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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 18:23

« Qu'il retourne en Afrique ! » (Grégoire de Fournas, le 3 novembre 2022 dans l'hémicycle).



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La nature profonde revient toujours au galop, d'une manière ou d'une autre, malgré les mots d'ordre policés de respectabilité et de responsabilité. Le Rassemblement national qui se réunit en congrès ce samedi 5 novembre 2022 pour départager qui, de Jordan Bardella, le chouchou de Marine Le Pen, ou de Louis Aliot, l'ex de Marine Le Pen, sera le président du RN pendant que Marine Le Pen continuera à présider le groupe des 89 députés RN élus à l'Assemblée Nationale en juin 2022.

Incontestablement, sa stratégie de respectabilité se heurte à la nature profonde de ce parti dont l'histoire demi-centenaire est éloquente. Lors de la séance des questions au gouvernement le jeudi 3 novembre 2022 à l'Assemblée Nationale, peu avant 17 heures, un député RN a interrompu un orateur en exprimant un sentiment présumé raciste qui a scandalisé l'ensemble des autres groupes de l'hémicycle.

Il s'agissait d'une question posée par le député FI Carlos Martens Bilongo sur les difficultés que rencontre l'Ocean Viking qui a secouru 234 candidats migrants rescapés d'un naufrage en Méditerranée. Ceux-ci sont bloqués sur le pont du bateau depuis une douzaine jours.

Certes, au-delà de la question légitime sur le sort de ces naufragés et de son volet humanitaire, le jeune député FI n'avait pas omis le côté volontiers provocateur de sa question puisqu'au-delà du gouvernement, il s'adressait aussi à ses collègues du RN : « J’aimerais dire à la collègue du Rassemblement national qui, du haut du perchoir de l’Assemblée Nationale, croit pouvoir organiser les opérations de sauvetage en Méditerranée, avec la plus grande désinvolture et sans autre mérite que d’être née dans un pays en paix : ne vous en déplaise, leurs vies comptent ! ».

Revenant au sort des rescapés, Carlos Martens Bilongo a poursuivi : « L’Ocean Viking a adressé aujourd’hui sa septième demande d’assistance aux autorités maritimes italiennes. L’île de Malte, tout aussi proche, n’a tout simplement pas répondu aux trois demandes qui lui ont été adressées. Le blocage de ces personnes est une violation grave du droit de la mer. L’évaluation du statut et de la nationalité des personnes secourues ne doit pas retarder le débarquement des survivants. Je ne peux que partager l’inquiétude de ces migrants, à l’heure où la nouvelle Première Ministre italienne s’est engagée à bloquer l’arrivée des immigrants en provenance d’Afrique. Quelle sera l’action du gouvernement français sur le sujet ? Quelle forme la coopération avec l’Italie prendra-t-elle ? Allez-vous vous saisir, avec les autres pays européens, de la question de la répartition des migrants ? Malte ne répond plus aux demandes de coordination de sauvetage. ».

En clair, le député FI demandait au gouvernement de s'activer pour les aider, auprès des autorités italiennes et maltaises, et plus généralement, de coordonner les politiques européennes. Et puis, il a commencé une phrase qu'il n'a jamais pu achever : « Les personnes secourues se trouvent dans une situation d’urgence absolue et les prévisions météo indiquent une détérioration significative du climat… ».

Ses propos ont été coupés par le député RN Grégoire de Fournas qui a crié dans l'hémicycle : « Qu'il retourne en Afrique ! ». Tollé général dans l'assistance. Beaucoup de députés se sont levés et ont demandé une sanction immédiate auprès de la présidente de séance, Yaël Braun-Pivet. Pour de nombreux députés, et pas seulement de gauche, cette saillie est tout simplement du racisme. Le sens en restait confus car personne ne connaît l'intention, si c'était de dire au député d'origines congolaise et angolaise de retourner en Afrique (mais il est né à Villiers-le-Bel), auquel cas ce serait une injure raciste très forte, ou si c'était de dire que le bateau doit retourner en Afrique, ce qui serait stupide car le besoin d'être secouru impose que le port le plus proche l'accueille (il y a obligation de sauvetage), et cette indifférence au sort de ces personnes en danger de mort est également contraires aux plus élémentaires des valeurs humanitaires.

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Dans un chahut inaudible, après avoir demandé quel député avait sorti cette idiotie, Yaël Braun-Pivet a été obligée de suspendre la séance de cinq minutes pour la reprendre très temporairement et pour dire : « Chers collègues, pouvez-vous me laisser parler, s’il vous plaît ? Compte tenu de l’événement grave qui vient de se dérouler, je vous propose d’en confier le traitement à la prochaine réunion du bureau de l’Assemblée, prévue mercredi prochain. Cette instance est la plus à même, selon moi, de déterminer si les faits qui ont été commis à l’instant sont passibles d’une sanction et de quelle sanction. Je vous propose donc, chers collègues, de porter ce point à l’ordre du jour de la prochaine réunion du bureau. ».

Une députée insoumise a alors réclamé une sanction immédiate, mais la présidente a expliqué : « Chère collègue, l’article 74 de notre règlement prévoit que les peines disciplinaires applicables aux membres de l’Assemblée sont : le rappel à l’ordre, le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, la censure et la censure avec exclusion temporaire. Ces deux dernières sanctions ne peuvent être prononcées que par le bureau. Si vous voulez que je prononce une sanction immédiate, ce sera donc un simple rappel à l’ordre ou un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal. Compte tenu de la gravité des faits, je préfère renvoyer la question au bureau. Une réunion du bureau est prévue mercredi prochain. Le bureau de l’Assemblée est l’organe pluraliste compétent pour se prononcer sur ce qui vient de se passer dans l’hémicycle. ».

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En fin de compte, le gouvernement n'a pas pu répondre à la question car, à cause de l'état d'excitation de l'hémicycle, Yaël Braun-Pivet a finalement clos la séance jusqu'au lendemain : « Étant donné l’émotion légitime qui s’est emparée des membres de l’Assemblée et du Gouvernement, je lève la séance des questions au gouvernement. Nous nous retrouverons demain à quinze heures trente, pour la discussion de la motion de censure, ainsi qu’en a décidé la conférence des présidents. ».

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Le député Grégoire de Fournas, qui gère un domaine familial de viticulture dans le Médoc, favorable aux chasseurs et contre les éoliennes, avait déjà montré sur les réseaux sociaux sa grande tolérance des opinions qui frisaient le racisme. Il prétend qu'il a voulu parler du bateau et pas de l'orateur, mais au fond, ce n'est pas là l'essentiel. L'essentiel, c'est que ce député se moque bien du sort des centaines de personnes qui périssent dans la Méditerranée au nom d'une idéologie qui place l'immigration comme la raison de tous les malheurs du pays.

Alors que celle-ci est généralisée partout sur la planète et que nul n'est capable de savoir quel peuple aura besoin de quel autre peuple, car les hypothèses alarmantes sur les futurs migrations climatiques sont catastrophiques par rapport à ce qu'on vit actuellement. Or, on ne pourra jamais donner une réponse simpliste à un problème particulièrement compliqué et humain (le besoin de fuir son pays au point de mettre en danger sa propre vie).

Évidemment, le groupe FI était particulièrement satisfait d'avoir piégé ainsi un député RN, et cela juste deux jours avant le congrès de Rassemblement national qui aurait dû donner un nouvel élan, plus moderne et moins extrémiste. C'est donc peine perdue, la nature, comme je l'ai écrit, revient au galop. Il faut rappeler, insister, qu'exprimer du racisme n'est pas une opinion mais un délit. Le bureau de l'Assemblée Nationale va statuer pour savoir si l'interpellation du député était raciste ou pas et si des sanctions disciplinaires, voire avec des suites judiciaires, devront être prises.

Marine Le Pen n'est bien sûr pas sur cette longueur d'onde et jamais elle n'a émis ne serait-ce une parole ambiguë qui pourrait l'associer à du racisme. Ce n'est pas dans sa nature et son ambition est justement de se montrer au-delà de ces stupidités. Mais dans cet incident, elle a pris la défense de Grégoire de Fournas tandis que de nombreux députés lui demandent au contraire de l'exclure du groupe RN ou alors, cela signifierait que le groupe RN validerait les déclarations intempestives (imprudentes et inutilement haineuses) de Grégoire de Fournas.

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Le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a tweeté dans la soirée : « Racisme d'un député à l'Assemblée Nationale : du FN au RN, le nom change mais les références hideuses et les habitudes ignobles restent. Quelle honte. ». Le Président de la République Emmanuel Macron a également été choqué par cet incident parlementaire. L'un de ses proches, le député européen Stéphane Séjourné a tweeté : « Ce qui s'est passé cet après-midi est d'une gravité exceptionnelle : cela implique des sanctions exceptionnelles. Nul ne peut ceindre l'écharpe tricolore après avoir tenu de tels propos : Marine Le Pen doit exiger sa démission sans délai. Indéfectible soutien à Carlos Martens Bilongo. ».

Pour le gouvernement aussi, et même surtout, c'est une opportunité de revenir aux fondamentaux : le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a ainsi réagi vers 22 heures sur LCI pour demander solennellement à Marine Le Pen de se désolidariser de ce député : « Madame Le Pen, si vous ne voulez pas que vos 89 députés soient associés à 89 nuances de haine, demandez sa démission ! ». Mais les propos d'Olivier Véran sont aussi politiques que moraux, lorsqu'il s'est adressé aux groupes de la Nupes pour leur dire de ne pas voter la même motion de censure que le groupe RN, comme cela a été déjà le cas les 24 et 31 octobre 2022, et probablement ce vendredi 4 novembre 2022, parce que le RN n'a pas du tout les mêmes valeurs républicaines que cette ultragauche d'opposition systématique.

Pour le coup, on voit que le mot d'ordre de respectabilité, du port de la cravate, de sérieux dans le travail parlementaire imposé par Marine Le Pen connaît ses limites. Et au plus mauvais moment. Finalement, elle n'a plus besoin de son père Jean-Marie Le Pen pour avoir des petites phrases assassines, ses troupes lui suffisent amplement...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (03 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Carlos Martens Bilongo.
Le congrès du RN.
Grégoire de Fournas.
Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221103-carlos-martens-bilongo.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/04/39696483.html





 

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25 octobre 2022 2 25 /10 /octobre /2022 05:25

« [L'article 49 alinéa 3], c’est une décision lourde, qu’aucun gouvernement ne prend à la légère. Ce n’est pas une facilité, mais dans des temps aussi troublés, cette décision s’imposait. Car je veux le rappeler ici, devant les représentants de la Nation : le contexte est grave. » (Élisabeth Borne, le 24 octobre 2022 devant l'hémicycle).




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Le 24 octobre 2022, la Première Ministre Élisabeth Borne a explicité la gravité de la situation : « À nos portes, la guerre fait rage en Ukraine. Et les conséquences de ce conflit sont palpables dans la vie quotidienne de chacun, quand les prix de certains produits s’envolent, quand on doit remplir sa cuve de fioul, quand les inquiétudes pour passer l’hiver nous invitent à la sobriété. L’inflation que certains avaient remisée dans les livres d’histoire est à nouveau là. Elle pèse sur le pouvoir d’achat, même si les Français sont les citoyens les mieux protégés d’Europe. (…) Ce contexte, ces crises, c’est le quotidien de nos compatriotes. Ce sont donc les préoccupations de mon gouvernement, et je sais qu’elles sont largement partagées sur les bancs de cet hémicycle. Dire cela ne signifie pas que la gravité de la situation imposerait une solution unique, que seul le gouvernement serait dans le vrai, que toutes les propositions différentes ne seraient pas à la hauteur. Dire cela, mesdames et messieurs les députés, c’est rappeler que nous avons collectivement l’obligation d’agir et d’apporter des réponses aux Français. Car les inquiétudes ou les angoisses ne peuvent que nourrir les populismes de tout bord. Face aux crises, l’efficacité de l’action publique, de l’État, est la première réponse à la tentation des extrêmes. Je ne rejetterai jamais une option par principe ou par tactique. Je l’examinerai toujours au prisme de la justice, de l’efficacité et de la cohérence. Ce sont mes principes, c’est la ligne de mon gouvernement. C’est au regard de ces fondamentaux que nous avons considéré qu’il était nécessaire d’engager la responsabilité de mon gouvernement. Les oppositions nous l’avaient dit il y a quelques semaines, quand j’avais reçu les présidents de groupes ; elles l’ont confirmé après plus de cinquante heures de débat dans cet hémicycle : elles refuseraient de voter un texte, quel qu’il soit. Nous ne pouvions pas laisser la France sans budget et les Français sans protection. ».

Effectivement, le mercredi 19 octobre 2022, la Première Ministre Élisabeth Borne est montée à la tribune de l'Assemblée Nationale pour annoncer sa décision d'engager la responsabilité de son gouvernement pour la première partie du projet de loi de finances pour 2023, selon l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Peu après, le lendemain, le jeudi 20 octobre 2022, elle l'a également appliqué pour la troisième partie du projet de loi du financement de la sécurité sociale pour 2023.

Ces deux décisions ne sont ni surprenantes ni scandaleuses, contrairement à ce qu'essaient de faire croire les oppositions, mais c'est de bonne guerre, chacun sur ses positions. Il n'y a rien d'antidémocratique de mettre en pratique un article (originel) de la Constitution qui a été ratifié le 28 novembre 1958 par le peuple français avec une très large majorité (82,6% des suffrages exprimés, et si l'on prend seulement par rapport aux inscrits, cela fait quand même les deux tiers, 65,9% des inscrits : on oublie un peu trop que cette excellente Cinquième République a été plébiscitée par le peuple, au contraire de la Quatrième République qui a dû s'y reprendre avec deux Constituantes pour aboutir laborieusement, par défaut et lassitude, à un texte à peine passable).

Il faut être logique : le gouvernement ne bénéficie pas de la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, tout texte susceptible de recueillir plus de votes contre que de votes pour a pour vocation de ne pas être adopté sans cette procédure qui visait justement à permettre à un gouvernement ne bénéficiant que d'une majorité relative de quand même gouverner (Michel Debré pensait d'ailleurs que cette configuration serait la règle générale, alors qu'elle n'est intervenue que trois fois sur les seize législatures : en 1958-1962, en 1988-1993 et depuis 2022).

Cette utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution a été très souvent utilisé au cours de l'histoire, 92 fois depuis 1958, dont 4 fois par Michel Debré, 6 fois par Georges Pompidou, 8 fois par Raymond Barre, 7 fois par Pierre Mauroy, 4 fois par Laurent Fabius, 8 fois par Jacques Chirac, 28 fois par Michel Rocard, 8 fois par Édith Cresson et 6 fois par Manuel Valls, les plus gros contributeurs (supérieur ou égal à 4 fois), et il y a peu de doute qu'Élisabeth Borne, dans quelques années, en fera partie aussi.

La seule grande différence depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, et elle est vraiment de taille, c'est la limitation à un texte par session hors textes PLF et PLFSS (finances et financement de la sécurité sociale). Élisabeth Borne ne pourra donc pas user 28 fois de cette pratique comme l'a fait Michel Rocard en trois ans, lui aussi confronté à un gouvernement sans majorité absolue. Il faudra donc que le gouvernement choisisse avec justesse "le" texte qui pourra jouir de ce joker constitutionnel au cours de la session.

Il faut bien comprendre que pour le PLF et le PLFSS, le gouvernement était obligé de brandir le 49 alinéa 3 s'il voulait qu'il y ait un budget pour l'année 2023 et il le fera sans aucun doute pour 2024, 2025, etc. Rappelons que nos institutions, grâce à cet outil savamment étudié par les constitutionnalistes gaulliens de l'été 1958, évitent ainsi le risque récurrent de "shutdown" (blocage) à la suite d'un désaccord entre gouvernement et parlementaires, phénomène relativement courant le mois de janvier aux États-Unis, à savoir, l'arrêt de tous les services publics (et l'arrêt des versements des salaires de tous les fonctionnaires fédéraux, de toutes les subventions, aides, allocations et financements divers) tant que le budget de l'année qui commence n'est pas voté par le Congrès ! Entre 1976 et 2019, il y a eu 19 "shutdown" dont le plus long a duré trente-cinq jours.

La seule possibilité pour l'opposition de revenir au vote sur le texte en question est de déposer une motion de censure dans un délai de 48 heures. Trois motions de censure ont été déposées, deux par la Nupes pour les deux utilisations de l'article 49 alinéa 3 et une par le RN pour la première utilisation de l'article 49 alinéa 3 (l'absence de second motion de censure par le RN s'apparente donc plutôt à de la paresse intellectuelle). Ces trois motions de censure ont donc été discutées l'après-midi de ce lundi 24 octobre 2022 et aucune n'a recueilli le nombre de voix nécessaire pour être adoptée, à savoir 289 voix.

La première motion de censure (de la Nupes) a été défendue par la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain qui n'a pas hésité à faire une double démagogie à deux balles, avec cette envolée significative : « Votre budget donne un chèque en blanc aux plus riches, alors qu'ils polluent huit fois plus (…) que les 50% des Français les moins riches. ». En effet, fustiger les riches (alors qu'Élisabeth Borne a rappelé que c'était complètement faux, ce budget protégeait tous les Français et d'abord les plus modestes, pas les plus riches) et fustiger la trop grande timidité en matière écologique (alors que les Français au contraire vont déjà être très contraints par les lois en vigueur) sont simplement les fonds de commerce de cette gauche qui a désappris à gouverner et qui s'est installée durablement dans la protestation stérile.

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Quant à la motion de censure présentée par Marine Le Pen, la démagogie, l'outrance et la pauvreté de l'argumentation politique (ce qui est récurrent chez elle) sont observées : « En s’entêtant à exercer la fonction de cette manière, selon un logiciel dépassé, le Président prend le risque de conduire le pays au blocage. Lorsqu’il aura épuisé son droit de tirage du 49.3, il exposera le pays à une crise politique, voire, compte tenu de la défiance qui s’exprimera probablement alors, à une crise de régime. (…) Emmanuel Macron ne peut ignorer cette règle d’airain : quand l’article 49.3 n’est pas utilisé pour mettre un terme à une obstruction parlementaire, mais seulement pour interdire le droit d’amendement du Parlement, il a pour effet immédiat d’user le pouvoir qui s’en sert. Vos 49.3 jumeaux sont de ceux-là ; ils ne sont pas brandis du fait d’un blocage de l’opposition, elle n’a jamais cessé de délibérer loyalement, mais comme la marque d’un refus du gouvernement de discuter, de rechercher des compromis et de composer. (…) Avec deux 49.3 en deux jours, dès les premières discussions, ce mandat à peine commencé a déjà pris les allures d’une fin de règne. Une minorité présidentielle en plein doute, un exécutif barricadé dans ses certitudes, un gouvernement qui considère toute concession comme une capitulation, et plus généralement un régime qui n’a pas compris que quelque chose s’était passé il y a quatre mois : force est de constater que le pouvoir refuse toujours d’admettre qu’il a été institutionnellement invité à changer sinon de nature, du moins de comportement. Voilà la triste épopée solitaire d’un gouvernement usé avant d’avoir servi. (…) Je le dis, pour que personne, même en haut lieu, ne se méprenne : au Rassemblement national, nous ne craignons pas les menaces de dissolution. ». Comme on le voit, rien de constructif dans l'intervention très politicienne de la présidente du groupe RN, ce que les Français détestent le plus de leur classe politique, posture politicienne.

La Première Ministre Élisabeth Borne, dans sa réponse, a rappelé que voter la motion de censure, c'était d'abord refuser beaucoup d'aides que le gouvernement a proposées aux Français souvent les plus modestes : « Que nous reprochez-vous exactement ? Serait-ce d’avoir mis en place un bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité ? Ce bouclier tarifaire, c’est la mesure la plus protectrice d’Europe pour les ménages, les très petites entreprises et les plus petites communes. (…) Ce PLF étend à tous les producteurs d’électricité le dispositif qui permet de récupérer les marges exceptionnelles dégagées du fait des prix anormalement élevés. Contrairement à ce que j’ai pu lire et entendre, les énergéticiens seront bien mis à contribution. Ce nouveau dispositif, ce sont 7 milliards d’euros qui reviendront aux ménages, aux entreprises, aux collectivités. Pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi ne pas vouloir reconnaître que nous faisons ce que vous faites semblant de réclamer à cor et à cri ? Voilà une nouvelle preuve que la Nupes et le RN surjouent la posture ! ».

Elle a regretté qu'aucune marge de compromis n'ait pu être construite avec la Nupes à cause des postures politiciennes : « Manifestement l’insoumission a gagné la partie, ne laissant pas de place à la construction et continuant à vivre dans un pays alternatif : celui où Jean-Luc Mélenchon serait parvenu au second tour de la présidentielle, qu’il aurait d’ailleurs gagnée, celui où des centaines de milliers de militants auraient été dans la rue il y a dix jours derrière leur grand leader. ».

Elle a aussi répondu à la démagogie écolopopuliste de Cyrielle Chatelain : « Le dérèglement climatique n’est plus un débat de scientifiques. C’est une réalité vue, perçue, ressentie par chaque Français. Mais peut-on sérieusement, madame la présidente Chatelain, laisser croire que ce gouvernement serait responsable du dérèglement climatique à l’échelle de la planète, ainsi que des incendies en Gironde l’été dernier ? ».

Quant à l'extrême droite, Élisabeth Borne n'a pas hésité non plus à ironiser sur elle : « La seconde motion de censure, présentée par le Rassemblement national, dissimule mal, derrière une apparence de sérieux, le simplisme, l’outrance et des fondamentaux idéologiques qui n’ont pas bougé depuis cinquante ans. Alors, vos leçons de démocratie, madame Le Pen, je les trouve tout simplement indécentes. (…) Ce que vous visez, c’est le désordre et la discorde, au prix d’une alliance contre nature avec la Nupes ! ».

Car, oui, le RN a décidé de voté aussi la motion de censure déposée par la Nupes, ce qui, sur le plan parlementaire, ne changera rien au résultat final, mais sur le plan politique est un acte important qu'a traduit la Première Ministre de cette manière : « La Nupes et le Rassemblement national ont l’un et l’autre déposé une motion de censure, mais je n’imagine pas un instant qu’ils puissent gouverner ensemble. En dépit des différences majeures que je vous connais, je relève dans vos discours respectifs des arguments qui vous sont tristement communs. Ce que je retiens surtout de ces deux textes, c’est que le seul point d’accord entre la Nupes et le Rassemblement national, c’est de vouloir l’échec du gouvernement. Au sein de la Nupes, certains veulent le désordre, ou plus clairement encore le chaos, ils l’affirment et le revendiquent, et le RN pense pouvoir en récolter tranquillement les fruits. Tous espèrent prospérer en bloquant notre action et en misant sur l’échec du pays. J’ai lu attentivement les textes de ces deux motions de censure. J’y retrouve des propos parfois sans lien aucun avec le projet de loi de finances. (…) J’ai entendu madame Le Pen se rallier à la motion de censure de la Nupes. Est-ce à dire qu’une alliance peut se passer de valeurs communes, de convictions partagées et d’ambitions convergentes ? Est-ce un gouvernement où sur les bancs des ministres, siégeraient côte à côte dans cette assemblée madame Le Pen, madame Panot, madame Chatelain, monsieur Bardella, monsieur Vallaud et monsieur Chassaigne que vous proposez aux Français ? ».

Et la conclusion a sonné comme la fin de la récréation : « La vie parlementaire est faite de moments de débats et de moments de vérité. L’examen de ces motions de censure en est un. Notre position est claire : chercher le dialogue, ne jamais renoncer à l’action au service des Français et donner un budget à la France. ».

Les votes ont été à peu près ce qui pouvait être prévu avant ce débat.

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La première motion de censure déposée par la Nupes n'a recueilli que 239 voix (scrutin n°358), elle a cependant récolté la convergence des populismes et des extrémismes de droite et de gauche, puisque, au-delà des 148 voix de la Nupes (il a manqué 3 voix écologistes), les 89 députés RN ont voté comme un seul homme pour la Nupes ainsi qu'un député du groupe LIOT (groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) et Nicolas Dupont-Aignan (non-inscrit).

La deuxième motion de censure déposée par le RN n'a recueilli que 90 voix (scrutin n°359), 88 du groupe RN (il a manqué une voix RN), Nicolas Dupont-Aignan, et un député FI ! Les autres députés de la Nupes ont refusé de rejoindre le RN dans cette posture de censure.

Enfin, la troisième motion de censure déposée par la Nupes le 20 octobre 2022, discutée en séance de nuit (défendue par le député socialiste Jérôme Guedj, le "tombeur" de l'ancienne ministre Amélie de Montchalin), n'a recueilli que 150 voix (scrutin n°360), uniquement celles de la Nupes (il a manqué une voix écologiste). Pour cette motion de censure, le RN et Nicolas Dupont-Aignan n'ont pas voulu participer à ce scrutin.

Notons également qu'aucun député LR, ni non plus Emmanuelle Ménard, députée non-inscrite de Béziers pourtant proche du RN, n'ont voté pour l'une de ces trois motions de censure ni mêlé leurs voix à celles des populistes. Emmanuel Ménard s'est exprimée en fin de soirée : « Je suis d’accord avec une phrase de la motion de censure déposée par les députés de la Nupes : "les enjeux de santé et de protection sociale appellent un débat approfondi". Ils ont raison, même si je ne partage pas grand-chose d’autre de leur vision de notre société, une vision à sens unique, assortie de toujours plus de droits mais rarement de devoirs, occultant les responsabilités et les obligations qu’induit ce que l’on appelle simplement le civisme. (…) Parce que je combats cette vision candide de la société, je ne voterai évidemment pas la motion de censure. Ce faisant, il ne s’agit évidemment pas d’accorder un blanc-seing au Gouvernement. (…) Entre la démagogie de cette motion de censure et le déni de certaines réalités, il y a, me semble-t-il, la place pour une approche à la fois pragmatique et audacieuse de notre sécurité sociale. ».

Et la Première Ministre a répondu en conclusion du débat de la soirée sur la sécurité sociale, principalement à l'adresse de la Nupes : « Oui, mesdames et messieurs les députés, au-delà des postures, nous aurions pu adopter ensemble un texte. Mais je crois que les députés de la Nupes avaient peur que des débats se nouent et que des majorités se dégagent. Vous aviez peur qu’une discussion de bonne foi sur ce texte, animée par une volonté de compromis, ne fracture votre alliance. Vous avez choisi de préserver l’unité de votre accord politique, plutôt que de chercher l’unité au service des Français. Vous avez préféré nous contraindre à l’utilisation des outils constitutionnels à notre disposition, plutôt que de trouver des points de convergence. Je regrette cette posture. Je la regrette d’autant plus que sur ce texte, ce qui nous rapproche de certains d’entre vous est bien plus important que ce qui nous sépare. (…) Notre rôle est de garantir le financement de la sécurité sociale. Notre rôle est de protéger la santé des Français et notre modèle de solidarité, pas de risquer un rejet de la troisième partie du texte. (…) Avez-vous peur de montrer vos différences d’approche ? Avez-vous peur de prouver, une fois de plus, que vous rejetez par principe tout ce qui émane du gouvernement ? Nous, nous voulons que le débat se tienne et j’espère que nous retrouverons l’esprit de coconstruction qui a guidé les travaux en commission. (…) Nous chercherons toujours le dialogue : notre porte sera toujours ouverte à ceux qui, à droite comme à gauche, croient au dépassement des clivages et veulent construire des compromis. Mais nous ne renoncerons jamais à agir et à trouver des solutions au service des Français ! ».

Comme toujours dans les examens de motions de censure, les députés de l'opposition ont fait de la représentation théâtrale, ont fait dans la grandiloquence absolument stérile, ont fait surtout dans la posture politicienne. Ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que les électeurs français, en donnant à Emmanuel Macron une majorité mais seulement relative, n'ont pas seulement imposer au Président de la République de faire de la concertation et de rechercher des compromis, ils l'ont imposé aussi aux groupes de l'opposition, et ceux-là ne l'ont pas compris. La bonne volonté de la Première Ministre Élisabeth Borne marquera date et si elle n'a pas son répondant parmi les oppositions, celles-ci seront le moment venu sévèrement sanctionnées par ces mêmes électeurs qui auront compris que ni la Nupes ni le RN ne recherchent au fond l'intérêt général, mais simplement de faire prospérer leur petit fonds de commerce au risque du chaos national.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (24 octobre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
3 motions de censure pour le prix de 2 articles 49 alinéa 3 !
Emmanuel Macron s'exprime sur l'Ukraine et sur la pénurie d'essence : nous devons nous serrer les coudes !
Interview du Président Emmanuel Macron dans "L'Événement" le 12 octobre 2022 sur France 2 (vidéo).

Emmanuel Macron et la menace de la dissolution.
Le point chaud de la rentrée d’Emmanuel Macron : l’énergie.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 5 septembre 2022 sur l’énergie.
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Le Conseil national de la refondation (CNR).
Le feu sacré d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron à Pithiviers.
Pas de session extraordinaire en septembre 2022.
Jacques Attali et Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron persiste et signe !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221024-motions-censure.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/3-motions-de-censure-pour-le-prix-244536

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/10/24/39681724.html











 

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3 septembre 2022 6 03 /09 /septembre /2022 05:20

« Cliver, c’est facile. Mais quand on dirige, il y a souvent beaucoup plus de courage à rassembler qu’à opposer. » (Bruno Retailleau, le 2 septembre 2022, dans "Le Figaro").




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Le parti Les Républicains (LR) est actuellement en pleine restructuration : dans l’opposition depuis 2012, il vient de perdre une troisième fois consécutive l’élection présidentielle, et pas de justesse, sa candidate Valérie Pécresse n’a même pas atteint 5% des voix. L’enjeu est donc son existence elle-même. Heureusement pour lui, il a su redresser les prévisions les plus pessimistes aux élections législatives, même s’il se retrouve derrière le RN et FI parmi les groupes d’opposition.

Son président depuis 2019, Christian Jacob a jeté l’éponge et LR se choisit donc cette année un nouveau président. La limite des dépôts de candidature a été fixée au 2 octobre 2022 (dans un mois) et l’élection aura lieu les 3-4 et 10-11 décembre 2022. L’objectif des cadres est d’éviter de recommencer la division fatale de 2012 entre Jean-François Copé et François Fillon.

La situation de LR de 2022 est pourtant très différente de 2012. En 2012, c’était un parti de gouvernement, avec une culture de gouvernement et beaucoup de responsables politiques avec beaucoup d’expérience, en particulier de chef d’exécutifs locaux ou de ministre. De plus, il y avait une grande force militante, dopée par l’élection présidentielle, 250 000 adhérents. En 2022, c’est très différent car beaucoup en sont partis à cause de ses dérives droitières, pour soutenir Emmanuel Macron. D’autres, un très petit nombre, ont rejoint, au contraire, des partis extrémistes, soit Éric Zemmour, soit Marine Le Pen. Et qu’en est-il des quelque 60 000 adhérents restants ? Sans doute des opposants irréductibles à la politique du gouvernement. C’est cet anti-macronisme viscéral des militants que doivent prendre en compte les parlementaires LR prêts à collaborer avec la majorité présidentielle.

Éric Ciotti a tout de suite annoncé sa candidature pour présider LR : il est arrivé en premier lors de la primaire présidentielle de décembre 2021 et entend bien capitaliser cet exploit. Il est le favori, adoptant une ligne sécuritaire très dure, et envisageant sérieusement des alliances avec le RN. Complètement opposé à cette ligne, le jeune député du Lot Aurélien Pradié, par ailleurs actuel secrétaire général de LR, devrait aussi présenter sa candidature sur une ligne beaucoup sociale. Pour lui, c’est une erreur d’être obsédé par la sécurité alors que les vrais problèmes sont d’abord le pouvoir d’achat, or, LR devrait défendre beaucoup mieux les classes moyennes qui ne sont jamais aidées et qui sont toujours assommées par les mesures fiscales et sociales de tous les gouvernements depuis quarante ans.

À l’évidence, un duel Ciotti vs Pradié ne semble pas avoir l’accord de la plupart des parlementaires LR, d’autant plus qu’Éric Ciotti est le favori. Selon un sénateur LR, entre 45 et 65 sénateurs quitteraient LR si Éric Ciotti était élu président du parti. Un nouveau schisme en perspective.

Il faut dire aussi qu’il n’y a plus de personnalité hors du commun, née pour gagner l’élection présidentielle et à l’ambition dès le plus jeune âge, dont le volontarisme se traduit aussi par la capacité de rassembler des personnalités très différentes. Sauf peut-être deux encore adhérents : Jean-François Copé et Laurent Waquiez. Ces deux-là, anciens ministres et chefs d’exécutifs locaux (maire de Meaux pour l’un, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes pour l’autre), à l’ambition élyséenne assumée, auraient pu être ces présidentiables qui manquent tant. Mais les deux se sont consumés bien trop vite à leur heure de gloire, l’un après l’échec de 2012 (période 2012-2014) et l’autre après l’échec de 2017 (période 2017-2019). Aucun des deux ne souhaite ainsi s’exposer à nouveau dans une conquête d’abord d’un parti puis de l’Élysée, du moins pour le moment. En outre, leur image dans l’opinion est très négative. Ils préfèrent prendre du champ et attendre des jours meilleurs.

C’est là qu’intervient Bruno Retailleau. Les Français en ont entendu parler surtout à partir de la campagne présidentielle de 2017, il était le bras droit de François Fillon dont on le disait très proche (politiquement, géographiquement, sociologiquement) au point aujourd’hui de présider le club politique des fillonistes, Force républicaine. Mais les plus observateurs le connaissaient déjà à la fin des années 1990 avec une autre perception, comme le dauphin de Philippe de Villiers.

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Là encore, ils ont des proximités géographiques, ils sont du même département, la Vendée. Bruno Retailleau est originaire d’un village qui n’est pas loin du lieu où Philippe de Villiers a installé le parc du Puy-du-Fou. Et c’est dans ce cadre, en 1977, comme cavalier bénévole pendant ce spectacle, que Bruno Retailleau a fait la connaissance de Philippe de Villiers qui est devenu son mentor politique. Son village est Saint-Malô-du-Bois (1 600 habitants) dont le père de Bruno Retailleau a été le maire mais jamais lui, il s’était promis de ne jamais être le maire car il voyait son père épuisé par cette tâche.

Le courant est bien passé avec Philippe de Villiers qui l’a chargé d’un projet pour une partie du parc et il l’a adoubé politiquement : en 1988, il avait alors 27 ans, il a été élu conseiller général de la Vendée, réélu sans arrêt jusqu’en mars 2015 (le président du conseil général était Philippe de Villiers, de 1988 à 2010, qui l’avait poussé sur son canton de Mortagne-sur-Sèvre). En mars 1993, il a été élu suppléant du député Philippe de Villiers, et comme ce dernier, élu député européen en juin 1994, a démissionné pour cause de cumul, Bruno Retailleau est donc devenu député à l’âge de 33 ans, de 1994 à 1997 (député non-inscrit puisqu’au MPF). À l’origine, Philippe de Villiers était au PR (membre de l’UDF) mais en 1994, il a quitté l’UDF pour s’opposer à la construction européenne avec une sorte de poujado-populisme dans l’expression.

Ayant perdu son mandat parlementaire (Philippe de Villiers étant revenu dans sa circonscription), Bruno Retailleau s’est fait élire conseiller régional en mars 1998 jusqu’en mars 2004, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire d’un président qui s’appelait …François Fillon (de 1999 à 2002), successeur du baron du gaullisme Olivier Guichard, ancien maire de La Baule.

Sa véritable émancipation date de septembre 2004, quand il s’est fait élire sénateur de la Vendée, réélu en septembre 2014 puis septembre 2020. D’abord non-inscrit puisque membre du MPF comme son mentor, il est devenu un grand notable provincial, surtout lorsqu’en 2010, Philippe de Villiers a pris la décision de se retirer de la vie politique. Bruno Retailleau était son premier vice-président et a été élu président du conseil général en novembre 2010, réélu en mars 2011 après les élections cantonales de mars 2011, jusqu’en mars 2015 où il a quitté cette instance départementale pour ne pas trop cumuler (il venait d’être élu président du groupe LR au Sénat, j’y reviendrai plus loin). Un président de département en même que sénateur, c’est la trajectoire très classique d’un élu local qui a réussi.

Mais entre-temps, en 2009, ce fut le clash politique entre Bruno Retailleau (appelé par François Fillon au gouvernement mais il a répondu négativement) et Philippe de Villiers qui y a vu une trahison politique. Philippe de Villiers l’a alors exclu des instances du Puy-du-Fou et Bruno Retailleau a quitté le MPF en 2010 pour se rapprocher de l’UMP auquel il a adhéré en février 2012, soutenant la campagne de Nicolas Sarkozy. Il fut aussi élu président de la fédération UMP de la Vendée. Le 22 novembre 2016 sur France Inter, il a expliqué : « Si j’ai quitté Philippe de Villiers, c’est pour sa radicalisation. ».

Le 7 octobre 2014, Bruno Retailleau a créé la surprise en se faisant élire président du groupe LR au Sénat, renversant le président sortant et ancien ministre Roger Karoutchi et battant aussi l’ancien ministre Gérard Longuet. Ensuite, sans surprise, il s’est fait réélire le 27 septembre 2017 et en septembre 2020.

Parallèlement, il a pris le leadership politique aux régionales, réussissant à remporter les élections régionales sur les sortants du parti socialiste : il a donc été élu président du conseil régional des Pays de la Loire de décembre 2015 à septembre 2017, reprenant le siège laissé par François Fillon onze ans plus tôt. En septembre 2017, il a démissionné pour être en conformité avec la loi sur le cumul des mandats et a transmis cette présidence à Christelle Morançais dont le nom fut cité en avril 2022 comme éventuelle future Première Ministre d’Emmanuel Macron réélu.

Depuis 2014, Bruno Retailleau est donc une personnalité qui compte au sein de l’UMP puis de LR. Bras droit de François Fillon, la victoire de celui-ci à la primaire LR de 2016 l’a plongé dans la lumière. Il était même considéré comme premier ministrable de François Fillon, du moins, l’un de ses principaux ministres potentiels en cas d’élection. De plus, il est connu pour être particulièrement unitaire. Le 5 septembre 2015 à La Baule, Bruno Retailleau avait réussi l’exploit de réunir sur la même photo Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon.

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Très apprécié des parlementaires (et surtout des sénateurs), il a tout été, à 61 ans, en politique, tout été sauf député européen, maire et surtout ministre. Sur le plan idéologique, il est finalement très peu différent d’Éric Ciotti, classé à l’aile droite, mais à la différence du député de Nice, il fait partie de la droite conservatrice traditionnelle, catholique, bourgeoise, libérale, totalement hostile à toute forme de complaisance avec le RN.

Présent au fameux meeting du Trocadéro du 5 mars 2017, il est resté fidèle jusqu’au bout à François Fillon, au même titre que Jérôme Chartier et Valérie Boyer (qu’on voit sur les images avec Éric Ciotti), malgré l’affaire Pénélope. Après 2017, il reste le meilleur représentant de François Fillon au sein de l’appareil. Son problème est qu’il s’est montré parfois velléitaire : ainsi, il avait hésité à se présenter à la présidence de LR en 2019, après la démission de Laurent Wauquiez. De même qu’en 2021, il avait hésité à se présenter à la primaire LR pour l’élection présidentielle. Il avait néanmoins obtenu le principe d’une primaire, soutenu aussi par Gérard Larcher, le Président du Sénat, pour déterminer le candidat LR.

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L’élection interne de décembre 2022 l’a placé encore dans cette hésitation. Celle-ci peut être formulée de cette manière : Bruno Retailleau préside actuellement le groupe LR au Sénat, le groupe majoritaire, et dans la configuration parlementaire actuelle, avec l’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale, il considère que le groupe LR majoritaire au Sénat aura une influence décisive dans la rédaction des projets de loi durant cette législature et il entend donc continuer à exercer cette influence.

Toutefois, pendant l’été 2022, Gérard Larcher l’a convaincu qu’il était le seul à pouvoir empêcher l’élection d’Éric Ciotti qui signerait la mort de LR et sa disparition au profit d’une entité proche du RN. Surtout, Gérard Larcher l’a rassuré sur un point, qu’il a confirmé dans "Le Figaro" le 30 août 2022 : « Je ne vois aucune incompatibilité entre la présidence du groupe et la présidence des Républicains. Bruno Retailleau a toutes les qualités pour présider notre mouvement. ». Du reste, il est notable aussi que des sénateurs d’origine centriste, comme l’ancien ministre Marc-Philippe Daubresse, annoncent leur soutien à la candidature de Bruno Retailleau.

Dans une interview au journal "Le Figaro" mise en lien le soir de ce vendredi 2 septembre 2022, Bruno Retailleau s’est donc lancé et a annoncé officiellement sa candidature à la présidence de LR : « Je veux bâtir ce grand parti de droite, populaire et patriote, qui manque aujourd’hui à la France ». Un parti entre la Macronie et l’extrême droite.

Il a considéré que le renoncement de Laurent Wauquiez à briguer cette présidence le plaçait dans une situation telle qu’il devait y aller. Même si Laurent Wauquiez venait d’exprimer quelques sympathies pour Éric Ciotti, l’objectif de Bruno Retailleau serait bien entendu de soutenir la candidature de Laurent Wauquiez à l’élection présidentielle de 2027, servie par un parti en ordre de marche. C’est pourquoi le sénateur de la Vendée a insisté sur le fait qu’il n’était candidat contre personne, pas même contre Éric Ciotti : « Dans notre état de faiblesse, un choc frontal pourrait nous briser. ».

Le timing est parfait pour Bruno Retailleau puisqu’il a annoncé sa candidature la veille des Journées des Jeunes Républicains à Angers, sorte d’université d’été de LR et rentrée politique du parti dont la question sur l’organisation monopolisera certainement tous les esprits dans les débats internes. Il l’a annoncée aussi le lendemain d’une visioconférence (le 1er septembre 2022 à 18 heures) avec l’ensemble du groupe LR au Sénat qu’il préside et qui lui a assuré le soutien de la quasi-unanimité des sénateurs.

Roger Karoutchi, qui fut son adversaire malheureux en 2014 (pour la présidence du groupe sénatorial), le soutient désormais : « Bruno Retailleau a pour lui en magasin la capacité de dire "je suis un type de droite, très ferme sur le régalien, mais j’accepte le débat". Je ne dis pas qu’Éric Ciotti ne saurait pas le faire, mais Bruno a l’expérience. Comme ni l’un ni l’autre ne sont candidats pour 2027, on a besoin d’un président de parti qui va faire en sorte d’ouvrir les portes et les fenêtres et de rassembler. ». Quant à Marc-Philippe Daubresse, il est déjà conquis : « Sa façon de parfaitement piloter le groupe au Sénat, avec tous les courants, est finalement une approche intéressante de ce que l’on peut rencontrer aux Républicains. Après l’enjeu essentiel est de plaire aux militants. ». Et vis-à-vis des militants, Éric Ciotti a une grande avance.

Bruno Retailleau devra donc aussi s’attendre à trouver une opposition à sa démarche. Alors qu’il était déjà question de sa candidature pour la primaire présidentielle, en octobre 2020, il avait reçu les critiques de deux personnalités importantes de LR avant de finalement renoncer. Ainsi, Jean-François Copé s’insurgeait en disant : « Pitié, pas lui ! » en estimant : « Il représente la tendance du parti la moins porteuse et la moins génératrice de toutes nos difficultés depuis Fillon. C’est la spirale de l’échec assurée. ». Quant à Aurélien Pradié, il était sans concession : « On a déjà testé cette ligne avec Fillon en 2017 et Bellamy en 2019, ça nous a rapporté 10% ! Si la grande famille gaulliste à laquelle j’appartiens devient un Tea Party à 10%, je me casse et rachète un club de surf sur la côte basque. Ma droite est celle de l’espérance, celle qui parle d’écologie, de justice sociale, celle qui a défendu les femmes avec la loi Veil, pas celle de la punition ! ». Ces deux propos ont été rapportés par "Valeurs actuelles" à l’époque (octobre 2020). Entre-temps, Valérie Pécresse a été choisie comme candidate contre Éric Ciotti, et a fait pire que cette ligne Fillon-Bellamy.

Que prône Bruno Retailleau ? Il l’avait résumé rapidement dans une interview accordée à Emmanuel Galiero dans "Le Figaro" publié le 24 mai 2022 : « L’enjeu, pour la droite, c’est d’abord la clarté. En voulant tout concilier, la droite a tout perdu. Nous devons repartir de l’essentiel. Ce qui fonde la politique, c’est une vision de l’homme dans son environnement. À l’heure où les problèmes de pouvoir d’achat et de communautarisme taraudent nos concitoyens, surtout les plus modestes, je crois que la droite doit repenser ensemble la question sociale et la question identitaire, en reposant cette question fondamentale : qu’est-ce qu’une politique qui garantit la dignité de chaque Français et l’unité entre tous les Français ? Et je pense que notre modèle de civilisation, qui a pour cadre la nation et pour moteur la liberté, fournit la base indispensable à cette réflexion. ».

La présence de Bruno Retailleau dans la compétition interne renforce l’incertitude de son issue. S’il n’est pas question de candidature à l’élection présidentielle, peut-être finalement que Bruno Retailleau vise un autre objectif, Matignon. Chef de parti, LR pourrait devenir la majorité de remplacement si jamais le Président de la République prenait le soin de dissoudre l’Assemblée durant son second quinquennat. À cet égard, l’opposant à Emmanuel Macron n’a jamais insulté l’avenir…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 septembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bruno Retailleau.
Caroline Cayeux.
Christophe Béchu.
Aurélien Pradié.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220902-bruno-retailleau.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-republicains-bruno-retailleau-243583

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/09/02/39616185.html








 

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5 août 2022 5 05 /08 /août /2022 10:03

« Je suis l’homme le plus honnête du monde. » (Patrick Balkany, le 7 septembre 2013 dans "Salut les Terriens" sur Canal+).


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La saga des Balkany n’en finit pas d’étonner l’observateur politique. Mais depuis longtemps, il n’est plus question de politique, plus question même de justice. Juste une histoire balkanycentrée. Pour ceux qui n’étaient pas au courant dans la chaleur de l’été caniculaire, l’ancien député-maire de Levallois-Perret Patrick Balkany a été libéré (j’allais écrire relâché, comme pour un animal qu’on rend à la vie sauvage après quelques soins) de la prison de Fleury-Mérogis ce vendredi 5 août 2022 à 8 heures du matin.

L’homme s’est rendu à sa résidence secondaire de Giverny. Toujours à frimer et à parader, Patrick Balkany s’est contenté de dire que vivre en prison, c’était difficile et que ce n’était pas une vie. Mais ce qui frappait, c’étaient ses cheveux. Il avait l’air d’être de ces anciens chanteurs jeunes des années 1960 devenus septuagénaires sans s’en rendre compte, à continuer à porter des vêtements de jeunes… de l’époque… et laissant toujours pousser leurs longs cheveux (quand ils en ont encore). Ce qui nous a valu la fameuse réflexion philosophique : après six mois de prison, je vais aller chez le coiffeur ! On peine à imaginer qu’il n’y a pas de quoi se faire couper les cheveux en prison, car pour les condamnés à une dizaine d’années, à moins d’être sikhs, ils paraissent quand même un peu entretenus du cuir chevelu.

Mais justement, c’est cela, les Balkany, je mets au pluriel car sa femme est toujours là, toujours associée, toujours à compléter ce couple qu’on pourrait confondre avec des Ceausescu de banlieue, les crimes en moins, ou, pour rester dans la littérature française et dans des comparaisons moins excessives (et moins insignifiantes), avec les Thénardier. Car mine de rien, malgré leur dégradation sociale et politique, ils n’ont plus de mandat, malgré leur déchéance judiciaire, peut-être financière (c’est à voir), les Balkany sont encore une belle mécanique de communication.

À cet égard, Patrick-aux-cheveux-longs me fait penser à un ancien ministre très ambitieux du début des années 1990, Alain Carignon, qui a connu, lui aussi, la prison à partir de 1995 (il est aujourd’hui conseiller municipal d’opposition à Grenoble), qui, recevant en prison beaucoup de lettres de soutien de la part de ce peuple de Grenoble qui a été placé par lui dans différentes postes alimentaires, répondait depuis sa cellule… avec du papier quadrillé d’écolier. Il pouvait pourtant répondre normalement avec des feuilles blanches de format A4, mais le papier quadrillé d’écolier, cela apportait une sorte de promiscuité, de précarité, de proximité, de modestie, d’humilité qui concourait à sa victimisation (alors qu’il avait été condamné définitivement).

Je ne commenterai par les fautes que la justice a reprochées aux Balkany car finalement, ce n’est pas intéressant ni extraordinaire. C’est même assez banal et on se demandait surtout depuis une vingtaine d’années si Guignol se ferait un jour attraper par Gendarme. Incarcéré depuis le 13 septembre 2019 à la Santé, Patrick Balkany avait été libéré de prison le 14 février 2020 et placé sous bracelet électronique mais le 7 février 2022, sur décision de la cour d’appel de Rouen, il fut de nouveau incarcéré, cette fois-ci à Fleury-Mérogis, en raison de son attitude outrancière vis-à-vis de la justice, en particulier, en ne remboursant pas sa dette avec le fisc (de plus de 4 millions d’euros), en se moquant publiquement de la justice, en montrant beaucoup de légèreté avec elle. Cette insolence lui a coûté près de six mois de prison, mais à quelques jours de ses 74 ans (il est né le 16 août), il a été libéré sans bracelet électronique parce qu’il est âgé, qu’il a des problèmes de santé et parce qu’il a commencé enfin à rembourser sa dette fiscale.

Cigare, sourire carnassier, esprit de répartie très aiguisé, bluff, argent, arme, sexisme (il a été de ces députés qui ont sifflé le 17 juillet 2012 la ministre Cécile Duflot parce qu’elle portait une robe à fleurs dans l’hémicycle), réseaux multiples, haines et coquineries, Patrick Balkany a tout de l’homme politique "puant" par ses prétentions, ses médisances, sa cupidité, sa foi en son impunité… À propos de Cécile Duflot, il a précisé le 18 juillet 2012 au cours d’une interview dans "Le Figaro" : « Nous n’avons pas hué ni sifflé Cécile Duflot, nous avons admiré. Tout le monde était étonné de la voir en robe. Elle a manifestement changé de look, et si elle ne veut pas qu’on s’y intéresse, elle peut ne pas changer de look. D’ailleurs, peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas qu’on écoute ce qu’elle avait à dire. (…) Enfin, on peut regarder une femme avec intérêt sans que ce soit du machisme ! ». Cette précision, à mon avis, l’a enfoncé encore plus dans le sexisme le plus stéréotypé, avec cet argument nul de : si elle ne voulait pas être sifflée, elle n’avait qu’à ne pas porter de robe (du genre : elle a été violée mais elle l’a bien cherché avec sa jupe courte).

Sans doute le puant se révélait le mieux dans cette interview accordée le 16 novembre 2005 pour la "Vrai journal" de Canal+ à destination des étrangers : « Nous n’avons pas de misère en France. Il n’y a pas ce que vous appelez les pauvres. Bien sûr, il y a bien quelques sans domicile fixe qui, eux, ont choisi de vivre en marge de la société. ». Et l’impunité probablement lui paraissait aller de soi lorsqu’il ironisait ainsi le 12 juin 2013 dans "L’Express" : « Si on n’investit que ceux qui n’ont pas été condamnés par la justice, on n’a plus de candidats dans les Hauts-de-Seine. ».

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Et pourtant, il y a un côté tellement pitoyable à ce destin qu’il en deviendrait sympathique. C’est tellement gros qu’on le croit naïf avec ses gros sabots, comme un enfant qui n’a pas su résister à mettre les mains dans le pot de confiture, malgré toutes les caméras braquées sur le pot. Levallois-Perret est l’une des communes où il y a le plus de caméras de vidéo-protection, au point que son maire proposait « l’hôtel, comme tout le monde » au lieu de faire l’amour dans un parking sous peine d’être être filmé (le 7 septembre 2013 dans "Salut les Terriens").

Patrick Balkany a fait partie de ces jeunes ambitieux du RPR prêts à conquérir les Hauts-de-Seine (après une vaine tentative de déstabiliser un ministre giscardien important, Jean-Pierre Soisson, à Auxerre avec la bénédiction de Jacques Chirac) : il a conquis la mairie de Levallois-Perret en 1983, en même temps de Patrick Devedjian à Antony et presque en même temps que Nicolas Sarkozy à Neuilly-sur-Seine. Il a été élu député en 1988 et il a gardé ces deux mandats quasiment jusqu’en 2017 et 2020. Il a quitté son mandat de parlementaire en 2017 pour des raisons de cumul, et refusant de soutenir son rival LR perpétuel, il a soutenu la jeune candidate de LREM qui a gagné (Céline Calvez).

J’ai écrit "quasiment" car Olivier de Chazeaux, également de même bord que lui, l’a détrôné à la mairie en 1995 et dans sa circonscription en 1997, cela en raison des premiers déboires judicaires du couple (qui fut même ébranlé dans sa propre existence), mais en 2001 et 2002, le détrôné a reconquis tous ses mandats un à un, avec une capacité de rebondissement étonnante (on le disait alors fini). Sarkozyste, il n’a jamais été nommé ministre ou sous-ministre pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy car ce dernier devait être le premier au courant que cela aurait constitué une erreur politique fondamentale (ce qui confirme la grande lucidité de Nicolas Sarkozy).

Son épouse Isabelle Balkany, de un an son aînée, a repris le canton que le mari avait occupé pendant six mois et qu’il avait quitté pour raison de cumul, et elle est restée conseillère générale des Hauts-de-Seine et vice-présidente du conseil général sans discontinuité d’octobre 1988 à mars 2011, sous l’autorité de Charles Pasqua (puis de Nicolas Sarkozy et de Patrick Devedjian). En 2011, Isabelle Balkany comptait bien déboulonner Patrick Devedjian et lui ravir la présidence du conseil général, mais elle fut battue par le perpétuel opposant dans son propre canton, ce qui soulagea bien des responsables de l’UMP. Lors de la reconquête de la mairie de Levallois-Perret, en mars 2001, elle fut élue première adjointe au maire jusqu’à leur déchéance par la justice le 6 mars 2020, et à ce titre, elle a assuré l’intérim pendant que le maire était en prison. Elle n’a jamais réussi à devenir parlementaire, échouant aux élections sénatoriales de septembre 2011.

Alors que son mari, parce qu’il a été parlementaire entre 1988 et 2017, n’a jamais été décoré en France (les parlementaires n’ont pas le droit d’être décorés au cours de leur mandat), Isabelle, elle, a pu l’être, nommée chevalière de la Légion d’honneur le 30 janvier 2008 par la ministre Michèle Alliot-Marie. Mais elle fut exclue de l’ordre le 23 juin 2021 avec effet au 4 mars 2020 en raison de la confirmation de sa condamnation pour fraude fiscale. Cette exclusion, prononcée par arrêté du grand chancelier de la Légion d’honneur, a été simplement constatée car elle était de droit en raison de la confirmation de la condamnation.

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Dans cet univers impitoyable qui semble être un nouveau Dallas à la française, la différence, c’est que depuis quelques années, il y a quand même une justice qui est passée. On remarque par ailleurs que depuis 2019, le couple Balkany n’a reçu aucun soutien de responsables de LR, leur ancien parti qui les avait soutenu pendant des décennies. En revanche, comme à Grenoble avec Alain Carignon, ils continuent à recevoir des soutiens des habitants de Levallois-Perret qui considèrent qu’ils ont beaucoup œuvré pour leur ville sans prendre en considération que la commune est devenue l’une des plus endettées de France (à force d’attirer des sièges sociaux de grandes entreprises).

Ils pourraient donc mettre à profit ce petit capital de sympathie, non pour un retour en politique (ils ont été condamnés tous les deux aussi à une peine d’inéligibilité de dix ans, ce qui en ferait des octogénaires bien entamés pour leur éventuel retour), mais, pourquoi pas, dans le cadre de création littéraire ou cinématographique. Après tout, leur histoire, très particulière, pourrait valoir de l’or, et en fin de compte, pour Patrick Balkany qui avait joué des petits rôles, au début de sa vie professionnelle, dans deux films, "Soleil noir" de Denys de La Patellière (sorti le 25 novembre 1966), avec Michèle Mercier et Daniel Gélin, et "J’ai tué Raspoutine" de Robert Hossein (sorti le 3 mai 1967), ce ne serait qu’un retour aux sources…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 août 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Patrick Balkany, tête à claques !
Balkany brisé ! Balkany martyrisé ! Mais Balkany libéré !
Patrick Balkany, les Misérables, l’homme providentiel et l’incertitude quantique.
Patrick Balkany en prison.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220805-balkany.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/patrick-balkany-tete-a-claques-243110

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/08/05/39584419.html
















 

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12 juillet 2022 2 12 /07 /juillet /2022 05:05

« Il n’est plus question de dénoncer un texte ou une décision, mais seulement de censurer pour censurer. » (Élisabeth Borne, le 11 juillet 2022, dans l’hémicycle).





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En application de l’article 49 alinéa 2 de la Constitution, le groupe FI a déposé le 6 juillet 2022 une motion de censure signée par quasiment l’ensemble des groupes de la Nupes, soit 150 députés (sur 151 députés Nupes au total). Cependant, elle a été décidée dès le 19 juin 2022, au soir du second tour des élections législatives, par Jean-Luc Mélenchon, qui n’est plus député. Elle a été examinée par les députés ce lundi 11 juillet 2022 à partir de 16 heures.

Si les élus de FI peuvent être satisfaits d‘avoir mélenchonisé toute la gauche au-delà de leurs espérances, ils ont d’abord montré leur volonté de blocage, de désordre, d’obstruction, d’opposition systématique puisque leur intention de déposer leur motion de censure date d’avant même de connaître la confirmation de la Première Ministre Élisabeth Borne à Matignon et de connaître le contenu de son discours de politique générale. Ils ont montré leurs réelles intentions institutionnelles, celles, sous prétexte de faire une prétendue sixième république, de retourner aux poisons et délices de la Quatrième République.

Malheureusement pour eux (et heureusement pour le peuple français), nous sommes sous la Cinquième République qui a été rédigée pour éviter justement ce genre de blocage : pour renverser un gouvernement, il faut rassembler la majorité absolue des voix. Or, les députés de la Nupes ont recueilli seulement le quart des voix. Ils n’ont même pas fait le plein des voix de leurs groupes, puisque seulement 145 députés de la Nupes ont voté la censure, il a manqué à l’appel six socialistes (Joël Aviragnet, Bertrand Petit, Dominique Potier, Valérie Rabault, Hervé Saulignac et Cécile Untermaier ; pourtant, à part Dominique Potier, les autres étaient signataires de cette motion de censure). À eux, il faut rajouter très étrangement l’unique voix de Nicolas Dupont-Aignan. 146, c'est très loin des 289 voix minimales pour faire adopter la motion de censure.

En fait, oui, cette motion de censure tend à clarifier la situation politique, mais pas comme l’entendaient les mélenchonistes : d’une part, ils sont en quelque sorte "’l’idiot utile" du gouvernement qui, grâce à eux, peuvent désormais revendiquer leur pleine et entière légitimité parlementaire puisque l’Assemblée Nationale ne l’a pas renversé ; d’autre part, ils démontrent leur volonté d’obstruction que justement les Français ont rejetée pour obliger la classe politique à négocier des majorités d’idées et de projets ; enfin, ils ont raté leur démonstration de force d’une unité absolue. Bien au contraire, la fissure est claire et béante au sein du parti socialiste, dont Valérie Rabault semble s’éloigner de plus en plus de la direction de l’excité Olivier Faure (excité, car j’y reviens plus loin).

Par-dessus le marché, les mélenchonistes ont donné une occasion supplémentaire à Marine Le Pen et ses 88 députés RN de montrer, en revanche, leur esprit de responsabilité et d’ordre en refusant la politique de la terre brûlée de FI. Du reste, l’addition des voix mélenchonistes et lepénistes n’aurait pas suffi à atteindre le seuil des 289 voix (au maximum, 240). La position du groupe RN est simple : cela ne servirait à rien de renverser le gouvernement, si ce n’est soit de retrouver un autre gouvernement de même type, soit de connaître une dissolution et des élections anticipées, auquel cas la loi sur le pouvoir d’achat va prendre plusieurs mois de retard alors qu’il y a urgence. Donc, pour eux, il vaut mieux entrer dans le vif du sujet.

D’ailleurs, tant le texte de la motion de censure que la présentation que Mathilde Panot, présidente du groupe FI, en a faite en introduction du débat, surprennent par leur vacuité politique : rien sur les sujets nationaux, juste de la petite politique politicienne contre le gouvernement, contre Emmanuel Macron en reniant la réalité des urnes et en usant d’une mauvaise foi qui devient désormais la première caractéristique du mélenchonisme parlementaire.

Pour Élisabeth Borne, la Première Ministre, c’était même mieux que prévu : elle a su s’extirper de son rôle de technocrate sage et rationnelle et aller sur le terrain de la joute parlementaire qu’elle va sans arrêt rencontrer dans cette législature. Ainsi, sa réponse à la députée mélenchoniste a été un discours bien léché avec quelques formules et un répondant qu’on ne lui connaissait pas.

Alors, évidemment, c’était un petit jeu, ces trois heures de postures, de procédures, de joutes politiciennes complètement stériles, complètement déconnectés de la situation réelle des citoyens, manœuvre dont l’issue (l’échec) était prévisible, puisque les Français n’ont pas voulu, par quatre fois ce printemps, de Jean-Luc Mélenchon, ni à l’Élysée ni à Matignon, un jeu qui coûte cher aux Français qui sont dans l’attente de connaître une réponse à leurs problèmes, qu’ils soient économiques ou écologiques. Ils sanctionneront très sévèrement tous ceux qui retardent le travail parlementaire pour apporter des solutions à leurs problèmes.

Dans ce débat, je propose de citer son instigatrice, Mathilde Panot (par procuration pour Jean-Luc Mélenchon), la Première Ministre Élisabeth Borne qui a étonné par son ton polémique, sa défense face aux outrances des mélenchonistes, l’excellente intervention de l’orateur du MoDem Philippe Vigier, l’odieuse saillie d’Olivier Faure qui a complètement débloqué, enfin j’évoquerai les interventions de Thomas Mesnier (Horizons), Aurore Bergé (Renaissance) et Alexandre Loubet, le représentant du RN.

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S’adressant à Élisabeth Borne, Mathilde Panot a hurlé : « Le Président vous a maintenue en poste, alors même que vos idées sont minoritaires dans le pays. (…) En d’autres termes, vous êtes, à cette fonction, une anomalie démocratique. (…) Votre déclaration, c’est l’insoutenable continuité de votre projet, entre autosatisfecit et congratulations. (…) Alors, voici le moment de vérité : cette motion de défiance tiendra lieu de clarification politique. (…) À l’inverse d’une posture, cette motion de défiance vise à démasquer les impostures. (…) Ceux qui ne voteront pas cette motion de défiance seront les partisans de votre politique. (…) Le vote sur cette motion mettra au jour ceux qui veulent livrer la guerre sociale et écologique avec vous et ceux qui mèneront la bataille contre vous. Collègues, choisissez ! ».

Le mot d’ordre de Jean-Luc Mélenchon, repris par tous les orateurs de la Nupes (et pas seulement de FI), c’est de parler de "motion de défiance" (cela n’existe pas dans la Constitution, il s’agit de motion de censure) et c’est de prétendre scandaleusement qu’il y aurait une collusion entre la majorité présidentielle et le RN.

Ainsi, Mathilde Panot a accusé : « Depuis, vous êtes aux abois et peinez à dissimuler votre alliance objective avec l’extrême droite ; alors vous renvoyez dos à dos ceux que vous appelez désormais les extrêmes. Malgré tout, vous vous improvisez arbitre des élégances. Nous serions des zadistes, des brailleurs. Vous suintez le mépris. (…) Peut-être votre intention était-elle de masquer votre lune de miel avec le rassemblement national, union déjà consommée aux yeux de tous ? ». Et ainsi de suite… En fait, ce sont bien les députés mélenchonistes, par leurs tenues négligées, leurs vociférations, qui méprisent les institutions et les électeurs qui les ont élus. Ce sont bien eux qui braillent et vocifèrent sans arrêt sans rien bâtir et qui, par comparaison, apportent une respectabilité nouvelle aux députés RN.

Sur la sellette, Élisabeth Borne a répondu à Mathilde Panot avec une forte combativité : « Nous nous retrouvons. J’aurais aimé que ce soit pour parler du pouvoir d’achat (…). Dit simplement, j’aurais aimé vous parler des sujets qui préoccupent les Français, qui pèsent sur leur quotidien et pour lesquels ils nous demandent des réponses. Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas du quotidien des Français que nous parlons. Le travail parlementaire vient à peine de commencer, le nouveau gouvernement est en place depuis une semaine, et certains veulent déjà le censurer. Aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, nous pourrions être en train d’agir pour les Français. Au lieu de ça, nous débattons d’une motion de censure cousue de procès d’intention qui fait obstacle au travail parlementaire et, de ce fait, à la volonté des Français. (…) Les Français en ont assez des dialogues stériles et des lois de postures. ».

Et de poursuivre : « Alors, aux censeurs du jour, j’ai quelques questions à poser. La première : que censurez-vous ? (…) J’ai une deuxième question à vous poser : que proposez-vous ? (…) Mais je vous le dis : malgré les invectives et les postures, je ne renoncerai pas à vous écouter, à chercher ce qui pourrait nous rassembler. (…) Je suis certaine que, texte après texte, que ce soit en regardant vers la droite ou vers la gauche de cet hémicycle, le compromis nous permettra d’agir. Car je vous le redis du plus profond de mes convictions, le compromis, ce n’est pas une ambition rabaissée ou une action empêchée. Le compromis, c’est une volonté de bâtir, d’avancer. Voilà pourquoi je chercherai toujours à écouter vos propositions, à les examiner loyalement, à ne jamais les balayer d’un revers de main. Voilà pourquoi j’ai lu attentivement le texte de votre motion de censure. Mais, là encore, aucune proposition ! Madame la présidente Panot, j’ai écouté votre discours avec la plus grande attention : rien, toujours rien ! L’avenir en commun a été remplacé par l’invective en commun. La motion de posture a remplacé la motion de censure ! ».

Fâcheries : « En vous lisant, en vous écoutant, la seule chose que je perçois, c’est que vous êtes, passez-moi le mot, fâchés. Je ne parle pas seulement de votre ton, de vos invectives, que ce soit aujourd’hui ou mercredi dernier. Fâchés, vous l’êtes avec la Constitution : vous cherchez à dissimuler votre tentative de blocage sous le nom de motion de défiance. Assumez donc votre motion de censure ! Fâchés, vous l’êtes avec notre histoire, en affirmant que je me déroberais à la tradition républicaine. Je ne vous ferai pas l’affront de vous citer tous les Premiers Ministres qui ont agi comme moi ; parmi eux, Édith Cresson, que, désormais, la gauche n’applaudit plus. Fâchés, vous l’êtes surtout avec la démocratie et le résultat des urnes. Votre motion de censure parle de légitimité. Je suis bien d’accord avec vous pour défendre ce principe. Alors, je vous l’apprends peut-être : vous n’avez pas gagné ni la présidentielle, ni les législatives. En démocratie, ce n’est pas celui qui a moins de voix, moins de sièges, qui est habilité à gouverner. En démocratie, on ne compte pas les voix qu’on aurait pu avoir, on compte les voix qu’on a ! Cela m’amène à ma troisième question : quelle majorité auriez-vous pour gouverner ? Pas celle des urnes, assurément. Si le gouvernement était censuré, quelle serait votre majorité alternative ? Avec quels groupes voudriez-vous gouverner ? (…) Votre censure, c’est finalement un appel à la dissolution ! Eh bien, madame la présidente Panot, contrairement aux signataires de votre motion de censure, nous promouvons des solutions, pas la dissolution ! (…) D’après le texte de votre motion, le gouvernement n’aurait pas été suffisamment élargi, changé ; or c’est vous qui m’avez indiqué que vous ne souhaitiez ni coalition, ni accord de gouvernement ! (…) Nous pourrions dialoguer. Par cette motion de censure, vous nous opposez une fin de non-recevoir. ».

Et de conclure en rétablissant le bon sens de la confiance : « Sachez, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, que je ne considère pas, et personne ne pourra considérer, que ceux qui ne joindraient pas leurs voix à cette motion accorderaient de fait une forme de confiance au gouvernement. Rejeter cette motion de censure, c’est respecter le vote des Français, c’est refuser l’instabilité, c’est accepter de juger le gouvernement sur les faits, sur ses actes. ».

L’orateur du MoDem, Philippe Vigier, a répondu aussi à Mathilde Panot : « Ce que je conteste, ce sont vos propos lorsque vous avez dit que la Première Ministre était une anomalie démocratique. Elle a été élue députée, vous ne pouvez pas dire le contraire, et votre candidat a été défait. ».

Et de faire des comparaisons électorales : « Quelle défiance du peuple vis-à-vis des élus et de vous-mêmes ! Nous sommes loin, chers collègues de la Nupes, de la situation de 1993 : malgré la bérézina qu’elle avait connue, la gauche avait obtenu 800 000 voix de plus que vous ! Nous sommes loin aussi de 2007 : je me souviens que sous Nicolas Sarkozy, il y avait quand même 227 parlementaires de gauche, Olivier Faure s’en souvient très bien aussi. Ces chiffres rappellent, je crois, que l’on peut toujours, avec beaucoup de talent et d’audace, essayer de rendre les défaites victorieuses. (…) Il n’est pas possible, chers collègues de la Nupes, d’utiliser les hologrammes comme pendant la campagne présidentielle pour compter les députés. Une motion de censure consiste à démontrer qu’une alternative politique est possible. Mais vous ne l’incarnez pas : vous n’avez pas de majorité absolue ! ».

Sur le fond de la motion de censure : « J’ai lu votre motion avec intérêt (…). Pas un mot sur la crise sociale liée au pouvoir d’achat ! Pas un mot sur la pandémie à laquelle nous faisons face chaque jour ! Pas un mot sur le soutien à l’éducation, pas un mot sur la transition écologique, pas un mot sur la crise internationale ! La Première Ministre n’a pas demandé un vote de confiance (…). Vous lui avez donc offert un vote de confiance implicite. ».

Enfin, Philippe Vigier a salué le retour du Parlement : « Il appartient désormais à tous les responsables politiques, aux parlementaires, de penser à leur pays plutôt qu’à leur parti, en établissant des compromis sans compromission. (…) Cette situation politique inédite signe le retour du parlementarisme. (…) C’est une bonne nouvelle, une belle nouvelle : oui, le Parlement est de retour ! (…) En déposant une motion de censure pour démarrer cette législature, chers collègues de la Nupes, vous posez un acte de défiance pas seulement contre le gouvernement, mais contre le Parlement lui-même ! (…) La loi, moins bavarde, devra être simple et compréhensible : arrêtons de légiférer pour un oui ou pour un non. Cessons d’entasser les lois, les règlements et les normes parfois inapplicables et souvent inappliquées (…). Le peuple nous donne une chance inédite, celle de rendre le Parlement incontournable. (…) Nous sommes condamnés à nous supporter, comme l’a bien dit Claude Malhuret (…). Les Français n’accepteront pas le chaos. Ils sauront parfaitement identifier qui a fait quoi, qui a dit quoi et qui, en définitive, est responsable d’une situation de crise de régime. Croyez-vous, mes chers collègues, que les réponses visant à garantir le pouvoir d’achat des plus fragiles, actifs et retraités, ne peuvent être écrites à plusieurs mains ? Nous, en tout cas, nous n’attendrons pas la longue marche qui démarre en septembre avec M. Mélenchon ! ».

L’intervention du premier secrétaire du PS Olivier Faure a été, quant à elle, stupéfiante de mauvaise foi et de postures, en accusant Élisabeth Borne, l’écoutant bouche bée mais cachée par le masque, de collusion avec l’extrême droite : « Cette motion de défiance aura un grand mérite, celui de sortir du confusionnisme nourri par le Président de la République, qui cite volontiers Jaurès le lundi, De Gaulle le mercredi et même Maurras le dimanche. (…) Il y a (…) une majorité tacite, celle que vous formez avec Les Républicains. Et il y a même le risque d’une majorité d’opportunité que vous formez avec le rassemblement national. Vous pouvez hurler, mais ce n’est pas moi qui suit l’auteur des propos de M. Dupond-Moretti, de M. Bayrou, de Mme Calvez et autres, qui ont exprimé une préférence pour l’extrême droite plutôt que la gauche ! C’est inédit dans l’histoire de la République ! Vous êtes les premiers à le faire ! Alors, taisez-vous, maintenant ! Vous fissurez toutes les digues solides qui, depuis le gouvernement provisoire du Général De Gaulle, ont protégé la République du nationalisme. Cela fait cinq ans que l’eau entrait, goutte à goutte. Vous pouvez crier, mais regardez les 200 voix que vous avez apportées à l’extrême droite la semaine passée ! Regardez-vous ! (…) Il est vrai qu’avec le rassemblement national, vous avez un partenaire facile, trop heureux d’acheter à bas prix sa respectabilité par son abstention. Votre responsabilité est désormais immense. Si vous vous entêtez à vouloir imposer votre programme au prix de la banalisation de l’extrême droite parlementaire, vous lui ouvrez les portes du pouvoir ! ».

Ces propos volontairement polémiques ont heurté de nombreux députés et pas seulement de la majorité. Pendant toute son intervention, complètement délirante car elle suppose une collusion qui n’existe pas, de nombreux députés ont réagi, écœurés. En voici un petit aperçu. Bruno Millienne : « Oui, les socialistes sont soumis aux insoumis ! ». Rémy Rebeyrotte : « Scandaleux ! ». Erwan Balanant : « Ça suffit ! Arrête ton cirque ! ». Rémy Rebyrotte : « C’est monstrueux ! ». Erwan Balanant : « Tu n’as pas honte ? ». Laurent Croizier : « Quelle honte ! ». Erwan Balanant : « Ils ont été élus par le RN ! ». Perrine Goulet : « Bérégovoy doit se retourner dans sa tombe à t’écouter ! ». Stella Dupont : « Pitoyable ! ». Erwan Balanant : « Arrête tes fantasmes ! ». Bruno Millienne : « Et vous n’êtes qu’un collaborateur de Mélenchon ! ». Rémy Rebeyrotte : « Honteux ! ». Laurent Croizier : « Le parti socialiste est mort aujourd’hui ! ». Rémy Rebeyrotte : « C’est honteux ! Ce sont les voix de la Nupes qui vont au RN ! ». Caroline Parmentier : « Monsieur 2% ! ». Bruno Millienne : « Je n’ose pas croire que tu as été marabouté ! ». Rémy Rebeyrotte : « Mélenchon vous a-t-il mangé ? ».

Dans son envolée lyrique, Olivier Faure a refusé de quitter la tribune à la fin de son temps de parole, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet a dû couper le micro mais il a continué encore à parler (inaudible). Lui a succédé pour le groupe Horizons le député Thomas Mesnier : « M. Mélenchon, battu au premier tour, absent au second tour, invente un troisième tour qu’il perd encore une fois. Et voilà que vous proposez maintenant une motion de censure en guise de quatrième tour. Il serait peut-être temps d’admettre que les Français ne l’ont pas élu ; il serait peut-être temps de respecter la démocratie. ».

Puis répliquant à Olivier Faure : « J’ai entendu la présidente Panot et Olivier Faure déclarer tour à tour que nous ferions des alliances avec le rassemblement national. Il n’en est évidemment rien ! Pardon, mais il est juste fou d’en venir à dire de telles choses à cette tribune. Quelle indignité, monsieur Faure ! Quand on vous écoute, on comprend pourquoi le parti socialiste ne récolte plus que 2% des suffrages. Que faut-il comprendre d’une motion dont l’adoption dépendrait de la participation du rassemblement national, groupe avec lequel je ne crois pas que la Nupes veuille travailler ? Cette motion stérile ne montre en réalité qu’une chose : vous cherchez à diviser les Français. (…) Nous ne céderons rien face à l’obstruction et aux manœuvres politiciennes. (…) Le modèle d’opposition que propose la Nupes, façon IVe République ou XXe siècle, nous paraît déboucher sur une opposition d’arrière-garde, ni constructive, ni courageuse, probablement même assez dangereuse en se faisant le marchepied de l’extrême droite. Je veux m’adresser ici aux collègues socialistes, à ces élus engagés héritiers de Blum, Mitterrand et Rocard. Vos illustres prédécesseurs ont été à la hauteur des défis de leur temps. Ils ont travaillé, composé, sans jamais se renier. Je peine à imaginer que vous poursuiviez dans la voie de cet asservissement aux insoumis. Il est encore temps de changer. ».

La présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, qui disposait de 50 minutes de temps de parole (proportionnel à l’importance du groupe), a été aussi ferme contre la Nupes : « Nous examinons aujourd’hui une motion de censure, et non une motion de défiance. Si nous sommes ici, c’est parce que l’autoproclamé "tribun du peuple", selon ses propres termes, qui ne siège même pas à l’Assemblée, en a décidé ainsi : il vous a intimé l’ordre, madame la présidente et messieurs les présidents de l’opposition de gauche, de transformer nos débats en une affaire de procédure grâce au dépôt d’une motion de censure. Il vous met même en gade, vous, ses alliés politiques : il vous "en coûtera cher" de ne pas suivre ses directives. La réalité, c’est qu’en bon démocrate, le tribun du peuple n’accepte le résultat des urnes que lorsqu’il lui est favorable. Par quatre fois, pourtant, les Français lui ont dit non ; à deux élections présidentielles consécutives, il a été éliminé dès le premier tour de scrutin [en fait, à trois élections présidentielles consécutives] ; à deux élections législatives consécutives, il n’a pas obtenu la cohabitation tant espérée. Le naufrage aux législatives, c’est le vôtre : les Français ont dit non, non, et encore non. Alors oui, monsieur Mélenchon, vous avez raison d’affirmer que le déni de réalité va tuer la démocratie ; mais la seule anomalie démocratique, c’est de refuser le verdict des Français. Nous avons un Président fort, le premier Président qui ait été réélu en dehors d’une période de cohabitation. Réélire le Président, tel a été le choix des Français. ».

Elle est revenue sur les relations avec le RN : « Penchons-nous justement sur les compromissions dont vous ne cessez de nous accuser. Qui déclare dans une interview : "Pourquoi la Nupes est-elle seule à voter une motion de censure, quand c’est le seul choix fidèle au vote des électeurs ?". C’est votre tribun du peuple, encore lui, toujours lui !, qui appelle ainsi les voix du rassemblement national à soutenir votre motion. Le porte-parole de la Nupes ne disait pas autre chose hier soir dans une interview, en affirmant : "Nous n’avons pas inscrit dans la motion de censure le SMIC à 1 500 euros pour que le rassemblement national puisse la voter". Voilà ce que vous êtes, et voilà avec qui vous souhaitez vous allier. Votre lune de miel, les Français en payeraient l’addition ! Je le dis et je le répète : pour la majorité, c’est non ; les compromis, oui ; la compromission, jamais, ni avec l’extrême droite, ni avec l’extrême gauche. ».

Et de décrire le programme de la Nupes : « La réalité de votre programme est claire : la démocratie à la cubaine, un scénario économique à la grecque, la transition écologique du Sri Lanka et la diplomatie russe ! Je ne doute pas que votre tribun du peuple compense le bilan carbone de ses nombreux voyages d’étude, mais ici, oui, nous croyons fermement à notre démocratie, à notre indépendance et à l’affirmation de notre souveraineté. Au-delà de vos vociférations, cette motion de censure a une vertu, et une seule : celle de rappeler, par votre vote minoritaire, que Jean-Luc Mélenchon a perdu une fois encore la présidentielle, que vous avez perdu une fois encore les législatives et que si notre majorité est relative, vous êtes, quant à vous, en minorité absolue. Par ce vote, nous tournons définitivement, et c’est heureux, la page des élections et nous nous engageons dans la seule voie qui compte, celle qui consiste à travailler avec toutes les forces de l’arc républicain pour les Français, pour améliorer leur quotidien. ».

Quant à la position du RN, Alexandre Loubet, son représentant, a expliqué pourquoi il s’abstiendrait : « Nous traversons déjà une crise sociale, économique et sécuritaire. Nous n’avons pas besoin d’une crise de régime. C’est pourquoi les députés du rassemblement national ne soutiendront pas cette motion de censure. Je veux m’adresser aux députés de l’extrême gauche Nupes : l’heure n’est pas aux basses manœuvres politiciennes mais à l’action au service des Français. (…) Vous voulez faire sauter les institutions, vous voulez l’anarchie, l’impuissance des pouvoirs publics et la violence de la rue ! Vous êtes les héritiers de cette extrême gauche qui ne veut pas gouverner, qui a toujours détesté les institutions de la Ve République et qui veut la détruire. ».

Tous ces extraits du débat parlementaire du lundi 11 juillet 2022 sont donc des aperçus des rapports de forces dans l’hémicycle pour cette législature. Il faut insister sur la stratégie de respectabilité adoptée par Marine Le Pen : cette stratégie a un allié de poids en la personne de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier et ses sbires de la Nupes (y compris le PS) sont les alliés objectifs du RN car leur excessive et délirante opposition rend comparativement plus "sage" le RN, ils reprennent le rôle du polémiste Éric Zemmour pendant la campagne présidentielle, dont les excès de langage laissaient croire que Marine Le Pen serait devenue une modérée (qu’elle n’est évidemment pas).

Mais, seuls juges, les Français ne seront pas dupes des manœuvres politiciennes des extrémismes d’un bord ou de l’autre. Le gouvernement, lui, a choisi de s’occuper sincèrement et honnêtement des Français et les oppositions populistes seront face à leurs responsabilités : s’occuper des Français… ou s’en moquer royalement.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 juillet 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’invective en commun : la motion de posture de Mélenchon est rejetée !
Examen de la motion de censure le 11 juillet 2022 à l’Assemblée Nationale (vidéo et texte intégral).
Baptême du feu pour Élisabeth Borne : et maintenant, au travail !
Discours de politique générale d’Élisabeth Borne le 6 juillet 2022 à l’Assemblée Nationale (vidéo et texte intégral).
L’Assemblée Nationale en ordre de bataille pour la XVIe Législature.
Gouvernement Élisabeth Borne II : resserrement des liens de la majorité présidentielle (Ensemble).
Composition du gouvernement Élisabeth Borne II du 4 juillet 2022 (communiqué de l’Élysée).
Yaël Braun-Pivet.
Pap Ndiaye.
Emmanuel Macron demande aux députés clarté, transparence et responsabilité.
Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
Jacques Julliard dans "Marianne" le 6 mai 2022 : "Oui à l’union, non à Mélenchon".
Allocution du Président Emmanuel Macron le 22 juin 2022 (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (11) : la vie politique n’est pas un long fleuve tranquille.
La marque Le Pen fonctionne toujours aussi bien.
Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre.
Résultats du second tour des élections législatives du 19 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
TVA : Mélenchon, champion du monde de la mauvaise foi.
Législatives 2022 (9) : procès d’intention, soupçons, fake-news, calomnie : le complotisme mélenchonien.
Législatives 2022 (8) : aucune voix ne doit manquer à la République !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 14 juin 2022 à Orly (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (7) : Liberté, Égalité, Choucroute.
Résultats du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Législatives 2022 (4) : sous la NUPES de Mélenchon.
Élysée 2022 (53) : la composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Législatives 2022 (3) : Valérie Pécresse mènera-t-elle Les Républicains aux législatives ?
Législatives 2022 (2) : la mort du parti socialiste ?
Législatives 2022 (1) : le pari écolo-gauchiste de Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220711-motion-censure.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-invective-en-commun-la-motion-de-242714

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/07/11/39554664.html





 

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11 juillet 2022 1 11 /07 /juillet /2022 20:35

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Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220711-motion-censure.html







Examen de la motion de censure déposée par Mathilde Panot (FI)
et réponse de la Première Ministre Élisabeth Borne
le 11 juillet 2022 à 16 heures à l’Assemblée Nationale


XVIe législature
Session extraordinaire de 2021-2022
Séance du lundi 11 juillet 2022


1e séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet




Mme la présidente.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1 • Motion de censure
Discussion et vote

Mme la présidente.
L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot, MM. Boris Vallaud et Julien Bayou, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne et 145 de leurs collègues.
La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot.
Il est logique que le refus de la confiance récolte la défiance.

M. Bruno Millienne.
Oh…

Mme Mathilde Panot.
Nous voici enfin de retour en démocratie parlementaire. Pour résumer, madame la Première ministre, vous avez été nommée par le Président de la République en mai ; au lendemain du naufrage des législatives, vous lui présentiez votre démission ; le président vous a maintenue en poste, alors même que vos idées sont minoritaires dans le pays :…

M. Erwan Balanant.
Les vôtres aussi !

Mme Mathilde Panot.
Vous ne tirez donc votre légitimité ni des élections législatives, ni du Parlement, à qui vous n’avez pas demandé s’il vous faisait confiance pour conduire la politique de la nation. En d’autres termes, vous êtes, à cette fonction, une anomalie démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.
Ça va pas ?

M. Rémy Rebeyrotte.
Scandaleux !

Mme Mathilde Panot.
La semaine dernière, vous avez longuement parlé : une heure et demie de déclarations alternant truismes, flagornerie, clins d’œil appuyés et subtils à certains de mes collègues, vaines tentatives de diviser la NUPES, mots creux dont la Macronie raffole – territoires, égalité des chances, des destins, bâtir ensemble, avancer – pour mieux emballer une ligne ultralibérale qui ne vous a jamais quittée. Car oui, votre déni de réalité continue :…

M. Bruno Millienne.
Le vôtre aussi !

Mme Mathilde Panot.
…on trouve dans votre discours une ressemblance frappante avec celui d’Emmanuel Macron, en mars, concernant son programme présidentiel. Sauf que c’était il y a déjà quatre mois ! Depuis, vous vous êtes engouffrés dans une ellipse temporelle pour effacer votre défaite…

M. Erwan Balanant.
Et vous ! Le pire score de l’union de la gauche !

M. Rémy Rebeyrotte.
Depuis, Mélenchon a perdu la présidentielle !

Mme Mathilde Panot.
Votre déclaration, c’est l’insoutenable continuité de votre projet, entre autosatisfecit et congratulations. Vous prononcez cinq fois le mot « compromis », madame la Première ministre, mais pas l’ombre d’un regret des cinq années passées.
Pourtant, vous simulez un rétropédalage : votre ministre de l’intérieur nous dit, dans la presse, que la situation « consiste à corriger, sans doute, un certain nombre de choses programmatiques, de comportements que nous avons eus. » Vous-même, madame la Première ministre, nous avez dit : « Les Français […] nous demandent d’agir, et d’agir autrement. […] Ils nous invitent à des pratiques nouvelles. » C’est là que la grande énigme commence : de quelles pratiques parlez-vous ? Quelles sont ces choses programmatiques à corriger ?
Il n’est pas une mesure que vous ayez reniée dans votre déclaration. Votre arrogance vous empêche toute forme de désaveu,… (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

M. Bruno Millienne.
Et la vôtre ?

Mme Mathilde Panot.
…cette même arrogance qui a précédé votre débâcle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Alors voici venu le moment de vérité : cette motion de défiance tiendra lieu de clarification politique. Puisque vous n’avez rien changé sur le fond, que votre programme de malfaisance sociale et écologique est intact, ce vote permettra de distinguer ceux qui souhaitent servir de béquille au pouvoir, ou qui ne font que semblant de s’y opposer, de ceux qui défendent une réelle alternative pour le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
À ce sujet, le porte-parole de votre gouvernement et vous, madame la Première ministre, parlez d’une « motion de posture ». Comme toujours, vous inversez la responsabilité ! Sachez, madame la Première ministre, que défendre la démocratie n’a rien d’une posture – mais cela échappe peut-être à votre pensée complexe. Pendant cinq ans, vous avez méprisé la démocratie : pendant la pandémie, vous avez gouverné sous état d’urgence sanitaire, à travers un conseil de défense couvert par le secret-défense ; à toutes les manifestations de colère du peuple, vous avez eu pour seule réponse la matraque. Les gilets jaunes demandaient un référendum d’initiative citoyenne et une vie digne, il y eut trente-deux éborgnés, cinq mains arrachées et la mort de Zineb Redouane. Aux Guadeloupéens qui demandaient des moyens en matière de santé, des mesures contre la vie chère et le droit à l’eau, vous avez envoyé le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et l’unité recherche assistance intervention dissuasion (RAID). Aux écologistes qui luttent pour la survie de l’humanité, vous avez répondu par une pluie de procès et de perquisitions. C’est savoureux venant de vous, qui avez confondu le Parlement avec la chambre d’enregistrement des desiderata du Président. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

M. Bruno Millienne.
J’adore !

Mme Mathilde Panot.
Le temps où vous considériez la démocratie comme accessoire est révolu. À l’inverse d’une posture, cette motion de défiance vise à démasquer les impostures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Jocelyn Dessigny.
L’imposture, c’est vous !

Mme Mathilde Panot.
Car oui, elle tient lieu de clarification : ceux qui ne voteront pas cette motion de défiance seront les partisans de votre politique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Avec vous, aucune mise à contribution des plus riches, ni des grandes multinationales ! 100 % des entreprises du CAC40 ont reçu des aides publiques. L’année dernière, les deux tiers ont battu leurs records de profits, et leurs actionnaires vont recevoir plus de 80 milliards d’euros. Dans le projet de loi de finances rectificative, vous leur faites pourtant encore cadeau de 8 milliards d’euros, sans contrepartie sociale, écologique ou en matière d’égalité des genres.

M. Jocelyn Dessigny.
Vous avez fait élire Macron ! Vous êtes une imposture !

Mme Mathilde Panot.
À vous entendre, les incantations suffisent ! Vous nous dites, madame la Première ministre : « Le pouvoir d’achat est un combat collectif. […] J’attends des employeurs qui le peuvent qu’ils prennent leurs responsabilités. » En d’autres termes, aucune contrainte ne pèsera sur les entreprises. À l’inverse, les allocataires du RSA, eux, auront désormais des devoirs en contrepartie de leurs droits.

M. Maxime Minot.
C’est normal !

Mme Mathilde Panot.
Par conséquent, ceux qui ne voteront pas la motion seront les partisans de votre politique en faveur des riches et du RSA conditionné à des heures d’activité gratuites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Jocelyn Dessigny.
Grâce à vous ! Grâce à la NUPES !

Mme Mathilde Panot.
Dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, vous alignez les exonérations de cotisations. Avec les primes prévues, vous donnez des miettes aux salariés en lieu et place d’augmentations de salaires.

M. Jocelyn Dessigny.
C’est vous qui avez fait élire Macron !

Mme Mathilde Panot.
Ceux qui ne voteront pas la motion seront donc d’accord avec la mise à sac de la sécurité sociale et la stagnation des salaires. (Mêmes mouvements.)
Le plus risible, c’est que vous agitez à tout bout de champ la menace de la dette, tout en liquidant méthodiquement les recettes de l’État. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage :…

M. Jocelyn Dessigny.
C’est nous, le vaccin ! Pas vous !

Mme Mathilde Panot.
…avec toutes ces mesures, vous privez la puissance publique de milliards d’euros, pour mieux justifier ensuite votre infâme réforme des retraites. J’en conclus que ceux qui ne voteront pas la motion seront les partisans de la retraite à 65 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC.)
Vous singez l’État stratège en annonçant la renationalisation d’EDF. En réalité, c’est la dernière station avant le dépôt de bilan ! Votre politique énergétique hasardeuse a précipité notre fleuron national au bord de la faillite : à la fin de l’année, le groupe pourrait être endetté de 70 milliards d’euros. Comme toujours, vous socialisez les pertes et vous privatisez les profits. Une fois aux manettes d’EDF, plus rien ne vous empêche d’enclencher le plan Hercule, si cher à Emmanuel Macron. Alors quelle ironie de voir ceux qui jouent à longueur de journée les défenseurs de l’industrie et de la souveraineté nationale s’apprêter à cautionner cette gabegie ! (« Ah… » sur les bancs du groupe RN.) En d’autres termes, ceux qui ne voteront pas la motion seront d’accord avec la destruction de notre principal outil de planification énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Emmanuel Macron disait récemment que le quinquennat serait écologique ou ne serait pas. Vous avez donc choisi : il ne le sera pas. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Là encore, il y a les mots et les actes. Les mots, c’est vous, madame la Première ministre, qui dites : « Nous serons la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles. » Les actes, ce sont vos députés européens qui votent en faveur du projet de taxonomie, qui vise à considérer le gaz et le nucléaire comme des énergies vertes. Les actes, c’est votre gouvernement qui a inscrit dans le projet de loi « pouvoir d’achat » un article en faveur du gaz de schiste américain. Les actes, c’est ce cadeau à TotalEnergies et Engie, qui n’auront même pas à souffrir d’une étude d’impact environnemental. Et rien sur la sobriété énergétique ou le développement des énergies renouvelables ! Ceux qui ne voteront pas la motion seront donc les complices de votre inaction climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Certes, il y a une chose sur laquelle vous êtes revenue : la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés. On saura pour la prochaine fois qu’il vous faut refuser six fois une mesure avant de daigner l’examiner ! Peut-être était-ce pour faire oublier une séquence désastreuse où vous invitiez une femme porteuse de handicap à reprendre le chemin du travail, ou simplement un acte de courtisanerie – la seule chose que vous semblez concéder aux oppositions.
Pour résumer, qui ici est d’accord pour poursuivre la politique de casse et d’injustice sociale ? (« Pas nous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Qui est d’accord avec le retour du passe sanitaire ? (Même mouvement.) Avec la destruction de nos services publics, de notre système d’éducation ou de santé ? Qui est d’accord avec le président des lobbys, qui roule pour Uber ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Car non, madame la Première ministre, vous n’avez pas changé, ni sur le fond, ni même sur la forme.

M. Bruno Millienne.
Vous non plus !

M. Jocelyn Dessigny.
C’est vous qui l’avez fait élire ! Vous avez voté pour Macron, madame !

Mme Mathilde Panot.
Je me souviens d’une époque récente, pendant l’entre-deux-tours, où certains d’entre vous parlaient opportunément de valeurs communes avec Jean-Luc Mélenchon. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Depuis, vous êtes aux abois et peinez à dissimuler votre alliance objective avec l’extrême droite ; alors vous renvoyez dos à dos ceux que vous appelez désormais les extrêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Malgré tout, vous vous improvisez arbitre des élégances. Nous serions des zadistes, des brailleurs. Vous suintez le mépris. Et un pouvoir bien mal en point ne recule devant rien : la semaine dernière, la Macronie et ses épigones ont déployé une ingénierie de mesquinerie pour éviter que l’on parle de l’essentiel. Peut-être l’intention était-elle de masquer votre lune de miel avec le Rassemblement national, union déjà consommée aux yeux de tous ? (Protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC.) M. Darmanin souhaite expulser les étrangers ayant commis des actes graves, Marine Le Pen applaudit des deux mains. Madame la Première ministre, on ne récolte jamais impunément les soutiens de ce côté-là de l’hémicycle.
Voici un bon aperçu de ce dont vous êtes capable pour maintenir à tout prix votre pouvoir et votre cap contre le peuple.

M. Rémy Rebeyrotte.
Vous êtes le marchepied du RN !

Mme Mathilde Panot.
Le vote sur cette motion mettra au jour ceux qui veulent livrer la guerre sociale et écologique avec vous et ceux qui mèneront la bataille contre vous.
Collègues, choisissez ! (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES, et plusieurs députés des groupes Écolo-NUPES, GDR-NUPES et SOC, se lèvent et applaudissent longuement.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mercredi dernier, je présentais devant vous une feuille de route et des propositions pour bâtir, ensemble, l’avenir de notre pays. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sébastien Chenu.
C’est le même discours…

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Moins d’une semaine plus tard, nous nous retrouvons. J’aurais aimé que ce soit pour parler de pouvoir d’achat (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) : l’inflation est forte et nos concitoyens exigent de nous des réponses efficaces et rapides. J’aurais aimé vous retrouver pour parler de l’urgence climatique :…

Une députée du groupe Écolo-NUPES.
L’urgence climatique, vous avez eu cinq ans pour la gérer !

M. Ugo Bernalicis.
C’est le covid qui était à l’ordre du jour !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…nous devons agir plus vite, plus fort et dans tous les secteurs. J’aurais aimé vous retrouver pour parler emploi, éducation, santé.

Mme Caroline Fiat.
La santé, ça fait vingt ans qu’on attend !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Dit simplement, j’aurais aimé vous parler des sujets qui préoccupent les Français, qui pèsent sur leur quotidien et pour lesquels ils nous demandent des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas du quotidien des Français que nous parlons. (« Si ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Le travail parlementaire vient à peine de commencer, le nouveau gouvernement est en place depuis une semaine, et certains veulent déjà le censurer.

M. Ugo Bernalicis.
On aurait voulu plus tôt, mais ce n’était pas possible !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
La guerre se prolonge en Ukraine, les perspectives économiques s’assombrissent, la Russie pourrait décider de couper ses exportations de gaz vers l’Europe. Les Français ont besoin d’un gouvernement qui agisse, et certains n’ont qu’une obsession : le censurer. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, nous pourrions être en train d’agir pour les Français. Au lieu de cela, nous débattons d’une motion de censure cousue de procès d’intention qui fait obstacle au travail parlementaire et, de ce fait, à la volonté des Français. (Mêmes mouvements.)

M. Ugo Bernalicis.
On vous dérange, peut-être ?

M. Sylvain Maillard.
Elle a raison !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Oui, mesdames et messieurs les députés, nous en étions tous convenus en nous rencontrant : les Français en ont assez des dialogues stériles et des lois de postures.

Mme Danièle Obono.
Cela fait cinq ans que vous faites ça !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
En élisant une Assemblée nationale sans majorité absolue, ils nous ont envoyé un message clair, un message qui peut se résumer en quelques mots : « Parlez-vous et, ensemble, construisez. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Avec mon gouvernement, je tiens ce cap : notre main sera toujours tendue aux forces de l’arc républicain. (« Ah !… » sur les bancs du groupe RN.) Avec elles, nous voulons bâtir des majorités d’idées et commencer, dès maintenant, avec le pouvoir d’achat. Cette volonté est intacte de notre côté, et elle le restera.
Alors, aux censeurs du jour, j’ai quelques questions à poser. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
La première : que censurez-vous ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mercredi dernier, j’ai tracé devant vous les priorités de mon gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Laquelle vous semble inacceptable au point qu’il faille la censurer ? (« Toutes ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Est-ce le pouvoir d’achat ? Le plein emploi ? La transition écologique ? L’égalité des chances ? Ou bien encore la souveraineté ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.)
La réalité, c’est que si votre motion de censure était adoptée, tous ces objectifs seraient en péril. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Avec votre motion de censure, pas de bouclier tarifaire, et l’explosion des prix de l’énergie pour les Français ! (Mêmes mouvements.) Avec votre motion de censure, pas de remise sur le carburant, et 10 euros de plus pour un plein de 50 litres ! Avec votre motion de censure, pas d’augmentation des pensions, et un pouvoir d’achat amputé pour les retraités ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.) Voilà ce qui peut arriver quand on fait passer la tactique politique avant l’intérêt des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.) Vous avez inventé le concept de motion de censure a priori . (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Danièle Obono.
Vous êtes là depuis cinq ans !

M. François Ruffin.
Ça fait dix ans qu’on subit !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Il n’est plus question de dénoncer un texte ou une décision, mais seulement de censurer pour censurer !
Alors, mesdames et messieurs les députés, pourquoi ne pas plutôt montrer aux Français que nous les avons entendus et bâtir, ensemble, pour le pouvoir d’achat, pour le plein emploi, pour la transition écologique, pour l’égalité des chances et pour notre souveraineté ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES)

M. Bruno Millienne.
C’est trop compliqué pour eux !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Car j’ai une deuxième question à vous poser : que proposez-vous ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

M. Jean-Paul Lecoq.
Je vous retourne la question, madame la Première ministre !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mercredi dernier, j’ai écouté s’exprimer à la tribune les orateurs des groupes qui soutiennent cette motion de censure. Parce que c’est mon rôle, mon état d’esprit, parce que c’est ce que m’avait dit chacun des présidents de groupe, j’ai essayé d’être attentive à vos propositions. Je pensais qu’en partant des préoccupations que nous avions tous constatées durant les campagnes électorales, nous pourrions sans doute nous retrouver, au moins sur certains sujets.
À ce stade, je dois reconnaître que je vois peu de terrains d’entente avec les signataires de la motion de censure. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mais je vous le dis : malgré les invectives et les postures, je ne renoncerai pas à vous écouter, à chercher ce qui pourrait nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.) Je reste convaincue que nous pourrons surmonter certains de nos a priori , comme les Français nous l’ont demandé. Je suis certaine que, texte après texte, que ce soit en regardant vers la droite ou vers la gauche de cet hémicycle, le compromis nous permettra d’agir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Car, je vous le redis du plus profond de mes convictions, le compromis, ce n’est pas une ambition rabaissée ou une action empêchée. Le compromis, c’est une volonté de bâtir, d’avancer.
Voilà pourquoi je chercherai toujours à écouter vos propositions, à les examiner loyalement, à ne jamais les balayer d’un revers de main. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sébastien Chenu.
Superbe !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Voilà pourquoi j’ai lu attentivement le texte de votre motion de censure. Mais, là encore, aucune proposition ! Madame la présidente Panot, j’ai écouté votre discours avec la plus grande attention : rien, toujours rien ! L’avenir en commun a été remplacé par l’invective en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) . La motion de posture a remplacé la motion de censure ! En vous lisant, en vous écoutant, la seule chose que je perçois, c’est que vous êtes – passez-moi le mot – fâchés. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Je ne parle pas simplement de votre ton, de vos invectives, que ce soit aujourd’hui ou mercredi dernier. Fâchés, vous l’êtes avec la Constitution (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) : vous cherchez à dissimuler votre tentative de blocage sous le nom de motion de défiance. Assumez donc votre motion de censure ! Fâchés, vous l’êtes avec notre histoire, en affirmant que je me déroberais à la tradition républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Alexis Corbière.
Vous n’avez pas le droit ! Pour qui vous prenez-vous ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je ne vous ferai pas l’affront de vous citer tous les Premiers ministres qui ont agi comme moi ; parmi eux, Édith Cresson, que, désormais, la gauche n’applaudit plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Fâchés, vous l’êtes surtout avec la démocratie et le résultat des urnes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.) Votre motion de censure parle de légitimité. Je suis bien d’accord avec vous pour défendre ce principe. Alors, je vous l’apprends peut-être : vous n’avez pas gagné – ni la présidentielle, ni les législatives. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Ugo Bernalicis.
Vous non plus ! Vous non plus !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
En démocratie, ce n’est pas celui qui a moins de voix, moins de sièges, qui est habilité à gouverner. En démocratie, on ne compte pas les voix qu’on aurait pu avoir, on compte les voix que l’on a ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.)
Cela m’amène à ma troisième question : quelle majorité auriez-vous pour gouverner ? Pas celle des urnes, assurément.

Une députée du groupe LFI-NUPES.
Vous non plus !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Si le Gouvernement était censuré, quelle serait votre majorité alternative ? Avec quels groupes voudriez-vous gouverner ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La majorité présidentielle ? Visiblement pas : vous la censurez avant même d’avoir parlé. La droite républicaine ? Je ne pense pas qu’elle puisse se retrouver dans un projet dicté par La France insoumise. L’extrême droite ? (Huées sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.) Je ne crois pas un instant que vous ayez des valeurs communes. Jamais vous ne pourriez gouverner avec l’extrême droite. Que proposez-vous donc ? Un accord de gouvernement ? Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Des démarches constructives ? Non ! Une discussion franche en vue de trouver des majorités d’idées ? Non, toujours non ! Vous n’avez pas de majorité stable, pas de majorité relative, pas de majorité tout court ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.) Votre censure, c’est finalement un appel à la dissolution !
Eh bien, madame la présidente Panot, contrairement aux signataires de votre motion de censure, nous promouvons des solutions, pas la dissolution ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Des solutions que nous voulons bâtir avec toutes les forces républicaines, toutes les bonnes volontés. D’après le texte de votre motion, le Gouvernement n’aurait pas été suffisamment élargi, changé ; or c’est vous qui m’avez indiqué que vous ne souhaitiez ni coalition, ni accord de gouvernement !

M. Jérôme Guedj.
Ce n’est pas écrit dans la motion, madame !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je connais la qualité de nombre de députés sur vos bancs (« De tous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) : je croyais que sans être d’accord sur tout, même en ayant parfois des désaccords profonds, nous pourrions dialoguer. Par cette motion de censure, vous nous opposez une fin de non-recevoir. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Toutefois, je vous le redis, je ne me résous pas à cette glaciation. Je crois que l’envie d’avancer pour son pays supplante toujours l’envie de préparer le coup d’après. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Un député du groupe LFI-NUPES.
Avec Uber !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mesdames et messieurs les députés, j’ai parlé d’une motion de posture. Malgré cela, j’ai confiance : je veux voir dans cette motion de censure le dernier soubresaut de la politique du « bloc contre bloc ». Sachez, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, que je ne considère pas – et personne ne pourra considérer – que ceux qui ne joindraient pas leurs voix à cette motion accorderaient de fait une forme de confiance au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Rejeter cette motion de censure, c’est respecter le vote des Français, c’est refuser l’instabilité, c’est accepter de juger le Gouvernement sur les faits, sur ses actes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.) Les Français nous le demandent : soyons à la hauteur, bâtissons des solutions concrètes, trouvons des accords solides. Passons ensemble à une culture du compromis : c’est elle qui nous permettra de relever les défis qui s’annoncent, c’est elle qui respectera la volonté des Françaises et des Français. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement.)

M. Ugo Bernalicis.
À l’arrache !

Mme la présidente.
La parole est à Mme Michèle Tabarot.

Mme Michèle Tabarot.
Cela a été largement dit : le Président de la République privé de la majorité absolue, l’Assemblée nationale se trouve dans une situation inédite, fragmentée et sans doute plus divisée que jamais. Si nous en sommes là, ce n’est pas le résultat du hasard, mais bien celui des erreurs répétées du chef de l’État. À force de fuir le débat, il a détourné les Français de la politique ; à force de vouloir effacer les partis, il a promu les extrêmes ; à force de mépriser le Parlement, il a fragilisé notre démocratie.

Une députée du groupe LFI-NUPES.
Votez avec nous, alors !

Mme Michèle Tabarot.
L’exécutif se trouve d’autant plus responsable de notre situation que son échec est patent dans tous les domaines : la dette a augmenté de 700 milliards d’euros et menace notre souveraineté, comme le confesse enfin le Gouvernement ; les allers-retours en matière de politique énergétique ont fait perdre cinq ans de progrès à la France ; ajoutons-y une politique sanitaire erratique, l’improvisation permanente des actions et des mesures de protection, l’explosion de l’insécurité, une faiblesse coupable face aux séparatismes et à l’islamisme radical.
Madame la Première ministre, nous sommes une opposition lucide, mais aussi une opposition responsable. Comme l’a dit le président Marleix en réponse à votre déclaration de politique générale, il n’y aura « jamais de blocage stérile » de notre part. L’intérêt de la France et des Français restera notre seule boussole.

M. Olivier Marleix et M. Michel Herbillon.
Très bien !

Mme Michèle Tabarot.
Dès lors, si, comme vous l’affirmez, vous voulez vraiment trouver des majorités de projet, il va falloir changer de méthode,…

M. Maxime Minot.
Exactement !

Mme Michèle Tabarot.
…rompre avec l’arrogance et le mépris auxquels nous nous sommes heurtés durant la législature précédente.

Plusieurs députés du groupe LR.
Très bien !

Mme Michèle Tabarot.
Concernant l’allocation aux adultes handicapés (AAH), les revenus du travail, les pensions de retraite,…

M. Michel Herbillon.
Tout ce que vous avez refusé !

Mme Michèle Tabarot.
…l’école, le nucléaire, l’immigration, nous vous entendons enfin reprendre des propositions que nous défendons depuis des années.

M. Michel Herbillon.
Il est temps !

M. Maxime Minot.
Il serait peut-être temps !

Mme Michèle Tabarot.
Nous serons évidemment très attentifs au respect de ces engagements. Mais, sincèrement, que de temps aura fait perdre à la France cette volonté de ne laisser aucun crédit aux oppositions !

M. Maxime Minot.
Eh oui !

M. Adrien Quatennens.
Votez avec nous !

Mme Michèle Tabarot.
Mes chers collègues, nous allons persévérer dans notre engagement avec la même détermination. Nous constituerons une force utile de contrôle, d’action et de proposition. Nos priorités sont claires : nous voulons restaurer l’autorité de l’État, avec davantage de moyens pour la police, pour la justice, et plus de places de prison. Nous voulons une immigration maîtrisée, avec des quotas déterminés par nos capacités d’intégration, avec le renvoi dans leur pays des demandeurs d’asile déboutés. Nous voulons permettre à chacun de vivre dignement de son travail, grâce à la baisse des charges et à la hausse des salaires, plutôt que de distribuer des chèques non financés.

Un député du groupe LFI-NUPES.
C’est notre salaire, les charges !

Mme Michèle Tabarot.
Nous voulons qu’allocations et réinsertion aillent enfin de pair ; nous réclamons des contreparties au RSA. Nous voulons augmenter les retraites, dans le cadre d’une réforme juste, et revenir sur la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) que vous avez imposée. Nous voulons une politique environnementale efficace, reposant sur l’incitation et non sur la punition. Nous voulons une ambition éducative renouvelée, des enseignants dont le traitement soit revalorisé et l’autorité respectée. Nous voulons une relance de l’hôpital public qui passe par un plan digne de ce nom en faveur de nos soignants. Nous voulons de véritables baisses des impôts et des taxes, notamment énergétiques, dont aucun Français ne soit exclu, car les classes moyennes sont également frappées par la baisse du pouvoir d’achat.

M. Michel Herbillon.
Tout à fait !

Mme Michèle Tabarot.
Nous voulons renouer avec la maîtrise de la dépense par la réduction des emplois publics, par la lutte contre l’excès de normes qui affecte aussi notre croissance, contre les fraudes fiscale et sociale face auxquelles nous devons redoubler d’efforts.
Madame la Première ministre, toutes les mesures que je viens d’énoncer demandent du courage. Mais, vous le savez aussi bien que nous, après cinq années difficiles au cours desquelles, à force d’hésiter sur tout, la France n’a avancé sur rien (Mme Stella Dupont s’exclame) , c’est justement du courage que nos concitoyens vous demandent. Ce n’est pas dans le renoncement qu’ils pourront renouer avec la confiance dans notre action, mais ce n’est pas non plus dans les blocages inutiles. Car, mes chers collègues, paralyser la France et nos institutions comme le propose cette motion de censure, ce n’est pas ce que les Français attendent de nous aujourd’hui.

M. Sébastien Delogu.
Vous avez été avec Sarkozy, c’est pareil !

Mme Michèle Tabarot.
Bien au contraire, ils nous ont donné un mandat pour agir et ils nous ont placés dans l’obligation de dialoguer dans l’intérêt de la France. Ce n’est pas à l’heure où le Parlement et les partis politiques ont enfin une chance de retrouver leur légitimité et leur place dans nos institutions et dans l’opinion publique que nous devons nous dérober.

Une députée du groupe LFI-NUPES.
Vous avez fait campagne contre Macron !

M. Bruno Millienne.
Et alors, c’est quoi le rapport ?

Mme Michèle Tabarot.
Cette situation nous oblige, parce que, nous le croyons sincèrement, le chef de l’État et le Gouvernement vont devoir apprendre à travailler avec nous. Ce pourrait d’ailleurs être un bienfait pour notre démocratie. Oui, les Françaises et les Français nous ont mis au défi de réinventer notre fonctionnement et nous devons leur démontrer que nous en sommes capables. Alors non, nous ne voterons pas en faveur de cette motion de censure. Nous ne joindrons pas nos voix à celles de l’extrême gauche, avec laquelle nous n’avons aucun point commun (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), …

M. Jean-Paul Lecoq.
Ça nous rassure !

Mme Michèle Tabarot.
… parce que nous avons l’ambition de construire et que nous ne rêvons pas d’un grand soir ; parce que nous sommes résolument du côté des forces de l’ordre, que vous avez été les seuls à ne pas applaudir mercredi dernier quand nous leur avons rendu hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.) ; parce que nous sommes solides sur la défense de nos valeurs et opposés à toutes les compromissions face aux revendications communautaires et intégristes (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) ; parce que nous sommes très attachés à la construction européenne et à nos alliances stratégiques, dans le respect de notre souveraineté. Et parce que plus que tout, nous voulons restaurer l’unité et la grandeur de la France. Celle-ci passe par la fierté de notre culture, de notre patrimoine et de notre histoire, et certainement pas par leur déconstruction méthodique.
Si certains groupes politiques qui ont une longue tradition de gouvernement ont fait le choix d’associer leurs voix à celles de l’extrême gauche, au risque de diviser encore plus la France, ce ne sera pas notre cas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.
Très bien, madame Tabarot !

Mme Michèle Tabarot.
Je sais qu’à l’issue de ce débat, certains vont être tentés de délivrer des labels d’opposition aux uns et aux autres. Mais nous n’avons aucune leçon à recevoir de qui que ce soit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)

Un député.
Nous non plus, madame !

Mme Véronique Louwagie.
Bravo !

Mme Michèle Tabarot.
Nous n’avons jamais été pris en défaut sur la force de nos convictions…

M. Boris Vallaud.
On verra !

Mme Michèle Tabarot.
…et sur la crédibilité de notre positionnement, qui n’a cédé à aucune compromission depuis 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Notre résolution est immense. Elle est à la hauteur des attentes de nos concitoyens, qui savent pouvoir compter sur nous. Je l’ai dit, madame la Première ministre, nous ne voterons pas cette motion de censure. Mais vous l’avez compris : si vous n’avez pas notre défiance aujourd’hui, vous n’avez pas pour autant notre confiance. Nous jugerons votre gouvernement sur ses actes et sur sa capacité à construire dans le respect des uns et des autres. Sur un certain nombre de sujets, nous pourrons sans doute agir ensemble, avec pour ambition prioritaire de redonner à la France son unité et sa place dans le monde. Travaillez dans l’intérêt des Français, et nous serons avec vous. Décevez-les une nouvelle fois, et nous serons vos premiers opposants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme Mathilde Panot.
Vous auriez été embêtés s’il avait fallu voter la confiance !

Mme la présidente.
La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier.
Vous vouliez un débat, chers collègues de la NUPES. Nous y sommes, et les députés du groupe Démocrate y sont prêts aujourd’hui, comme ils le seront toujours tout au long de cette législature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Ce débat, vous l’avez provoqué en déposant une motion de censure quelques minutes seulement après le discours de la Première ministre, parce qu’elle n’avait pas demandé la confiance de l’Assemblée nationale.

Une députée du groupe LFI-NUPES.
Vous avez tout compris !

M. Philippe Vigier.
Le vote de confiance est d’usage ; il n’est pas obligatoire, et vous le savez bien. Il me paraît important de rappeler à tout le monde que Michel Rocard, Pierre Bérégovoy, Édith Cresson, mais aussi Maurice Couve de Murville, à droite, n’ont pas demandé la confiance de l’Assemblée nationale.

M. Erwan Balanant.
Ni Barre !

M. Philippe Vigier.
Cette motion de censure, c’était votre droit de la déposer. Évidemment, nous ne le contestons pas. Ce que je conteste, ce sont vos propos lorsque vous avez dit que la Première ministre était une anomalie démocratique. Elle a été élue députée, vous ne pouvez pas dire le contraire, et votre candidat a été défait ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.)
Au préalable, vous reconnaîtrez avec moi que la Constitution de la Ve République garantit les conditions d’un débat démocratique. D’ailleurs, chacun connaît ici les saillies permanentes des insoumis contre cette Constitution – comme celles, en son temps, de François Mitterrand, qui l’a pourfendue toute sa vie avant d’en faire un usage teinté de gourmandise et d’habileté une fois devenu Président de la République.

M. Bruno Millienne.
Excellent !

M. Philippe Vigier.
Comme quoi, le nouveau monde rejoint l’ancien monde. Mes chers collègues, depuis le 19 juin, tout le monde a dit qu’il avait gagné, mais tout le monde a perdu ! Personne ne dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.

M. Jérôme Guedj.
C’est vrai !

M. Philippe Vigier.
La majorité présidentielle compte 44 % des députés : c’est donc une majorité relative. Elle n’a pas eu le résultat de 2017. Votre bloc politique, chers collègues de la NUPES, c’est un quart des députés de l’hémicycle.

Un député du groupe LFI-NUPES.
Mais quel quart !

Un autre député du groupe LFI-NUPES.
Ce sont 6 millions de voix, un peu de respect !

M. Philippe Vigier.
Le Rassemblement national a certes multiplié par dix le nombre de ses parlementaires, mais il n’occupe que 15 % de l’hémicycle. La modestie, me semble-t-il, doit être la règle pour chacun (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)…

M. Bruno Millienne.
Bravo !

M. Jocelyn Dessigny.
Quand on a perdu cent sièges, on reste humble, monsieur !

M. Philippe Vigier.
…surtout lorsque l’on voit que les taux d’abstention aux élections législatives et présidentielles n’ont jamais été aussi élevés. Quelle défiance du peuple vis-à-vis des élus et de vous-mêmes ! Nous sommes loin, chers collègues de la NUPES, de la situation de 1993 : malgré la Bérézina qu’elle avait connue, la gauche avait obtenu 800 000 voix de plus que vous ! Nous sommes loin aussi de 2007 : je me souviens que sous Nicolas Sarkozy, il y avait quand même 227 parlementaires de gauche – Olivier Faure s’en souvient très bien aussi. Ces chiffres rappellent, je crois, que l’on peut toujours, avec beaucoup de talent et d’audace, essayer de rendre les défaites victorieuses. Mais les chiffres sont en toutes lettres, comme le disait le regretté Coluche, et ceux-ci sont implacables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Il n’est pas possible, chers collègues de la NUPES, d’utiliser des hologrammes comme pendant la campagne présidentielle pour compter les députés. Une motion de censure consiste à démontrer qu’une alternative politique est possible. Mais vous ne l’incarnez pas : vous n’avez pas la majorité absolue !

M. Sébastien Delogu.
Vous non plus !

M. Philippe Vigier.
Et vous ne pouvez pas faire d’alliance improbable pour y parvenir ! D’ailleurs, vous n’y croyez pas non plus. J’ai lu votre motion avec beaucoup d’intérêt : elle est uniquement technique, et c’est un peu « PPMC », le plus petit multiple commun ! Pas un mot sur la crise sociale liée au pouvoir d’achat ! Pas un mot sur la pandémie à laquelle nous faisons face chaque jour ! Pas un mot sur le soutien à l’éducation, pas un mot sur la transition écologique, pas un mot sur la crise internationale ! La Première ministre n’a pas demandé un vote de confiance – même si, sans atteindre la majorité absolue, elle pouvait naturellement compter sur le soutien des trois groupes de la majorité –, mais je ne crois pas un seul instant que tous les groupes d’opposition – que tout oppose, si on les écoute, mais qui ne sont pas si opposés en réalité – auraient mêlé leurs votes dans le seul but de faire tomber le Gouvernement. Certains – ils viennent de le dire à nouveau – comme Les Républicains et le Rassemblement national avaient d’ailleurs dit, avant même le discours de la Première ministre, qu’ils ne voteraient pas votre motion de censure. Vous lui avez donc offert un vote de confiance implicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.
Bravo !

M. Philippe Vigier.
Mes chers collègues, la situation que nous vivons, dans laquelle personne ne dispose d’une majorité absolue, c’est la volonté du peuple français !

Mme Mathilde Panot.
Vous avez raison !

M. Philippe Vigier.
Aux élections législatives, il a voulu cet état de fait qui s’impose à tous. Respectons le peuple !

M. Erwan Balanant.
Exactement, respectons la démocratie !

M. Philippe Vigier.
Il n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier, si l’on peut dire, et veut un nouvel équilibre entre exécutif et législatif. Il appartient désormais à tous les responsables politiques, aux parlementaires, de penser à leur pays plutôt qu’à leur parti, en établissant des compromis sans compromission. Les députés Démocrates s’inscrivent pleinement dans cette démarche, comme l’a rappelé le président Mattei la semaine dernière. Cette situation politique inédite signe le retour du parlementarisme. Elle conforte l’Assemblée nationale et également le Sénat, qui a tout son rôle à jouer. C’est une bonne nouvelle, une belle nouvelle : oui, le Parlement est de retour ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Qui ici n’a pas, à un moment de sa vie de parlementaire, fustigé, critiqué ou regretté les décisions qui arrivaient d’en haut, ces amendements qui étaient balayés, ces articles réservés, ces secondes délibérations imposées ? Personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.
Excellent !

M. Philippe Vigier.
J’ai connu ce genre de situation lorsque Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, furent présidents, ainsi que sous le précédent quinquennat. Le rôle du Parlement, mes chers collègues, va redevenir déterminant. L’exigence pour chacun, Gouvernement comme Parlement, est de construire ensemble les bonnes décisions, comme vous l’avez dit, madame la Première ministre. En déposant une motion de censure pour démarrer cette législature, chers collègues de la NUPES, vous posez un acte de défiance pas seulement contre le Gouvernement, mais contre le Parlement lui-même ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.
Bravo !

M. Philippe Vigier.
Nous n’avons pas commencé, mais nous avons déjà zéro sur vingt ! Vous allez vous isoler, car vous ne serez pas suivis par les autres groupes politiques. Les majorités écrasantes, mes chers collègues, conduisent souvent à des formes de dérive.

M. Jean-Paul Lecoq.
N’est-ce pas ? On l’a vécu pendant cinq ans !

M. Philippe Vigier.
On peut le constater aussi dans les collectivités locales. Jean-Louis Bourlanges le dirait bien mieux que moi, le pouvoir absolu n’accompagne que très rarement la vitalité démocratique, bien au contraire. Chacun va devoir mieux accepter et écouter les propositions, sans tomber dans la démagogie et l’idéologie. Pour prendre une image de l’alpinisme cher à Éric Woerth, je dirais qu’il va falloir ouvrir des voies nouvelles. La loi, moins bavarde, devra être simple et compréhensible : arrêtons de légiférer pour un oui ou pour un non. Cessons d’entasser les lois, les règlements et les normes parfois inapplicables et souvent inappliqués – ou mal appliqués au dernier kilomètre. Réservons les ordonnances, madame la Première ministre, aux urgences absolues.
La coconstruction législative, chère à Jean-François Copé pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy – je ne l’ai pas oublié –, ce n’est pas l’affaiblissement de l’exécutif : c’est le gage d’une plus forte réussite de l’action publique et de l’acceptation par nos concitoyens des politiques mises en place. Le peuple nous donne une chance inédite, celle de rendre le Parlement incontournable. À chaque parlementaire, député, sénateur, de mesurer la responsabilité nouvelle qui lui incombe. À chaque ministre – ils sont nombreux cet après-midi – de comprendre que les réponses à apporter chaque jour dans son domaine devront être imaginées avec les parlementaires et les élus locaux – chacun à sa place, mais dans le cadre d’une synergie « renforçatrice » chère aux médecins infectiologues.
Alors, mes chers collègues, au moment où le Parlement est de retour et après avoir parlé pendant des années de son affaiblissement, saisissons cette chance. Osons, bâtissons et écrivons, dans le respect de nos différences et de nos divergences, les solutions du quotidien. Nous sommes condamnés à nous supporter, comme l’a très bien dit Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants-République et Territoires au Sénat. Les Français n’accepteront pas le chaos. Ils sauront parfaitement identifier qui a fait quoi, qui a dit quoi et qui, en définitive, est responsable d’une situation de crise de régime.
Croyez-vous, mes chers collègues, que les réponses visant à garantir le pouvoir d’achat des plus fragiles, actifs et retraités, ne peuvent être écrites à plusieurs mains ? Nous, en tout cas, nous n’attendrons pas la longue marche qui démarre en septembre avec M. Mélenchon ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.
Très bien !

M. Philippe Vigier.
Croyez-vous que les réponses à la pandémie, qui est toujours là, et les solutions visant à conforter notre système de santé, sont si éloignées selon qu’elles viennent des uns ou des autres ? La réponse est non. Croyez-vous que les réponses des uns ou des autres pour lutter contre le réchauffement climatique et décarboner nos énergies sont totalement incompatibles ? Je ne le pense pas. Croyez-vous que les chemins à emprunter pour atteindre le plein emploi, permettre aux entreprises de trouver enfin les salariés qu’elles recherchent et faire sortir de la précarité ceux qui s’y trouvent depuis trop longtemps sont des lignes parallèles qui ne se croisent jamais ? Je suis certain que non. Au moment même où je m’exprime sont annoncés, au sommet « Choose France » qui se tient à Versailles, cent nouveaux projets industriels pour notre pays. L’un d’eux, qui concerne ma circonscription, est cher à mon cœur – je vous le dis avec émotion ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.)
Mes chers collègues, la réforme de l’éducation nationale s’impose pour redonner une attractivité aux métiers merveilleux de la transmission du savoir aux enfants et pour que les enseignants soient davantage respectés et soutenus.

M. Jean-Paul Lecoq.
Et mieux payés !

M. Philippe Vigier.
Ne croyez-vous pas qu’elle appelle à un sursaut d’intelligence collective ? La réponse est évidemment oui. Ne croyez-vous pas, enfin, qu’une majorité pourra se constituer pour permettre à chacun de bénéficier de la première des libertés, celle de vivre en sécurité, et apporter ainsi des réponses fortes aux attentes du plus grand nombre de nos concitoyens ?
Là encore, chers collègues insoumis, chacun prendra ses responsabilités, et ultraminoritaires seront ceux qui considèrent que la police tue, alors qu’elle nous protège. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Le travail parlementaire des cinq dernières années est émaillé d’exemples qui démontrent qu’un chemin est possible – je le dis pour les plus nouveaux d’entre nous. Le texte de loi sur la fin de vie, proposé par Olivier Falorni, a permis à des députés de toutes sensibilités de travailler ensemble…

M. Maxime Minot.
Eh oui !

M. Philippe Vigier.
…et de parvenir à voter pour l’article 1er – et j’imagine qu’ensemble, nous irons plus loin.

M. Jean-Paul Lecoq.
Et la déconjugalisation de l’AAH ?

M. Philippe Vigier.
Les propositions concernant la lutte contre les déserts médicaux – je pense à Yannick Favennec-Bécot, à Thierry Benoit, à Guillaume Garot, à mes propres propositions – sont très proches.

M. Jean-Paul Lecoq.
Mais il n’y a toujours pas de médecins !

M. Philippe Vigier.
La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés,…

M. Matthieu Marchio.
Ah !

M. Philippe Vigier.
…qu’a notamment défendue Aurélien Pradié, a suscité un assentiment dépassant largement les bancs d’un seul groupe parlementaire. Nous rattraperons cette erreur du quinquennat précédent, comme le Président de la République s’y est engagé. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

M. Stéphane Peu.
Il faut être gonflé !

M. Philippe Vigier.
Le texte du président Chassaigne, absent aujourd’hui, sur les petites retraites agricoles, a lui aussi suscité une large adhésion (M. Stéphane Peu s’exclame) et a été adopté – n’est-ce pas, monsieur Peu ? Enfin, Caroline Fiat, vice-présidente de l’Assemblée nationale, ici présente, a rédigé un rapport sur les EHPAD…

Mme Sarah Legrain.
Vous n’en avez rien fait !
 

M. Philippe Vigier.
…dont les conclusions sont partagées par le plus grand nombre (Mme Mathilde Panot s’exclame) et qui nourrira la future loi sur la dépendance.

Mme Farida Amrani.
Quand ?

Mme Mathilde Panot.
Vous n’avez rien fait de ce rapport !

M. Philippe Vigier.
Je ne vous ai pas vue en commission, madame Panot. Et vous ne m’avez pas écouté : j’ai dit que ce rapport servirait à nourrir la prochaine loi sur la dépendance.
Ayons le courage, chers collègues, de bâtir des compromis sans compromission,…

M. Erwan Balanant.
Bravo !

M. Philippe Vigier.
…ces compromis que Montesquieu qualifiait d’enrichissements de l’âme et d’outils de sociabilité. Le courage, c’est d’agir, écrivait Sénèque. C’est parce qu’on n’ose pas que les choses sont difficiles, aimait-il à rappeler. Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. Les députés du groupe Démocrate y sont prêts. Ils seront proposants et exigeants. Ils seront vigilants, notamment en matière de finances publiques, et bienveillants à l’égard de l’opposition. Ils seront facilitateurs et acteurs.
Chers collègues de la NUPES, il est donc indispensable de repousser cette motion de censure, qui placerait le Parlement dans une forme d’inaction alors qu’il a toute sa place à prendre, qui conduirait le pays à une crise politique, mais surtout – c’est le plus grave – qui tournerait le dos à la volonté que le peuple a exprimée en juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe HOR.)

M. Jean-Paul Lecoq.
Vous ne l’entendez pas, la volonté du peuple !

M. Philippe Vigier.
C’est la raison pour laquelle, vous l’avez bien compris, le groupe Démocrate ne votera pas en faveur de cette motion de censure, persuadé, comme Victor Hugo, que « rien n’est stupide comme vaincre ; la vraie gloire est convaincre ». Et je ne désespère pas de vous convaincre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure.
Disons les choses simplement : cette motion de défiance ne bloquera rien, mais elle réparera (« Rien ! sur les bancs du groupe Dem) la première faute de votre mandat, une faute liée à la lecture que le Président de la République fait des institutions. Le vote de confiance ne serait que le blanc-seing que sa majorité devrait accorder au Premier ministre. Cette lecture de la Constitution est en réalité une offense à notre vie démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Nous sommes toutes et tous ici le miroir de la volonté de la nation. Lorsque les Français nous regardent, ils voient représentées les préférences idéologiques de la nation. Et lors d’un vote de confiance, chaque Français retrouve cette part de la souveraineté qu’il nous a confiée en même temps qu’il constate que sa volonté devra composer avec les volontés qui diffèrent de la sienne mais qui, toutes ensemble, forment la souveraineté de la nation. Le vote de confiance, c’est ce moment où la nation prend conscience d’elle-même dans son unité autant que dans sa diversité. Puisque nous avons le pouvoir de vous imposer ce vote, nous le faisons. (Mêmes mouvements.)

M. Bruno Millienne.
Et c’est un socialiste qui salit la mémoire de Bérégovoy…

M. Olivier Faure.
Cette motion de défiance aura un grand mérite, celui de sortir du confusionnisme nourri par le Président de la République, qui cite volontiers Jaurès le lundi, de Gaulle le mercredi et même Maurras le dimanche. (Mêmes mouvements.) Il entretient l’idée qu’il serait à lui seul la gauche et la droite, interdisant toute forme d’alternative.
Voici donc venu le temps de la clarification.

M. Bruno Millienne.
Oui : les socialistes sont soumis aux insoumis !

M. Olivier Faure.
Cette motion permettra à chacun de se situer et de faire apparaître une vérité qu’il est inutile de masquer plus longtemps aux Français. Il y a une opposition – elle est là ! (L’orateur désigne les bancs de la gauche de l’hémicycle. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) – , c’est la coalition de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale.

M. Jocelyn Dessigny.
Qui a appelé à voter Macron !

M. Olivier Faure.
Il y a une majorité relative – la vôtre, madame la Première ministre. Il y a aussi une majorité tacite, celle que vous formez avec Les Républicains. Et il y a même le risque d’une majorité d’opportunité que vous formerez avec le Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Rémy Rebeyrotte.
Scandaleux !

M. Olivier Faure.
Vous pouvez hurler, mais ce n’est pas moi qui suis l’auteur des propos de M. Dupond-Moretti, de M. Bayrou, de Mme Calvez et autres, qui ont exprimé une préférence pour l’extrême droite plutôt que pour la gauche ! (Mêmes mouvements.)

M. Erwan Balanant.
Ça suffit ! Arrête ton cirque !

M. Olivier Faure.
C’est inédit dans l’histoire de la République ! Vous êtes les premiers à le faire ! Alors taisez-vous, maintenant ! (De nombreux députés des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent vivement. – Les protestations redoublent sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Rémy Rebeyrotte.
C’est monstrueux !

M. Erwan Balanant.
Tu n’as pas honte ?

M. Olivier Faure.
Vous fissurez toutes les digues solides qui, depuis le gouvernement provisoire du général de Gaulle, ont protégé la République du nationalisme.

M. Erwan Balanant.
C’est vous qui le faites ! Et vous seulement !

M. Olivier Faure.
Cela fait cinq ans que l’eau entrait, goutte à goutte. Vous pouvez crier, mais regardez les 200 voix que vous avez apportées à l’extrême droite la semaine passée !

M. Laurent Croizier.
Quelle honte !

M. Erwan Balanant.
Ils ont été élus par le RN !

M. Olivier Faure.
Regardez-vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Huées sur les bancs des groupes RE et Dem, et exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ce week-end encore,…

Mme Perrine Goulet.
Bérégovoy doit se retourner dans sa tombe à t’écouter !

M. Frédéric Cabrolier.
Et la francisque de Mitterrand ?

M. Olivier Faure.
…lorsque votre ministre de l’intérieur se félicite de s’extraire du champ de la raison pour « parler aux tripes des Français », c’est pour reprendre les propositions de M. Zemmour et de Mme Le Pen. Voilà ce qu’est votre politique aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mais non !

Mme Stella Dupont.
Pitoyable !

M. Olivier Faure.
Je n’ose croire que pour imposer votre programme, vous empruntiez le choix de la lâcheté. Il est vrai qu’avec le Rassemblement national, vous avez un partenaire facile, trop heureux d’acheter à bas prix sa respectabilité par son abstention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Erwan Balanant.
Arrête tes fantasmes !

M. Olivier Faure.
Votre responsabilité est désormais immense.

M. Bruno Millienne.
Et vous n’êtes qu’un collaborateur de Mélenchon !

M. Rémy Rebeyrotte.
Honteux !

M. Olivier Faure.
Si vous vous entêtez à vouloir imposer votre programme au prix de la banalisation de l’extrême droite parlementaire, vous lui ouvrirez les portes du pouvoir ! Derrière chacune de leurs voix, vous ne pouvez ignorer qu’en réalité, il y a un cheval de Troie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Laurent Croizier.
Le Parti socialiste est mort aujourd’hui !

M. Rémy Rebeyrotte.
C’est honteux ! Ce sont les voix de la NUPES qui vont au RN !

M. Olivier Faure.
Alors comment faire ? C’est assez simple, au fond. Renoncez au mode de gouvernement qui est le vôtre depuis cinq ans. Jupiter, c’est fini ! Le Président a décidé, le Parlement a ratifié : c’est fini !

Mme Caroline Parmentier.
Monsieur 2 % !

M. Olivier Faure.
Aux contestations populaires, qu’avez-vous opposé sinon votre mépris ? Ce week-end encore, votre lointain prédécesseur à la tête du gouvernement expliquait que sa réforme des retraites était « trop intelligente » ! Il faut en finir avec cette arrogance technocratique qui vous a conduits à penser que vous déteniez le monopole du savoir. Il y a certaines choses que nous savons et que les Français savent. Nous savons que 10 millions de nos compatriotes vivent sous le seuil de pauvreté. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous savons qu’il y a beaucoup de Français qui ne vivent plus de leur travail et de retraités qui ne vivent plus de leurs pensions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Jocelyn Dessigny.
Qu’avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Olivier Faure.
Nous savons que l’hôpital public est géré comme une entreprise vouée au profit. Nous savons que l’école ne vise plus l’émancipation de tous. Nous savons que les politiques écologistes continuent de passer derrière vos préoccupations économiques. C’est cela, notre savoir, madame Borne.

Mme Caroline Parmentier.
Non, c’est votre bilan !

M. Olivier Faure.
C’est ce savoir élémentaire que nous opposons à toutes vos certitudes.
Vous nous opposez la dette. Mais la seule dette,…

M. Jocelyn Dessigny.
La seule dette, elle vient d’où ?

M. Olivier Faure.
…la seule dette que nous ne pouvons pas laisser à nos enfants est la dette écologique, qui ne nous laisse pas le choix parce qu’elle est irréversible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Et parce que ses conséquences sont en cascade : sécurité alimentaire, mouvements migratoires, sixième extinction de masse.

M. Bruno Millienne.
Qu’est-ce que vous avez fait sous Hollande ? Rien !

M. Olivier Faure.
Ce que nous avons fait contre la covid, ne pourrions-nous pas le faire aussi pour la planification écologique ? (Mêmes mouvements.)

M. Jocelyn Dessigny.
Mais qu’avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Olivier Faure.
Si vous voulez – je reprends vos mots – « redonner un sens, une vertu au mot compromis », partez de ce diagnostic incontestable. Dites-nous ce que vous êtes prête à abandonner de cette camisole libérale qui vous interdit de prendre les mesures et les bifurcations que le pays attend.

M. Bruno Millienne.
Je n’ose pas croire que tu as été marabouté !

M. Olivier Faure.
Oui, il faut de nouveaux compromis. Des compromis qui adaptent la France aux nouveaux défis et aux grandes transitions que nous devons entreprendre : écologique, numérique, sociale, démocratique et même géopolitique. À cela, nous sommes prêts. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Mais un compromis ne procède jamais de l’injonction, ni du chantage au chaos. Je vous ai entendue dire que « le désordre et l’instabilité ne sont pas une option ». Mettons-nous donc d’accord : le débat, ce n’est pas le désordre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)

M. Rémy Rebeyrotte.
Parlez-en à vos amis !

M. Olivier Faure.
Le désordre, cher collègue, ce n’est pas davantage le chahut dans l’hémicycle (Rires sur les bancs du groupe Dem.),…

M. Jocelyn Dessigny.
Dites-le à Corbière !

M. Olivier Faure.
…qui n’est rien en comparaison de la colère qui gronde au-dehors et que les murs épais des palais nationaux filtrent avant qu’ils arrivent à vos oreilles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Le seul vrai désordre que je connaisse, c’est l’injustice, et c’est celui que vous devez entendre ! (Mêmes mouvements.)
Vous vous proclamez à la tête d’un gouvernement d’action. Personne ne vous reproche de ne pas avoir agi pendant cinq ans. Nous vous reprochons d’avoir agi au détriment de toute idée de justice, ce qui est très différent.

M. Frédéric Cabrolier.
2 % !

M. Jocelyn Dessigny.
Vous n’avez rien fait pendant trente ans et maintenant, vous donnez des leçons de morale !

M. Olivier Faure.
Vous prétendez que vous ne voulez pas lever de nouvel impôt. C’est vrai pour les « premiers de cordée », mais vous avez prolongé la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de neuf ans afin de prélever 121 milliards supplémentaires sur les Français. Vous voulez désormais reculer de trois ans l’âge de la retraite, pour une pension identique ! Or qu’est-ce d’autre qu’un nouvel impôt, un impôt sur ceux qui devront cotiser plus longtemps, un impôt sur la vie de ceux qui exercent les métiers les plus pénibles ?

M. Jocelyn Dessigny.
Aucune anticipation pendant trente ans !

M. Olivier Faure.
Si vous souhaitez trouver des points d’accord avec les socialistes, avec les insoumis, avec les écologistes et avec les communistes, comprenez d’abord que notre raison d’être n’est pas l’abdication devant le capital !

M. Rémy Rebeyrotte.
Mélenchon vous a-t-il mangé ?

M. Olivier Faure.
Nous sommes ici les représentants du travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Maxime Minot.
N’importe quoi !

M. Olivier Faure.
Êtes-vous prête, madame la Première ministre, à porter le SMIC à 1 500 euros ? Êtes-vous prête à faire en sorte que les travailleurs d’Uber soient désormais présumés salariés parce qu’ils sont subordonnés à leur entreprise ? (Mêmes mouvements.)

M. Jocelyn Dessigny.
Le Parti social-amnésique !

M. Olivier Faure.
Êtes-vous prête à faire en sorte que les actionnaires des entreprises ne soient plus les seuls décisionnaires et que les conseils d’administration ne soient plus fermés aux salariés, mais composés à parité de représentants du capital et de représentants du travail ? (Mêmes mouvements.)

M. Jocelyn Dessigny.
Assumez vos erreurs !

M. Olivier Faure.
Êtes-vous prête à renoncer à n’utiliser l’ambition républicaine à laquelle vous prétendez que comme un argument d’autorité qui permettrait de clore toute forme de contestation ? C’est un contresens absolu. La République n’est pas un monument figé dont vous détiendriez les droits exclusifs ! Elle est une promesse – une promesse jamais totalement accomplie, un horizon qui permet d’avancer vers l’émancipation de chaque individu. Et à chaque fois que cette promesse est vécue comme un mensonge, alors tout s’effondre. La République est vivante lorsque nous progressons ensemble vers plus d’égalité,…

M. Jocelyn Dessigny.
Bla bla bla !

M. Julien Odoul.
Son temps de parole est écoulé !

M. Olivier Faure.
…lorsque l’État agit pour tous et non pas pour le bénéfice de quelques-uns.

M. Julien Odoul.
C’est fini !

M. Olivier Faure.
C’est dans ces moments-là que la nation prend corps et que l’unité nationale prend forme.

M. Jocelyn Dessigny.
Vous avez été moins généreuse avec Marine Le Pen, madame la présidente !

M. Olivier Faure.
Madame la Première ministre, je conclus.

Mme la présidente.
Je vous remercie, cher collègue.

M. Olivier Faure.
Je conclus, madame la présidente.

Mme la présidente.
Vous auriez dû conclure il y a trente-cinq secondes.

M. Olivier Faure.
Montrez-nous que vous avez changé ! Montrez-nous que votre pratique du pouvoir…

Mme la présidente.
Je vous remercie, monsieur Faure. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.) Veuillez quitter la tribune, s’il vous plaît. (L’orateur poursuit son discours désormais inaudible. – De nombreux membres des groupes SOC, LFI-NUPES et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent.) Je vous demande de quitter la tribune immédiatement, monsieur Faure, et je vous remercie de bien vouloir respecter votre temps de parole ainsi que la présidence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Thomas Mesnier.

M. Thomas Mesnier.
Chers collègues de cet hémicycle que j’aime tant, cinq jours seulement après le débat qui a suivi la déclaration de politique générale, nous voici à nouveau réunis pour débattre de la motion de censure déposée par l’ensemble des groupes de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.

M. Thomas Mesnier.
Le groupe Horizons et apparentés déplore cette bien navrante décision. Une motion de censure déposée avant même que la Première ministre ne prononce sa déclaration de politique générale, qu’est-ce que cela dit ? Cela démontre que, sans même connaître les orientations politiques du Gouvernement (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , les élus de la NUPES ont choisi de rejeter le choix que les Français ont exprimé dans les urnes en avril et en juin. Cela démontre aussi, si c’était encore nécessaire, que la NUPES n’est pas dans une logique d’écoute, d’échange ou de construction. Nous le regrettons et nous craignons que certains de ses électeurs ne le regrettent aussi.

M. Adrien Quatennens.
Cela s’appelle l’opposition ! Vous connaissez ?

M. Thomas Mesnier.
Si les oppositions et le débat contradictoire jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement démocratique, l’obstruction – qu’elle s’exprime par une tentative de censure ou par des torrents d’amendements, comme sait si bien en déverser La France insoumise – n’est que le symptôme d’une mise à mal de notre démocratie.

M. Thomas Mesnier.
M. Mélenchon, battu au premier tour, absent au second, invente un troisième tour qu’il perd encore une fois. ( Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Charles Sitzenstuhl.
Trois fois battu !

M. Thomas Mesnier.
Et voilà que vous proposez maintenant une motion de censure en guise de quatrième tour. Il serait peut-être temps d’admettre que les Français ne l’ont pas élu ; il serait peut-être temps de respecter la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. )

M. Thomas Mesnier.
J’ai entendu la présidente Panot et Olivier Faure déclarer tour à tour que nous ferions des alliances avec le Rassemblement national. (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Il n’en est évidemment rien ! (« Si ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Pardon, mais il est juste fou d’en venir à dire de telles choses à cette tribune. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. )

M. Thomas Mesnier.
Quelle indignité, monsieur Faure ! Quand on vous écoute, on comprend pourquoi le parti socialiste ne récolte plus que 2 % des suffrages. (Mêmes mouvements.)

M. Thomas Mesnier.
Que faut-il comprendre d’une motion de censure dont l’adoption dépendrait de la participation du Rassemblement national, groupe avec lequel je ne crois pas que la NUPES veuille travailler ? Cette motion stérile ne montre en réalité qu’une chose : vous cherchez à diviser les Français.

M. Adrien Quatennens.
Combien de voix pour Horizons aux élections ?

M. Thomas Mesnier.
Dans ce triste décor, les députés du groupe Horizons et apparentés feront le choix résolu de la responsabilité et du respect.

M. Thomas Mesnier.
De la responsabilité d’abord. Depuis votre nomination, madame la Première ministre, vous avez rappelé à maintes reprises votre volonté d’échange, de construction, de compromis. Le groupe Horizons et apparentés, comme l’ensemble de la majorité présidentielle, y croit et se place dans cet état d’esprit.

Mme Farida Amrani.
Quelles belles paroles !

M. Thomas Mesnier.
Nous avons la volonté d’atteindre des majorités de projet, texte par texte : nous le devons aux Français, nous le devons au pays. Nous ne céderons rien face à l’obstruction et aux manœuvres politiciennes. Nous le devons aux Français, qui attendent de nous que des décisions fortes soient prises pour le pouvoir d’achat, pour leur accès aux soins, pour leur école,…

Mme Farida Amrani.
Parlons-en, de l’école !

M. Thomas Mesnier.
…pour l’environnement, pour leur sécurité.

M. Thomas Mesnier.
Nous ferons aussi le choix du respect : respect des institutions bâties pour permettre la continuité de l’État, respect de la démocratie, par laquelle s’est exprimé un choix très clair dans les urnes, n’en déplaise à certains (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES),…

Mme Raquel Garrido.
Vous êtes minoritaires !

M. Thomas Mesnier.
…avec un Président de la République réélu, doté d’une majorité – relative, certes – et des oppositions fortes.

M. Thomas Mesnier.
Respect, enfin, pour les Français : écoutons-les et travaillons ensemble dans cet hémicycle. Le modèle d’opposition que propose la NUPES, façon IVe République ou XXe siècle, nous paraît déboucher sur une opposition d’arrière-garde, ni constructive, ni courageuse,…

Un député du groupe LFI-NUPES.
Ça vous embête, hein, la démocratie ?

M. Thomas Mesnier.
…probablement même assez dangereuse en se faisant le marchepied de l’extrême droite. ( Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Thomas Mesnier.
Je veux m’adresser ici aux collègues socialistes, à ces élus engagés héritiers de Blum, Mitterrand et Rocard. Vos illustres prédécesseurs ont été à la hauteur des défis de leur temps. Ils ont travaillé, composé, sans jamais se renier. Je peine à imaginer que vous poursuiviez dans la voie de cet asservissement aux Insoumis. Il est encore temps de changer.

M. Thomas Mesnier.
J’aime à penser, nous aimons à penser, que cette motion sera un échec pour l’entreprise de défiance de M. Mélenchon, mais qu’elle pourra être une victoire si elle permet de tracer un chemin vers certains d’entre vous dans le travail que nous demandent les Français.

Mme Raquel Garrido.
Vous n’avez pas écouté M. Faure !

M. Thomas Mesnier.
Le groupe Horizons et apparentés prendra toute sa part dans ce travail, porté par l’élan réformateur de 2017, que nous n’avons pas quitté, pour un changement profond de la France et de la vie des Français. Il rejettera donc cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem. )

Mme la présidente.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain.
Regardez cette assemblée, regardez les 577 députés qui la composent : elle reflète le message que les Français et les Françaises ont choisi de nous envoyer. Une injonction démocratique qui met fin au règne absolu et vertical de la majorité présidentielle. C’est une première depuis l’inversion du calendrier électoral. En 2002, 2007, 2012, 2017, il y a eu des majorités absolues, franches, et pourtant, elles ne ressemblaient pas à la France et se sont peu à peu éloignées d’elle. Année après année, scrutin après scrutin, nous avons perdu les Français et les Françaises qui ont déserté les urnes. L’abstention, qui peut sincèrement s’en étonner alors que pendant des décennies, nous avons verrouillé nos instances démocratiques, enjambé les campagnes électorales, fait taire les manifestations, muselé le Parlement, dégainé le 49-3, archivé les doléances nées du mouvement des gilets jaunes et convoqué une convention citoyenne pour ne surtout pas les entendre, pour ne jamais les écouter ?

Mme Cyrielle Chatelain.
Aujourd’hui, madame la Première ministre, vous avez la possibilité de briser ce cercle vicieux. Mais vous avez raté une première occasion de le faire en refusant de vous soumettre à un vote de confiance, en dépit de la tradition. Par ce refus, c’est votre conception du Parlement qui se dévoile ; par ce refus, c’est votre vision de la République qui est mise au jour. Rappelons que la vocation première de notre République n’est pas de consacrer le règne d’un homme providentiel. Sa raison d’être est l’expression et le respect de la volonté souveraine du peuple. Le cœur de notre République, comme le déclarait Jean Jaurès devant les lycéens d’Albi, c’est un acte de confiance et d’audace, c’est l’indéfectible croyance que l’on peut « se combattre sans se déchirer ».

Mme Cyrielle Chatelain.
Vivons-nous dans la même République ? Une clarification est nécessaire. La minorité présidentielle a inventé des ennemis communs à la droite libérale et à l’extrême droite de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour : les islamo-gauchistes, qu’elle voit partout,…

M. Pierre Cordier.
Ça existe !

Mme Cyrielle Chatelain.
…dans nos universités, dans les marches pour le climat, dans les cours des collèges où fleurissent les crop tops (Murmures sur les bancs du groupe RN), dans les écoles où les mamans voilées accompagnent leurs enfants lors des sorties scolaires, dans les alternatives à la société de surconsommation que d’aucuns disent fondées sur le « modèle Amish ».

M. Maxime Minot.
Quel rapport avec la motion ?

Mme Cyrielle Chatelain.
En faisant cela, c’est toute une partie de la France que vous reléguez aux marges de la République (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC), mais au nom de qui et au nom de quoi ? Oui, une clarification est bel et bien nécessaire pour que les Français et les Françaises soient seuls juges de notre esprit républicain.

Mme Cyrielle Chatelain.
Parlons d’abord de la fraternité et de la sororité. Nous, députés écologistes, nous, députés NUPES, avons été élus contre l’idéologie raciste et xénophobe de l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

Mme Cyrielle Chatelain.
Nous ne ferons jamais aucun compromis avec les héritiers de l’Action française, de l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète, et du Front national. Pour nous, l’ennemi est Faurisson, faussaire de l’histoire, et non M. Ndiaye, auteur de La Condition noire . Pour nous, la préférence nationale, de Pétain à Le Pen, est un délit contre notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Pour nous, il est intolérable d’enfermer pendant quatre-vingt-dix jours des innocents dans des centres de rétention. Pour nous, il est inhumain que dans ces mêmes centres de rétention soient enfermés des enfants. Pour nous, l’accueil des navires qui secourent les migrants en mer est un acte d’humanité, un acte républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)

M. Christian Girard.
N’importe quoi !

Mme Cyrielle Chatelain.
Madame la Première ministre, comment faites-vous pour rejeter en bloc ces principes comme autant de combats naïfs et de combats de gauchistes alors qu’Angela Merkel a fait de l’Allemagne une terre d’asile, donnant ainsi une leçon de dignité aux dirigeants européens ? Loin de cette visée humaniste, votre politique semble se placer dans la continuité de celle de vos prédécesseurs : tentes lacérées, exilés affamés, associations harcelées, sans parler de cette jeune femme noyée dans une rivière des Alpes, de ces trois jeunes vies fauchées dans un transport express régional (TER) du Pays basque, de tous ces espoirs engloutis dans la mer Méditerranée. C’est l’esprit républicain qui est défait.

Mme Cyrielle Chatelain.
Pour que chacun soit juge, parlons aussi d’égalité. Nous, députés écologistes, députés NUPES, nous nous inscrivons dans l’héritage du Conseil national de la Résistance. Pour nous, le compromis n’est pas une compromission s’il vise le progrès ou l’égalité. Pour nous, une conquête sociale est toujours un progrès, jamais une charge. Pour nous, le travail est facteur d’émancipation si et seulement s’il n’est pas une version contemporaine de l’aliénation et de l’esclavage et s’il paie décemment. C’est pourtant du bon sens : tout travail mérite salaire.

Mme Cyrielle Chatelain.
Pour nous, l’âge de départ à la retraite doit contribuer à réduire les inégalités, non à les aggraver. Pour vous et pour les membres de votre gouvernement, ce n’est peut-être pas un sujet d’angoisse, mais admettez que pour celles qui se cassent le dos pour garder nos enfants, nettoyer nos bureaux, s’occuper de nos aînés, pour ceux qui tiennent le marteau piqueur, qui réparent les toits, conduisent des bus, 65 ans, c’est tard, c’est bien trop tard.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ça va !

Mme Cyrielle Chatelain.
Songez que pour celles et ceux qui n’ont pas choisi leur emploi, mais gagnent leur vie, pour celles et ceux qui ont une vocation, mais dans des métiers éprouvants, épuisants, physiques, attendre 65 ans, c’est intolérable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

M. Laurent Croizier.
Vous avez vraiment lu nos propositions ?

Mme Cyrielle Chatelain.
Continuons la clarification et parlons de liberté.

Mme Cyrielle Chatelain.
Finalement, dans votre discours, vous nous en avez peu parlé. Lorsque vous l’avez fait, c’est pour vanter la liberté d’entreprendre. Que les journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation soient remerciés : leur enquête sur Uber éclaire nos débats. Elle a dévoilé les échanges qui ont eu lieu dès octobre 2014 entre les dirigeants d’Uber et le ministre de l’économie tout juste nommé, un certain Emmanuel Macron. On comprend alors que pour la Macronie naissante, la liberté, c’est celle d’un tout petit nombre de Français qui peut disposer de la vie des autres. C’est, me semble-t-il, une définition honnête et sans parti pris de l’uberisation de nos sociétés. La liberté que vous chérissez repose sur une société du servage.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ça va, là !

Mme Cyrielle Chatelain.
Pour nous, au contraire, la liberté suppose de sortir des fins de mois difficiles et des emplois précaires : il faut être libre de choisir. Alors, oui, au nom de la liberté, nous défendons la garantie d’autonomie jeunes ; au nom de la liberté, nous défendons la garantie universelle des loyers, le SMIC à 1 500 euros et la revalorisation de toutes les petites pensions de retraite ; au nom de la liberté présente et future, nous défendons une action environnementale et climatique ambitieuse.

Mme Cyrielle Chatelain.
Madame la Première ministre, pour que la clarification soit complète, nous devons maintenant parler de la dette. Pour le gouvernement que vous dirigez, la seule dette qui mérite qu’on s’y consacre est la dette financière. Dans votre déclaration de politique générale, vous l’avez placée au rang de priorité absolue, reléguant au « dès que possible » l’action en faveur du climat et de la biodiversité.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est scandaleux de dire cela !

Mme Cyrielle Chatelain.
Mais le « dès que possible », ce n’est pas possible, car la dette écologique se paye déjà dans le Pacifique, où des îles ont disparu sous les eaux – par exemple, East Island, engloutie lors du passage d’un ouragan en 2018. Qui s’en préoccupe rue de Grenelle ? Cette dette se paye aussi dans le golfe du Bengale : à Ghoramara, le bureau de poste a été englouti, les habitants vivent les pieds dans l’eau et doivent se déplacer à mesure que les eaux montent. Loin des yeux, loin de nos préoccupations ? Est-ce la raison de votre inaction ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est scandaleux !

Mme Cyrielle Chatelain.
Madame la Première ministre, n’oubliez pas que la dette écologique se paie également dans nos campagnes, où des agriculteurs subissent la grêle, le gel tardif, les pluies diluviennes tombant sur des sols asséchés ; dans nos montagnes, où la neige se fait rare et où les glaciers disparaissent ; dans nos vies, marquées par les canicules plus fréquentes, plus longues et plus dangereuses pour les plus vulnérables. Que peut l’équilibre financier pour nous protéger du réchauffement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la montée des eaux ? Rien. Cette obstination vous fait passer à côté d’un défi historique et planétaire qui se pose notamment à la France. Julien Bayou, co-président du groupe Écologiste vous l’a dit dès mercredi : nous nous battrons pour faire appliquer les accords de Paris et les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Telle est la priorité qui devrait tous nous occuper et nous préoccuper.

Mme Cyrielle Chatelain.
Notre compromis est le suivant : pour les générations futures, agissons tout de suite. Nous leur devons la souveraineté énergétique, le 100 % renouvelable comme horizon de moyen terme, la limitation de la hausse des températures à 2 degrés, ce qui est déjà beaucoup, la sortie de l’élevage industriel et le zéro pesticide, l’isolation thermique de 700 000 bâtiments par an.

Mme Cyrielle Chatelain.
Madame la Première ministre, entre vous, le gouvernement que vous dirigez, et nous, il n’y a pas de confiance. Votre discours de la semaine dernière ne nous a pas rassurés et ce que nous a fait subir le Président Macron pendant cinq ans ne nous laisse rien espérer. Il a embarqué le pays dans des tempêtes sur un navire sans boussole, en prétendant que tribord et bâbord se confondaient. Puis le navire a tangué sous l’Arc de Triomphe, il a pris l’eau dans nos écoles, il a chaviré dans les services d’urgences, il a fait naufrage à Glasgow avec une COP26 de tous les renoncements. Le navire s’est échoué face au duo Zemmour et Le Pen, sous le regard indulgent du candidat Macron qui les a laissé dicter les termes du débat présidentiel. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

Mme Cyrielle Chatelain.
Il est terrible, le bilan de votre « en même temps », de ce monde qui ne prône pas le dépassement, mais la mise à mort des batailles politiques, de la confrontation des idées, de l’affrontement entre différents modèles de société. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de voter cette motion de défiance. La défiance, ce n’est pas le refus de dialoguer. Notre position est conforme au mandat que nous ont confié les électeurs et les électrices. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) La défiance est la réponse à votre obstination, à votre refus de questionner un projet qui n’a pas obtenu de majorité. Le Parlement n’est pas un lieu verrouillé. Il doit s’imposer comme le lieu du débat républicain et de l’élaboration de nos politiques publiques. (De nombreux députés des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent.)
La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville.
« Bien sûr, il se doutait qu’il ne parviendrait pas à rallier ce jour-là une majorité à sa cause, il avait dû se dire que cela servirait plus tard ; et, armé de cette conviction, il avait écrit son discours. » Ainsi Éric Vuillard raconte-t-il une séance à l’Assemblée nationale.
Mon discours pourtant ne renonce à rien. Il s’adresse à chacune et chacun d’entre vous qui exercez cette responsabilité singulière, à votre liberté de conscience. Il entend résonner bien au-delà de cet hémicycle. Je suis là pour ébranler, si possible, les certitudes et les habitudes, pour rendre justice à celles et à ceux qui m’ont envoyé, qui nous ont envoyés sur ces bancs, pour changer de cap dès que possible. Je suis là, en fin de compte, parce que « vous avez un peu trop pris la confiance », comme on dit chez moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
Le 16 mai dernier, madame la Première ministre, vous avez tweeté : « Merci à Emmanuel Macron de sa confiance et de l’honneur qu’il me fait en me nommant Première ministre. » Quelques jours plus tard, vous vous êtes présentée avec votre gouvernement devant la représentation nationale, de façon un peu cavalière, sans nous demander notre confiance, laissant penser qu’elle allait naturellement de soi.
Afin de faire respecter le Parlement, nous n’avions par conséquent pas d’autre choix, avec nos alliés de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale, que de déposer cette motion de censure. Vous en conviendrez, madame la Première ministre, nous ne pouvons pas commencer cette législature sur un malentendu. Il faut que se manifeste ici votre semblant, ou faux-semblant, de légitimité. Puisque vous ne l’avez pas fait, il nous revient d’engager votre responsabilité et la nôtre. Il s’agit donc d’un acte de clarification. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

M. Alexis Corbière.
Bravo !

M. Pierre Dharréville.
En ce qui nous concerne, nous n’avons pas été élus pour appliquer le programme d’Emmanuel Macron, mais au contraire pour combattre les choix libéraux qui abîment le pays. Or la stratégie du compromis que vous avez définie, si on écoute attentivement votre discours de politique générale, a pour unique matrice la feuille de route présidentielle. Je vous cite : « Nous nous inscrirons dans le cadre défini par le Président de la République et agirons selon les valeurs qu’il porte. » Vous demandez des compromis et vous affichez un plan sans concessions !

M. Jean-Paul Lecoq.
Exactement !

M. Pierre Dharréville.
Vous mettez par exemple sur la table une attaque frontale contre le droit à la retraite dont une majorité ne veut pas. Vous ne tirez pas les leçons de la séquence électorale. Vous n’écoutez pas le pays. Nous vivons dans un pays qui va mal, un pays en colère où grandissent des pulsions dangereuses. Il y a une forte odeur de brûlé.
Dans son dernier album, Florent Marchet dit combien il se sent étranger à la montée des idées d’extrême droite qu’il compare à un incendie – son intensité a d’ailleurs, à la faveur de ce quinquennat, été multiplié par dix. Si on l’écoute bien, le choix est simple : l’éclaircie ou l’incendie. Il faut, madame la Première ministre, faire le choix de l’éclaircie et, pour cela, il faut changer de politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Or nous avons le sentiment que vous faites semblant, que vous bluffez – ce n’est pas nouveau, mais cela ne trompe personne. Vous confortez, avec vos choix, la domination des puissances d’argent. Ainsi se nourrit le drame qui nous guette.
Vous êtes en train de céder à une tentation dangereuse. Vous essayez, d’une certaine manière, un coup de poker qui consiste à faire de votre faiblesse un argument pour rejeter la responsabilité de vos échecs sur les autres. Vous inversez les rôles. En réalité, vous voulez continuer d’expliquer qu’il n’y a pas de droite et pas de gauche, mais simplement la macronie éclairée, avec sa politique de droite ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Votre vertige est le résultat de la contradiction que vous prétendez abolir entre la droite et la gauche, entre les forces possédantes et le monde du travail au profit des premières.
Vous voulez continuer à expliquer qu’il n’existe que des décisions incontournables quand il s’agit de choix politiques. Je vous cite à nouveau : « Je crois fermement au dépassement entamé il y a cinq ans par le Président de la République. » Par la force des choses, vous entendez poursuivre votre action sous une forme différente, au coup par coup, au cas par cas. Ainsi, bien souvent, vous irez chercher à droite le consentement qui vous permettra de continuer votre chemin. Vous en avez d’ailleurs fait la promesse devant le Sénat, estimant que vous partagez avec sa majorité « bon nombre de priorités et même, sans aucun doute, de solutions ». Et, de temps en temps, vous nous présenterez une mesurette acceptable que vous nous demanderez de voter pour faire bonne mesure, bon poids, donner bonne conscience.
Votre proposition, ce n’est pas le compromis, c’est la continuation dans la confusion, c’est la mystification, l’enfumage.

M. Adrien Quatennens.
Exactement !

M. Pierre Dharréville.
Vous serez jugée sur vos actes. Comme nous l’avons toujours fait, nous soutiendrons ce qui nous semble aller dans la bonne direction mais nous ne vous aiderons pas à mettre en œuvre votre projet. Nous agirons dans l’intérêt général, nous ferons grandir des idées. Vous n’avez fait aucun geste hormis la promesse de déconjugaliser l’AAH, mesure inéluctable tant elle fait consensus au sein de la société. C’était d’ailleurs presque émouvant d’observer la majorité applaudir cette annonce, toute honte bue, après l’avoir tant de fois repoussée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Vous devez revoir vos ambitions, madame la Première ministre : vous n’en avez pas les moyens. Vous devez adopter les mesures permettant de vivre bien et arrêter vos grandes réformes régressives de remastérisation libérale, qu’il s’agisse du droit à la retraite, de Pôle emploi, d’EDF ou encore de l’AAH. Vous devez tenir compte de votre affaiblissement. Il est de votre responsabilité de redéfinir un autre centre de gravité pour la politique de la nation, de renoncer à des projets qui ne passent pas. Saisissez la chance de revitaliser la place du Parlement et de la démocratie. N’essayez pas de faire malgré tout ce pour quoi vous n’avez pas de majorité.
L’extrême droite prétend représenter la seule opposition à Macron et voudrait manifestement être votre premier partenaire. Je vous le dis depuis le siège qui est le mien, celui de Gabriel Péri : pourvu que jamais ne soit servi à l’extrême droite ce qu’elle est venue chercher, les apparences de la respectabilité pour son funeste projet de société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Pour le groupe Gauche démocrate et républicaine, pour ses députés communistes et ses députés d’outre-mer, c’est une motion de gauche. C’est une motion qui appelle d’autres pistes, qui propose une alternative. C’est une motion pour l’urgence de progrès sociaux, écologiques et démocratiques. C’est une motion qui vous appelle à des inflexions claires, non pas dans le but d’obtenir nos suffrages, mais afin de prendre en compte les points de vue qui ont part à la volonté populaire que nous représentons ici.
Vous continuez à contourner le salaire, à remettre en cause le principe de la cotisation sociale, à affaiblir la sécurité sociale, à proposer des augmentations de pouvoir d’achat qui sont en réalité autofinancées par leurs bénéficiaires. Vous renoncez à des ressources nécessaires, à la justice fiscale, à des investissements indispensables, par exemple dans la rénovation thermique des logements ou dans le développement des chemins de fer, et vous annoncez le retour de l’austérité budgétaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES. – M. Olivier Faure applaudit également.) Votre politique fiscale se fera au profit des actionnaires et des plus fortunés, au détriment du plus grand nombre et des services publics. Ainsi, l’audiovisuel public, désigné par le Président comme la honte de la République, est dans le viseur, et l’éducation nationale, maltraitée pendant cinq ans, traverse une crise qui ressemble furieusement à celle de l’hôpital public. Quant aux mesures que vous envisagez pour l’hôpital public, elles ne sont qu’un cautère sur une jambe de bois.
Vous annoncez un nouveau durcissement de la politique d’hospitalité. Ainsi, vous avez beau vanter les mérites de la République, les actes ne suivent pas pour lui permettre d’être au rendez-vous de sa promesse dans nos villes, nos villages, nos quartiers, sur le continent et dans les territoires d’outre-mer où l’on a le ferme sentiment d’être dans un lieu de seconde zone. (Mme Karine Lebon applaudit.)
Plutôt que l’effilochage des droits, plutôt que le recours à la chance, mettez au cœur de l’action publique la lutte résolue contre les inégalités et pour le respect de l’humain ; placez la question du climat au centre – la sécheresse gagne. Vous ne le ferez pas sans vous attaquer aux puissances d’argent, à la loi de l’argent. Ayez enfin ce courage plutôt que de vous placer du côté des patrons, d’Uber, de McKinsey et consorts ! Au lieu de favoriser la santé des actionnaires, agissez en faveur de la jeunesse tant malmenée ces dernières années.
Vous avez dit vouloir faire du travail « un levier d’émancipation », vous qui, avec le Président, avez défendu et conforté le modèle économique et social de travail low-cost d’Uber. Vous avez pourtant contribué à précariser, dans le public comme dans le privé, vous avez attaqué le code du travail, abîmé le droit à l’assurance chômage. Le mal-emploi et le mal-travail sont en progression constante dans notre pays sous le coup d’injonctions à la compétitivité et à la réduction du prétendu coût du travail. Au lieu de vous payer de mots, arrêtez la casse, attaquez-vous à la précarité, occupez-vous des métiers, exercés majoritairement par des femmes, qui sont si mal reconnus.

Mme Karine Lebon.
Oui.

M. Pierre Dharréville.
Je reviens à Éric Vuillard : « Il releva la tête. Regarda l’hémicycle. À ce moment, son grand visage s’écarquilla. Et il sembla que l’expression " élu du peuple " voulait parfois dire quelque chose. » Chaque fois que je monte à cette tribune, telle est ma seule intention.
C’est donc au nom des espoirs de celles et de ceux qui nous ont envoyés en ces lieux, afin de les défendre d’emblée et parce que vous-même semblez les ignorer, que les députés communistes et des territoires outre-mer du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront la censure. (Les députés des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen.
Notre pays traverse une crise, ou plutôt des crises, sans précédent. Les normes et les lois écrasent les Français, les associations et les entreprises – les plus petites principalement.

M. Jean-Paul Lecoq.
Mais pas les riches !

M. Christophe Naegelen.
De nombreux Français, dont une majorité de travailleurs, n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Les hôpitaux sont au bord de l’implosion, les enseignants manquent de soutien : les exemples sont multiples. Il est important de tout revoir, de tout repenser ; non pas dans l’intérêt d’un ou de plusieurs partis, mais dans celui des Françaises et des Français. J’ose espérer que nous pouvons tous partager ces constats.
Mais les Français ont voté ; ils ont tranché. La solution est très simple : le Président Emmanuel Macron est élu mais ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale. Les résultats ne souffrent d’aucune contestation et s’imposent à nous tous : c’est la démocratie.
Chers collègues de La France insoumise, de cette union populaire, votre motion de censure semble inappropriée et prématurée. Elle ne masque pas non plus une réalité évidente : Jean-Luc Mélenchon n’a pas été élu Président de la République, il a même été éliminé au premier tour de l’élection présidentielle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

M. Pierre Cordier.
Ah ça, ça fait mal !

M. Christophe Naegelen.
Puis il a, à mot couvert, appelé à voter pour Emmanuel Macron au second tour : je ne remets pas en cause ce jugement de valeur. Mais, trois mois après, alors même que le Gouvernement ne s’est pas encore mis au travail et n’a pas pu faire ses preuves, il est compliqué de le censurer sans savoir ce qui sera fait. Malgré une campagne menée sous le slogan « Mélenchon à Matignon », vous êtes bien loin d’obtenir une majorité, même relative, dans cette assemblée.

M. Alexis Corbière.
C’était qui votre candidat ?

M. Christophe Naegelen.
Le dépôt d’une motion de censure, décidée avant même la déclaration de Mme la Première ministre, donne à nos concitoyens un exemple déplorable. Au lieu de répondre aux préoccupations des Français, nous assistons à une pièce de théâtre ridicule qui ne vous met pas, qui ne nous met pas en valeur. J’espère que vous n’en serez pas récompensé ni, d’ailleurs, pour l’intégralité de votre œuvre.

Mme Raquel Garrido.
L’UDI a fait moins de 1 % aux élections !

M. Christophe Naegelen.
N’estimez-vous pas que nous devons donner l’exemple ? Ne pensez-vous pas que ces pantomimes contribuent à discréditer le mandat que vous ont confié les Français ?
Votre motion ne sera votée que par les groupes de la NUPES : vous aurez ainsi réussi indirectement à conforter le Gouvernement.
Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires que je représente – il s’agit certes d’un petit groupe, comme vous le dites très bien Mme Raquel Garrido – ont été élus contre des candidats de l’ancienne majorité, contre des candidats de votre union de groupes et contre des candidats du Rassemblement national. Ils s’inscrivent dans l’opposition, mais refusent la caporalisation et se présentent en hommes et en femmes libres.

Mme Raquel Garrido.
Il est où Lagarde ?

M. Christophe Naegelen.
Comment expliquer qu’après avoir dit que nous jugerions sur pièce les engagements de la Première ministre, nous votions, une semaine après, pour la renverser ?
Il revient à l’exécutif de créer les conditions d’un meilleur travail au sein de la majorité, et d’un meilleur travail avec l’opposition, sur le fond et sur la forme. Il est de votre responsabilité d’organiser cette nouvelle méthode de travail.

M. Maxime Minot.
Eh oui, il serait temps de s’y employer !

M. Christophe Naegelen.
Les premiers signaux envoyés ne nous rassurent pas forcément. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Farida Amrani.
Ils vont finir par voter la censure !

M. Christophe Naegelen.
Madame la Première ministre, vous avez parlé de coconstruction. Au vu des premiers échanges que nous avons eus à l’Assemblée nationale, permettez-moi de rester dubitatif.
Sur le fond, nous avons de profonds désaccords avec la NUPES. Nous siégeons certes dans l’opposition, mais dans une opposition constructive : nous voterons les textes qui iront dans le bon sens, et nous nous opposerons à ceux dont nous estimerons qu’ils ne servent pas l’intérêt des Françaises et des Français. Or, à l’analyser de près, le contre-projet de la NUPES ne nous incite guère à nous prononcer en sa faveur. Je ne me retrouve pas dans le programme que présentent les auteurs de la motion de censure – je note d’ailleurs qu’il reprend largement les propositions du candidat de La France insoumise à l’élection présidentielle, accentuant la « mélenchonisation » de la gauche. Je ne crois pas en une économie administrée par l’État : votre programme est inapplicable et serait la ruine de la France.

M. Jean-Paul Lecoq.
La Première ministre va pourtant nationaliser EDF !

M. Christophe Naegelen.
Je ne me retrouve pas non plus dans votre logique de lutte des classes qui oppose les entrepreneurs et les salariés.

M. Jean-Paul Lecoq.
Il va y avoir de la planification !

M. Christophe Naegelen.
Je ne parle pas ici des grands groupes qui pratiquent l’optimisation fiscale : lors de la précédente législature, notre groupe parlementaire a d’ailleurs demandé qu’une commission d’enquête parlementaire soit consacrée à cette pratique, et plus encore à la fraude, qu’elle soit fiscale ou sociale.

M. Jean-Paul Lecoq.
Vous êtes dans la contradiction totale !

M. Christophe Naegelen.
Je ne vise pas non plus les hommes et les femmes qui ont fait le choix d’entreprendre, tous ces dirigeants de très petites entreprises (TPE), de petites et moyennes entreprises (PME) et de petites et moyennes industries (PMI) qui prennent des risques et qui contribuent à la vitalité de nos territoires.

M. Sylvain Maillard.
Il a raison !

M. Christophe Naegelen.
Au-delà de votre programme économique, je ne me retrouve pas non plus dans vos positions concernant les questions régaliennes, et il me paraît irresponsable d’affirmer que la police tue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Heureusement, nous pouvons nous accorder sur certains points ; je pense notamment à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, dont j’espère qu’elle sera défendue prochainement et votée unanimement, sans posture partisane…

M. Jean-Paul Lecoq.
Qui était dans la posture ? Dites-le donc ! Un peu d’audace !

M. Christophe Naegelen.
…dans le seul intérêt des Français – car, ne l’oublions pas, c’est par eux et pour eux que nous avons été élus.

M. Jean-Paul Lecoq.
Vous êtes dans la posture !

M. Christophe Naegelen.
Sans surprise, votre motion de censure sera largement rejetée ; nous ne participerons pas au vote. Son rejet permettra au moins, je l’espère, de nous mettre au travail dans l’intérêt des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.)

M. Jean-Paul Lecoq.
Que de contradictions !

Mme la présidente.
La parole est à Mme Aurore Bergé, pour une durée maximale de cinquante minutes.

M. Pierre Cordier.
Cinquante minutes, comment est-ce possible ?

Mme la présidente.
C’est la répartition proportionnelle, cher collègue ! (Sourires.)

Mme Aurore Bergé.
Merci pour votre enthousiasme, monsieur le député !

M. Jean-Paul Lecoq.
L’avantage d’être dans la majorité c’est qu’on ne partage pas le temps de parole !
 

Mme Aurore Bergé.
« Le déni de réalité va tuer la démocratie ». Mais quelle est la réalité ? Nous examinons aujourd’hui une motion de censure, et non une motion de défiance. Si nous sommes ici, c’est parce que l’autoproclamé « tribun du peuple » – selon ses propres termes –, qui ne siège même pas à l’Assemblée, en a décidé ainsi (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) : il vous a intimé l’ordre, madame la présidente et messieurs les présidents de l’opposition de gauche,…

Mme Ségolène Amiot.
Il vous manque vraiment !

Mme Aurore Bergé.
…de transformer nos débats en une affaire de procédure grâce au dépôt d’une motion de censure. Il vous met même en garde, vous, ses alliés politiques : il vous « en coûtera très cher » de ne pas suivre ses directives. La réalité, c’est qu’en bon démocrate, le tribun du peuple n’accepte le résultat des urnes que lorsqu’il lui est favorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Par quatre fois, pourtant, les Français lui ont dit non ; à deux élections présidentielles consécutives, il a été éliminé dès le premier tour de scrutin ; à deux élections législatives consécutives, il n’a pas obtenu la cohabitation tant espérée. Le naufrage aux législatives, c’est le vôtre : les Français ont dit non, non, et encore non. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Alors oui, monsieur Mélenchon, vous avez raison d’affirmer que le déni de réalité va tuer la démocratie ; mais la seule anomalie démocratique, c’est de refuser le verdict des Français. Nous avons un président fort (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), le premier président qui ait été réélu en dehors d’une période de cohabitation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Réélire le président : tel a été le choix des Français. Leur choix fut aussi de se doter d’un gouvernement en mesure d’agir, sous la direction de la Première ministre – laquelle n’aura perdu ni son calme ni sa détermination, malgré vos vociférations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Permettez-moi de vous rappeler que l’hémicycle est – et doit rester – le cœur battant de la vie parlementaire et politique ; il n’est ni un campus, ni une ZAD – zone à défendre –, et nous ne le laisserons pas le devenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Maxime Minot.
Ah bravo !

Mme Aurore Bergé.
La démocratie, enfin, c’est celle qui a renouvelé et rénové l’Assemblée, et qui lui offre l’occasion historique d’être un parlement fort, capable de compromis politiques sans jamais se compromettre. Penchons-nous justement sur les compromissions dont vous ne cessez de nous accuser. Qui déclare dans une interview : « Pourquoi la NUPES est-elle seule à voter une motion de censure, quand c’est le seul choix fidèle au vote des électeurs ? » C’est votre tribun du peuple, encore lui – toujours lui ! – qui appelle ainsi les voix du Rassemblement national à soutenir votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Danièle Obono s’exclame.) Le porte-parole de la NUPES ne disait pas autre chose hier soir dans une interview, en affirmant : « Nous n’avons pas inscrit dans la motion de censure le SMIC à 1 500 euros pour que le Rassemblement national puisse la voter. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Sébastien Chenu.
Tout le monde nous réclame !

Mme Aurore Bergé.
Voilà ce que vous êtes, et voilà avec qui vous souhaitez vous allier. Votre lune de miel, les Français en payeraient l’addition ! Je le dis et je le répète : pour la majorité, c’est non ; les compromis, oui ; la compromission, jamais, ni avec l’extrême droite, ni avec l’extrême gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.)

M. Maxime Minot.
Et nous alors ?

Mme Aurore Bergé.
Nous suivons une ligne claire et responsable : ni dette, ni impôts supplémentaires.
Nous voici donc contraints de reprendre un débat que les Français ont déjà tranché avec clarté et constance. Pourtant, nos concitoyens attendent autre chose de nous que des motions de procédure et de posture. Plutôt qu’une après-midi de discours, ils attendent des actes qui les protègent contre l’inflation, contre le dérèglement climatique ou contre l’insécurité.

Mme Karen Erodi.
L’État a été condamné deux fois pour inaction climatique !

Mme Aurore Bergé.
Les Français apprécieront votre sens des priorités et l’instrumentalisation de l’Assemblée à laquelle vous vous livrez.

Mme Karen Erodi.
Ils vous ont sanctionnés !

Mme Aurore Bergé.
Les plus modestes d’entre eux, ceux pour qui nous devons agir sans attendre, l’apprécieront sûrement plus encore. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Venons-en à l’argument que vous invoquez : le Gouvernement devrait être censuré pour ne pas avoir demandé de vote de confiance à l’Assemblée. Si vous avez parfaitement le droit de déposer une motion de censure, vous devez accepter que rien n’oblige le Gouvernement à solliciter un vote de confiance – c’est son droit, comme c’est le vôtre. Vous usez de votre droit, le Gouvernement aussi ; il faut vous faut l’accepter : c’est aussi cela, la Ve République et l’équilibre des pouvoirs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) De nombreux gouvernements n’ont d’ailleurs pas sollicité de vote de confiance sous la Ve République. Georges Pompidou ne l’a pas fait en 1966 et en 1967, et personne ne peut dire que les deux gouvernements en question n’ont pas su faire face et agir : ils sont à l’origine de la loi Neuwirth relative à la contraception, ou encore des accords de Grenelle. N’ont-ils pas permis à la France d’avancer ? De même, Michel Rocard n’a pas demandé de vote de confiance en 1988, et personne ne peut nier que son gouvernement a conduit des réformes profondes et durables – j’espère que ce constat est encore partagé sur certains bancs à gauche. Son gouvernement a créé le revenu minimum d’insertion (RMI) et a instauré la contribution sociale généralisée (CSG). N’était-il pas légitime pour mener des réformes ?
À vous écouter, madame la présidente et messieurs les présidents des groupes d’opposition de gauche, tous les gouvernements devraient invariablement solliciter un vote de confiance.

Mme Danièle Obono.
C’est inscrit dans la Constitution !

Mme Aurore Bergé.
Vous avez le droit de le proposer, à condition de mener le débat à son terme : rappelons que l’obligation du vote de confiance prévalait sous la IVe République, avec le succès que l’on sait. Mais peut-être n’êtes-vous pas tous favorables à un retour à la IVe République – comme au sujet du nucléaire, vos programmes ont nettement évolué ou se sont amplement contredits et reniés entre l’élection présidentielle et les élections législatives…

M. Raphaël Schellenberger.
Un peu comme entre La République en marche et Renaissance !

Mme Aurore Bergé.
Un retour à la IVe République, telle est pourtant la logique que vous défendez, tous ensemble, par votre motion de censure et par vos arguments.
Venons-en à votre projet, aux solutions alternatives que vous proposez pour la France et à leurs conséquences. Le plein-emploi est atteignable à la fin du quinquennat, et avec lui, la capacité de s’affranchir des assignations – qu’il s’agisse des inégalités sociales et territoriales ou des discriminations, fondées notamment sur le genre ou l’origine. Il n’est pas de politique de liberté et d’égalité plus forte que celle qui mène un pays au plein emploi. Pour y parvenir, nous avons besoin d’une économie en croissance, sans augmentation des impôts ni de la dette. Telle est notre renaissance : en finir définitivement avec le chômage de masse.

M. Jocelyn Dessigny.
Bla bla bla !

Mme Danièle Obono.
Une renaissance depuis cinq ans !

Mme Aurore Bergé.
Que proposez-vous ? Tout simplement d’y retourner. Votre programme a été analysé par des experts, y compris de gauche : les nouvelles charges que vous préconisez pour les entreprises suffiraient à provoquer un retour immédiat à un chômage à 10 % et une fuite des investissements étrangers,…

M. Sébastien Delogu.
C’est faux !

Mme Aurore Bergé.
…alors que ceux-ci atteignent des niveaux record, mis en lumière aujourd’hui encore par Choose France. Si l’on y ajoute vos autres mesures, c’est un véritable scénario à la grecque que vous promettez aux Français.

Mme Ségolène Amiot.
Vous, vous tuez les services publics !

Mme Aurore Bergé.
Les services publics n’ont pas d’autre réalité que le financement qu’on leur accorde. On n’achète pas l’école, pas plus qu’on n’achète la santé : on les finance.

M. Louis Boyard.
C’est là qu’interviennent McKinsey et les experts !

Mme Aurore Bergé.
À un euro de financement correspond un euro de service public, et ce financement provient de la richesse que l’on crée. Pour notre part, nous disons la vérité aux Français : un monde où chacun gagne au loto n’existe pas, et ce n’est que par le travail que l’on crée de la richesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Il faut donc travailler collectivement davantage, en réduisant le chômage et en réformant les retraites, pour nous doter des moyens de refonder l’école et de renforcer l’accès universel aux soins dans tous les territoires.
Que proposez-vous ? Le contraire. Vous affirmez que nous travaillerons tous moins, mais que nous serons collectivement plus riches. Vous ajoutez que nous serons certes moins riches, mais que nous dépenserons comme si nous l’étions davantage.

Mme Ségolène Amiot.
Absolument pas !

Mme Aurore Bergé.
J’en viens à l’école. Que propose votre programme pour la refonder ? Une heure trente de classe autogérée par semaine en primaire ! Voilà une façon pour le moins originale de résoudre les problèmes de recrutement : une école sans professeur, il fallait y penser, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Erwan Balanant.
On a dédoublé les classes en réseau d’éducation prioritaire !

Mme Aurore Bergé.
Quant à la santé, quels financements proposez-vous ? Vous promettez tout, tout à la fois, mais on ne soigne pas avec des promesses. (Exclamations continues sur plusieurs les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nos engagements sont clairs : avant que la suppression du numerus clausus produise ses effets, nous devons agir sur tous les leviers pour mieux soigner, partout. Cela passera par de la prévention, par la diminution du temps administratif au profit du temps utile passé auprès des patients, par la montée en compétences de toutes les professions médicales, par l’attractivité renforcée des métiers de la santé, et encore par une offre de soins adaptée à chaque territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Ségolène Amiot s’exclame.)

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

Mme Aurore Bergé.
La transition écologique repose sur une question centrale : comment sortir des énergies fossiles ? Comment décarboner ? La France a la chance de posséder une source d’énergie qui le permet : le nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est pour cela que nous devons développer et renforcer notre parc. Or vous proposez tout simplement de nous passer du nucléaire : ce faisant, vous mentez aux Français et vous mettez leur avenir en péril.
Concernant votre politique agricole, vous ne cessez de mettre en accusation ceux qui nous nourrissent, alors que notre agriculture est la plus saine et la plus durable au monde. (Mêmes mouvements.) Nous devrions nous en réjouir ! Sortez un instant des territoires où vous êtes élus, et acceptez d’échanger avec les agriculteurs : ils vous expliqueront concrètement comment ils travaillent et combien ils ont progressé. Ils font la fierté de notre pays. Nous les applaudissons, quand vous préférez les conspuer ! (Mêmes mouvements.) Prenons deux mesures de votre programme : vous proposez de ne plus utiliser aucun engrais ou pesticide, et d’imposer une production agricole à 100 % bio. Mais pour quelle production ? À l’avenir, comment pourrons-nous nourrir les Français et exporter, alors que nous encourons un risque de pénurie mondiale ? L’exemple que vous prônez est celui de la déliquescence du Sri Lanka, ni plus, ni moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sylvain Maillard.
Exactement !

Mme Aurore Bergé.
Ce sont des famines, des risques de pénurie et des habitants qui ne peuvent plus s’alimenter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Puisque nous évoquons ceux que vous insultez, je l’affirme haut et fort : nous défendons notre police républicaine, et nous ne défilons pas avec des pancartes qui prétendent que la police tue. La police et la gendarmerie sont notre honneur, et nous les soutenons. (Mêmes mouvements.)

M. Sébastien Delogu.
Vous n’avez pas honte !

Mme Aurore Bergé.
Enfin, notre souveraineté passe par l’Europe, ne vous en déplaise – car c’est aussi elle qui nous protège. Vous proposez au contraire de l’abandonner, puisque désobéir aux traités européens, c’est sortir de l’Europe. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Comment le Brexit est-il survenu ? Il est né le jour où le Royaume-Uni a décidé qu’il devait désobéir aux traités, ni plus ni moins. Telle est la réalité des faits. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Si la France avait désobéi, nous n’aurions pas eu la taxe carbone aux frontières ni la régulation des plateformes pour lutter contre la haine en ligne ; nous n’aurions pas eu non plus de consensus pour soutenir l’Ukraine contre l’agression russe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Notre souveraineté – sur ce point aussi, vous vous rejoignez –, vous proposez de l’abandonner et, comme avec l’Ukraine, de la convertir en roubles. À l’extrême droite, vous êtes débiteurs de la Russie, qui n’est autre que votre banque (Protestations sur bancs du groupe RN) ; à l’extrême gauche, vous nous rêvez encore en satellite de l’ex-URSS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

Plusieurs députés du groupe RN.
Et Uber ? Et McKinsey ?

Mme Aurore Bergé.
Je suis ravie de montrer à quel point les deux bords opposés de cet hémicycle sont en réalité d’accord.
La réalité de votre programme est claire : la démocratie à la cubaine, un scénario économique à la grecque, la transition écologique du Sri Lanka et la diplomatie russe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Je ne doute pas que votre tribun du peuple compense le bilan carbone de ses nombreux voyages d’étude, mais ici, oui, nous croyons fermement à notre démocratie, à notre indépendance et à l’affirmation de notre souveraineté.
Au-delà de vos vociférations, cette motion de censure a une vertu, et une seule : celle de rappeler, par votre vote minoritaire, que Jean-Luc Mélenchon a perdu une fois encore la présidentielle, que vous avez perdu une fois encore les législatives et que si notre majorité est relative, vous êtes, quant à vous, en minorité absolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Par ce vote, nous tournons définitivement, et c’est heureux, la page des élections, et nous nous engageons dans la seule voie qui compte, celle qui consiste à travailler avec toutes les forces de l’arc républicain pour les Français, pour améliorer leur quotidien. C’est ce à quoi nous nous engageons ! (Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes Dem et HOR applaudissent également.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet.
Madame la Première ministre, chacun, ici, mesure la gravité de la situation de notre pays et la responsabilité qui incombe à votre gouvernement, mais aussi à chacun d’entre nous ici présents. Nous traversons déjà une crise sociale, économique et sécuritaire.

Mme Ségolène Amiot.
Démocratique !

M. Alexandre Loubet.
Nous n’avons pas besoin d’une crise de régime. C’est pourquoi les députés du Rassemblement national ne soutiendront pas cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Mme Ségolène Amiot.
Vous faites une belle opposition !

M. Alexandre Loubet.
Je veux m’adresser aux députés de l’extrême gauche NUPES : l’heure n’est pas aux basses manœuvres politiciennes (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) mais à l’action au service des Français. Face aux difficultés des fins de mois qu’affrontent des dizaines de millions de nos compatriotes, nous nous apprêtons à examiner un projet de loi essentiel pour améliorer leur pouvoir d’achat. Même si ce texte n’est pas suffisant, nous devons le voter. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Jean-Paul Lecoq.
Déjà complice !

M. Alexandre Loubet.
Or, voter votre motion de censure reviendrait à priver les Français de ces mesures de soutien durant de nombreux mois…

Mme Danièle Obono.
Vous êtes une opposition en carton !

M. Alexandre Loubet.
…et à enfoncer beaucoup d’entre eux dans une précarité extrême. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
En réalité, vous, députés de l’extrême gauche NUPES, vous vous moquez de défendre les Français. (Même mouvement.)

M. Jean-Paul Lecoq.
On n’a pas attendu que vous arriviez !

M. Alexandre Loubet.
Votre agenda idéologique et la soif de pouvoir indécente de Jean-Luc Mélenchon…

Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Il n’est pas là.

M. Alexandre Loubet.
…démontrent que vous méprisez le peuple. Vous voulez faire sauter les institutions, vous voulez l’anarchie, l’impuissance des pouvoirs publics et la violence de la rue ! Vous êtes les héritiers de cette extrême gauche qui ne veut pas gouverner, qui a toujours détesté les institutions de la Ve Répubique et qui veut la détruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Vous rêvez d’instaurer une improbable VIe République (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) et, en vous observant, il est facile de deviner à quoi elle ressemblerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Avec la NUPES, l’opposition ne serait pas respectée : vous refusez de serrer la main aux députés du Rassemblement national.

M. Louis Boyard.
Oui ! (« C’est une honte ! » sur les bancs du groupe RN.)

M. Alexandre Loubet.
Avec la NUPES, l’égalité entre les femmes et les hommes ne serait qu’un lointain souvenir : vous militez pour le burkini et vous vous soumettez au communautarisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Avec la NUPES, l’insécurité se propagerait en toute impunité : vous voulez vider les prisons et vous insultez, avec vos amis Traoré, les forces de l’ordre.
Avec la NUPES, l’immigration exploserait : vous voulez ouvrir les frontières et régulariser tous les sans-papiers.

Mme Danièle Obono.
Ah ! Voilà !

M. Alexandre Loubet.
Avec la NUPES, le matraquage fiscal s’amplifierait : vous défendez un endettement insoutenable, à hauteur de centaines de milliards d’euros supplémentaires.
Avec la NUPES, le réchauffement climatique s’accélérerait (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) : vous voulez fermer les centrales nucléaires décarbonées mais vous n’avez aucune alternative crédible non polluante pour les remplacer.
Votre motion de censure n’a aucunement pour but de défendre la France et les Français ; elle vise seulement à faire avancer votre projet de déconstruction. Ne comptez donc pas sur les députés du Rassemblement national pour paralyser la Ve République et pour apporter le moindre soutien à votre dangereux projet, car il aggraverait tous les maux dont souffrent déjà les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Quelle hypocrisie, d’ailleurs, de vouloir faire sauter un gouvernement que vous avez mis au pouvoir ! (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Car, en réalité, cette motion de censure est une motion d’imposture : vous cherchez à faire oublier votre appel à voter Emmanuel Macron dès le soir du premier tour de l’élection présidentielle. (« Hou ! » sur les bancs du groupe RN.)

M. Jocelyn Dessigny.
Eh oui, c’est vous qui l’avez fait élire : vous êtes des bouffons !

M. Alexandre Loubet.
Mais nous sommes là et, pendant cinq ans, nous serons là pour rappeler que vous êtes responsables de la réélection d’Emmanuel Macron ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes et vous resterez les responsables de la mise en place de ce gouvernement. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Vous êtes et vous resterez les responsables du saccage social, de la retraite à 65 ans, du démantèlement des services publics, des délocalisations, de l’insécurité croissante et de l’explosion migratoire. (Mêmes mouvements.)
Vous, les Verts, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, vous, les socialistes, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, vous, les communistes, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, vous, les Insoumis, qui avez appelé à voter pour Emmanuel Macron, pouvez-vous vous regarder dans un miroir ? Vous aurez beau huer et mal vous comporter dans cet hémicycle, nous serons là pour rappeler que vous êtes et que vous resterez les responsables de sa réélection. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Une fausse opposition !
Ne vous en déplaise, l’élection présidentielle et les élections législatives ont confirmé que le Rassemblement national est bien la première force d’opposition à la politique d’Emmanuel Macron. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent de manière prolongée. – « Non ! » sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Regardez ces bancs, car ils seront dignes du choix démocratique qu’a fait le peuple.
La détresse sociale, économique et sécuritaire des Français impose des réponses urgentes. Cette détresse serait aggravée en cas de crise institutionnelle. En ne votant pas pour votre motion de censure, les députés du Rassemblement national prennent une décision responsable : nous faisons passer le pays avant les partis, ce qui n’est pas votre cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mais ne croyez pas pour autant que notre opposition faiblira face à la politique d’Emmanuel Macron. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Ainsi, je regrette, madame la Première ministre, que votre intervention, la semaine dernière, ait été plus proche de la présentation du rapport moral d’une administration froide et technocratique que du discours de la Première ministre de la sixième puissance mondiale. Je déplore également l’exercice d’autosatisfecit indécent auquel nous avons assisté qui démontre la déconnexion des réalités d’un gouvernement borné, décidé à ne rien changer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
En réalité, vos actes contredisent vos promesses.

Mme Ségolène Amiot.
Les vôtres aussi !

M. Alexandre Loubet.
Je vais prendre un exemple. Alors que vous n’avez que le mot « écologie » à la bouche, et c’est très bien, vous voilà contraints de relancer la centrale à charbon de Saint-Avold, dans ma circonscription, en Moselle, pour éviter une coupure massive d’électricité. Je salue, du reste, le dévouement des salariés de cette centrale, qui vont reprendre le travail pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays que vous avez mise à mal par la fermeture de Fessenheim, par cinq ans de tergiversation sur le nucléaire, par une politique énergétique inexistante et incohérente. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Dans la lignée des socialistes, vous avez sacrifié notre indépendance énergétique par pur clientélisme électoral.

M. Rémy Rebeyrotte.
Et comment va votre ami Poutine ?

M. Alexandre Loubet.
Je pourrais multiplier les exemples qui démontrent votre double langage, ce « en même temps » permanent qui dissimule des non-décisions derrière la communication. Je pense à la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, à l’expulsion des étrangers condamnés ou à la tenue d’un référendum lors du précédent quinquennat. Toutes ces mesures ont été annoncées, mais rien, pour le moment, n’a été fait.
Je pourrais multiplier les exemples qui démontrent votre double langage et les trahisons masquées par votre communication : Alstom, Technip, Lafarge, Alcatel ont été bradés tandis que McKinsey et Uber ont été favorisés. Vous avez nommé ministre de la souveraineté industrielle un partisan de l’abandon par la France de son siège au Conseil de sécurité des Nations unies. On marche sur la tête !
Par le cynisme et la technocratie qui vous caractérisent, vous condamnez la France au déclin et les Français au déclassement.
En refusant de baisser les taxes sur les carburants, de supprimer la TVA sur les produits de première nécessité ou, à tout le moins, de maintenir le rabais de 18 centimes sur le plein d’essence, vous condamnez les Français à voir leur pouvoir d’achat chuter.
En refusant de maintenir les services publics de proximité, de lutter contre les déserts médicaux et d’investir autant dans nos campagnes que dans nos banlieues, vous condamnez les Français de la ruralité à l’abandon.

M. Rémy Rebeyrotte.
Démagogie !

M. Alexandre Loubet.
En refusant de préserver un système de retraite juste, de réformer une fiscalité devenue opaque et confiscatoire, d’exonérer de cotisations patronales les entreprises qui augmentent les salaires, vous condamnez les Français à la précarité.
En refusant de mener une politique de patriotisme économique qui défend notre agriculture, nos TPE, nos PME, nos industries, vous condamnez les Français à assister à l’affaiblissement de leur économie.
En refusant de rouvrir des lits hospitaliers et de réintégrer des milliers de soignants non vaccinés (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) …

M. Rémy Rebeyrotte.
Voilà le populisme !

M. Alexandre Loubet.
…vous condamnez les Français – ne vous en déplaise, cher monsieur – à subir des restrictions liberticides face au covid-19.
En refusant de rompre avec le laxisme judiciaire, d’expulser tous les délinquants étrangers et de dénoncer la haine anti-flics des Traoré, vous condamnez les Français à l’ensauvagement.
En refusant de pénaliser les idéologies islamistes, de fermer les mosquées radicales ou d’expulser les fichés S étrangers – en ce moment même, vous rapatriez en France des djihadistes –…

M. Erwan Balanant.
Mais ce sont des enfants !

Mme Danièle Obono.
Des enfants français !

M. Alexandre Loubet.
…vous condamnez les Français à la soumission et à l’obscurantisme.
En refusant de stopper la submersion migratoire, légale comme illégale, qui met en péril le droit du peuple français à la continuité historique, vous condamnez les Français à la disparition.
En refusant de restaurer un État fort, notre indépendance, notre souveraineté nationale, diplomatique, énergétique, économique, industrielle, vous condamnez les Français à la tiers-mondisation et la France à la marginalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Comme ne cesse de l’affirmer Marine Le Pen,…

Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Elle n’est pas là !

M. Alexandre Loubet.
…nous, les députés du Rassemblement national, avocats du peuple…

M. Rémy Rebeyrotte.
Et de l’Algérie française !

M. Alexandre Loubet.
… nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre. Les Français regardent les députés, quels que soient leur engagement politique et les bancs sur lesquels ils siègent, et ils attendent que nous répondions à leurs préoccupations.
Nous, les députés du Rassemblement national, sommes déterminés à concourir à l’effort national, mais nous veillerons en permanence à répondre aux inquiétudes et aux attentes des Français ainsi qu’à défendre l’intérêt de la France.
Alors, madame la Première ministre, qu’attendez-vous pour appliquer les mesures que je viens d’énumérer ? Au cours des cinq prochaines années, nous nous opposerons à vos mesures nocives, mais nous n’hésiterons pas à amender puis à voter les mesures qui iront dans le bon sens, à l’instar du projet de loi sur le pouvoir d’achat. Nous voulons faire avancer le pays et servir les Français.
Contrairement à l’extrême gauche NUPES, nous serons fidèles à l’esprit gaullien de la Ve République.

M. Rémy Rebeyrotte.
À l’Algérie française plutôt qu’à de Gaulle !

M. Alexandre Loubet.
Nous serons une opposition digne, qui ne salira pas les institutions de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) ; une opposition ferme qui ne transigera pas avec les valeurs de la République ; une opposition constructive qui ne s’abaissera pas à faire de l’obstruction stérile. Notre refus de voter cette motion de censure en témoigne.
Madame la Première ministre, soyez bien consciente cependant, que si, pour les raisons que je viens d’exposer, nous ne voterons pas aujourd’hui la motion de censure, nous ne nous interdisons rien à l’avenir.
En effet, nous n’hésiterons pas à recourir à cet outil que l’État de droit donne à l’opposition si les intérêts des Français ou ceux de la France venaient à être grandement menacés.
Le groupe Rassemblement national…

Mme Danièle Obono.
Le groupe RN ne sert à rien !

M. Alexandre Loubet.
…est fort des différentes sensibilités, origines et professions des quatre-vingt-neuf députés qui le composent. Il est à l’image du peuple français. Ce sont ces députés que le ministre Gérald Darmanin ose scandaleusement qualifier d’« ennemis ». (Huées sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il devrait avoir honte ! Je regrette qu’il ne soit pas dans cet hémicycle car j’aurais aimé le lui dire. Ses postures sont basses et indignes d’un ministre ! C’est un honneur pour moi de siéger aux côtés des députés du Rassemblement national… (Applaudissements sur les bancs du groupe RN)

M. Sébastien Delogu.
Pas pour nous !

M. Alexandre Loubet.
… aux côtés de ces femmes et de ces hommes dont la modestie, les convictions et l’amour du pays forgent la détermination à rendre à la France sa grandeur et aux Français leur bonheur !

M. Rémy Rebeyrotte.
Et les valeurs d’extrême droite !

M. Alexandre Loubet.
Madame la Première ministre, telle sera la ligne des députés de notre groupe présidé par Marine Le Pen. (« Elle est où ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Au nom du peuple français, nous serons fiers de défendre cette « certaine idée de la France » à la tribune de l’Assemblée nationale. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard.
N’en déplaise à certains, Jean-Luc Mélenchon n’a pas été nommé Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Pour parler franchement, c’est une bonne nouvelle, une très bonne nouvelle ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
En effet, cette fonction nécessite d’avoir, chevillée au corps, la volonté de rassembler. Il faut rassembler un pays fracturé par cinq années de politique trop souvent erratique, déconnectée du réel et – il faut le dire – largement inefficace.
Aujourd’hui, dignes héritiers de leur chef de file, les députés de la NUPES s’allient pour proposer dans cet hémicycle ce qu’ils savent faire le mieux : fracturer. Ils le font au détour d’une motion de censure déposée contre votre gouvernement, afin de mettre à genoux votre légitimité, madame le Premier ministre.
Il s’agit donc d’une stratégie résolument offensive – pour ne pas dire d’une stratégie de blocage qui vise à nous faire obéir à un homme – vous voyez de qui je parle –, alors que, comme l’a si bien formulé la philosophe Simone Weil, « l’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar ».
Si la tentation de se pousser du col est grande et que la gauche y a succombé, il me semble qu’il a une autre façon de servir la France et les Français. Elle n’a rien de révolutionnaire et requiert simplement la volonté de travailler tous ensemble au bien commun de notre pays qui s’engage – c’est vrai – sur des chemins escarpés et même périlleux. Au pied d’un mur d’inflation qui se dresse devant nous chaque jour plus haut, face à un pouvoir d’achat en chute libre et à un épuisement démocratique qui peut à tout instant jeter nos compatriotes dans la rue pour réclamer leur dû, à savoir, la justice sociale, la sécurité, un système sanitaire résilient, une immigration contrôlée – et j’en passe.
Madame le Premier ministre, ce dû vous oblige. Si je ne fais pas partie de ceux qui contestent votre légitimité, je suis de ceux qui vont vous demander des comptes, de ceux qui n’ont pas perçu dans votre discours de politique générale le souffle de la renaissance annoncée. C’était même plutôt tout l’inverse : une litanie de vieilles recettes versées dans de vieux pots sur lesquels vous faites à peine l’effort de changer les étiquettes.
Tout y est passé, ou presque. Vous voulez renforcer la cohésion dans les territoires ; cependant les collectivités locales, et les premières d’entre elles, les communes, auront-elles enfin les coudées franches pour rendre plus efficaces les politiques qui les concernent au premier chef, qu’il s’agisse des quartiers prioritaires, de la réhabilitation de nos centres-villes ou de l’évaluation des valeurs locatives effectuées par l’administration fiscale ?
Vous annoncez 15 000 places supplémentaires en prison ; cet engagement a déjà été pris par Emmanuel Macron il y a cinq ans, or à peine plus de 2 000 places ont été réellement construites. Pourquoi donc vous croire aujourd’hui ?
Vous prônez une immigration contrôlée ; là encore, comment ne pas applaudir ? En même temps, comment ne pas se souvenir ? En cinq ans, les chiffres de l’immigration ont explosé. L’an dernier, seules 9,3 % des obligations de quitter le territoire français ont été exécutées, en incluant les retours volontaires et spontanés.
Comment ne pas se demander à quoi a servi le précédent quinquennat, quand vous annoncez déjà de grandes réformes sur le climat, le plein emploi, l’école, la santé, les territoires, l’insécurité, la souveraineté nationale, autant de sujets déjà examinés, manifestement en pure perte ? Alors, vous n’écoutiez personne, vous refusiez systématiquement d’entendre vos oppositions sous le seul prétexte que nous étions votre opposition ! L’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés en est l’exemple le plus criant : nous n’avons cessé de la réclamer ; vous n’avez cessé de la refuser ; vous acceptez désormais enfin de la mettre en place. Que de temps perdu !
Au lieu de faire preuve d’audace, d’imagination, au lieu de vous affranchir du bavardage des uns et des autres, vous avez préféré tendre la main, ou plutôt, le bout des doigts, à quelques présidents de groupes parlementaires au mépris de la France insoumise et du Rassemblement national. Comme si les députés de ces groupes n’étaient pas légitimement élus, comme s’ils n’étaient pas assez républicains ! C’est une nouvelle gifle infligée à leurs électeurs qui, comme tous en France, rêvent simplement d’être entendus et d’exister. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Madame le Premier ministre, vous avez devant vous un hémicycle profondément renouvelé qui porte la voix des Français dans leur diversité, avec leurs inquiétudes, leurs besoins et leurs impératifs. Nous sommes nombreux ici à vouloir rattraper le temps perdu et répondre de toute urgence à leur appel.
Vous l’avez compris : je ne voterai pas cette motion de censure.
Vous avez devant vous un hémicycle à conquérir en faisant preuve de courage, d’écoute et d’humilité. La balle est dans votre camp.

Mme la présidente.
La discussion est close.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.
Le scrutin va être ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à dix-huit heures quarante.
Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

Mme la présidente.
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée 289
Pour l’adoption 146
La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée. (Applaudissements sur quelques bancs RE et RN.)
2 • Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra

 



Analyse du scrutin n° 1
Première séance du 11/07/2022
Scrutin public sur la motion de censure déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution par Mme Mathilde Panot, MM. Boris Vallaud et Julien Bayou, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne et 145 de leurs collègues.
Synthèse du vote

Pour l'adoption : 146

L'Assemblée n'a pas adopté

Groupe Renaissance (172 membres)

Groupe Rassemblement National (89 membres)

Groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale (75 membres)

Pour: 75

    Nadège Abomangoli
    Laurent Alexandre
    Gabriel Amard
    Ségolène Amiot
    Farida Amrani
    Rodrigo Arenas
    Clémentine Autain
    Ugo Bernalicis
    Christophe Bex
    Carlos Martens Bilongo
    Manuel Bompard
    Idir Boumertit
    Louis Boyard
    Aymeric Caron
    Sylvain Carrière
    Florian Chauche
    Sophia Chikirou
    Hadrien Clouet
    Éric Coquerel
    Alexis Corbière
    Jean-François Coulomme
    Catherine Couturier
    Hendrik Davi
    Sébastien Delogu
    Alma Dufour
    Karen Erodi
    Martine Etienne
    Emmanuel Fernandes
    Sylvie Ferrer
    Caroline Fiat
    Perceval Gaillard
    Raquel Garrido
    Clémence Guetté
    David Guiraud
    Mathilde Hignet
    Rachel Keke
    Andy Kerbrat
    Bastien Lachaud

    Maxime Laisney
    Arnaud Le Gall
    Antoine Léaument
    Élise Leboucher
    Charlotte Leduc
    Jérôme Legavre
    Sarah Legrain
    Murielle Lepvraud
    Élisa Martin
    Pascale Martin
    William Martinet
    Frédéric Mathieu
    Damien Maudet
    Marianne Maximi
    Manon Meunier
    Jean-Philippe Nilor
    Danièle Obono
    Nathalie Oziol
    Mathilde Panot
    François Piquemal
    Thomas Portes
    Loïc Prud'homme
    Adrien Quatennens
    Jean-Hugues Ratenon
    Sébastien Rome
    François Ruffin
    Aurélien Saintoul
    Michel Sala
    Danielle Simonnet
    Ersilia Soudais
    Anne Stambach-Terrenoir
    Bénédicte Taurine
    Andrée Taurinya
    Matthias Tavel
    Aurélie Trouvé
    Paul Vannier
    Léo Walter

Groupe Les Républicains (62 membres)

Groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) (48 membres)

Groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) (31 membres)

Pour: 25

    Christian Baptiste
    Marie-Noëlle Battistel
    Mickaël Bouloux
    Philippe Brun
    Elie Califer
    Alain David
    Arthur Delaporte
    Stéphane Delautrette
    Inaki Echaniz
    Olivier Faure
    Guillaume Garot
    Jérôme Guedj
    Johnny Hajjar

    Chantal Jourdan
    Marietta Karamanli
    Fatiha Keloua Hachi
    Gérard Leseul
    Philippe Naillet
    Anna Pic
    Christine Pires Beaune
    Claudia Rouaux
    Isabelle Santiago
    Mélanie Thomin
    Boris Vallaud
    Roger Vicot

Groupe Horizons et apparentés (30 membres)

Groupe Écologiste - NUPES (23 membres)

Pour: 23

    Christine Arrighi
    Delphine Batho
    Julien Bayou
    Lisa Belluco
    Karim Ben Cheikh
    Cyrielle Chatelain
    Charles Fournier
    Marie-Charlotte Garin
    Jérémie Iordanoff
    Hubert Julien-Laferrière
    Julie Laernoes
    Benjamin Lucas

    Francesca Pasquini
    Sébastien Peytavie
    Marie Pochon
    Jean-Claude Raux
    Sandra Regol
    Sandrine Rousseau
    Eva Sas
    Sabrina Sebaihi
    Aurélien Taché
    Sophie Taillé-Polian
    Nicolas Thierry

Groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES (22 membres)

Pour: 22

    Soumya Bourouaha
    Moetai Brotherson
    Jean-Victor Castor
    Steve Chailloux
    André Chassaigne
    Pierre Dharréville
    Elsa Faucillon
    Sébastien Jumel
    Emeline K/Bidi
    Tematai Le Gayic
    Karine Lebon

    Jean-Paul Lecoq
    Frédéric Maillot
    Yannick Monnet
    Marcellin Nadeau
    Stéphane Peu
    Davy Rimane
    Fabien Roussel
    Nicolas Sansu
    Jean-Marc Tellier
    Jiovanny William
    Hubert Wulfranc

Groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (16 membres)

Non inscrits (9)

Pour: 1

    Nicolas Dupont-Aignan


 

ANNEXE :

La motion de censure a été déposée, en application de l'article 49, alinéa 2 de la Constitution, le mercredi 6 juillet 2022 par 150 député(s) : Mme Mathilde Panot, M. Boris Vallaud, M. Julien Bayou, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne, Mme Nadège Abomangoli, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, Mme Clémentine Autain, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, M. Carlos Martens Bilongo, M. Manuel Bompard, M. Idir Boumertit, M. Louis Boyard, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Florian Chauche, Mme Sophia Chikirou, M. Hadrien Clouet, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Jean-François Coulomme, Mme Catherine Couturier, M. Hendrik Davi, M. Sébastien Delogu, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sylvie Ferrer, Mme Caroline Fiat, M. Perceval Gaillard, Mme Raquel Garrido, Mme Clémence Guetté, M. David Guiraud, Mme Mathilde Hignet, Mme Rachel Keke, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Maxime Laisney, M. Arnaud Le Gall, M. Antoine Léaument, Mme Élise Leboucher, Mme Charlotte Leduc, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Murielle Lepvraud, Mme Pascale Martin, Mme Élisa Martin, M. William Martinet, M. Frédéric Mathieu, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Manon Meunier, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. François Piquemal, M. Thomas Portes, M. Loïc Prud'homme, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Sébastien Rome, M. François Ruffin, M. Aurélien Saintoul, M. Michel Sala, Mme Danielle Simonnet, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, Mme Bénédicte Taurine, Mme Andrée Taurinya, M. Matthias Tavel, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier, M. Léo Walter, M. Joël Aviragnet, M. Christian Baptiste, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Elie Califer, M. Alain David, M. Arthur Delaporte, M. Stéphane Delautrette, M. Inaki Echaniz, M. Olivier Faure, M. Guillaume Garot, M. Jérôme Guedj, M. Johnny Hajjar, Mme Chantal Jourdan, Mme Marietta Karamanli, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Gérard Leseul, M. Philippe Naillet, M. Bertrand Petit, Mme Anna Pic, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Claudia Rouaux, Mme Isabelle Santiago, M. Hervé Saulignac, Mme Mélanie Thomin, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, Mme Christine Arrighi, Mme Delphine Batho, Mme Lisa Belluco, M. Karim Ben Cheikh, M. Charles Fournier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Jérémie Iordanoff, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Julie Laernoes, M. Benjamin Lucas, Mme Francesca Pasquini, M. Sébastien Peytavie, Mme Marie Pochon, M. Jean-Claude Raux, Mme Sandra Regol, Mme Sandrine Rousseau, Mme Eva Sas, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Nicolas Thierry, Mme Soumya Bourouaha, M. Moetai Brotherson, M. Jean-Victor Castor, M. Steve Chailloux, M. Pierre Dharréville, Mme Elsa Faucillon, M. Sébastien Jumel, Mme Emeline K/Bidi, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Lecoq, M. Tematai Le Gayic, M. Frédéric Maillot, M. Yannick Monnet, M. Marcellin Nadeau, M. Stéphane Peu, M. Davy Rimane, M. Fabien Roussel, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Marc Tellier, M. Hubert Wulfranc, M. Jiovanny William.


ASSEMBLÉE NATIONALE
6 juillet 2022
(19 heures 40)
MOTION DE CENSURE
présentée par Mme Mathilde PANOT, MM. Boris
VALLAUD et Julien BAYOU, Mme Cyrielle
CHATELAIN, M. André CHASSAIGNE et 145 de leurs
collègues
(déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution)

À l’issue des élections législatives des 12 et 19 juin dernier, le président de la République ne dispose pas au sein de l’Assemblée nationale d’une majorité absolue de députés soutenant le programme qu’il a défendu à l’élection présidentielle. Nommée le 17 mai 2022 par le président de la République, la Première Ministre Elisabeth Borne a été confirmée dans ses fonctions au lendemain du second tour des élections législatives et a remanié sans inflexion significative son gouvernement le 4 juillet. Elle doit prononcer son discours de politique générale ce mercredi 6 juillet à 15h. Mais contrairement à la tradition républicaine appliquée depuis des décennies, et à la pratique ininterrompue depuis 30 ans, la Première ministre n’a pas souhaité, en application de l’article 49-1 de la Constitution, engager la responsabilité du Gouvernement sur cette déclaration.

Alors même que la situation nouvelle voulue par les Français.es offre une opportunité inédite à l’expression d’un véritable parlementarisme, la Première ministre annonce d’ores et déjà son refus de solliciter ce vote de confiance. Elle constate de fait qu’elle n’est soutenue que par la minorité présidentielle, insuffisante pour approuver ce discours de politique générale, et ferme pourtant toute voie au débat parlementaire. En l’absence de vote de confiance, nous n’avons d’autre choix que de soumettre cette motion de défiance. Il en va du nécessaire respect du Parlement, encore plus dans cette période nouvelle qui doit permettre de le voir jouer un rôle accru. En l’absence de vote de confiance, et sans réaction des parlementaires, la minorité présidentielle ne manquerait pas d’invoquer une confiance implicite du Parlement. En l’absence de vote de confiance, il n’y a pas, pour chaque député, d’expression par un vote solennel du choix d’être dans le soutien ou l’opposition au Gouvernement. En l’absence de vote de confiance, le choix est fait de rompre l’équilibre institutionnel actuel du Premier ministre, évidemment choisi par le Président de la République mais dont la légitimité procède aussi du Parlement par ce vote de confiance. Pour toutes ces raisons, nous, députées et députés, considérons qu’il est primordial de maintenir chaque fois que possible la possibilité pour les parlementaires de s’exprimer par un vote.

C’est pourquoi nous avons décidé de faire usage des dispositions de l’article 49 alinéa 2 de la Constitution et des articles 153 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, pour permettre une expression démocratique par un vote solennel traduisant notre défiance à l’endroit de ce Gouvernement.






Source : Assemblée Nationale.

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220711-examen-motion-censure.html


 

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21 juin 2022 2 21 /06 /juin /2022 04:33

« Puis le plaisir gratuit de jouer un rôle, au double sens d’agir sur les événements, et d’incarner un personnage ; l’amusement ironique, semi-amer, de tirer les ficelles des pantins, et de constater que c’est en somme assez facile. » (Jules Romains, "Les Hommes de bonne volonté", 1946).



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Il est très difficile d’analyser les résultats des élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Certes, le parti présidentiel n’a plus la majorité absolue à l’Assemblée Nationale et cette seule donnée peut faire admettre la gifle que lui ont donnée les électeurs, mais ce n’est pourtant pas une défaite comme l’UMP l’avait vécue en juin 2012 ou le PS en juin 2017. Au contraire, en lui laissant la majorité relative, les électeurs ont laissé l’initiative au Président réélu Emmanuel Macron.

Ce qui est confirmé, c’est l’aspect du paysage politique connu dès le 10 avril 2022 et confirmé lors des trois scrutins suivants : les trois pôles, d’importance électorale sensiblement identique, le macronisme, le RN et la Nupes. Et l’extinction des deux anciennes forces dominantes, le PS et LR. Avec le scrutin majoritaire, Ensemble a bénéficié d’un léger avantage qui l’a conduit à avoir le groupe le plus important, mais ce n’est pas suffisant pour gouverner comme auparavant.

Dès le lundi 20 juin 2022, Emmanuel Macron a déjeuné à l’Élysée avec Élisabeth Borne, François Bayrou et Édouard Philippe (exit Richard Ferrand et Christophe Castaner, battus). Parallèlement, les appétits s’expriment : Éric Woerth a annoncé son intention d’être candidat au perchoir. Le perchoir est acquis à la majorité présidentielle puisque, après deux tours infructueux, le troisième tour ne demanderait que la majorité relative. À moins de faire un cadeau à un éventuel nouveau partenaire… La réponse le 28 juin 2022, à l’ouverture de cette nouvelle législature.

Depuis trois jours, en tout cas, le pouvoir s’active pour apporter sa grille d’analyse et ses initiatives. Conformément à la tradition républicaine après des élections législatives, la Première Ministre Élisabeth Borne a présenté le 21 juin 2022 sa démission au Président de la République mais ce dernier l’a refusée. Loin d’être une marque de confiance, c’est plutôt une marque de défiance différée, puisque Emmanuel Macron ne l’a donc pas reconduite à Matignon. Dans la matinale de France Inter le 22 juin 2022, le président du MoDem François Bayrou y est même allé à la sulfateuse : pour lui, la situation exigerait un (ou une) chef du gouvernement politique et pas technique. Je pense qu’il a raison même si je ne doute pas qu’il pense à lui-même. Il faut un politique expérimenté capable de montrer que le pouvoir a compris le message des électeurs, et même, les messages.

Alors qu’Élisabeth Borne a réuni son gouvernement en conseil de cabinet à Matignon, afin de montrer que ses ministres travaillaient, Emmanuel Macron, lui, a reçu tous les chefs de parti. Cela paraît normal, dans une situation parlementaire inédite, de consulter l’ensemble des partis parlementaires pour connaître leurs intentions, leur état d’esprit. Il a rencontré notamment Christian Jacob, Fabien Roussel, François Bayrou, Marine Le Pen, Olivier Faure, Stanislas Guérini, Franck Riester, Adrien Quatennens, Édouard Philippe, Julien Bayou, etc.

Dans les résultats, il faut remarquer une chose simple : si Ensemble faisait une alliance avec LR (64 sièges avec ses alliés centristes), alors, il y aurait une majorité absolue, durable et stable. C’est ce que souhaitent des personnalités LR comme Jean-François Copé, ou encore Christelle Morançais (présidente du conseil régionale des Pays-de-la-Loire), avec un contrat de coalition (où la barre serait haute). Certains imaginent même le nouveau député LR Philippe Juvin nommé Ministre de la Santé.

Toutefois, ceux des LR qui prônent une telle démarche sont ultraminoritaires et Christian Jacob, président épuisé de LR, qui n’a pas voulu se représenter aux législatives et qui quittera la vie politique dans quelques mois (quand son successeur sera choisi), a redit son opposition ferme et stricte de toute compromission avec Emmanuel Macron. Pourquoi, alors qu’ils ne sont pas si éloignés que cela du fond ? Parce qu’ils ne font pas confiance à Emmanuel Macron pour jouer honnêtement le jeu. En effet, en acceptant une démarche de coalition, alors que les députés LR ont été élus en opposition à Emmanuel Macron, ils se renieraient vis-à-vis de leurs électeurs. À terme, cela signifierait la mort définitive de LR, se répartissant soit à Ensemble (comme Horizons, Agir, etc.), soit au Rassemblement national pour une opposition frontale. Donc, il est clair que la position de LR n’est pas dictée par l’intérêt général (il faut gouverner la France) mais par sa seule préoccupation partisane (sauve qui peut !). Il est plus confortable de rester dans l’opposition et de compter les points, de critiquer que de s’engager dans l’action.

Emmanuel Macron, au contraire, veut prendre à témoin le peuple des partis de bonne volonté et des autres. Et là, stupeur ! Les deux partis les plus responsables sont le Parti communiste français et le RN. Fabien Roussel a dit clairement l’urgence des mesures pour le pouvoir d’achat. Quant à Marine Le Pen, elle ne veut pas faire de bruit, elle veut que ses 89 députés RN montrent aux Français leur esprit de responsabilité, prêts à gouverner aux prochaines échéances. Elle cherche avant tout la respectabilité et son respect pour les institutions.

Toutefois, il paraît à peu près acté que la majorité présidentielle ne ferait aucune alliance avec les deux groupes extrémistes, FI et RN. Elle préférerait rechercher des majorités d’idée avec les députés LR, les députés PS et les députés EELV.

Ce qui est à noter, c’est que le total Nupes + RN fait moins que le total Ensemble, et donc, bien moins que la majorité absolue. Très clairement, FI s’est montré le plus opposé à Emmanuel Macron. Avant même d’écouter le discours de politique générale planifié le 5 juillet 2022, FI entend déposer une motion de censure. Dans le jeu de poker menteur, il y a des personnes de bonne volonté et d’autres de moins bonne volonté. Le naturel est d’ailleurs revenu au galop avec Jean-Luc Mélenchon qui a réclamé sans succès de construire un groupe unique de la Nupes, au contraire des accords électoraux avec le PCF, le PS et EELV. Évidemment, on comprend l’arnaque : avec un seul groupe, Jean-Luc Mélenchon achèverait définitivement le PS et toute velléité d’indépendance (à FI) de la gauche. Le putsch hégémoniste de FI n’a cependant pas pris. C’était trop gros.

Autre constat qui a aussi son importance historique : les centristes restés dans l’alliance traditionnels avec LR sont très fortement réduits, laminés, voire anéantis, en particulier l’UDI qui a subi un désastre électoral, notamment avec la défaite de son président Jean-Christophe Lagarde face à la médiatique Raquel Garrido. À mon sens, c’est très logique : les électeurs ne comprennent pas pourquoi ces centristes ont soutenu Valérie Pécresse qui cherchait (mal) à faire de la surenchère avec Éric Zemmour dans une fuite en avant vers l’extrême droite (d’où les 89 élus RN). La logique était qu’ils soutinssent Emmanuel Macron, le seul candidat véritablement favorable à la construction européenne. Cette incompréhension s’est soldée par un tsunami électoral (à petite échelle car c’était un petit parti, mais il faut vraiment insister, c’était un tsunami). Il n’y a d’avenir du centre (européen, social, démocrate) qu’au sein de la majorité macronienne.

Les groupes commencent à s’organiser au Palais-Bourbon. Le 21 juin 2022, Mathilde Panot a été réélue présidente du groupe FI. Le 22 juin 2022, Aurore Bergé a été élue présidente du groupe Renaissance (LREM), poste qu’elle convoitait depuis longtemps, tandis qu’André Chassaigne a été réélu président du groupe communiste (qui survit grâce à des députés ultramarins).

Emmanuel Macron devrait s’exprimer aux Français ce mercredi 22 juin 2022 à 20 heures avant sa "séquence" internationale qui va lui prendre une dizaine de jours : Conseil Européen, Sommet des G7 et Sommet de l’OTAN.

Je termine pour citer quelques noms connus des élus, réélus et battus, liste non exhaustive bien entendu. L’Assemblée Nationale s’est renouvelée à 52% après déjà un renouvellement de 77% en 2017.


I.1. Les battus du premier tour :

Ensemble : Jean-Michel Blanquer, Emmanuelle Wargon, Nathalie Élimas, M’jid El Guerrab, Manuel Valls.
LR : Julien Aubert, Guillaume Larrivé, Sébastien Huyghe, Philippe Benassaya, Jean-Pierre Lecoq.
UDI : Valérie Six, Michel Zumkeller, Agnès Thill.
Reconquête : Éric Zemmour, Guillaume Peltier, Marion Maréchal (candidate suppléante).
PS : Jérôme Lambert.
Divers : Martine Wonner, Joachim Son-Forget, Quitterie de Villepin.
PRG : Sylvia Pinel.


I.2. Les 5 élus du premier tour :

Ensemble : Yannick Favennec.
Nupes-FI : Sophia Chikirou, Danièle Obono, Alexis Corbière, Sarah Legrain.


II.1. Les battus du second tour :

Ensemble : Richard Ferrand, Christophe Castaner, Amélie de Montchalin, Justine Bénin, Brigitte Bourguignon, Pierre-Yves Bournazel, Élisabeth Moreno, Roxana Maracineanu, Patrick Mignola, Laetitia Avia, Émilie Chalas, Isabelle Florennes, Bérangère Abba, Laurent Pietraszewski, Louis Saint-Martin, Cendra Motin, Anne-Christine Lang.
RN : Philippe Morenvillier.
Nupes : Cédric Villani.
LR : Brigitte Kuster.


II.2. Les élus du second tour :

Ensemble : Élisabeth Borne, Gérald Darmanin, Marie Lebec, Sarah El Hairy, Aurore Bergé, Gabriel Attal, Clément Beaune, Olivier Véran, Barbara Pompili, Geneviève Darrieussecq, Brigitte Klinkert, Paul Midy, Thierry Benoît, Philippe Vigier, Éric Woerth, Damien Abad, Jean-Noël Barrot, Olivier Becht, Hervé Berville, Jean-Louis Bourlanges, Yaël Braun-Pivet, Céline Calvez, Frédéric Descrozaille, Olivier Dussopt, Olivier Falorni, Marc Fesneau, Anne Genetet, Joël Giraud, Carole Grandjean, Olivia Grégoire, Stanislas Guérini, Sacha Houlié, Cyrille Isaac-Sibille, Luc Lamirault, Aude Luquet, Gilles Le Gendre, Frédéric Valletoux, Roland Lescure, Sylvain Maillard, Laurence Maillart-Méhaignerie, Bruno Millienne, Karl Olive, Bertrand Pancher, Richard Ramos, Robin Reda, Franck Riester, Prisca Thevenot, Stéphane Travert, Laurence Vichnievsky, Patrick Vignal.

RN : Marine Le Pen, Edwige Diaz, Bruno Bilde, Sébastien Chenu, Anaïs Sabatini, Philippe Ballard, Laurent Jacobelli, Laure Lavalette, Thomas Ménagé, Emmanuelle Ménard (proche RN), Julien Odoul.

Nupes-FI : Clémentine Autain, Mathilde Panot, Bastien Lachaud, Aurélie Trouvé, Éric Coquerel, Clémence Guetté, Danielle Simonnet, Manuel Bompard, François Ruffin, Bénédicte Taurine, Adrien Quatennens, Ugo Bernalicis, Louis Boyard, Aymeric Caron, Caroline Fiat, Raquel Garrido, Rachel Keke, Antoine Léaument, Michel Sala.

Nupes-PCF : Fabien Roussel, Stéphane Peu, Elsa Faucillon, André Chassaigne, Sébastien Jumel, Pierre Dharréville.

Nupes-EELV : Julien Bayou, Sandrine Rousseau, Eva Sas, Sandra Régol, Delphine Batho, Marie Pochon.

Nupes-PS : Valérie Rabault, Olivier Faure, Jérôme Guedj, Guillaume Garot, Boris Vallaud, Gérard Leseul, David Habib, Dominique Potier.

Nupes (divers) : Aurélien Taché (ex-LREM).

LR : Aurélien Pradié, Fabien Di Filippo, Annie Genevard, Marc Le Fur, Philippe Gosselin, Jean-Pierre Vigier, Pierre Cordier, Thibault Bazin, Xavier Breton, Éric Ciotti, Pierre-Henri Dumont, Victor Habert-Dassault, Michel Herbillon, Patrick Hetzel, Philippe Juvin, Constance Le Grip, Olivier Marleix, Pierre Morel à L’Huissier, Marie-Agnès Poussier-Winsback, Raphaël Schellenberger, Vincent Seitlinger, Michèle Tabarot.

UDI et Les Centristes : Charles de Courson, Meyer Habib, Jean-Luc Warsmann.

DLF : Nicolas Dupont-Aignan.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 juin 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Allocution du Président Emmanuel Macron le 22 juin 2022 (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (11) : la vie politique n’est pas un long fleuve tranquille.
La marque Le Pen fonctionne toujours aussi bien.
Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre.
Résultats du second tour des élections législatives du 19 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
TVA : Mélenchon, champion du monde de la mauvaise foi.
Législatives 2022 (9) : procès d’intention, soupçons, fake-news, calomnie : le complotisme mélenchonien.
Législatives 2022 (8) : aucune voix ne doit manquer à la République !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 14 juin 2022 à Orly (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (7) : Liberté, Égalité, Choucroute.
Résultats du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Législatives 2022 (4) : sous la NUPES de Mélenchon.
Élysée 2022 (53) : la composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Législatives 2022 (3) : Valérie Pécresse mènera-t-elle Les Républicains aux législatives ?
Législatives 2022 (2) : la mort du parti socialiste ?
Législatives 2022 (1) : le pari écolo-gauchiste de Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !

_yartiLegislatives2022K02







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19 juin 2022 7 19 /06 /juin /2022 22:14

Le train de la Nupes a été doublé par le train du RN. Toutefois, le train Ensemble était déjà arrivé en gare. Mais avec beaucoup de retard.





_yartiLegislatives2022J01

Plus de 48 millions et demi d’électeurs français étaient appelés à voter ce dimanche 19 juin 2022 pour le second tour des élections législatives. C’est le quatrième et dernier scrutin d’une série de quatre qui visent à renouveler toutes les instances politiques nationales.

L’enjeu institutionnel était fort puisqu’il s’agissait de donner une majorité parlementaire au Président réélu Emmanuel Macron. La complexité des situations locales et nationale va probablement demander beaucoup de recul pour être analysée. Je propose un commentaire à chaud, avant d’avoir tous les résultats définitifs de cette élection très surprenante.

Selon les décomptes du Ministère de l’Intérieur, la majorité présidentielle (Ensemble) a obtenu 245 sièges sur 577, la Nupes 131 sièges, le RN 89 sièges, LR 61 sièges, à ceux-ci il faut rajouter 22 sièges à divers gauche, 10 aux régionalistes, 4 à divers centre, 10 à divers droite, 3 à l’UDI, 1 à la droite souverainiste et 1 divers.

La majorité présidentielle aura la majorité relative mais pas la majorité absolue, et de loin (il manquerait 44 sièges). Cela signifie qu’on entre dans une période nouvelle de la Cinquième République car contrairement à la situation de juin 1988, il n’existe plus la possibilité d’utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour tous les textes (il est maintenant limité à un texte par session, ce qui sera peu).

Insistons sur les deux faces de cette situation : 1° Ensemble a gagné les élections législatives contrairement à ce qu’on entend en commentaires. Ce sera le groupe le plus important de l’Assemblée Nationale, loin devant ses deux opposants extrémistes, le RN et la Nupes. 2° En revanche, ce sera difficile de gouverner dans un tel cadre. Rappelons qu’une seconde dissolution ne pourrait pas se faire avant un an après une première dissolution : l’idée d’une rapide dissolution n’aurait donc pas d’intérêt, et risquerait au contraire de donner une majorité à l’opposition (et pas forcément à celle qu’on croit).

Il en ressort un élément majeur : je doute que la Première Ministre Élisabeth Borne soit la plus adaptée à cette situation où il va falloir connaître excellemment les procédures parlementaires et avoir la combativité pour défendre ses textes. Mais il n’y a pas énormément de personnes capables d’avoir ce rôle, si ce n’est un vieux routier de la politique (et là, un nom s’impose, probablement rejeté immédiatement).

Dans tous les cas, cela va rendre nécessaire un véritable débat parlementaire. Comme je doute qu’il soit constructif, il est probable que nous aurons de nombreux blocages, à moins de conclure un accord Ensemble/LR en bonne et due forme auquel cas la nouvelle majorité deviendrait absolue.

Pourquoi y a-t-il eu ce manque de majorité absolue ? Il n’y a pas eu un rejet d’Emmanuel Macron mais un manque de mobilisation de ses électeurs, manifestement. La raison, c’est l’absence de campagne. Emmanuel Macron était ailleurs, il était ailleurs pendant la campagne présidentielle et cela a failli lui coûter très cher. Il était encore plus loin ailleurs pendant la campagne des législatives, et finalement, c’est rassurant. Pour être élu, il faut faire campagne, et si Les Républicains ont su résister à la vague qui devait les immerger, c’est principalement parce que nombreux de ses candidats ont fait campagne et sont bien implantés localement.

_yartiLegislatives2022J08

On pensait que la première opposition viendrait de la Nupes car Jean-Luc Mélenchon est celui qui a le plus hurlé, et finalement, le danger est arrivé par la droite pour la première fois de l’histoire, non seulement le RN aura un groupe mais il sera le premier de l’opposition, devant celui de FI et de LR. Pour donner une idée de la mesure, deux députés RN ont été élus en Île-de-France, pourtant terre de mission pour l’extrême droite (dont un dans l’ancienne circonscription de Jean-François Copé à Meaux).

Cela confirme une conviction que j’ai toujours eue : si Marine Le Pen avait été élue Présidente de la République, elle aurait obtenu une majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Cela fait dix ans (depuis 2012) que j’essaie d’expliquer cela, que la logique des institutions est implacable. Mais pourquoi alors Emmanuel Macron ne l’a pas obtenue ? Parce qu’il n’a pas fait campagne.

En corollaire, cela signifie qu’il n‘y a aucun intérêt pour faire une réforme du mode de scrutin qui va éloigner encore plus l’électeur des élus avec la proportionnelle : les résultats en sièges ne sont jamais dépendants du mode de scrutin, mais de l’offre électorale et de la réaction de l’électorat. C’est très clair en 2022.

Et la Nupes ? Bien sûr, elle gagne beaucoup de sièges. Notez simplement que c’est surtout la France insoumise qui a gagné. Surtout dans les grandes ville et aussi en Seine-Saint-Denis, où, par exemple, Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, a été battu par Raquel Garrido. Les écologistes aussi ont été récompensés par l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon, notamment avec l’élection de Sandrine Rousseau et de Julien Bayou. En revanche, ni les socialistes ni les communistes n’ont bénéficié d’un effet de la Nupes, ne serait-ce que parce qu’ils n’avaient pas obtenu beaucoup d’investitures. Eux, ils ont tout perdu, et d’abord leur honneur.

Même si elle perd des plumes, la majorité réussit pourtant à bien résister en région parisienne, notamment avec Gabriel Attal, Clément Beaune et même Stanislas Guérini. En revanche, des figures très fortes ont été battues : le Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand, le président du groupe LREM Christophe Castaner, la ministre Amélie de Montchalin face à l’ancien député socialiste Jérôme Guedj, également la Ministre de la Santé Brigitte Bourguignon. Nul doute que le fait d’être très connus comme symboles de la Macronie a été un élément mobilisateur pour leurs opposants.

La situation nationale est donc plus nuancée que jamais et peut être représentée par la situation étonnante de la 5e circonscription de l’Essonne. Le député sortant Cédric Villani, élu avec l’étiquette LREM et qui s’est présenté cette année avec la Nupes comme un écologiste, a été battu par le candidat LREM Paul Midy, entrepreneur et très proche d’Emmanuel Macron avec… 19 voix d’écart, ce qui est très faible. C’est une surprise car Cédric Villani aurait pu capitaliser partout : chez les écologistes (la circonscription a une fibre écolo), à gauche (car la circonscription était à gauche avant 2017), et même chez ses anciens électeurs LREM qui pouvaient penser qu’il était encore macroniste. Son concurrent a fait une bonne campagne sur le terrain qui semble avoir suffisamment mobilisé ses soutiens pour faire jeu égal et redresser la situation.

Quoi qu’on en dise, Jean-Luc Mélenchon a perdu son pari, celui d’être appelé à Matignon, parce qu’on ne dirige pas un gouvernement qui serait soutenu seulement par moins d’un quart des députés. Mais il a gagné le pari de rendre FI l’élément central et même exclusif de la gauche, et cela grâce à la collaboration historique de ses partenaires soumis (PS, PCF, EELV). Certaines figures tutélaires FI ont été élues, comme Rachel Keke (femme de chambre dans un hôtel) face à l’ancienne ministre Roxana Maracineanu, ou Aymeric Caron, l’agaçant défenseur de la cause antispéciste, face à Pierre-Yves Bournazel.

La grande gagnante, dans l’opposition, est Marine Le Pen qui sera à la tête du premier groupe d’opposition. Elle pourra donc montrer toute sa combativité au Parlement. Contrairement à ce qu’affirme Jérôme Guedj, Emmanuel Macron, qui voulait être le meilleur rempart contre l’extrême droite en 2017, l’est effectivement. Certes, le nombre de députés a décuplé, l’écart en nombre de voix au second tour de la présidentielle a diminué, mais en 2022, Emmanuel Macron reste effectivement le meilleur rempart contre l’extrême droite. Je ne ferai pas l’injure à ce socialiste de rappeler qu’une Anne Hidalgo avec 1,7% a été encore moins le rempart de l’extrême droite. Certains devraient donc commencer par l’humilité avant de dire n’importe quoi.

Lorsque la surprise s’évaporera et qu’on comptera tous les députés, la balle sera dans le camp du Président de la République qui gardera l’initiative politique. Devra-t-il changer de Premier Ministre ? Je considère que la réponse est oui car Élisabeth Borne a été incapable de mobiliser ses troupes et sera probablement incapable de réunir des majorités d’idées. Mais elle restera à Matignon parce que sa victoire dans sa circonscription oblige Emmanuel Macron à ne pas se renier lui-même.

Au final, c’est peut-être la politique qui gagnera en intensité et en crédit. Dès lors qu’il n’y a plus de majorité possible à l’Assemblée, comment Emmanuel Macron pourra réformer la France ? La question ne cesse d’être posée depuis dimanche soir. Pas sûr que la réponse arrive avant une ou deux semaines. Mais elle est urgente après un réel flottement depuis l’élection présidentielle.

Souhaite-t-il un gouvernement minoritaire comme entre 1988 et 1993 ? ou encore une alliance Ensemble/LR qui aurait les moyens d’agir en toute efficacité ? ou encore débaucher des députés de gauche (les 22 divers gauche) et quelques députés LR ? La position de l’ancien Ministre de la Santé Olivier Véran, réélu confortablement à Grenoble, a aujourd’hui, comme Ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, une position stratégique. Un ministère qui mériterait d’être "plein".

Comme en 2017, le cru 2022 de l’Assemblée Nationale aura une saveur toute particulière : beaucoup de renouvellement, beaucoup d’extrêmes et un risque d’impuissance politique qui va éprouver nos institutions. Qui a dit que la France était une dictature ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 juin 2022)
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Pour aller plus loin :
Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre.
Résultats du second tour des élections législatives du 19 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
TVA : Mélenchon, champion du monde de la mauvaise foi.
Législatives 2022 (9) : procès d’intention, soupçons, fake-news, calomnie : le complotisme mélenchonien.
Législatives 2022 (8) : aucune voix ne doit manquer à la République !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 14 juin 2022 à Orly (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (7) : Liberté, Égalité, Choucroute.
Résultats du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Législatives 2022 (4) : sous la NUPES de Mélenchon.
Élysée 2022 (53) : la composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Législatives 2022 (3) : Valérie Pécresse mènera-t-elle Les Républicains aux législatives ?
Législatives 2022 (2) : la mort du parti socialiste ?
Législatives 2022 (1) : le pari écolo-gauchiste de Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !

_yartiLegislatives2022J02





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19 juin 2022 7 19 /06 /juin /2022 21:51

Les résultats du second tour des élections législatives du 19 juin 2022 en France sont les suivants au 19 juin 2022 sur la base de 100% des électeurs inscrits dépouillés :
 

France Entière

 

Sièges par nuance de candidats
Nuances de Candidats Nb Sieges
Divers extrême gauche 0
Parti radical de gauche 0
Nouvelle union populaire écologique et sociale 131
Divers gauche 22
Ecologistes 0
Divers 1
Régionaliste 10
Ensemble ! (Majorité présidentielle) 245
Divers centre 4
Union des Démocrates et des Indépendants 3
Les Républicains 61
Divers droite 10
Droite souverainiste 1
Reconquête ! 0
Rassemblement National 89
Divers extrême droite 0
Résultats au 2d tour
Nuances de Candidats Voix % Inscrits % Exprimés Nb Sieges
Divers extrême gauche 11 229 0,02 0,05  
Nouvelle union populaire écologique et sociale 6 556 681 13,49 31,60 127
Divers gauche 443 282 0,91 2,14 22
Divers 18 295 0,04 0,09 1
Régionaliste 264 780 0,54 1,28 10
Ensemble ! (Majorité présidentielle) 8 003 240 16,47 38,57 244
Divers centre 99 145 0,20 0,48 4
Union des Démocrates et des Indépendants 64 443 0,13 0,31 3
Les Républicains 1 447 838 2,98 6,98 61
Divers droite 231 071 0,48 1,11 10
Droite souverainiste 19 306 0,04 0,09 1
Rassemblement National 3 589 465 7,39 17,30 89


 

  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 48 589 371    
Abstentions 26 124 404 53,77  
Votants 22 464 967 46,23  
Blancs 1 235 310 2,54 5,50
Nuls 480 882 0,99 2,14
Exprimés 20 748 775 42,70 92,36


En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.


 

France Entière

 

Résultats incomplets calculés sur la base de 97% des électeurs inscrits
Résultats au 2d tour
Nuances de Candidats Voix % Inscrits % Exprimés Nb Sieges
Divers extrême gauche 11 229 0,02 0,06  
Nouvelle union populaire écologique et sociale 6 406 409 13,60 31,43 119
Divers gauche 443 282 0,94 2,18 22
Divers 18 295 0,04 0,09 1
Régionaliste 264 780 0,56 1,30 10
Ensemble ! (Majorité présidentielle) 7 807 888 16,58 38,31 226
Divers centre 84 305 0,18 0,41 3
Union des Démocrates et des Indépendants 55 973 0,12 0,27 2
Les Républicains 1 447 838 3,07 7,10 61
Divers droite 231 071 0,49 1,13 10
Droite souverainiste 19 306 0,04 0,09 1
Rassemblement National 3 589 511 7,62 17,61 89


 

  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 47 092 122    
Abstentions 25 013 129 53,12  
Votants 22 078 993 46,88  
Blancs 1 219 366 2,59 5,52
Nuls 479 740 1,02 2,17
Exprimés 20 379 887 43,28 92,30


En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.

 

France Entière

 

Résultats incomplets calculés sur la base de 86% des électeurs inscrits
Résultats au 2d tour
Nuances de Candidats Voix % Inscrits % Exprimés Nb Sieges
Divers extrême gauche 11 229 0,03 0,06  
Nouvelle union populaire écologique et sociale 5 279 068 12,63 29,35 69
Divers gauche 428 373 1,02 2,38 21
Divers 18 295 0,04 0,10 1
Régionaliste 264 780 0,63 1,47 10
Ensemble ! (Majorité présidentielle) 6 729 199 16,10 37,41 178
Divers centre 84 251 0,20 0,47 3
Union des Démocrates et des Indépendants 46 689 0,11 0,26 2
Les Républicains 1 354 394 3,24 7,53 54
Divers droite 231 071 0,55 1,28 10
Droite souverainiste 8 468 0,02 0,05  
Rassemblement National 3 531 325 8,45 19,63 78


 

  Nombre % Inscrits % Votants
Inscrits 41 800 083    
Abstentions 22 245 882 53,22  
Votants 19 554 201 46,78  
Blancs 1 122 604 2,69 5,74
Nuls 444 455 1,06 2,27
Exprimés 17 987 142 43,03 91,99


En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.




Source : Ministère de l'Intérieur


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220619-legislatives-2022j.html


SR
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220619-resultat-legislatives.html

 

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17 juin 2022 5 17 /06 /juin /2022 09:15

« Ah ben, si un raisonnement n’est pas une preuve… En effet, il n’y a rien qui vaille. Depuis Descartes, ça s’appelle le doute méthodique… Arrêtez de dégrader le niveau politique. La politique, ce n’est pas forcément mentir. » (Jean-Luc Mélenchon, le 17 juin 2022 sur BFM-TV).




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Comment dire n’importe quoi et passer à une heure de grande écoute à la télévision ? Tiens, encore une autre formule : « Lundi matin, je serai chez moi à attendre le coup de téléphone du Président. ». C’est ça, la réalité alternative. Le sujet est plongé dans un autre monde, celui de ses caprices et de ses songes. Quand, dans ses Mémoires, De Gaulle parlait de la vieillesse, qui est un naufrage, il ne pensait pas à Jean-Luc Mélenchon mais à Pétain. Pourtant, à quelques semaines de ses 71 ans, on peut quand même vraiment y penser pour le lider maximo de la Nupes tant ses délires politiques sont désormais mis en plein jour. Le fait-il exprès ou pas ?

Le délire mélenchonesque de la semaine, c’est le supposé projet caché du gouvernement d’augmenter la TVA pour engranger 80 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires afin d’atteindre 3% du PIB de déficit en 2027. Cela pourrait être vrai, ce ne serait pas la première fois qu’un pouvoir cacherait quelques mauvais destins, mais l’attitude du Président Emmanuel Macron a toujours été claire et il n’a jamais rien caché de ses intentions, au risque de perdre des voix ; pour preuve, il a confirmé une semaine avant le scrutin que la réforme des retraites s’appliquerait dès l’été 2023. Pour la TVA, c’est surtout ne rien comprendre à la logique du gouvernement.

Dès le soir du premier tour, Jean-Luc Mélenchon a lancé gratuitement, j’insiste sur le "gratuitement", la rumeur d’augmentation de la TVA qui serait voulue par le gouvernement. Il n’est pas fou, Jean-Luc Mélenchon, il sait que c’est un sujet très sensible pour les ménages, surtout en période inflationniste (où la TVA a d’ailleurs un meilleur rendement puisqu’elle est proportionnelle au prix). Il sait qu’en juin 2007, à cause d’une maladresse entre les deux tours des législatives sur le sujet du Ministre de l’Économie et des Finances d’alors, Jean-Louis Borloo (qui ne dura pas longtemps à Bercy, remplacé après les élections par Christine Lagarde), le tout nouveau Président Nicolas Sarkozy a perdu une cinquantaine de sièges. On peut aussi dire que ce même Nicolas Sarkozy a sans doute perdu sa réélection pour avoir augmenté la TVA à deux mois et demi de l’élection présidentielle de 2012 (pour transférer les cotisations sociales sur les prix à la consommation). Donc, Jean-Luc Mélenchon, qui connaît très bien l’histoire politique du pays (il était lui-même sénateur en 2007), veut répéter l’idée et comme le gouvernement ne fait pas dans la maladresse sur ce sujet, il y va avec ses procès d’intentions.

La réaction outrée du Ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a été ferme : il répète et martèle depuis le début de la semaine qu’il n’est pas question d’augmenter les impôts, ni directs ni indirects, ni des ménages, ni des entreprises (au contraire de la Nupes !). Il a même évoqué le 15 juin 2022 sur LCI le comportement complotiste de Jean-Luc Mélenchon visant à insinuer le doute et le soupçon en calomniant gratuitement. Une méthode qui donne une idée de ce que serait un gouvernement Mélenchon si par malheur il arrivait au pouvoir (Robespierre est toujours vivant).

Même les journalistes en économie des grands médias étaient dans la stupéfaction avec cette affaire. Car Jean-Luc Mélenchon aurait pu retrouver dans une poubelle un brouillon d’une idée possible d’un commencement de suggestion d’une telle mesure, mais non, à la connaissance de ces journalistes, rien, strictement aucun projet allant dans ce sens. Le seul projet connu à propos de la TVA, ce serait même de la faire baisser pour les produits pétroliers pendant une période inflationniste.

Donc, ce procès d’intention provient simplement de l’imagination très créative de Jean-Luc Mélenchon qui accuse la majorité d’une proposition qu’elle n’a jamais formulée et jamais voulue. C’est donc n’importe quoi et montre une idée du niveau de la vie politique en France (il a l’audace de retourner cette critique à son profit alors que c’est lui qui dégrade considérablement le niveau intellectuel et politique du débat public). Je pensais que le gourou de la Nupes allait donc s’arrêter sur cette désinformation grossière, vu qu’elle ne fonctionnait pas.

Eh bien non. Invité par Apolline de Malherbe à la matinale de BFM-TV ce vendredi 17 juin 2022, il est revenu à la charge devant une journaliste complètement médusée par une telle assurance dans la fake-news. Car bien évidemment, Jean-Luc Mélenchon n’a apporté aucun nouveau fait confirmant cette supposée volonté du gouvernement d’augmenter la TVA et ce n’est pas en martelant "c’est un fait" que la mesure est là (il disait "c’est un fait" pour des choses qui n’avait rien à voir).

Alors, il a redit son raisonnement, car Jean-Luc Mélenchon est un garçon qui se veut très rationnel, il sait lire la pensée des autres et il sait ainsi projeter plein de choses invisibles. Il n’est pas gourou pour rien, ce n’est pas donné à tout le monde. Les 80 milliards d’euros, ça vient de la différence entre le déficit public actuel en 2022 et le déficit cible en 2027 (3% du PIB). Donc ce chiffre est un chiffre de Jean-Luc Mélenchon qui a regardé dans le programme de la majorité présidentielle que 40 milliards d’euros seraient économisés d’une manière ou d’une autre (c’est notamment le rôle de la réforme des retraites). Bref, pour lui, il manque encore 40 milliards d’euros.

Et là, il a sorti des recommandations de la Commission Européenne. Ce n’est pas parce que la Commission Européenne dit une chose que c’est le programme d’Emmanuel Macron : alors que Jean-Luc Mélenchon veut carrément "désobéir" aux Traités européens (le terme est d’ailleurs amusant, serait-il un petit enfant dans madame l’Europe ?), un gouvernement national n’est pas encore censé obéir à la Commission Européenne, surtout quand elle exprime une "recommandation". La souveraineté nationale existe toujours, il faut parfois le rappeler.

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Je regrette le manque de réactivité d’Apolline de Malherbe qui pourtant voulait coincer intellectuellement Jean-Luc Mélenchon sur cette mesure. Jean-Luc Mélenchon déduit de plusieurs recommandations depuis une dizaine d’années de la Commission Européenne demandant une augmentation de la TVA (ce qui reste à vérifier) pour conclure qu’Emmanuel Macron va augmenter la TVA. Sauf qu’en expliquant que la Commission Européenne avait déjà plusieurs fois recommandé une telle augmentation (il a même cité des dates, mais il ne semblait pas très assuré), il venait de prouver lui-même que les gouvernements français s’en moquaient, de telles recommandations, puisque aucun d’eux ne l’avait proposé à sa majorité depuis 2012 (François Hollande ayant défait l’augmentation de Nicolas Sarkozy dès juillet 2012).

Mais la mauvaise foi n’étouffait pas Jean-Luc Mélenchon quand il expliquait que déjà en 2017, Emmanuel Macron avait promis qu’il n’augmenterait aucun impôt et que finalement, il a mis en place la taxe carbone qui a engendré la crise des gilets jaunes. Là encore, foutage de gueule et réécriture de l’histoire. La taxe carbone était un impôt mis en place sous le quinquennat de François Hollande et probablement que l’erreur d’Emmanuel Macron était d’avoir laissé cette disposition s’appliquer au jour dit sans voir ses conséquences sociales à une époque où les écologistes et aussi les mélenchonistes le pressaient pour faire la transition écologique. Les mesures de la Nupes engendraient bien plus de colère des gilets jaunes qu'en 2018.

D’ailleurs, notons aussi la mauvaise foi de Jean-Luc Mélenchon qui a reproché à la majorité d’avoir laissé courir la taxe carbone et dire en même temps qu’elle ne faisait pas assez pour la lutte contre le réchauffement climatique (il n’est pas à une contradiction près). Du reste, pendant toute cette semaine, les zélateurs du centralisme mélenchonique tentaient de récupérer électoralement la canicule pour donner une raison supplémentaire de voter pour eux ! (le risque serait plutôt qu’ils encouragent les abstentionnistes à rester chez eux pour se protéger de la grande chaleur !).

Prenons le verbatim exact : « Je redis : monsieur Le Maire a avoué qu’il veut retirer 40 milliards du budget de l’État. Comment fait-il ? Ou bien il nous dit où il l’enlève, ou bien il nous dit où il prend. Mais cela ne peut pas être les deux en même temps et dire : je ne prends rien et je n’enlève rien. Donc monsieur Le Maire, dans cette situation, a un problème avec la vérité. La vérité, c’est qu’il a prévu des diminutions de prestations sociales, il a prévu de continuer dans la santé et l’éducation les coupes claires auxquelles il procède. ». J’aime bien le verbe "avouer", avec Jean-Luc Mélenchon, l’Inquisition n’est jamais loin. Quant à la TVA, étrangement, elle est sorti des propos. Là, il parlait de "coupes claires".

Cette citation montre à quel point Jean-Luc Mélenchon n’a rien compris à l’économie et fait dans le simplisme démagogique (du genre : les riches doivent payer en oubliant qu’avant de la redistribuer, il faut d’abord créer la richesse). Le ministre parlait de déficit et pas de retirer 40 milliards du budget de l’État, c’est-à-dire qu’on peut équilibrer un budget autrement qu’en prenant ou en enlevant.

Réponse par les propos du Président Emmanuel Macron dans son allocution du 14 juin 2022 : « Cette indépendance, nous ne la ferons pas par plus d’impôts, au contraire, nous continuerons de les baisser, ni par plus de dette, nous devons la réduire, ni par la décroissance, nous la combattons. Nous le ferons par le travail. Travailler tous en atteignant le plein emploi qui est à portée de mains. Travailler mieux, en améliorant les rémunérations et les conditions de travail. Travailler plus pour gagner, par notre effort collectif, en force économique. ».

En résumé, Jean-Luc Mélenchon, dont le programme va coûter à la France 300 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires, avec un choc fiscal de 160 milliards d’euros dont 50 des poches des ménages, n’a pas manqué de culot pour fustiger une proposition que n’a jamais formulée la majorité et que la majorité dément formellement car la philosophie générale de la majorité présidentielle, c’est au contraire de libérer les énergies, de desserrer l’étau fiscal pour augmenter l’activité économique et favoriser la croissance (il faut répéter que Jean-Luc Mélenchon est nul en économie, comme son mentor François Mitterrand).

Bref, persister dans ce procès d’intention, persister dans cette fake-news démontre au moins une chose : c’est que le programme de la majorité présidentielle n’est pas si condamnable que cela puisque le leader suprême de la Nupes doit inventer des mesures fantaisistes pour le condamner. Il se rend bien compte que dans les circonscriptions où le duel s’est transformé en affrontement entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, les électeurs, partisans de l’ordre et de la prospérité, refusant le chaos qu’un potentat vieillissant jusqu’au naufrage et ne comprenant rien à la société française entraînerait dans sa déroute, sauront choisir selon l’intérêt de la France, je n’en doute pas. Quant à ceux qui se sont embarqués dans le Titanic-Mélenchon, je leur souhaite bien du plaisir à assumer politiquement l’après-Nupes dans honte de leurs prochains électeurs…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 juin 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Résultats du second tour des élections législatives du 19 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur). À venir.
TVA : Mélenchon, champion du monde de la mauvaise foi.
Procès d’intention, soupçons, fake-news, calomnie : le complotisme mélenchonien.
Législatives 2022 (8) : aucune voix ne doit manquer à la République !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 14 juin 2022 à Orly (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (7) : Liberté, Égalité, Choucroute.
Résultats du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Législatives 2022 (4) : sous la NUPES de Mélenchon.
Élysée 2022 (53) : la composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Législatives 2022 (3) : Valérie Pécresse mènera-t-elle Les Républicains aux législatives ?
Législatives 2022 (2) : la mort du parti socialiste ?
Législatives 2022 (1) : le pari écolo-gauchiste de Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220617-melenchon.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/tva-melenchon-champion-du-monde-de-242269

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/06/17/39521849.html










 

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