière de perpétuer la mémoire...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (10 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Éric Tabarly.
Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
France-Argentine : l'important, c'est de participer !
France-Maroc : mince, on a gagné !?
Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
Neil Armstrong.
Pas de burkini dans les piscines à Grenoble.
Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
Roland Garros.
Novak Djokovic.
Novax Djocovid.
Jean-Pierre Adams.
Bernard Tapie.
Kylian Mbappé.
Pierre Mazeaud.
Usain Bolt.

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https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/sports/article/la-legende-eric-tabarly-et-sa-248649

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23 février 2023 4 23 /02 /février /2023 04:35

« [Un élève] s'est approché d'elle et lui a planté un grand couteau dans la poitrine, sans rien dire. » (témoignage d'Inès, élève de la victime assistant à son cours d'espagnol).



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Une minute de silence est prévue ce jeudi 23 février 2023 à 15 heures dans tous les établissements scolaires de France pour rendre hommage à la professeure d'espagnol de 52 ans qui a été assassinée en plein cours, la veille, par un élève de 16 ans au lycée catholique Saint-Thomas-d'Aquin de Saint-Jean-de-Luz, un établissement coté, sous contrat d'association avec l'État, qui n'avait jamais eu d'histoires jusqu'à maintenant.

Selon la rectrice de l'Académie de Bordeaux Anne Bisagni-Faure, la victime, qui enseignait dans l'établissement depuis 1997, était « une excellente professeure ». Le Ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye a complété cette évocation avec un « exceptionnel dévouement » pour ses élèves, tandis que l'évêque de Bayonne Marc Aillet a expliqué qu'elle était « très appréciée pour son dynamisme et son engagement ».

On pense en premier à sa famille (en particulier son compagnon) et à ses amis et proches, ainsi qu'à ses élèves qui ont été traumatisés par cette horreur. Une forte émotion secoue le pays, en particulier le secteur éducatif. L'école a toujours été le lieu de l'apprentissage, un lieu protégé du monde extérieur pour apprendre, pour acquérir les savoirs et pour devenir un futur citoyen, capable de résister aux nombreuses tensions du monde adulte. Un assassinat au sein d'un établissement scolaire est donc aussi terrible qu'au sein du cadre familial. Depuis cette funeste matinée, une trentaine d'élèves sont en état de choc d'avoir vécu ce qu'ils ont vécu.

Selon les premiers éléments, l'adolescent et assassin présumé, placé en garde-à-vue à Bayonne, aurait déclaré être possédé et aurait évoqué des voix qui lui auraient dit de tuer. La présence d'un couteau dans son cartable laisse toutefois entendre la préméditation (d'où l'ouverture d'une enquête pour assassinat).

Choc légitime de toute une société, mais aussi brouhaha médiatique : les médias se sont emparés de cette tragédie comme de toute histoire sordide, mais une fois encore, le silence et le recueillement seraient meilleurs conseils face à la douleur des proches. Et le respect que la Nation leur doit demande, impose l'absence de récupération d'une manière ou d'autre.

Toute la classe politique a réagi à cet assassinat. Le Président de la République Emmanuel Macron a tweeté son "intense émotion" : « Je partage la douleur de la famille, de ses collègues, de ses élèves, de nos enseignants qui consacrent leur vie à transmettre le savoir aux générations futures. La Nation est à vos côtés. ». Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a apporté son soutien à la communauté éducative : « J’imagine à peine le traumatisme que cela peut représenter localement et plus généralement à l’échelle de la Nation. ».

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Ont également exprimé leur émotion la Première Ministre Élisabeth Borne, le Président du Sénat Gérard Larcher, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet, et parmi les députés de l'opposition, entre autres, Éric Ciotti (LR), Sandrine Rousseau (EELV), Olivier Faure (PS), Mathilde Panot (FI), Edwige Diaz (RN).

Cette dernière en est déjà à vouloir faire de la récupération en disant : « Nos écoles ne sont plus protégées face à l'explosion de la violence. Il y a urgence à agir. ». Mais que veut-elle ? Que nos élèves entrent chaque matin à l'école comme on entre dans un musée ou dans un ministère, avec portique et fouille des sacs ? Et après, on s'étonnera que les jeunes manquent d'enthousiasme, d'optimisme, de confiance, d'élan pour entreprendre, innover, créer, prendre des risques ?

Il faut d'abord laisser faire la police et la justice, que l'enquête judiciaire puisse déterminer avec précision les circonstances mais aussi les motivations. C'est une horreur extrêmement rare en France, beaucoup moins aux États-Unis. L'assassinat de Samuel Paty, il y a deux ans, à la sortie de ses cours, dans la rue, était un acte de terrorisme islamique. Ce n'est peut-être pas (certainement pas ?) la même explication à Saint-Jean-de-Luz.

Pap Ndiaye est venu sur les lieux dans l'après-midi pour assurer le soutien de la Nation : « C'est un jour triste pour l'Éducation nationale. C'est un jour triste, bien sûr, pour cet établissement. Et le temps de l'enquête va venir, le temps des conclusions éventuelles viendra. Aujourd'hui, c'est le temps de l'émotion. C'est le temps de la solidarité. C'est l'ensemble de la Nation, finalement, qui est présente ici et qui témoigne de son affliction et de son émotion. ».

Il a ajouté : « Nous avons été frappés par la solidarité, par la dignité. Les professeurs ont d'abord demandé des nouvelles de leurs élèves. Cela témoigne de la force, de la solidité de la communauté éducative de cet établissement. (…) Rien ne laissait penser à la survenue d'un drame aussi épouvantable. Cet établissement est un établissement calme, réputé pour son sérieux et pour la sérénité de son climat scolaire. Il n'y a donc pas lieu d'en tirer de conclusion hâtive. ».

Ni récupération, ni amalgame, mais émotion et avant tout, respect que nous devons à la victime et à ses proches. Hommage à Agnès. Et on ne le répétera jamais assez fort : nos enseignants sont des héros !


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (22 février 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Nos enseignants sont des héros !
Pap Ndiaye, un intellectuel dans la fosse politique.
Prime à l'assiduité : faut-il être choqué ?
Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
Samuel Paty : faire des républicains.
Samuel Paty : les enseignants sont nos héros.
La sécurité des personnes.
Lycée Toulouse-Lautrec.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230222-assassinat-enseignante.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/nos-enseignants-sont-des-heros-246948

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31 janvier 2023 2 31 /01 /janvier /2023 04:29

« L'enjeu est considérable : maintenir l'acquis au profit des générations futures dépend, au-delà de la démographie et de l'économie, de notre capacité à actualiser le pacte de solidarité qui lie les générations entre elles. (…) Il s'agit de préparer l'avenir des jeunes générations pour que notre société, demain, continue à reconnaître à ses anciens la place et le niveau de vie qui leur revient. » (Michel Rocard, Premier Ministre, préface du Livre blanc sur les retraites, 15 avril 1991).



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Ce mardi 31 janvier 2023, c'est une nouvelle journée de manifestations et de grèves contre la réforme des retraites du gouvernement. Principalement dans le secteur public, notamment dans les transports (SNCF, RATP), l'éducation (écoles), les grèves ont pour objectif de créer un rapport de forces avec le gouvernement.

Les conséquences de ces grèves sont cependant loin d'être désastreuses aujourd'hui : en effet, la pandémie de covid-19 est passée par là et la plupart des personnes qui souhaitent quand même travailler cette journée le peuvent désormais, sans prendre les transports en commun, sans non plus saturer la circulation automobile (c'est cela qui est nouveau), car il existe maintenant le télétravail. Seules, les grèves continues pourraient affaiblir l'économie, mais un jour par semaine ne paraît plus en mesure de créer un rapport de forces.

Je ne doute pas de la sincérité de tous ceux qui manifestent ou qui font grève pour sauver les retraites par répartition. Et en quelque sorte, malgré le côté râleur d'un peuple français pourtant souvent responsable et sérieux, c'est une chance : le consensus reste très fort pour que le principe de notre système de retraite, généralisé depuis la Libération, reste par répartition. Car c'est aussi l'objectif du gouvernement, sauver nos retraites par répartition. Un objectif commun, c'est déjà cela. Je suis convaincu qu'un tel consensus n'existera jamais aux États-Unis sur ce sujet, par exemple.

En revanche, si nous voulons vraiment sauver nos retraites par répartition, il nous faut être lucides et anticiper. Sans cela, nous risquons de nous fracasser contre un mur qui est le mur comptable. C'est vrai, le peuple français a envie de rêver.

Les électeurs de François Hollande l'ont cru lorsqu'il disait au Bourget le 22 janvier 2012 que son principal adversaire, c'était le monde de la finance : « Mais avant d’évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. (…) Cette emprise est devenue un empire. ». Comment des électeurs de gauche, trompés déjà mille fois par le verbe de François Mitterrand, ont-ils pu retomber dans le panneau ? Cela reste pour moi un grand mystère.

Toujours est-il que le peuple français a envie de rêver, a envie de grandes épopées, qu'elles soient napoléoniennes ou gaulliennes, ou qu'elles soient socialisantes avec le Front populaire, la victoire de François Mitterrand et quelques autres aventures. Plus généralement, les électeurs français croient aux promesses des candidats qui vont gagner, ce qui est terrible et justifie a posteriori la dévaluation de la parole en politique. On veut croire au Père Noël, on veut raser gratis. Les rêves idylliques finissent toujours en cauchemars dans la réalité du monde. La France, heureusement, n'est pas tombée ni dans le nazisme ou le fascisme, ni dans le stalinisme, même si elle n'a pas beaucoup de leçons à donner aux autres peuples quand on observe le bilan humain de Napoléon.

Il y a un véritable contresens dont sont très conscients les meneurs de cette confrontation sociale : on ne remet pas en cause les retraites par répartition quand on recule l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. Au contraire, cela permet d'anticiper et de les préserver.

Rappelons une chose importante : on cite souvent le programme du CNR (Conseil National de la Résistance). La première chose, c'est qu'il date de 80 ans et qu'il s'est passé beaucoup de choses entre-temps pour ne pas reprendre un vieux programme. Néanmoins, quelques principes fondateurs ont porté notre modèle social qu'il faut préserver (le consensus reste celui-là). La deuxième chose, c'est qu'il n'a jamais promu la retraite à 60 ans ! La généralisation de la Sécurité sociale, y compris des retraites, a été adopté le 26 avril 1946. Et la retraite était à 65 ans avec une espérance de vie bien moindre que maintenant.

En effet, jusqu'en 1981, l'âge légal de départ à la retraite était de 65 ans et personne n'avait protesté. À l'époque (1946-1981), la situation des retraites était très favorable à la répartition : beaucoup de cotisants (avec le baby boom) et peu de retraités (à cause de la guerre). Les actifs pouvaient aisément contribuer au financement des pensions de leurs aînés sans être trop plombés financièrement.

Mais alors que la tendance démographique allait s'inverser (beaucoup de retraités à partir des années 2010 et baisse de la natalité à partir des années 1980), le gouvernement socialo-communiste de 1981 n'a pas trouvé mieux que de réduire de cinq ans l'âge légal de départ de la retraite, ce qui a augmenté fortement le nombre de retraités (et réduit d'autant le nombre de cotisants). Mesure aussi irresponsable que plus tard, les 35 heures, mais qui jouit, dans la vie politique, d'une sorte de nostalgie sociale du Front populaire.

On a laissé croire aux Français qu'ils pouvaient gagner plus en travaillant moins, et cela au moment où la France s'ouvrait dans une globalisation des échanges économiques qui allait rendre la compétition commerciale beaucoup plus rude.

Si le Président Emmanuel Macron voulait détruire les retraites par répartition, il lui suffirait de ne rien faire mais aussi, de ne pas faire payer les déficits déjà actuels des caisses de retraite par les contribuables (on compte actuellement 30 milliards d'euros de financement par l'État des caisses de retraite et cela va croître sans réforme, je reviendrai sur les chiffres dans un autre article).

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C'est parce qu'Emmanuel Macron veut justement les sauver, ces retraites par répartition, à l'instar d'une très grande majorité de personnes dans le pays, qu'il souhaite rendre le système structurellement équilibré et supprimer définitivement l'hypothèse d'une faillite et d'un effondrement du système (qui affectera en premier lieu les moins aisés). C'est à son effondrement qu'on devra proposer la retraite par capitalisation pour compenser. Mais c'est justement ce que le gouvernement veut éviter.

Inversement, si un actif veut être le maître des horloges et le maître de sa vie, décider l'âge de sa retraite en toute liberté, selon ses impératifs et ses envies, ses projets et ses contraintes, la retraite par capitalisation est sa solution : s'il épargne plus pendant sa vie professionnelle, il peut espérer partir plus tôt ; au contraire, s'il dépense toute sa rémunération tout de suite, il lui faudra travailler plus. Ce système par capitalisation est un système individuel, chacun fait comme il le souhaite. J'avais une très proche collègue américaine et elle me disait qu'elle souhaitait prendre sa retraite un peu après ses 50 ans, son désir était de s'acheter un ranch au Texas (d'où elle venait) et de vivre ainsi encore en bon état dans la campagne. Aux États-Unis, chacun décide comme il l'entend.

Bien que jaloux de mes libertés et plutôt individualiste, je préfère quand même le système par répartition qui est un système avant tout de solidarité : solidarité entre les générations (les jeunes paient pour les moins jeunes), mais aussi au sein d'une même génération avec le minimum vieillesse (revalorisé à l'occasion de cette réforme) que n'aurait pas le salarié pauvre dans un système par capitalisation.

Une autre raison aussi : c'est que ma collègue américaine, après la grave crise de l'automne 2001 (éclatement de la bulle des télécommunications), a dû se mettre dans l'idée de travailler encore plus longtemps, car tout son pécule économisé avait été consumé par la crise. C'est l'intérêt du système par répartition, on n'est pas tributaire de crises boursières qui affecteront le montant des pensions dans trente ans. Cette évidence explique le consensus : la France des Lumières, ce n'est pas chacun pour soi.

La répartition, c'est un avantage compétitif énorme. Mais cela exige un sérieux raisonnement pour que le système ne se casse pas la gueule comme dans une pyramide de Ponzi. Pour cela, il faut s'assurer qu'il y ait toujours assez de cotisants pour payer les pensions des plus âgés. En clair, cela signifie une natalité dynamique. Candidat à l'élection présidentielle de 1981, Michel Debré, dont le thème de la natalité l'avait enfermé dans une sorte de niche politique, avait anticipé les conséquences d'une baisse notable de la natalité. François Bayrou, le Haut commissaire au plan, l'a aussi écrit dans un rapport remis le 17 mai 2021. Il proposait deux voies pour augmenter la population active : ou une politique nataliste volontariste (ce qui n'a pas été fait depuis une cinquantaine d'années), ou un accueil de population jeune immigrée pour faire tourner notre modèle social.

L'autre solution, ce que préconise le gouvernement, c'est que les Français travaillent un peu plus qu'auparavant. Comme je l'indiquais dans un précédent article, cet effort demandé aux Français, dont le but est de sauver nos retraites par répartition, doit se faire dans la plus grande justice sociale, c'est-à-dire effectivement que les carrières longues et la pénibilité du travail soient prises en compte réellement et sérieusement. C'est en refusant obstinément de négocier avec le gouvernement que les syndicats s'empêchent d'améliorer la réforme actuelle, ce qui n'est pas très constructif.

De son côté, le gouvernement ira jusqu'au bout (Élisabeth Borne a confirmé sur France Info le 29 janvier 2023 que l'âge de 64 ans n'était pas négociable), et sa détermination est plus financière que politique ou idéologique : il faut sauver nos retraites par répartition.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (30 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sauver nos retraites par répartition.
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230130-reforme-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sauver-nos-retraites-par-246282

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/01/31/39797926.html










 

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27 janvier 2023 5 27 /01 /janvier /2023 04:58

« Nous devons veiller à l’avenir de notre système de retraite. C’est pourquoi nous demandons à celles et ceux qui le peuvent de travailler progressivement plus longtemps, y compris aux femmes qui ont eu des carrières complètes. Cependant, les femmes continueront à partir plus tôt que les hommes. J’ajoute qu’elles bénéficieront de meilleures pensions. De fait, la réforme contribuera à réduire l’écart de pension entre les hommes et les femmes. » (Élisabeth Borne, le 24 janvier 2023 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale).




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Les grandes lignes de la réforme des retraites ont été présentées par la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023. En réaction, les syndicats, dans une unité nouvelle, ont appelé à faire la grève et à manifester pour le jeudi 19 janvier 2023. Dans les rues, 1,1 million de personnes ont manifesté, dont 400 000 à Paris, ce qui est une performance notable. Une nouvelle journée de manifestation est prévue le mardi 31 janvier 2023. Parmi les manifestants, on pouvait voir beaucoup de jeunes, ce qui est symptomatique de la société ; c'est compréhensible de voir des jeunes manifester pour leur pouvoir d'achat, pour avoir un emploi, pour avoir une bonne formation, pour avoir un logement, pour des causes internationales, etc. mais les voir manifester pour leur retraite, alors qu'ils n'ont pas encore, ou à peine, commencé leur vie active, n'avoir comme projet que de prendre sa retraite, ne traduit pas un grand enthousiasme dans la vie.

La démocratie ne doit pas se faire dans la rue, mais dans les urnes. Que sont ce 1,1 million de manifestants face aux 18,8 millions de Français qui ont voté pour Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle de 2022, et même face au 9,8 millions qui ont voté au premier tour dans un choix entre douze candidats (le plus diversifié en dehors de 2002), alors que le programme du candidat Emmanuel Macron spécifiait sans ambiguïté qu'il souhaitait faire la réforme des retraites (en reculant l'âge jusqu'à 65 ans) ?

Déjà, le gouvernement avait reculé en proposant 64 ans au lieu de 65 ans comme âge légal. En revanche, le ministre en charge de cette réforme, Olivier Dussopt (ancien député socialiste), a clairement fait comprendre que sur cet âge légal, le gouvernement n'entendait pas reculer et resterait ferme. Or, c'est un peu le chiffon rouge pour les syndicats, en particulier pour la CFDT pourtant favorable à la réforme version 2018-2019 qui n'est pas allée jusqu'au bout, vaincue par la pandémie de covid-19.

La démocratie ne sera pas dans la rue, mais elle sera dans l'hémicycle puisque c'est aux députés de voter la loi (ce sera un projet de loi rectificative de la loi de financement de la sécurité sociale de 2023). Le groupe LR devient le groupe charnière pour faire adopter la réforme. La plupart des responsables LR ont déjà fait savoir qu'ils avaient été écoutés par le gouvernement et qu'ils étaient prêts à voter le texte (néanmoins amendé).

De leur côté, les syndicats ne comptent pas rester passifs face au processus parlementaire. Le 25 janvier 2023, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez souhaitait multiplier les "actions" d'ici au 31 janvier 2023. Il notait également que beaucoup de personnes qui n'avaient pas l'habitude de manifester avaient manifesté le 19 janvier 2023, notamment dans des petites villes. Enfin, il rejetait l'argument du gouvernement sur l'équilibre des comptes : il constatait même un excédent en 2022.

Alors, tout va bien avec notre système de retraite, madame la marquise ? Évidemment, non ! Philippe Martinez a oublié de dire qu'il y a un excédent en prenant en compte la subvention de 30 milliards d'euros de l'État pour rééquilibrer les comptes. De plus, cette situation d'équilibre provient des conséquences positives de la réforme des retraites de 2010. Ce qui la justifierait a posteriori ! Sans la réforme réalisée par le gouvernement de François Fillon, la situation des retraites aurait été une catastrophe financière.

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Le problème, en France, c'est qu'il n'y a jamais un bilan des réformes réalisées dix ans auparavant (positif ou négatif). Pourtant, c'est bien Philippe Martinez qui affirme que la réforme de 2010 a sauvé provisoirement le système de retraite. Aurait-il voté pour Nicolas Sarkozy ?!

Et en 2010 déjà, les deux tiers des Français étaient opposées à la réforme, autant qu'en 2023. Elle a pourtant été adoptée et appliquée et c'est maintenant grâce à elle que le patron de la CGT a l'audace de parler d'un excédent pour les retraites.

Seulement, la pyramide des âges est têtue : faute d'avoir su faire assez d'enfants, la génération qui, aujourd'hui, arrive à la retraite et leurs aînés sont en beaucoup trop grand nombre par rapport au nombre de personnes dans la vie active. Le déficit est démographiquement structurel. Si on avait pris le taureau par les cornes dès la fin des années 1990 (le gouvernement de Lionel Jospin a refusé de faire une réforme des retraites entre 1997 et 2002, d'autres gouvernements ont fait des petites réformes qui sauvaient le système seulement provisoirement), la pilule serait moins amère à faire passer.

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Et il n'y a pas beaucoup de solutions pérennes pour sauver nos retraites par répartition : ou augmenter les cotisations (charges salariales ou employeur), ou diminuer les pensions, ou enfin rééquilibrer le ratio entre durée moyenne de la vie active et durée moyenne de la retraite. La solution la plus douce, c'est de partir à la retraite plus tard. Cette philosophie paraît la plus raisonnable et elle est opposée aux fausses solutions (particulièrement démagogiques) de mettre le système de retraite sous injection permanente d'autres recettes de l'État (et donc, d'autres impôts, taxes ou cotisations).


C'est donc dommage que le syndicat réformiste qu'était la CFDT n'ait pas adopté cette philosophie de principe (le principe de lucidité et de réalisme) pour apporter à la réforme des améliorations nécessaires pour faire de cette réforme, comme le proclame le gouvernement, une réforme à la fois juste, raisonnable et progressiste. Le raisonnable est l'équilibre financier à long terme : si on ne fait rien, le système s'effondrera de lui-même et les beaux parleurs pourront toujours regretter l'ancien temps. Le progrès, c'est d'augmenter le minimum vieillesse et probablement qu'il faudra l'indexer pour qu'il suive l'inflation. Enfin, la justice sera sans doute l'élément à améliorer si on ne la veut pas seulement de vitrine.

Paradoxalement, le groupe Les Républicains pourrait se retrouver dans cette position d'arbitrage pour amender dans le sens de plus de justice sociale, alors que les oppositions populistes, que ce soient la Nupes ou le RN, n'auront aucun travail constructif pendant l'examen au Parlement.

Parmi les améliorations possibles, la première concerne les carrières longues, que le taux plein soit acquis dès que les annuités nécessaires sont réalisées, même si c'est en dessous de l'âge légal. C'est, à mon avis, le véritable débat que pourraient introduire les syndicats et personne ne leur donnera tort, car les actifs de carrière longue sont en quelque sorte des supercotisants, c'est-à-dire qu'ils auront beaucoup contribué à la répartition pendant leur vie active et ce serait normal qu'ils en soient récompensés.

Une autre piste d'amélioration est le calendrier, la date d'application de la réforme. En la mettant en application dès le 1er septembre 2023, elle va provoquer de profonds problèmes personnels pour les personnes qui avaient prévu de prendre leur retraite à la fin de l'année 2023 et qui devront la repousser de trois mois. Effectivement, ces personnes auraient pu préparer ce changement de vie à l'avance, par la vente ou l'achat d'un bien immobilier, un déménagement dans une autre région, le conjoint encore actif trouvant un emploi dans une autre région, etc. et le retour en arrière pourrait s'avérer, pour elles, très coûteux. Ces situations individuelles très concrètes, même si elles ne sont probablement pas très nombreuses, feraient que ces personnes seraient des victimes collatérales. Retarder son application de trois ou six mois ne paraîtrait pas financièrement déraisonnable.

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Bien sûr, le vrai enjeu de cette réforme, c'est de pouvoir travailler en étant plus âgé. L'observation avec la réforme de 2010 a montré que le recul de l'âge légal de la retraite a fait augmenter le taux d'emploi chez les seniors. Il n'y a donc aucune raison que cela ne se poursuive pas avec cette réforme. Comme pour le partage du temps de travail, il n'y a pas un gâteau invariable à partager ; l'activité sécrète de l'activité.

Néanmoins, ce constat reste insuffisant si on ne veut pas remplacer le déficit des caisses de retraite par le déficit des caisses de Pôle Emploi. En d'autres termes, il y a une réflexion à mener pour augmenter l'emploi des seniors, probablement avec un système plus contraignant ou, du moins, plus incitatif que la simple publication d'un index de seniors.

Et de toute façon, cela ne résout pas le problème de pénibilité : des emplois difficiles, physiquement ou psychiquement épuisants, ne peuvent pas durer à des âges trop avancés. Au-delà de la difficulté de définir réellement la pénibilité (que je considère autant associée au métier qu'à la personne qui l'exerce, selon sa résistance physique ou psychique), il est nécessaire de proposer une reconversion pour quitter un emploi trop épuisant à un certain âge. Cette seconde vie professionnelle, qu'on pourrait aborder entre 45 et 55 ans, serait également la possibilité pour tout le monde de changer de vie. Elle nécessite beaucoup de formation et une situation de plein emploi où les tensions sur le marché du travail seraient favorables aux demandeurs d'emploi.

Avant 1981, l'âge légal de la retraite était 65 ans alors que l'espérance de vie était nettement plus basse qu'aujourd'hui et que le taux de personnes retraitées sur la population active beaucoup plus bas qu'aujourd'hui. Mais il y avait une différence de taille : le nombre d'annuités pour obtenir le taux plein était 37,5 ans. Ce qui signifiait qu'un étudiant qui avait fait des études longues ou même une mère de famille (soyons sexiste) qui avait arrêté sa vie professionnelle pour élever ses enfants pendant une dizaine d'années (voire plus) pouvaient quand même espérer une retraite à taux plein à 65 ans. Aujourd'hui, avant même la réforme d'Élisabeth Borne, avec 42 annuités, alors que beaucoup de jeunes arrivent tard sur le marché de l'emploi, soit qu'ils poursuivent des études longues, soit qu'ils peinent à trouver un premier emploi, l'âge de la retraite à taux plein signifiait généralement 66 ou 67 ans.

Au lieu de se focaliser sur l'âge légal de la retraite, les syndicats feraient mieux de se concentrer sur le rythme de la progression du nombre d'annuités et aussi sur les quelques pistes que j'ai exposées ci-dessus. Il y en a bien sûr d'autres et le gouvernement ressortirait donc grandi s'il acceptait quelques aménagements, et sans doute que ce sera le groupe LR qui l'imposera à la majorité présidentielle. Voici pour Éric Ciotti, nouveau président de LR, un bon moyen de rééquilibrer son image et celle de LR avec une composante sociale. Mais le veut-il lui-même ?


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (25 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230119-reforme-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-des-retraites-2023-le-246146

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/01/20/39786058.html









 

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10 janvier 2023 2 10 /01 /janvier /2023 20:48

« Notre système de retraites par répartition est un des fondements de notre système social. C’est un bien précieux et un symbole de notre Nation. Notre objectif est de le préserver. » (Élisabeth Borne, le 10 janvier 2023 à Matignon).



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Ce mardi 10 janvier 2023 à 17 heures 30, la Première Ministre Élisabeth Borne a présenté, au cours d'une conférence de presse (visible ici), la réforme des retraites promise dans les engagements du candidat Emmanuel Macron en 2022, en présence du Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire, du Ministre du Travail et du Plein Emploi Olivier Dussopt et du Ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini.

Projet phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron, il est d'une importance à la fois politique et sociale. Les motivations du gouvernement pour faire cette réforme des retraites, trop longtemps attendue, sont principalement financières même si Élisabeth Borne a arboré trois principes et pas simplement le premier : l'équilibre, la justice et le progrès.

L'équilibre, Olivier Dussopt en avait déjà touché un mot quelques heures auparavant, répondant à une question de la députée FI Clémence Guetté lors de la première séance des questions au gouvernement de l'année : « Vous doutez de l’urgence de la réforme. Oui, il y a urgence, madame. Il y a urgence parce que le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), composé des partenaires sociaux, démontre que, dès 2027, le déficit s’élèvera à 12,5 milliards d’euros, puis à 15 milliards dès 2030, 20 milliards en 2035 et 25 milliards en 2040. Si vous considérez qu’il n’y a pas urgence, c’est parce que vous acceptez le risque de casser le régime des retraites pour nos enfants et de leur léguer un système de protection sociale au rabais : ils seront assommés par la dette et étouffés par les impôts. Nous, nous considérons que l’équilibre est nécessaire, que le premier rail de protection et de solidarité, c’est de sauver le système par répartition. Ensuite, vous parlez des mesures que nous annoncerons tout à l’heure. Mais vous parlez sans savoir et vous pensez sans penser ! Vous êtes le seul groupe à n’avoir formulé aucune proposition, aucune solution alternative, à ne pas avoir participé aux concertations et à ne pas vouloir jouer le jeu du dialogue républicain. Nous mènerons cette réforme pour les Français, pour nos enfants et petits-enfants, sans sombrer dans la démagogie qui est la vôtre. La retraite à 60 ans, ce sont 85 milliards d’euros par an. Où les prenez-vous ? ».

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Ce qui est terrible, c'est que cette retraite à 60 ans est une bombe à retardement qui a été mise en place par François Mitterrand il y a quarante ans, alors qu'à l'époque, l'âge légal de départ à la retraite était 65 ans. Mais cet âge est un peu hypocrite puisqu'il y a aussi le nombre minimal d'annuités pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein. Pour ceux qui sont entrés tard dans la vie active parce qu'ils ont fait des études, l'âge légal, de toute façon, ne les concernait pas s'ils voulaient avoir une retraite à taux plein et cette réforme ne les impactera donc probablement pas.

Revenons à ce déficit. L'hypothèse du gouvernement a été un taux de 4,5% de chômage, soit le plein emploi. C'est une condition favorable au financement des retraites puisqu'il y a plus de cotisants qu'avec un chômage à un taux de 7%. Malgré cette hypothèse de départ très favorable, le déficit est là dès 2023. Si on laisse filer, en 2024, le déficit sera de 8,1 milliards d'euros ; en 2030, de 13,5 milliards d'euros ; et en 2050, de 43,5 milliards d'euros. Dans les dix prochaines années, sans réforme, les déficits cumulés atteindront un montant astronomique : 150 milliards d'euros !

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La raison est facile à expliquer : la pyramide des âges. La démographie permet d'anticiper sur une trentaine d'années. Mais aucun gouvernement n'a eu le courage, depuis trente ans et le livret blanc sur les retraites commandé par Michel Rocard, de faire une réforme pour pérenniser le système par répartition. Toutes ont colmaté les brèches, ont été des rustines précaires, pour une décennie. L'ambition du gouvernement est donc de consolider le système et pas, comme le crient les oppositions, de le détruire. En 1970, il y avait plus de 3 cotisants pour 1 retraité. En 2002, 2,1 cotisants pour 1 retraité. En 2022, seulement 1,7 cotisant pour 1 retraité. Et en 2040, il y aura 1,5 cotisant pour 1 retraité. En 2040, il y aura 20 millions de retraités (aujourd'hui, 17 millions) pour une population active stabilisée à 30 millions de personnes.

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Si on compare avec nos voisins européens, non seulement les retraités français restent en moyenne plus longtemps à la retraite, mais leur niveau de vie est meilleur que la plupart de leurs voisins. C'est normal : la France vit au-dessus de ses moyens. Qui paie ? Les générations qui suivent, par la dette de l'État monumentale qui fait payer les retraites doublement par les jeunes, par leurs cotisations (répartition) et par l'impôt (dette à rembourser d'une manière ou d'une autre).

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Tous nos voisins ont repoussé l'âge légal, parfois jusqu'à 67 ans, voire 68 ans au Royaume-Uni et 70 ans en Italie.

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Le contenu de la réforme est donc le suivant : la réforme concernera toutes les personnes nées après le 31 août 1961. L'âge légal passera de 62 ans à 64 ans, progressivement de 2023 à 2030 (3 mois tous les ans). Parallèlement, le nombre d'annuités (années de cotisation retraite) nécessaires pour avoir le taux plein passera progressivement de 42 (actuellement) à 43 en 2027 (au lieu de 2035, ce que prévoyait la réforme Touraine adoptée en 2014).

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Le gouvernement a calculé deux autres hypothèses pour éviter les déficits sans toucher à l'âge légal : une augmentation des cotisations, mais cela signifierait que pour maintenir l'équilibre financier, un actif devrait cotiser en plus (en moyenne) 400 euros par an en 2027 et 550 euros par an en 2032. Autre idée, diminuer le niveau des pensions : pour préserver l'équilibre, cela signifierait en moyenne une baisse des pensions de plus de 700 euros par an en 2030. Le choc le moins rude pour conserver le système par répartition, c'est donc bien de travailler un peu plus et prendre sa retraite un peu plus tard, comme partout ailleurs.

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Mais il y a des compensations. Car effectivement, le minimum retraite sera revalorisé à 85% du SMIC (soit 1 200 euros brut par mois), ce qui reste faible mais supérieur à la situation actuelle (environ 300 euros de plus par mois). Les femmes bénéficieront plus que les hommes de cette hausse en raison des carrières parfois interrompues par la maternité.

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L'un des enjeux cruciaux reste l'emploi des seniors (des personnes de plus de 55 ans). L'objectif est évidemment que les entreprises gardent leurs salariés plus longtemps en fin de carrière, même s'ils "coûtent" plus cher. Ainsi, un indice sur la part des seniors parmi les salariés sera instauré dans les grandes entreprises, mesure qu'a contestée le Medef. Plus tard à la télévision, Élisabeth Borne a dit : « Je suis confiante sur le fait qu'on doit être capable d'accompagner les seniors. Et vous savez, plus généralement, je pense que c'est un vrai sujet de société pour nous de reconnaître la place des seniors dans les entreprises. ».

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Parmi les nombreuses autres mesures annoncées par Élisabeth Borne, il y a l'âge à partir duquel la retraite sera à taux plein même si on n'a pas fait toutes les annuités nécessaires : cet âge ne varie pas et reste à 67 ans. Pour les carrières longues, l'âge de départ à la retraite est différent. Ainsi, pour ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans, c'est 58 ans (actuellement, c'est deux ans plus tard), entre 16 et 18 ans, c'est 60 ans et entre 18 et 20 ans, c'est 62 ans. Des conditions particulières sont réservées à ceux dont la pénibilité dans le travail est forte, ou à ceux qui sont en situation d'invalidité (pour eux, 62 ans), pour les personnes en situation de handicap, l'âge reste à 55 ans. Ceux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle pourront partir à la retraite deux ans avant l'âge légal.

Il est mis en place aussi du fonds de reconversion pour changer de métier si le métier d'origine est pénible afin de poursuivre sa carrière dans un métier aux conditions moins difficiles à cause de l'âge.

Deux autres principes inspirent cette réforme. La justice correspond à la fin de certains régimes spéciaux qui ne se justifient plus... fin uniquement pour les nouveaux embauchés qui rejoindront le régime général des retraites, et le progrès social. En effet, il y a l'augmentation du minimum vieillesse, mais aussi la prise en compte des congés parentaux dans le calcul des annuités, ainsi que la validation des trimestres pour les proches aidants d'une personne en dépendance.

D'autres mesures très ciblées donnent une plus grande coloration sociale, mais sont inaudibles pour les syndicats qui ne voient que l'âge légal repoussé. Par exemple, le cumul emploi-retraite sera créateur de nouveaux droits à la retraite (ce qui n'est pas le cas actuellement).

Avec la réforme présentée par Élisabeth Borne, le déficit des retraites sera résorbé en principe en 2030 sans réduire le pouvoir d'achat des retraités.

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Après sa présentation, Élisabeth Borne a été l'invitée du journal de 20 heures sur France 2 pour répondre aux questions d'Anne-Sophie Lapix. Elle a déclaré : « On va devoir progressivement travailler plus longtemps et je mesure ce que ça représente pour beaucoup de Français. ».

Dans les réactions, sans surprise, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont cherché à être le meilleur opposant au gouvernement. Marine Le Pen a exprimé sa « détermination à faire barrage », tandis que Jean-Luc Mélenchon a dénoncé une « grave régression sociale ». De même, les syndicats se sont donnés rendez-vous le jeudi 19 janvier 2023 pour manifester massivement contre la réforme.

Plus intéressante était la réaction du groupe LR. En effet, les députés LR étaient divisés sur le comportement à adopter : favorables à la retraite à 64 ans, ils ne voudraient toutefois pas se montrer comme des supplétifs du macronisme.

Quelques heures avant la conférence de presse d'Élisabeth Borne, le président du groupe LR Olivier Marleix a fait passer le message lors des questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale : « La réforme que nous voulons tient en quelques principes. D’abord, elle doit être progressive : le recul de l’âge de départ ne doit intervenir qu’au rythme d’un trimestre par an jusqu’à 63 ans à la fin de ce quinquennat, 64 ans lors du suivant. Ensuite, elle doit être juste et permettre à celui qui a commencé plus tôt de partir à la retraite plus tôt dès lors qu’il a tous ses trimestres. Elle doit aussi être équitable en demandant le même effort à tous les Français, qu’ils relèvent du public, du privé ou des régimes spéciaux. Enfin, soyons clairs, il est hors de question que l’État s’empare des réserves du privé. L’argent des retraites doit aller aux retraités et à eux seuls. Par-dessus tout, il faut réparer une injustice : je veux parler de celle qui concerne ces 2 millions de retraités qui ont cotisé toute leur vie, qui ont travaillé dur, qui ont des carrières complètes, souvent des femmes, des commerçants, des artisans, et qui perçoivent des pensions de retraite de seulement 900 euros par mois. C’est indigne d’un grand pays comme le nôtre. Êtes-vous prête, madame la Première Ministre, à leur garantir une retraite minimum de 1 200 euros à eux aussi et pas seulement aux futurs retraités ? Je vous le dis très clairement, c’est pour nous une condition impérative ! ». Message bien reçu. Élisabeth Borne ne lui a pas répondu précisément car elle allait le faire à Matignon.

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La réforme Borne a convaincu le groupe LR puisque Olivier Marleix a semblé satisfait : « Nous avons été entendus sur le rythme de l'application des 64 ans et la retraite à 1 200 euros y compris pour les retraités actuels (…). Nous prenons acte que la Première Ministre a entendu un certain nombre de demandes, la première et la plus importante est que le rythme ne soit pas brutal. ». Toutefois, certains députés LR ont précisé qu'il y a encore des champs d'amélioration, notamment sur les carrières longues, considérant qu'après 43 annuités, on devrait pouvoir prendre sa retraite même si c'est avant l'âge légal. La plupart des députés LR qui se sont exprimés ont insisté sur le fait qu'Emmanuel Macron aurait abandonné sa réforme brutale et simpliste de retraite à 65 ans et que cela ouvrirait donc la possibilité d'un accord entre LR et le gouvernement. Dans cette histoire, LR souhaite être le défenseur du Français qui travaille et qui a de faibles revenus.

Ce qui paraît assuré désormais, et ce n'était pas clair jusqu'à maintenant, c'est que la réforme des retraites pourra certainement être adoptée à l'Assemblée Nationale sans saisir l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. En effet, la majorité et le groupe LR constituent une majorité absolue très large qui ne devrait pas être impactée par la position de quelques députés LR réfractaires (je pense en particulier à Aurélien Pradié).

Reste la rue pour la gauche et les organisations syndicales. La mobilisation sera-t-elle inversement proportionnelle à la certitude que les protestations seront inutiles puisque le gouvernement disposera probablement d'une majorité ? Nous ne sommes plus en 1995 et les Français, bien que, dans les sondages, majoritairement contre le principe de travailler plus (qui voudrait travailler plus sans compensation ?), se montreront sans doute responsables et les arguments du gouvernement auront de quoi convaincre. L'avenir de notre modèle social se joue en 2023.


Aussi sur le blog.

 
Sylvain Rakotoarison (10 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu


(Tous les tableaux et figures proviennent du dossier sur les retraites publié par le gouvernement le 10 janvier 2023 et téléchargeable ici).


Pour aller plus loin :
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Élisabeth Borne.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Vœux 2023 d’Emmanuel Macron : l'impératif d'unité de la Nation.
La réélection d'Emmanuel Macron.
Sobriété énergétique : froid et fatigue chez les députés !
Incident à l'Assemblée : la sanction disciplinaire la plus lourde de la Ve République !
3 motions de censure pour le prix de 2 articles 49 alinéa 3 !
La menace de la dissolution.
Pas de session extraordinaire en septembre 2022.
L’invective en commun : la motion de posture de Mélenchon est rejetée !
Baptême du feu pour Élisabeth Borne : et maintenant, au travail !
Discours de politique générale d’Élisabeth Borne le 6 juillet 2022 à l’Assemblée Nationale (vidéo et texte intégral).
L’Assemblée Nationale en ordre de bataille pour la XVIe Législature.
Gouvernement Élisabeth Borne I.2 : resserrement des liens de la majorité présidentielle (Ensemble).
Composition du gouvernement Élisabeth Borne I.2 du 4 juillet 2022 (communiqué de l’Élysée).
La composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Élisabeth Borne, déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et maladresse politique.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230110-elisabeth-borne.html

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18 décembre 2022 7 18 /12 /décembre /2022 19:25

« La défaite est novatrice, la victoire est conservatrice. » (Bernard Werber).




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Comme disait Ségolène Royal le soir de sa défaite, en avant vers de nouvelles victoires ! Bon, c'est vrai, le terrain était lourd, et nos joueurs avaient mangé des cochonneries... (sur le mode d'Astérix).

Blagues à part, ce que l'histoire retiendra de ce dimanche 18 décembre 2022 à Doha, c'est que le match France-Argentine de la finale de la coupe du monde de football 2022 au Qatar aura été un grand spectacle, avec tout ce qu'il faut de suspens dramatique, d'émotions et d'incertitudes sur l'issue finale (j'allais écrire sur l'issue fatale). Un match aussi entre deux grands joueurs, Kylian Mbappé et Lionel Messi.

Les deux pays étaient en gros à chercher à s'octroyer une troisième victoire en finale. Probablement que l'équipe d'Argentine a mieux assuré les trois premiers quarts du match, mais l'équipe de France a su se redresser étonnamment, et puis, il y a eu les tirs au but, avec un contraste qui a conforté l'Argentine.

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Quand on arrive à un si haut niveau de la compétition, rater la dernière marche est une torture. Pourtant, cela n'enlève rien au mérite de l'équipe de France, qui avait déjà failli à la dernière étape en 2006 face à l'Italie, comme l'Argentine face à l'Allemagne en 2014. Vu le grand spectacle, les rebondissements, la France a perdu avec honneur et avec gloire. On peut dire que l'équipe de France aura la défaite modeste.

Cela ne retire rien à la morale générale de cette coupe du monde. Ou, peut-être, à la non-morale de la coupe du monde, car la nature du pays d'accueil, le Qatar, ses conditions de travail, ses lois particulièrement trop peu démocratiques, ses empreintes carbone hyperexcessives, tout cela a été mis sous le tapis en France dès lors que l'équipe de France commençait à sérieusement envisager de pouvoir gagner. Du reste, l'épidémie de covid-19 aussi ! La morale, c'est que la France a désormais construit sa culture du succès depuis une vingtaine d'années, depuis les deux victoires françaises, en 1998 et en 2018.

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La morale, c'est que ce sport est avant tout un travail d'équipe et que c'est une équipe à former, à entretenir, à mettre sur la même longueur d'onde qui permet de gagner. C'est aussi une responsabilité de l'entraîneur de faire que l'orchestre joue la même partition avec la même sensibilité.

Bien sûr, les analogies avec la politique sont nombreuses. Un chef, une équipe unie qui va vers le même but, et une ferveur, un soutien populaire. Au moins, les oppositions pourront éviter de s'entendre dire que le Président Emmanuel Macron aura "gagné" toutes les coupes du monde de football depuis qu'il est à l'Élysée (s'il est passionné par le football, être Président de la République n'apporte aucune responsabilité dans une éventuelle victoire !). Il pourra en revanche proposer de prendre rendez-vous dans quatre ans, au prochain Mondial, en 2026, avec peut-être, si les Bleus venait à gagner, des conséquences électorales beaucoup plus évidentes qu'en 2022.

En tout cas, bravo pour ce grand spectacle, les Bleus n'ont pas gagné, mais ils ont su montrer leur solidité.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (18 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
France-Argentine : l'important, c'est de participer !
France-Maroc : mince, on a gagné !?
Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
Neil Armstrong.
Pas de burkini dans les piscines à Grenoble.
Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
Roland Garros.
Novak Djokovic.
Novax Djocovid.
Jean-Pierre Adams.
Bernard Tapie.
Kylian Mbappé.
Pierre Mazeaud.
Usain Bolt.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221218-football-qatar.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/sports/article/france-argentine-l-important-c-est-245580

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/17/39748907.html





 

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15 décembre 2022 4 15 /12 /décembre /2022 04:29

« Bien entendu, l’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse, surtout quand il est scié par des mains extrêmes et mal intentionnées. Je reste convaincu, pour l’avoir vu, que l’immense majorité des supporters des deux équipes célébreront cette fête dans la joie et la fraternité, par passion pour le ballon rond. » (Mohamed Laqhila, député MoDem des Bouches-du-Rhône, le 13 décembre 2022 dans l'hémicycle).




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Autant le dire tout de suite, la victoire d'un match de football en demi-finale tout comme en finale de la coupe du monde ne changera pas la situation des Français, ni ne répondra à leurs nombreux sujets d'inquiétude (entre autres, le chauffage, l'inflation, l'emploi, le logement, la retraite, la pauvreté, l'école, l'hôpital, etc.). Mais la victoire est mieux que la défaite. Et cette victoire en demi-finale dans un pays si contesté, celle de la France contre le Maroc ce mercredi 14 décembre 2022, a renoué avec une sorte de spirale du succès, un nouvel élan pour le moral des Français. Comme en 2018.

Certes, rien n'est joué et l'adversaire final, l'Argentine semble assez solide pour laisser planer un suspens dramatique insoutenable, mais il y a déjà des faits : l'équipe de France n'avait jamais joué en finale deux fois de suite à une coupe du monde. Rien que cela, c'est historique.

Le sport doit garder sa saveur d'origine, un jeu loyal où la haine et la rancœur sont éliminées au profit de la dignité, de la loyauté et surtout, du respect, et d'abord, du respect de l'adversaire. En ce sens, les liens particuliers qu'a pu tisser le Maroc avec la France ont eu pour conséquence que la confrontation est restée sur le plan sportif et pas de manière nationaliste. L'entraîneur français disait avant la prestation des athlètes : souvenez-vous que le sujet, c'est la demi-finale, ce n'est pas le Maroc.

Alors, maintenant, le dernier tour, le plus sérieux, gagner la finale, face à une équipe redoutable. Je reste toujours aussi étonné, déconcerté, par les conséquences d'une compétition qui, pourtant, ne concerne qu'un ballon rond. C'est peut-être la manière d'exprimer sans danger un nationalisme, voire un véritable amour de la patrie, et pourtant, je doute car dans chaque équipe nationale, il y a une forte multitude de nationalités. C'est peut-être cette transcendance nationale qui manque tant dans d'autres domaines, qui a quitté les églises et les écoles pour aller se nicher dans les stades, qui sait ?

Pourquoi le football est-il un lien social et national aussi fort ? Par l'émotion que le sport entraîne ? Un peu comme l'émotion qui peut se ressentir à l'écoute d'une musique, d'une chanson ? Finalement, les matchs sont des petits moments partagés, des émotions échangées collectivement, et rapidement, une nostalgie qui se range parmi les avant-c'était-mieux, le temps où la convivialité allait de paire avec la volonté de vaincre.

Comme je l'expliquais précédemment, la culture du succès est toujours vécue par la plupart des Français avec beaucoup d'incrédulité, tant nous trouvons irrésistible de dénigrer notre pays, et plus généralement, de pointer les fautes, les erreurs, les échecs, les points rouges, plutôt que d'insister sur les victoires, les talents, les réussites, les points verts, préférant la critique aux compliments, la râlerie aux remerciements.

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Le Président de la République Emmanuel Macron a eu raison de se rendre au Qatar pour assister à la demi-finale. Il le refera évidemment pour la finale le dimanche 18 décembre 2022. S'il avait fait le contraire, on lui aurait reproché de ne pas soutenir l'équipe de France en de pareilles circonstances.

Passionné de football et passionné par la France, Emmanuel Macron ne pouvait qu'être ému le soir du 14 décembre 2022 : « Je veux dire un immense merci à notre sélectionneur Didier Deschamps. Il sait être en finale et il les gagne. Jamais deux sans trois. Il est là avec sa baraka et son talent. On rapporte la coupe. On prépare la finale et, vous savez quoi, on la gagne ! (…) Giroud aurait encore pu marquer. Griezmann est d’une générosité inouïe. Et on a cette génération nouvelle qui marque. Théo Hernandez, Kolo Muani… Ils me rendent immensément fier. Hugo Lloris a été au rendez-vous aussi. Kylian a été marqué de près mais il a fait un boulot extraordinaire. (…) Je veux que les Français profitent de ce bonheur simple. Les Marocains peuvent aussi être fiers. Ils n’ont pas à en rougir. Je veux leur dire notre amitié. Que tout le monde profite de ce moment. ».

Et pourtant, le Qatar n'a pas changé, probablement se retrouvant au centre d'un scandale politique qui promet d'être exceptionnel au cœur du Parlement Européen avec sans doute de futures victimes collatérales, rien de ce qu'on a reproché à l'organisation de cette coupe du monde n'a disparu, mais l'indignation est toujours conditionnée à une spirale de l'échec.

En d'autres termes, on veut bien fermer les yeux si ça en vaut le coup ! Le Président de la République n'a pas dit autre chose : « J’ai toujours été clair sur le sujet. Le sport doit rassembler. Il en est des coupes du monde de foot, de rugby, des Jeux olympiques pour que des nations qui ne se parlent pas se parlent. Il faut reconnaître que le Qatar organise très bien cette coupe du monde. Ne mégotons pas sur notre plaisir. Sachons avoir des joies simples et être fiers. Il y a plein de pays où il faut régler les choses. ».

Pour preuve, la séance des questions au gouvernement du mardi 13 décembre 2022, la veille du match France-Maroc. Aucune question sur le Qatar, sur sa conception particulière du droit du travail, sur son indifférence à l'empreinte carbone, ni sur le déplacement d'Emmanuel Macron dans ce pays si particulier. Seulement deux questions sur les conditions de sécurité les soirs de matchs, quand les supporters fêtent leur victoire, ou leur défaite, sur les Champs-Élysées.

À une députée du Rassemblement national qui s'inquiétait du trop faible nombre de policiers pour encadrer les manifestations de joies des supporters, le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a répondu : « Il est vrai que des dizaines de milliers de personnes se sont réjouies, à Paris, de la qualification, d’une part, du Maroc et, de l’autre, de la France. Peut-être auriez-vous pu commencer par féliciter ces deux équipes, et imaginer un instant être heureuse avec les autres. En tout cas, madame la députée, je vous encourage à célébrer les victoires avec notre peuple. (…) Bravo au Maroc, bravo à l’équipe de France, bravo aux policiers, merci au parquet de Paris ! Pour une fois, réjouissez-vous et arrêtez de jouer les grincheux ! ».

Un ambassadeur marocain expliquait à la télévision française, juste avant le match, que la réussite d'un pays sur le plan sportif montrait que le pays jouissait d'une situation flatteuse sur les autres plans. C'était évidemment un peu exagéré, histoire de montrer la grandeur du Maroc, mais pas faux non plus, et les Français devraient ainsi en tirer des leçons, notamment celle-ci : que la France est toujours une grande nation et que ce ne sont pas les nationalistes haineux et nostalgiques d'un ordre qui n'a jamais existé qui la font gagner, mais ici, bel et bien l'équipe de France de football !...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (14 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
France-Maroc : mince, on a gagné !?
Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
Neil Armstrong.
Pas de burkini dans les piscines à Grenoble.
Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
Roland Garros.
Novak Djokovic.
Novax Djocovid.
Jean-Pierre Adams.
Bernard Tapie.
Kylian Mbappé.
Pierre Mazeaud.
Usain Bolt.









https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221214-football-qatar.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/sports/article/france-maroc-mince-on-a-gagne-245512

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/13/39745060.html






 

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23 novembre 2022 3 23 /11 /novembre /2022 04:55

« On dira ce qu’on voudra mais la police française est quand même l’une des meilleures du monde. » (Une réplique dans le film "Dupont Lajoie" en 1975).



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Après les meurtres de Lola (12 ans) à Paris et de Justine (20 ans) à Brive le mois dernier, le meurtre de Vanesa, une adolescente de 14 ans qui a été violée, à Tonneins, entre Agen et Marmande, dans le Lot-et-Garonne, a monopolisé les canaux médiatiques ce week-end. On en reste toujours au même point de départ : une très forte émotion doublée d'une indignation, et, il faut bien l'admettre, une certaine impuissance et même un certain fatalisme. On a l'impression de toujours revivre le viol et meurtre racontés dans le film "Dupont Lajoie" d'Yves Boisset (sorti le 26 février 1975). Un film qui a suscité de fortes réactions, au point que son acteur principal Jean Carmet était parfois insulté dans la rue à son passage.

Comment dire aux parents qu'il n'y avait rien à faire pour l'éviter ? Le problème dans une société de liberté, c'est justement que la société laisse tous ses individus agir comme bon leur semble, et ce n'est qu'a posteriori, à la suite d'enquête policière et de procès judiciaire, qu'on "corrige" dans le cas où certains d'entre eux s'écarteraient de la loi. N'a-t-on rien fait ? Cela fait plus de cinquante ans que les gouvernements successifs ont fait adopter lois sur lois pour renforcer les outils et les moyens pour éviter, empêcher ces crimes odieux.

Si les médias se sont emparés du meurtre de Vanesa (une marche blanche est organisée pour le 25 novembre 2022), c'est parce que tous les faits-divers sont pris d'assaut par les médias en quête d'audience, au même titre que les procès en assises sont très suivis. La faute à qui ? Probablement à "nous", j'ose utiliser un nous-collectif qui embrigade tant les lecteurs que moi, mais c'est vrai que finalement, c'est aussi le rappel que les polars sont un type de littérature très courue par "les gens" en général. Sommes-nous donc tant fascinés par le sang ? Désolé d'utiliser encore le "nous".

Chaque histoire est différente, il faut malheureusement plus scruter le meurtrier que connaître la victime qui, souvent, se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, pour tenter de comprendre qui déclenche, enclenche le meurtre et pour imaginer des moyens de les éviter à l'avenir. Encore une fois, pour Vanesa, l'étude du passé du meurtrier présumé laisse froid dans le dos (des poursuites pour des faits d'agression sexuelle en 2006), même si depuis onze ans, il n'avait plus commis de faute.

Je note au moins que pour ce meurtre-là, aucune récupération politique n'a eu lieu, je n'espère pas écrire : n'a encore eu lieu, car je crois savoir que les forces politiques qui avaient tenté de récupérer odieusement le meurtre de Lola, au grand dam de la famille en pleurs, n'auraient aucune raison de s'emparer de celui de Vanesa. En effet, le meurtrier présumé, qui a avoué son crime le 19 novembre 2022 au cours de sa garde-à-vue, n'est pas une personne étrangère en situation irrégulière, il est un jeune père de famille, au nom et prénom qui laissent entendre une ascendance française de longue date (du moins, cela en a l'apparence).

Chaque meurtre, surtout s'il s'agit d'une victime peu âgée, d'enfant ou d'adolescent, est insupportable, intolérable, scandaleux, c'est un choc définitif pour les parents, les proches, les amis, avec parfois des sentiments qui ne sont pas très intelligents de vengeance mais qu'on pardonnera parce qu'on pourrait les comprendre.

C'est la singularité des personnes lorsqu'on les prend en tant que telles, des individus qui sont d'autant de mondes riches et imaginaires que d'êtres, qui sont des bibliothèques entières. Et le risque, lorsqu'on les prend en statistique, c'est de s'écarter de l'émotion et de l'humain pour se rapprocher d'une froideur comptable et mathématique.

Et pourtant, sans aucune intention de relativiser le chagrin infini qu'a engendré le meurtre d'un enfant, il faut constater qu'en France, chaque année, il y a très grossièrement environ 1 000 homicides, inclus les victimes d'attentats terroristes, les victimes de meurtres et les victimes d'assassinats (je rappelle la différence juridique du meurtre et de l'assassinat : l'assassinat est un meurtre prémédité, alors que le meurtre peut être un homicide imprévu, par exemple, un témoin gênant se trouvant par hasard sur un lieu de cambriolage). C'est beaucoup, un millier de morts évitables par an, même pour 67 millions d'habitants, même un meurtre par an, ce serait un meurtre de trop, mais il faut signaler l'amplitude de ces faits tragiques. Depuis une trentaine d'années, ces homicides ont d'ailleurs tendu à décroître jusqu'à il y a une quinzaine d'années pour se stabiliser.

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On aura beau imaginer tous les outils pour mettre les meurtriers potentiels hors d'état de nuire avant de commettre leur crime, il y aura toujours des situations imprévues, singulières, des personnes bien sous tout rapport qui plongeront dans le meurtre. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas grave, car un seul meurtre est une atteinte à toute la communauté nationale. Cela ne veut pas dire non plus que la société ne doive pas réagir, mais face à la détermination d'un seul individu, il y aura toujours des trous dans la raquette, c'est le problème du terrorisme. On peut du reste observer que la peine de mort n'a aucun effet dissuasif, il suffit de mesurer le niveau de criminalité dans les pays dont la peine de mort est encore appliquée (je pense notamment aux États-Unis).

Pour la puissance publique, mais aussi pour chaque personne issue d'une société qui a pour principe de protéger ses membres, d'assurer leur sécurité, bien sûr qu'il faut les protéger de tous les possibles meurtriers, mais ce n'est pas suffisant. Il y a aussi des fléaux, des décès qui peuvent, eux aussi, être évités, ou du moins dont le nombre peut être limité, et ne rien faire signifierait laisser ces décès se produire.

Dans cet ordre d'idée, il y a, entre autres, deux séries de décès qui ont pu être en baisse grâce à une politique publique.

La première est la mortalité routière. En 1972, elle était de 18 000 décès par an, avec un nombre d'habitants, un nombre d'automobilistes, un nombre de véhicules circulants et un nombre de kilomètres de route très inférieurs à ceux d'aujourd'hui. La politique publique consistait à renforcer le code de la route avec la ceinture de sécurité obligatoire, le contrôle technique, le permis à points et l'impunité zéro pour les excès de vitesse (grâce aux radars automatiques). En deux générations, cette mortalité est tombée à environ 3 500 décès par an sur les routes, c'est réjouissant même si elle est encore beaucoup trop importante (qui n'a pas perdu un ami cher ou un membre de la famille sur la route ?).

La deuxième série est très rapprochée dans le temps puisqu'il s'agit des victimes du covid-19. En deux ans et demi, près de 160 000 personnes sont décédées du covid-19 en France. Certains diront que ce n'est rien, c'est leur droit, c'est leurs valeurs, pas les miennes. Des politiques publiques ont été engagées pour réduire ce fléau, au début avec l'invisibilité de ce qu'était le covid-19 : confinement, masque, passe sanitaire puis passe vaccinal, ces contraintes sont du même registre que le code de la route, avec le même objectif, celui du "vivre ensemble" avec le moins de dégât possible. Depuis plusieurs mois, la France et l'Allemagne suivent des courbes de nouveaux cas sensiblement similaires, et pourtant, il y a environ deux fois plus de décès du covid-19. Des explications simples ne suffisent évidemment pas, mais c'est certain que les politiques publiques ont des incidences directes et concrètes sur la vie des personnes. Actuellement, en France, il y a environ 80 à 90 décès par jour dont la cause est le covid-19 : l'épidémie est loin d'être finie, et il y a lieu de rester encore très prudent, mais, étrangement, elle semble être sortie des écrans radars des médias, alors qu'elle fait plus de dégâts humains que la route (et que les meurtres).

Je peux en citer évidemment d'autres. La série de décès qu'on a réussi le mieux à réduire, je pense, ce sont les accidents du travail. Il y en a moins d'un millier par an. Les politiques publiques ont été très contraignantes : les employeurs sont responsables de la sécurité de leurs employés, les cotisations pour accident du travail sont augmentées de manière drastique en cas de survenue d'un accident du travail et la responsabilité pénale du chef d'entreprise est aussi engagée. Si bien que les entreprises, avec un enthousiasme plus ou moins contraint, ont mis en place des procédures pour réduire efficacement les accidents du travail. Cela montre bien que les politiques publiques peuvent réduire les tragédies si l'État et donc les électeurs s'en donnent la peine.

Un domaine où l'on pêche encore par la pauvreté des mesures, en sachant que prendre des mesures de sécurité doit rester compatible avec garder notre société de libertés, individuelles et collectives, d'où des difficultés quasi-philosophiques pour trouver le bon compromis, le bon équilibre, ce sont les victimes des dévastations écologiques en général. Certes, le scandale de l'amiante fait l'objet de procès (beaucoup trop longs), mais plus généralement, la nourriture transformée (ou pas) contenant des produits chimiques, des conservateurs, trop de sel, trop de sucre, etc. engendre des quantités de maladies et de décès, les pollutions aussi, à un niveau qui n'a rien à voir avec la mortalité du covid-19 ou de la route.

Bien sûr, tout n'est pas abouti, et les futures victimes des bouleversements climatiques qui seront à venir aimeraient déjà que les pays commencent au plus tôt à tenter de prévenir certaines catastrophes, mais en sachant rester humble dans notre condition humaine qui peut peu face à la puissance de la nature.

En résumé, cette réflexion ne tend pas à relativiser le drame infini que constitue le meurtre d'un enfant qui, peut-être, aurait pu être évitée si des mesures restreignant plus la liberté de tous étaient prises, mais à le mettre en perspective d'autres drames tout autant infini de la perte d'un être cher dans d'autres conditions. J'aurais ainsi apprécié que ceux qui s'époumonent à défendre les enfants de leurs meurtriers soient tout aussi motivés à réduire les décès par covid-19, les décès sur la route (j'aurais tendance pourtant à croire que ces mêmes ont plutôt milité comme des forcenés poujadistes contre le vaccin ou contre les radars automatiques), et aussi, puisque c'est hélas encore l'actualité, contre les malheureux qui chavirent en Méditerranée dans leur quête désespérée d'une vie meilleure.

C'est cela la sécurité. C'est le rôle des États de protéger leurs citoyens, de tous les dangers, et pas seulement de certains dangers auxquels on ne porte qu'une attention exclusive pour d'évidentes récupérations idéologiques.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La sécurité des personnes face aux dangers : meurtres, route, covid-19, environnement, climat...
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Covid-19 : alerte au sous-variant BQ1.1 !
100 ans de code de la route.
80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.
Le terrorisme en France.
Fête nationale : cinq ans plus tard…
Protéger, sauver des vies.

_yartiLolaA05







https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221119-meurtre-vanesa.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-securite-des-personnes-face-aux-245064

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/08/39702082.html








 

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