Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 03:53

« Ce n’était pas juste un prof ! Il s’appelait Samuel Paty, il avait 47 ans, assassiné sur le sol français ce 16 octobre 2020, parce qu’il enseignait, parce qu’il apprenait à nos enfants la liberté d’expression, la liberté de croire et de ne  pas croire. Au revoir professeur. » (Un message parmi plein d’autres sur Facebook).



_yartiPatySamuel01

L’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège à Conflans-Sainte-Honorine (la ville de Michel Rocard) ce vendredi 16 octobre 2020 a de quoi émouvoir et rendre stupéfait. Oui, ce message dans les réseaux sociaux a le mérite d’en finir avec la plupart des titres des médias qui réduit cet homme, père de famille, professeur depuis vingt-trois ans apprécié de ses élèves pour sa tolérance et son ouverture. Il ne doit pas être réduit aux seuls derniers moments horribles de son existence. J’adresse à sa famille, ses proches, ses élèves, collègues mes plus vives condoléances.

L’assassinat de Samuel Paty est un nouveau cran franchi dans l’horreur du terrorisme islamiste. Quand le Président de la République Emmanuel Macron est venu le soir même sur les lieux de l’assassinat, accompagné des ministres Gérald Darmanin et Jean-Michel Blanquer, il a dit les choses crûment, clairement, sans pirouette, sans refuser la lucidité : « Notre compatriote a été lâchement attaqué, a été la victime d’un attentat terroriste islamiste caractérisé. ».

Et il a ajouté très justement : « Il n’y a pas de hasard si ce soir, c’est un enseignant que ce terroriste a abattu, parce qu’il a voulu abattre la République dans ses valeurs, les Lumières, la possibilité de faire de nos enfants d’où qu’ils viennent, qu’ils croient ou qu’ils ne croient pas, quelle que soit leur religion, d’en faire des citoyens libres. Cette bataille, c’est la nôtre, et elle est existentielle. (…) Ils ne passeront pas. L’obscurantisme et la violence qui l’accompagne ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas. C’est ce qu’ils cherchent, et nous devons nous tenir tous ensemble, citoyennes et citoyens. ».

_yartiPatySamuel02

Jamais encore l’islamisme radical, à ma connaissance, ne s’en était pris à un enseignant en France. Beaucoup de Français ont compris le rôle souvent ingrat des enseignants. Lors du confinement, ils ont pu se rendre compte à quel point instruire les enfants et les adolescents n’était pas une mince affaire, ni une affaire facile et naturelle. Les parents ont dû un peu suppléer à leurs tâches à cause de la crise sanitaire. Les profs ont ce rôle essentiel d’être la devanture de la société que les élève voient en premier dans leur jeune âge. Au-delà de la cellule familiale (ou de son absence), ils apportent la première sociabilisation des futurs citoyens. Ils ont un rôle essentiel dans l’avenir du pays, rôle qu’avait bien conscience Gambetta lorsqu’il tentait de convaincre les campagnes de voter républicain : l’instruction permet la rationalité et évite l’exploitation. Cette idée a donné les lois de Jules Ferry sur l’école obligatoire et gratuite.

Les caricatures publiées par "Charlie Hebdo" n’en finissent pas de provoquer la colère des islamistes radicaux qui ne supportent pas les valeurs de notre société et de notre République. Le droit au blasphème est un droit inaliénable, dès lors qu’on n’appelle pas à l’haine ni qu’on s’en prenne aux personnes qui croient.

Ceux qui refusent de s’afficher "Je suis Samuel" comme ils refusaient hier de s’afficher "Je suis Charlie" refusent la solidarité entre les citoyens et refusent surtout de défendre en commun nos valeurs républicaines, ils font le jeu de ceux qui veulent nous diviser. Mais on ne peut pas s’arrêter à la seule indignation devenue hélas ordinaire et au seul avertissement de ne pas stigmatiser une religion, de ne pas faire d’amalgame. Aujourd’hui, ceux qui sont stigmatisés jusqu’à en perdre la tête, ce ne sont pas les musulmans, même les pacifiques, qui sont probablement encore la majorité (j’ose le croire) et qui sont aussi révoltés par cet assassinat que les autres parce qu’ils sont Français avant tout, parce qu’ils sont humains avant tout. Il faut aller quand même plus loin, quitte à ne pas faire plaisir à une certaine "gauche bien-pensante".

En perdre la tête, hélas, c’est la seconde fois dans un attentat en France, la première fois le 26 juin 2015 dans une usine de la région lyonnaise. Peut-être faudrait-il suivre cette piste pour comprendre les mystérieuses mutilations de chevaux ou d’animaux d’élevage un peu partout en France ?

Cette indignation collective reste évidemment indispensable et cela fait chaud au cœur de voir tous ces rassemblements spontanés, malgré la crise sanitaire, ce dimanche 18 octobre 2020, le plus important place de la République à Paris auquel ont assisté notamment le Premier Ministre Jean Castex et les ministres Jean-Michel Blanquer et Marlène Schiappa. Beaucoup d’autres personnalités politiques y ont évidemment participé, mais il était important que le gouvernement fût présent (et à ma connaissance, silencieux dans ces circonstances).

_yartiPatySamuel03

On retrouve l’émotion consécutive au massacre de "Charlie Hebdo" en janvier 2015. Même si ce n’était pas la première fois (il y a eu les massacres de Merah à Toulouse et Montauban en mars 2012), c’était sans doute la première fois, en janvier 2015, que l’ensemble du pays a pris conscience du réel danger. Les terroristes islamistes ont tué des enfants juifs, ils ont tué des dessinateurs de caricatures et des journalistes, ils ont tué des policiers. Ils viennent de tuer un enseignant d’histoire en tant que tel.

Oui, l’assassinat de Samuel Paty est un cran supplémentaire dans l’horreur. C’était évidemment scandaleux d’avoir assassiné une grande partie de la rédaction de "Charlie Hebdo" et cette rédaction a même été l’honneur de la presse d’avoir eu le courage de publier ces caricatures, mais cela résultait d’une politique éditoriale ponctuelle, qui lui était propre. Des journalistes libres. S’en prendre à un prof, comme l’a rappelé Emmanuel Macron, c’est s’attaquer au cœur de la République, aux programmes de l’enseignement, aux valeurs républicaines. C’est totalement inacceptable. Quel va être le comportement des autres profs ? Témérité ou crainte ? Enseigner va-t-il être un exercice aussi délicat, aussi périlleux, qu’éditorialiste ?

Il ne faut pas lâcher les valeurs de la République, j’approuve l’idée d’un hommage national à Samuel Paty (Emmanuel Macron a reçu sa famille ce 19 octobre 2020 à l’Élysée pour son organisation). L’enseignant avait utilisé les caricatures de "Charlie Hebdo" dans un cours d’éducation civique sur la liberté d’expression le 5 octobre 2020. L’enquête le confirmera mais d’après ce qu’il en ressort, plusieurs élèves et parents d’élèves auraient facilité, au moins en donnant des informations, l’horrible conclusion de la polémique déclenchée au sein du collège par des islamistes radicaux.

On s’interrogera aussi sur la nationalité tchétchène de l’assassin. On ne peut que rappeler que le 13 juin 2020, cent soixante-dix Tchétchènes avaient fait une opération commando dans le quartier des Grésilles à Dijon et le même week-end, des dizaines de Tchétchènes étaient intervenus au quartier de l’Ariane à Nice.

L’assassin du 16 octobre avait 18 ans et est arrivé en France il y a dix ans, c’est-à-dire qu’il avait 8 ans. On ne peut pas franchement dire qu’à 8 ans, il était susceptible d’être un terroriste. Pourtant, il est devenu un assassin. Il a été formé au sein de notre propre pays. C’est cela qui est insupportable. Il est insupportable qu’il y ait en France, partout en France, dans de nombreux recoins, un terreau qui forme un gamin de 8 ans à devenir un assassin dix ans plus tard.

Les propos de Jean-Luc Mélenchon sont assez nouveaux et il faut le souligner. Ils semblent montrer un certain réveil sur la réalité du pays. Même si lui, si naïf dans sa façon de voir la situation de l’islam en France et de l’immigration en général, commence à se poser des questions très lucides, cela signifie peut-être une prise de conscience plus générale. Cela fait plus de trente ans que la République a cédé du terrain face aux germes d’islamisme radical. Cela fait trente ans que la démocratie a permis l’expression des ennemis de la démocratie et cela fait trente ans que la République.a permis l’expression des ennemis de la République.

C’est malheureux à dire mais je pense qu’il ne faut plus aborder ce problème par le droit mais par la politique. Il ne faut plus s’accrocher à une volonté absolue de définir des droits au détriment des résultats politiques. Or, comme l’a dit Emmanuel Macron, c’est une bataille existentielle, elle n’est pas anodine : c’est l’existence même de la France républicaine qui est en jeu, avec ses valeurs de liberté et de laïcité. Michel Houellebecq a donné un avant-goût cauchemardesque de ce qui pourrait arriver avec "Soumission". Le droit doit passer après notre existence. Je l’écris de manière provocatrice et trop polémique : bien sûr que nous devons rester dans un État de droit et qu’il n’est pas question de créer je ne sais quelle nouvelle dictature de la pensée pour empêcher l’émergence d’une autre dictature de la pensée. Mais les considérations juridiques doivent passer après les considérations politiques. Les juristes ont toujours eu de grands talents de création et d’imagination pour rendre compatibles des nécessités politiques avec du cadre juridique protecteur.

Il ne faut pas rester dans la simple autosatisfaction, comme l’a fait, sur France Inter ce lundi 19 octobre 2020, l’ancien Premier Ministre Bernard Cazeneuve, pourtant l’un des meilleurs ministres de l’intérieur depuis une trentaine d’années. Oui, beaucoup a été fait dans la lutte contre le terrorisme, cela de manière professionnelle, rigoureuse, excellente même, on a pu empêcher des dizaine d’attentats, mais ce n’est pas normal qu’un prof ait pu être assassiné à sa sortie de son collège. On a fait beaucoup, mais on n’a pas fait encore assez, à l’évidence.

Le conseil de défense du 18 octobre 2020 a pris quelques mesures qui, je l’espère, auront leur effet, mais je crains que la société française soit profondément divisée entre ceux qui considèrent que les valeurs républicaines ne sont pas négociables, et les autres, ennemis de la France (parfois intérieurs) et ceux qui, implicitement ou explicitement, les soutiennent, parfois involontairement par leur comportement trop "tolérant".

Peut-être parce qu’on a reproché à Emmanuel Macron de ne pas avoir pris la mesure du danger qui guette la survie de notre République, peut-être parce qu’on lui a reproché d’avoir pris trop de temps sur ce sujet, il sera le mieux placé pour prendre des décisions fermes qui soient en rupture avec les demi-mesures des gouvernements précédents depuis trente ans.

Aux Mureaux, le 2 octobre 2020, Emmanuel Macron avait déjà tenu un discours clair : « Je veux qu’il n’y ait aucune confusion ni aucun amalgame. Aucune de ces réalités ne doit être écrasée l’une sur l’autre. Mais force est de constater qu’il y a un islamisme radical qui conduit à nier les lois de la République, qui conduit à banaliser la violence et qui a conduit certains de nos citoyens, de nos enfants, à choisir le pire ou à considérer que le pire était devenu naturel, et donc à créer des conditions de dérives politiques mais aussi de dérives violentes, celles du terrorisme islamiste. Ce qui est aujourd’hui notre défi, c’est de lutter contre la dérive de certains au nom de la religion en veillant à ce que ne soient pas visés ceux qui veulent croire en l’islam et sont pleinement citoyens de notre République. Et au fond, depuis des années, nous sommes encombrés par cette réalité. ».

Ce sera l’un des deux défis de la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron : la lutte contre le séparatisme parallèlement à la lutte contre l’épidémie de covid-19. Les deux fléaux sont meurtriers, provoquent la peur, bouleversent complètement la nature de nos relations humaines et mettent en danger la cohésion sociale voire nationale. Mais l’un se réglera par des considérations politiques tandis que l’autre par des considérations scientifiques.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Samuel Paty : les enseignants sont nos héros.
Déclaration du Président Emmanuel Macron le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine sur l’assassinat de Samuel Paty (texte intégral et vidéo).
Discours du Président Emmanuel Macron le 2 octobre 2020 aux Mureaux sur le séparatisme (texte intégral et vidéo).
Polémiques indécentes sur la libération de Sophie Pétronin.
10 ans après la loi anti-burqa, la loi masque-obligatoire.
Charlie Hebdo : mortelle indifférence.
Charlie Hebdo en 2015.
Islamo-gauchisme : le voile à l’Assemblée, pour ou contre ?
5 ans de Soumission.
Mosquée de Bayonne : non assistance à peuple en danger ?
La société de vigilance.
N’oublions pas le sacrifice du colonel Arnaud Beltrame !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.

_yartiPatySamuel04




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201016-samuel-paty.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/samuel-paty-les-enseignants-sont-227922

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/10/18/38597722.html








 

Partager cet article
Repost0
12 octobre 2020 1 12 /10 /octobre /2020 03:03

« Sophie Pétronin est libre. Retenue en otage depuis près de quatre ans au Mali, sa libération est un immense soulagement. À sa famille, à ses proches, j’adresse un message de sympathie. Aux autorités maliennes, merci. Le combat contre le terrorisme au Sahel se poursuit. » (Emmanuel Macron, le 8 octobre 2020 sur Twitter).


_yartiPetroninSophie01

Tout le monde ne peut que se réjouir de la libération de Sophie Pétronin (convertie à l’islam, elle se fait maintenant appeler Mariam). Elle fut libérée ce jeudi 8 octobre 2020 et a pu regagner la France le lendemain, reçu à l’aéroport de Villacoublay par le Président de la République Emmanuel Macron et le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Sophie Pétronin fut libérée en même temps que l’ancien ministre malien Soumaïla Cissé (ancien candidat à la Présidence de la République en 2002, en 2013 et en 2018, et président de l’Union pour la République et la démocratie), enlevé le 25 mars 2020, ainsi que de deux otages italiens.

Cette femme de 75 ans a l’air d’avoir un solide caractère et des valeurs inoxydables. Le courage ne lui a pas manqué lorsque, depuis Bordeaux, elle s’est aventurée dans le don de soi et le travail humanitaire au Mali. Nutritionniste, elle a atteint Gao en 1996 et y est restée jusqu’à son enlèvement le 24 décembre 2016, et elle voudrait maintenant y retourner : « Je vais aller en France, en Suisse, et après, je vais revenir voir un peu ce qui se passe ici (…). J’ai pris l’engagement pour les enfants, ça fait presque quatre ans que je n’ai pas vu comment se déroulent les programmes (…). Il faut quand même que j’aille jeter un œil et les saluer parce que j’ai pris cet engagement. Si vous prenez un engagement, allez au bout de votre engagement sinon vous aurez perdu votre raison d’être sur cette terre. ». Mais son fils, qui, en 2018, a voulu trouver lui-même le moyen de la faire sortir de ce guêpier et présent à Bamako dès le 6 octobre 2020, entend bien "cadrer" un tel retour : « Attends que je cadre certaines choses, tu n’iras pas là où tu veux. ». Oui à Bamako, non à Gao, car c’est trop dangereux.

Les déclarations de Sophie Pétronin depuis sa libération ont de quoi déconcerter puisqu’elle a affirmé n’avoir aucune colère contre ses ravisseurs et qu’elle a toujours été respectée. À Bamako, elle a en effet affirmé : « J’ai transformé la détention, si on peut dire, en retraite spirituelle (…). J’étais dans l’acceptation de ce qui m’arrivait et je n’ai pas résisté, et puis voilà, je m’en suis sortie (…). L’air était sain, bon (…). Je me suis accrochée, j’ai tenu, j’ai beaucoup prié parce que j’avais beaucoup de temps, je me suis promenée, j’ai bien mangé, j’ai bien bu, de l’eau fraîche hein ! ». Plus tard sur TF1 : « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je vais bien (…). J’ai toujours été respectée, ils ont toujours pris soin de moi (…). J’étais hors du temps et de l’espace, entre le ciel et la terre (…). On a même quitté le Mali (…). J’ai continué de prier, particulièrement le soir, faire de la relaxation (…). Pendant trois ans et neuf mois, j’ai très bien dormi. ».

Des mauvaises langues pourraient parler du syndrome de Stockholm qui laisse entendre que les otages deviennent souvent favorables à leurs ravisseurs : « Appelez-les comme vous voulez, moi, je dirais que ce sont des groupes d’opposition armés au régime. ». Mais je pense que c’est bien plus complexe. Cette femme a la foi et elle semble avoir une foi en l’espérance qui dépasse ce qu’une personne ordinaire peut imaginer. Elle reste focalisée sur son monde à secourir et se préoccupe bien peu de son devenir même si cela ne lui est évidemment pas indifférent, pour elle, mais aussi pour les enfants qu’elle veut continuer à aider.

_yartiPetroninSophie02

"Là-bas", elle a en effet aidé de nombreux enfants atteints de malnutrition. Elle y a créé plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), l’Association d’entraide Nord Gao (AENG) en 1998, puis l’Association d’aide à Gao en 2004. Elle a déjà failli se faire enlever par des djihadistes en 2012 et elle a averti dans un rapport de ce risque d’enlèvement et d’attentat au Mali, ce qui fait qu’elle est restée aider les enfants maliens en toute conscience du danger auquel elle était exposée.

Enlevée le 24 décembre 2016 à Gao, elle a fait l’objet de très nombreuses inquiétudes sur sa santé et même sa vie. Sans nouvelles d’elle pendant de longs mois, les autorités françaises ont pu en avoir seulement le 1er juillet 2017 (elle était présente dans une vidéo avec d’autres otages). Elle est réapparue dans d’autres vidéos le 1er mars 2018 et le 13 juin 2018, et en novembre 2018, il était même question de sa libération prochaine.

Encouragé par Ingrid Betancourt, otage en Colombie, son fils a d’ailleurs montré beaucoup d’incompréhension vis-à-vis de l’exécutif qui ne semblait pas, de son point de vue, comprendre l’urgence de libérer Sophie Pétronin et semblait au contraire l’avoir abandonnée à son triste sort. Emmanuel Macron a réagi en affirmant, le 14 décembre 2018 : « L’État continue d’agir sans relâche pour retrouver notre compatriote. Une telle démarche pour réussir exige le professionnalisme et la discrétion. ». Lors de l’hommage national le 14 mai 2019 aux deux soldats morts au Burkina Faso pour libérer deux otages français, Emmanuel Macron a d’ailleurs rappelé : « Je pense à Sophie Pétronin aux mains de ses ravisseurs. Nous ne l’oublions pas ! ».

Ingrid Betancourt a aussi témoigné à propos de son propre enlèvement et de sa propre libération il y a douze ans, en évoquant Nicolas Sarkozy : « J’ai su plus tard qu’il appelait tous les  jours [en Colombie] pour faire pression. ». Néanmoins, Sébastien Chabaud-Pétronin (le fils de l’otage) n’a pas été très rassuré (ce qui peut se comprendre) et regrettait le manque de transparence des autorités françaises.

C’est sur ce point que je voudrais m’attarder. Voici justement un domaine où la transparence est foncièrement mauvaise. On dit que les secrets sont gardés souvent pour raison d’État, mais libérer une otage, réussir à la récupérer vivante, c’est une raison d’État largement suffisante. Il y a deux ans, le fils de l’otage semblait être persuadé que la France, refusant de négocier avec les djihadistes, laissait volontairement Sophie Pétronin à son triste sort pour ne pas hypothéquer son combat contre les djihadistes, mais l’histoire vient de montrer le contraire. La France n’abandonne jamais ses ressortissants.

S’il y a un point dont il ne faut absolument pas parler en public, ce sont les conditions dans lesquelles un otage a pu être libéré. C’est facile à comprendre : dès lors qu’on connaît le prix d’un otage, des organisations mafieuses ou (et) terroristes pourraient en profiter pour multiplier les prises d’otages. Et même dire publiquement, comme c’est le cas, que Sophie Pétronin était la dernière otage française, c’est dire son prix très élevé et donner de mauvaises idées à des organisations qui détestent la France.

C’est avec cette clef de compréhension qu’il faut fermement condamner la réaction de la présidente du RN Marine Le Pen, visiblement déjà en pleine campagne électorale et malheureusement, sur les traces de son père en ce qui concerne le contenu de ses déclarations. Une occasion perdue de se taire.

Dans un tweet le 9 octobre 2020, Marine Le Pen a en effet déclaré : « Nos soldats combattent au Mali depuis de longues années. Certains de leurs camarades sont mort au combat. Jamais on ne devrait transiger avec l’islamisme et permettre la libération de djihadistes, au risque d’exposer plus encore nos armées déjà durement éprouvées. ». En clair, elle aurait préféré que la France abandonnât Sophie Pétronin.

Cette prise de position totalement irresponsable (c’est-à-dire, qui pourrait coûter la vie à d’éventuels futurs otages français dans l’avenir) de la candidate permanente du RN se basait sur des rumeurs persistantes provenant de responsables maliens sous couvert d’anonymat selon lesquelles des dizaines de prisonniers djihadistes auraient été libérés entre le 4 et le 6 octobre 2020.

Et pourquoi ne pas renvoyer Sophie Pétronin chez ses ravisseurs ? Bingo, l’assistant d’un député européen RN l’a lâché ! Damien Rieu, collaborateur de Philippe Olivier (RN), conseiller de Marine Le Pen, a en effet balancé sur Twitter le même jour : « On a libéré 200 criminels jihadistes qui vont repartir tirer sur nos soldats et dépensé 10 millions pour elle mais elle se convertie [sic !] à l’Islam et veut retourner au Mali… Rendez Sophie Pétronin à ses ravisseurs ! » (9 octobre 2020). Ce militant d’extrême droite aurait-il le cran de le dire en face de cette femme courageuse, yeux dans les yeux et pas dans son petit fauteuil douillet à Bruxelles ? D’autant plus qu’aucune confirmation n’a eu lieu (et n’aura lieu, évidemment) sur ce possible échange de prisonniers ni sur leur nombre et l’identité des personnes libérées (nul doute que le coup d’État du 18 août 2020 et l’éviction du Président Ibrahim Boubacar Keïta a fait bouger les choses).

Ces déclarations (qui n’ont pas beaucoup moussé le week-end) montrent au moins deux choses concernant la candidate RN de 2022 : d’une part, elle est incapable de sens de l’État car s’il y a bien un secret d’État à préserver pour l’intérêt national, c’est bien sur les négociations pour la libération des otages (professionnalisme et discrétion, comme le rappelaient l’Élysée et le Quai d’Orsay) ; d’autre part, il y a des Français pour lesquels on peut risquer la vie de soldats pour les libérer, et d’autres non, en particulier s’ils sont musulmans. Bonjour la devise républicaine ! C’est la preuve que Marine Le Pen se moque de l’intérêt national et n’a donc rien d’une patriote, comme elle voudrait le laisser croire, elle préfère la posture et la polémique politiciennes, quand bien même cela pourrait mettre en danger la vie d’éventuels futurs otages français…

Inutile par ailleurs de faire la publicité des réactions totalement hors sol de Florian Philippot, l’ancien proche de Marine Le Pen, ou de sites comme Ripostes laïques qui répondent bien à la formule selon laquelle l’excessif est insignifiant.

_yartiPetroninSophie03

Pour Emmanuel Macron, contrairement à ces déclarations à l’emporte-pièce de l’extrême droite, c’est au contraire un grand succès diplomatique de la France que cette libération de Sophie Pétronin qui a été très longue à négocier.

Enseignant à l’IEP de Paris et spécialiste des prises d’otages, Étienne Dignat a insisté, dans une interview à "20 Minutes" le 9 octobre 2020, sur l’union nationale et sur les raisons de la libération des prisonniers : « Il est important que ce moment d’union nationale soit respecté, vis-à-vis de Sophie Pétronin et de ses proches. Pour ce qui est du terrain, il faut rappeler que c’est l’État malien qui a relâché ces djihadistes, afin d’obtenir la libération de Soumaïla Cissé, figure éminente de la vie politique du pays. L’échange aurait par conséquent eu lieu d’une manière ou d’une autre et devient une victoire quand il engendre des scènes de liesse au Mali, à l’image de la nuit dernière. ».

Pour cet expert, la libération éventuelle des djihadistes ne renforcerait pas significativement leurs positions sur le terrain car la France a déjà remporté des succès tactiques sur place. La libération de Sophie Pétronin est aussi un succès français : « Une libération est en soi un succès diplomatique puisqu’elle démontre une connaissance fine du terrain et une capacité à mener à bien une négociation d’une extrême complexité. Dans le cas présent, la France a su s’adresser aux bons interlocuteurs et mobiliser son allié malien pour mener conjointement l’échange. ».

Je termine néanmoins par la fin de l’interview d’Étienne Dignat qui mérite de s’y arrêter et de nourrir la réflexion : « La crise sanitaire n’a fait que renforcer l’attachement à la sacralité de la vie humaine dans les sociétés occidentales et le rôle attribué à l’État dans la gestion de la vie de ses citoyens. La libération de Sophie Pétronin ne fait que confirmer la disposition de notre société à sacrifier une partie de sa liberté, de sa sécurité ou de ses ressources pour l’un de ses membres. Un bref calcul permet d’esquisser un parallèle : le gouvernement estime que le confinement a causé une perte de 120 milliards d’euros et qu’il aurait permis de sauver 60 000 vies, soit 2 millions d’euros par vie humaine. Une somme finalement assez proche des rançons généralement demandées pour la libération d’un otage. » ("20 Minutes", le 9 octobre 2020).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :

Interview d’Étienne Dignat dans "20 Minutes" du 9 octobre 2020 sur la libération de Sophie Pétronin.

Sophie Pétronin.
Ingrid Betancourt.
Taxe Nutella : Serge Atlaoui, otage de l’huile de palme ?
Pourquoi mourir au Mali ?
L’engagement militaire de la France au Mali le 11 janvier 2013.
Daech.
Commando Hubert : la France dans l’unité nationale autour de ses deux héros.
Bénin : le courage et le sacrifice de deux vies pour en sauver d’autres.
Niger : le prix d’un message.
N’oublions pas le sacrifice du colonel Arnaud Beltrame !
Nos soldats à Beyrouth, il y a trente-cinq ans…
Hommage des quatre soldats tués le 24 janvier 2012 en Afghanistan.
Ils ne sont pas des numéros.
Chasseurs alpins en Afghanistan.

_yartiPetroninSophie04




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201008-sophie-petronin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/polemiques-indecentes-sur-la-227747

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/10/11/38583978.html









 

Partager cet article
Repost0
11 octobre 2020 7 11 /10 /octobre /2020 03:56

« Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. » (Parlement français, 11 octobre 2010).



_yartiBurqaB02

Il y a dix ans, le 11 octobre 2010, la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a été promulguée par le Président Nicolas Sarkozy. Initié par Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, et soutenu par Robert Badinter, sénateur PS des Hauts-de-Seine, ce texte, qui ne voulait stigmatiser aucune religion en particulier, avait pour but d’éviter que des femmes musulmanes ne circulent dans les rues d’une ville recouvertes complètement d’une burqa ou niqab.

Dix ans sont passés, et la France, comme le reste du monde, est en pleine pandémie de covid-19. L’un des moyens pour protéger les autres du coronavirus SARS-CoV-2, c’est le port du masque. Prenant le contre-pied de la loi du 11 octobre 2010, a été promulguée il y a trois mois la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire qui a permis le décret n°2020-860 du 10 juillet 2020, base légale des arrêtés préfectoraux imposant le port du masque dans certains territoires. Depuis le 20 juillet 2020, le port du masque est obligatoire dans les espaces publics confinés, et depuis le mois d’août, beaucoup de communes ont fait adopter l’obligation du port du masque même à l’extérieur, parfois dans tout le territoire de la commune (en accord avec le préfet, puisqu’il s’agit avant tout d’une décision préfectorale).

Le 30 juillet 2020, j’avais rédigé un article sur le port du masque où j’avais évoqué, entre autres, l’éventuelle contradiction entre le port obligatoire du masque et l’obligation de ne pas dissimuler le visage dans les espaces publics. Partie que je repropose ici et que je veux ensuite compléter.

Pour empêcher une certaine "islamisation des rues françaises" ou, si l’on prend le phénomène par un autre bout, pour "protéger les femmes dans leur intégrité vestimentaire", les parlementaires ont légiféré il y a dix ans pour interdire le port de la burqa dans les espaces publics. Évidemment, la motivation officielle n’a pas pu être formulée de manière si crue, si bien qu’il a fallu trouver des termes législatifs pour ne pas stigmatiser une religion.

En effet, la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 "interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public" a su trouver les termes neutres pour empêcher le port de la burqa : la dissimulation du visage. Et il faut vraiment ne pas avoir l’esprit perspicace pour ne pas penser aujourd’hui au port obligatoire du masque.

Heureusement, le législateur est sage et astucieux, et a pensé à (quasiment) tous les cas de figure. La loi n’interdisait déjà pas le port du casque de moto ou mobylette qui dissimule aussi le visage, ni non plus le port de masque de carnaval quand il s’agit d’une fête de même nom (j’imagine qu’à Halloween aussi, on a le droit de se déguiser en grosse citrouille, mais le décret d’application précise qu’il faut que ce soit une fête "traditionnelle", est-ce valable pour Halloween ?).

Si l’article 1er est très court et très clair : « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. », il est suivi d’autres articles pour en limiter la portée. Mais déjà dans la formulation même (très judicieuse) de cette phrase, il y a beaucoup de finesse : "une tenue destinée à dissimuler le visage" n’est pas "une tenue dissimulant le visage", et le masque chirurgical peut donc déjà être autorisé puisqu’il ne vise pas à dissimuler le visage mais à protéger les autres de la pandémie de covid-19.

Dès le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2010 (dans le premier aliéna, on définit ce qu’est un "espace public"), le cas d’une pandémie est imaginé : « L’interdiction prévu à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles. ». On sent que le législateur a tenu à imaginer tous les cas, le masque à souder en pleine rue, le masque des escrimeurs dans une compétition publique, le carnaval, etc.

D’ailleurs, aujourd’hui, c’est moins coûteux de porter la burqa qui est interdite que de ne pas porter un masque là où c’est obligatoire, vu que l’amende prévue est seulement celle d’une contravention de deuxième classe (au lieu de quatrième classe). Mais il faut donc bien insister sur le fait qu’il n’y a aucune incohérence, ni incompatibilité ni opposition entre la mesure du port du masque obligatoire et cette loi de 2010 contre la dissimulation du visage dans l’espace public.

_yartiBurqaB03

Insistons aussi sur le fait que la loi s’occupe des crimes et des délits et que le décret s’occupe des contraventions. Les mesures sur le port du masque sont donc d’ordre réglementaire et pas législatif.

Dans un article mis en ligne le 18 avril 2020 et mis à jour le 17 septembre 2020 sur le site d’actualités juridiques Village de la Justice, Pascal Boisliveau, docteur en droit de l’Université de Nantes, cite le deuxième alinéa de l’article 122-4 du code pénal qui dispose : « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal. ». Ainsi, lorsque les forces de l’ordre imposent le port du masque dans un espace public, la personne qui doit mettre le masque est réputée non pénalement responsable en cas d’éventuelles incompatibilités législatives ou réglementaires.

Ce juriste cite également la circulaire du 2 mars 2011 qui précise les "éléments constitutifs de la dissimulation du visage dans l’espace public". Et il explique : « La difficulté de ce texte est qu’il souligne d’un côté l’absence de nécessité d’une intention de dissimulation, de l’autre la destination de la tenue, ayant pour objet de rendre impossible l’identification de la personne. Cela se résout par la simple constatation par les forces de l’ordre du résultat du port de la tenue : si la personne peut être identifiée, l’infraction n’est pas caractérisée. ». Dans cette circulaire, il est également dit : « Dès lors que l’infraction est une contravention, l’existence d’une intention est indifférente : il suffit que la tenue soit destinée à dissimuler le visage. ».

Pascal Boisliveau remet en cause l’exception de "raisons de santé" inscrite dans la loi du 11 octobre 2010 : « Étonnamment, la circulaire de 2011 est muette sur ce point. Qu’est-ce donc que ces "raisons de santé" ? Une pandémie mondiale constitue-t-elle une telle "raison" ? Sauf avis officiel du gouvernement, le problème de pandémie reste en droit une situation générale, abstraite ; alors que l’interdiction, et sa répression pénale, impose une analyse concrète de la situation, à l’instant de la constatation par l’agent contrôleur. ».

Mais apparemment, Pascal Boisliveau, certainement excellent juriste, n’a pas connaissance de l’intérêt du port du masque, car il poursuit ainsi : « Cette approche concrète impose alors que l’individu qui veut se dissimuler le visage (ce à quoi aboutit le port du masque) établisse en quoi sa santé le contraigne à cela. Tous les individus sains n’auraient alors aucun motif concret pour s’appliquer cette exception, si ce n’est celui d’être vivant, situation trop générale pour nécessiter un document, ubuesque, en ce sens. ». Eh non, justement ! Le masque, répétons-le, n’est pas pour protéger celui qui le porte, mais les autres, ceux qui sont dans son entourage. Par conséquent, la santé de chacun nécessite que les autres, dans l’entourage, portent un masque. De toute façon, je ne vois pas en quoi l’existence de la pandémie, ce qui signifie un besoin de prendre des mesures de santé publique, donc collective, ne serait pas une "raison de santé" suffisante au sens de la loi du 11 octobre 2010.

Dans tous les cas, s’il considère que la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 n’était pas suffisante pour exclure le port du masque des dissimulations au sens de la loi de 2010 (ce qui est fort discutable), la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 résout les éventuelles contestations juridiques sur ce plan-là. La responsabilité du gouvernement est de reprendre les prérogatives de l’État régalien, à savoir la protection et la sécurité des citoyens, et dans ce cadre, ces mesures sanitaires peuvent être prises. Ne pas les prendre serait d’ailleurs aussi illégal que le contraire, en tout cas, une faute de bonne gouvernance !

Du reste, dans la seule journée du 10 octobre 2020, 26 896 personnes ont été dépistées positives au covid-19 en France, ce qui a fait exploser les précédents records quotidiens. Loin de s’essouffler, hélas, et comme on pouvait le craindre dès le milieu du mois de juillet 2020, l’épidémie poursuit sa macabre odyssée. Même si, heureusement, la plupart des cas positifs sont asymptomatiques ou développent une forme légère de la maladie, on sait malheureusement qu’une part de ces nouveaux cas ira en service de réanimation, et qu’une partie d’entre eux va en mourir.

Alors, il ne s’agit ni de posture politique ni de liberté, ni de droit, ou plutôt, simplement du droit à vivre ou à survivre, de la liberté de vivre. Porter le masque, c’est l’un des gestes qui, à moindres frais, permet de freiner la circulation du virus et d’éviter cette stratégie stupide de l’immunité collective hors vaccin qui signifierait plusieurs centaines de milliers de morts en France. Sans compter les dégâts humains collatéraux : le 10 octobre 2020, le professeur Axel Khan a évalué à 4 500 le nombre de personnes atteintes du cancer, qui seront mal soignées (opérations retardées, dépistages retardés, etc.) à cause de la recrudescence de l’épidémie et en décéderont alors que leur décès aurait pu être évité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
10 ans après la loi anti-burqa, la loi masque-obligatoire.
Islamo-gauchisme : le voile à l’Assemblée, pour ou contre ?

_yartiBurqaB01




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201011-loi-burqa.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/10-ans-apres-la-loi-anti-burqa-la-227702

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/20/38544336.html








 

Partager cet article
Repost0
26 septembre 2020 6 26 /09 /septembre /2020 03:13

« Le risque d’origine sunnite demeure la principale menace à laquelle est confronté notre pays. » (Gérald Darmanin, le 31 août 2020 à Paris).



_yartiCharlieHebdoF01

L’exfiltration d’urgence de chez elle, le matin du 22 septembre 2020, de l’actuelle DRH du journal "Charlie Hebdo" (il vaut mieux ne pas citer son nom, elle n’est pas un personnage public et a droit à la tranquillité) n’était pas une mesure paranoïaque. En effet, deux personnes ont été très gravement blessées à l’arme blanche par un ou deux terroristes islamistes ce vendredi 25 septembre 2020 parce qu’elles travaillaient (me semble-t-il) dans le même immeuble que l’ancien siège de "Charlie Hebdo".

On pourra toujours polémiquer sur : aurait-on pu éviter cet attentat ? Il est clair que les terroristes sont comme ces hackers capables de contourner les protections informatiques : quelqu’un prêt à perdre sa vie en voulant entraîner dans son trip infernal le maximum d’autres vies humaines, évidemment innocentes, pourra toujours trouver la petite fenêtre des possibilités, puisqu’il est impossible de protéger chaque citoyen par un représentant des forces de l’ordre, protection qui aurait d’ailleurs le goût amer d’une surveillance d’État et d’une restriction des libertés publiques. On se rappelle notamment l’attentat qui a coûté la vie à un policier en pleins Champs-Élysées le 20 avril 2017, juste avant le premier tour de la dernière élection présidentielle.

La médaille de la réaction la plus inadaptée revient (sans surprise) à Marine Le Pen qui, comme un robot du web, avant même de connaître les circonstances exactes de l’attentat, a immédiatement fustigé la politique d’immigration du gouvernement, en se demandant honteusement combien de morts auraient été évitées si on avait fermé les frontières. Quel manque de respect pour les victimes, aucune compassion à un moment où leur pronostic vital était encore engagé. Déconnectée, et discrédité car n’apportant aucune solution dans l’intérêt des Français. Juste de la posture politicienne et électoraliste prévisible dans la perspective de 2022.

Ce qui est clair, c’est que les cellules anti-terroristes en France ne sont pas inactives et Gérald Darmanin l’avait déjà annoncé dans son discours sur l’état de la menace terroriste le 31 août 2020 au siège de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure).

Il disait notamment : « Depuis 2013, 61 attentats ont été déjoués, dont 32 depuis 2017 ; au début de l’année encore, un projet d’ampleur a été déjoué (…). Depuis 2017, ce sont 10 attaques qui ont abouti, sur le territoire national, à la mort de 20 personnes. ».

_yartiCharlieHebdoF06

Et le ministre a ajouté : « La menace représentée par des individus adeptes d’un islam radical, sensibles à la propagande, mais non nécessairement liés à un groupe constitué, devient un défi croissant pour les services de renseignement qui assurent aujourd’hui le suivi de 8 132 individus inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). (…) À ce jour, 505 détenus terroristes islamistes en lien avec la mouvance islamiste [sont recensés et] 702 détenus de droit commun [sont] susceptibles de radicalisation (…). Le défi sécuritaire est majeur pour les services de renseignement. En 2020, les prévisions de libération sont évaluées à 45 détenus condamnés pour des faits d’association de malfaiteurs terroristes (…). Ce chiffre connaîtra une nouvelle hausse en 2021 avec la sortie prévisionnelle de 63 terroristes islamistes condamnés. ».

En outre, la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a permis la mise en place de 532 périmètres de protection, la fermeture de 7 lieux de culte, la notification de 312 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, dont 65 encore actives, et la réalisation de 170 visites domiciliaires, dont plus d’un tiers a eu des suites judiciaires. En revanche, cette loi est expérimentale et ne devrait plus s’appliquer à partir du 31 décembre 2020.

L’attentat du 25 septembre 2020 n’est donc pas anodin, il n’est que la surface d’une véritable bulle submergée du terrorisme islamique qui, aujourd’hui, continue de cibler le journal "Charlie Hebdo". Depuis le 2 septembre 2020 se déroule le procès des auteurs de l’attentat de "Charlie Hebdo" ou plutôt, des attentats de janvier 2015 qui ont fait dix-sept victimes.

Citons-les : Frédéric Boisseau, Cabu, Charb, Tignous, Honoré, Wolinski, Bernard Maris, Elsa Cayat, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet, Clarissa Jean-Philippe, Yohan Cohen, Philippe Braham, François-Michel Saada et Yoav Hattab. Souvenons-nous d’eux, dont certains ont eu des gestes ultimes d’héroïsme.

Prenant l’occasion de ce procès, "Charlie Hebdo" a republié des caricatures de Mahomet le 2 septembre 2020 ("Tout ça pour ça"). Encore pour ce numéro, il y a eu des déclarations très violentes dans le monde musulman, notamment des dirigeants pakistanais qui se sont associés aux expressions de haine et de délires d’une foule enflammée contre la France. On ne s’étonnera donc pas que, d’après le Ministre de l’Intérieur, l’un des assaillants au hachoir serait de nationalité pakistanaise.

J’ai envie de rappeler cette tirade du "Mariage de Figaro" : « Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. ». Ce texte de Beaumarchais date de 1778, toujours d’actualité.

À la même époque, Voltaire disait un peu la même chose dans "Questions sur l’Encyclopédie" : « Paraît-il parmi vous quelque livre nouveau dont les idées choquent un peu les vôtres (supposé que vous ayez des idées), ou dont l’auteur soit d’un parti contraire à votre faction, ou, qui pis est, dont l’auteur ne soit d’aucun parti : alors vous criez au feu ; c’est un bruit, un scandale, un vacarme universel dans votre petit coin de terre. (…) Un livre vous déplaît-il, réfutez-le ; vous ennuie-t-il, ne le lisez pas. ». Ce texte date de 1772.

Ce monde d’islamisme radical est "fou". En quoi un "obscur" journal qui n’est probablement pas proposé dans les kiosques au Pakistan peut-il gêner un musulman pakistanais ? Faudrait-il brûler tous les journaux qui publieraient un article qui détesterait ce que j’aime ou qui aimerait ce que je déteste ? Monde de "fous" mais esprit bien sur terre pour organiser le combat terroriste notamment en France.

_yartiCharlieHebdoF02

Je répète ce que j’ai déjà écrit auparavant : je n’ai pas du tout l’esprit de ce journal satirique qui tire sur tout ce qui bouge, mais c’est son style et c’est sa manière d’exister. Ils ont publié par exemple des caricatures qui ont été odieuses pour les catholiques, ou la religion catholique en général, mais jamais je ne me sentirais blessé par des attaques éditoriales qui ont bien le droit d’exister si elles ont un public, dès lors qu’elles restent dans le cadre de la loi (notamment, pas d’incitation à la haine). Qu’un bouffe-curé bouffe du curé ne me paraît pas vraiment étonnant et encore moins scandaleux, c’est même dans l’ordre des choses, mais cela ne m’engagerait pas à le lire ni à apprécier prose ou dessins. Je serais plutôt blessé par un proche ou par une personne qui compte dans le "domaine" attaqué (on parle de religion mais on peut aussi de profession, de nationalité, etc.).

En revanche, je ne peux que me sentir "Charlie" ("Je suis Charlie") quand je vois que la rédaction a été massacrée pour avoir publié des caricatures de Mahomet. En balance, finalement, l’inconfort intellectuel de dessins qui dérangent ou la solidarité avec des membres d’une rédaction qui ont payé de leur vie pour faire vivre le flambeau de la liberté d’expression ?

S’il y a bien une personne dont la réflexion sur les attentats de "Charlie Hebdo" est utile et instructive, c’est bien Philippe Val, qui fut très longtemps le directeur de la rédaction de "Charlie Hebdo" et qui fut aussi directeur de France Inter par la suite. C’est lui qui a décidé de publier les caricatures de Mahomet, et son but était de ne pas se laisser intimider par les menaces des islamistes. Il avait cru qu’il serait suivi par tous ses collègues français. Or, à part un hebdomadaire, "Charlie Hebdo" fut le seul à avoir eu le courage de publier ces caricatures et ce manque de solidarité dans la presse française a transformé les journalistes de la rédaction de "Charlie Hebdo"en cibles permanentes. Pas seulement les journalistes, d’ailleurs, tous ceux qui travaillent pour ce journal.

En ce moment, Philippe Val est souvent dans les médias. Son message est souvent le même : il veut le marteler pour qu’il soit compris, pour qu’il soit entendu. Par exemple, sur France 5, dans "C à vous" le 2 septembre 2020, Philippe Val a insisté sur le manque de solidarité de ses confrères. Il aurait fallu, selon lui, que toute la presse française publiât ces caricatures de Mahomet, et il y aurait eu une solidarité de fait entre toutes les rédactions face à l’islamisme radical. De même, il considérait que le procès des auteurs des attentats devait être un procès politique, qu’on fasse le procès politique de l’islamisme politique.

Entre autres interventions sur les plateaux de télévision, il était aussi chez David Pujadas le 22 septembre 2020 sur LCI, un plateau où il est un invité récurrent. Il a expliqué que les menaces de mort faisaient maintenant partie de sa vie, il est en permanence sous protection policière et cela a pu lui arriver qu’être en alerte, c’était alors une dizaine de policiers qui étaient chargés d’assurer sa protection et celle de sa famille. Le confinement avait à peine changé sa vie quotidienne. Et il a clairement indiqué d’où venaient les menaces : d’Al-Qaïda au Yémen. C’était d’ailleurs ce groupe terroriste qui avait revendiqué les attentats de janvier 2015.

_yartiCharlieHebdoF04

Mais Philippe Val va beaucoup plus loin dans sa critique du manque de solidarité, même si ce manque de solidarité a finalement été démenti, certes tardivement, par la publication simultanée, le 23 septembre 2020, par une centaine de médias, d’une lettre ouverte à nos concitoyens : "Ensemble, défendons notre Liberté d’expression" pour soutenir "Charlie Hebdo".

En effet, Philippe Val a fustigé le principe de l’autocensure, que les intellectuels, aujourd’hui, en France, préfèrent se brider pour éviter de se mettre en danger. Que finalement, les terroristes avaient gagné la partie car ils ont insufflé la terreur parmi ceux qui analysent et réfléchissent, ceux qui devraient avoir l’esprit lucide et critique.

Et il a pointé du doigt ce qu’il considère comme une imposture intellectuelle : le principe de l’islamophobie. Selon lui, ce mot provient des mollahs iraniens lorsqu’ils ont condamné Salman Rushdie pour faire habilement diversion. L’idée effectivement est de faire l’amalgame entre l’islam et l’islamisme et de crier à l’islamophobie quand on ose critiquer l’islamisme politique. Philippe Val n’est ainsi pas tendre avec une certaine partie de la gauche française qui n’hésite pas à mélanger les deux, probablement en considérant que les Français musulmans seraient le nouveau prolétariat à défendre, ce qui n’a rien à voir. En clair, mais sans dire je crois le mot, Philippe Val a fustigé l’islamo-gauchisme.

Ce qui est frappant, mais ce n’est pas une nouveauté, c’est le traitement de l’information pour cet attentat du 25 septembre 2020. Description gore, détail presque clownesque (un assaillant aurait été interpellé parce qu’il portait des baskets rouges, comment imagine-t-on préparer minutieusement un attentat et porter des chaussures rouges qui distinguent des autres ? quelle impréparation).

Et on a pu entendre, dans le flux ininterrompu des réactions et surréactions, des propos parfois révoltants, comme, sur le plateau de "C dans l’air" sur France 5, cet intervenant (dont je tais le nom par charité chrétienne) qui a osé faire une différence de gravité entre ceux qui sont assassinés parce qu’ils sont Juifs et ceux qui sont assassinés parce qu’ils ont dessiné Mahomet (le pire, à mon sens, c’est que personne n’a réagi autour de lui). Pourquoi scandaleux ? Parce que, avec cette logique, ceux qui ont caricaturé Mahomet auraient pu ne pas le faire et être épargnés ? C’est n’avoir rien compris au terrorisme islamique. Et ceux qui se détendaient sur une terrasse de café aussi auraient mieux fait de ne pas le faire ? C’est dire "ils l’ont bien cherché" qui n’est pas moins scandaleux que lorsqu’on explique le viol par "elle l’a bien cherché" ("elle aurait pu porter une tenue décente, vraiment !"). Pour dire : "ils auraient pu respecter un peu mieux une religion". Non, la France, c’est de pouvoir choquer les autres si c’est fait sans appel à la haine. C’est cela, être Charlie.

Le 25 septembre 2020 toujours sur LCI, Philippe Val a réagi à l’attentat en disant que le risque pesait sur tout le monde, pas seulement les journalistes de "Charlie" : « C’est la France qui est visée, et les États de droit », en soulignant que les islamistes radicaux étaient en guerre politique contre "nous", contre les États de droit qui sont en cette période fragile avec la crise économique et sanitaire, il y a une volonté politique de faire vaciller les démocraties.

_yartiCharlieHebdoF05

Le quinquennat de François Hollande a mis un temps fou à associer islamisme politique et terrorisme. Emmanuel Macron, au contraire, n’hésite pas même à employer l’expression s’il préfère sans doute le mot séparatisme (ou séparatismes, au pluriel). En tout cas, il l’a dit clairement, il a défendu le droit au blasphème. Tout comme Gérald Darmanin encore au journal télévisé de France 2 le 25 septembre 2020 où il a déclaré que certains dessins de "Charlie Hebdo" pouvaient le choquer personnellement mais que le journal avait la liberté de choquer s’il le voulait.

Ce qui tue la liberté, c’est d’abord cette indifférence diffuse. Et la question, qui va continuer à être posée, c’est : à chaque attentat islamiste, et hélas, il y en aura probablement encore dans le futur, faut-il d’abord s’inquiéter d’un regain d’une supposée islamophobie ou pleurer les vies blessées ou massacrées des victimes ?

Au moins, la rédaction de "Charlie Hebdo" a déjà répondu à la question en ne se laissant pas intimider : « Loin de nous terroriser, de tels événements doivent nous rendre encore plus combatifs dans la défense de nos valeurs. Il n’est pas question de céder quoi que ce soit à la logique mortifère et criminelle des idéologies qui motivent ces actes. ». L’essentiel est dit. Je reste Charlie !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


(Les trois dessins proviennent de "Charlie Hebdo").


Pour aller plus loin :
Charlie Hebdo : mortelle indifférence.
Charlie Hebdo en 2015.
Islamo-gauchisme : le voile à l’Assemblée, pour ou contre ?
5 ans de Soumission.
Mosquée de Bayonne : non assistance à peuple en danger ?
La société de vigilance.
N’oublions pas le sacrifice du colonel Arnaud Beltrame !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.

_yartiCharlieHebdoF03




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200925-charlie-hebdo.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/charlie-hebdo-mortelle-227351

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/03/38513356.html







 

Partager cet article
Repost0
18 septembre 2020 5 18 /09 /septembre /2020 03:16

« Maryam Pougetoux ne peut pas ignorer que le hijab a désormais une signification politique, même si cette signification ne correspond pas forcément aux convictions de toutes les femmes qui le portent. Déléguée de l’Unef, ayant choisi d’exercer des fonctions politiques et publiques, elle ne peut pas faire abstraction de cette signification. Ce n’est peut-être pas le sens qu’elle-même donne à ce symbole, c’est néanmoins celui qu’il a pour la plupart des gens, y compris des musulmans de sa génération, il suffit de lire les argumentaires qu’ils développement pour ou contre le port du voile pour s’en convaincre. Sachant tout cela, le choix de Maryam Pougetoux d’arborer un hijab dans le cadre de son mandat n’est pas neutre, et ne relève pas uniquement de sa foi et de son for intérieur. » (Aurélien Marq, "Causeur", le 23 mai 2018).



_yartiVoileAssemblee01

Ce qu’expliquait il y a deux ans cette réflexion dans "Causeur" reste toujours valable. Il évoquait la figure de Maryam Pougetoux, responsable de l’Unef de l’Université Paris-4 et par ailleurs, vice-présidente nationale de l’Unef, portant en permanence le hijab. Son portrait, réalisé par Aida Alimi et diffusé par la chaîne M6 le 12 mai 2018 (à l’époque, elle avait 18 ans), avait suscité quelques remous, notamment sur la compatibilité entre un engagement syndical et politique et le port "ostentatoire" d’un signe religieux qui signifie l’islam politique (en tout cas, comme le rappelle Aurélien Marq, interprété comme tel). Le Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb avait même réagi, à l’époque, ainsi que la Secrétaire d’État chargée de l’égalité homme-femme Marlène Schiappa, aujourd’hui chargée de la citoyenneté auprès du ministre Gérald Darmanin.

Tout le monde a le droit d’avoir la religion qu’il veut, mais il est des cadres institutionnels où l’afficher ne paraît pas indiqué. Ce qui vient de se passer dans les locaux de l’Assemblée Nationale ce jeudi 17 septembre 2020 remet dans l’actualité l’un des flous du Président Emmanuel Macron dont le parti, LREM, s’est montré ici particulièrement divisé. Rappelons en introduction que le 15 avril 2018, Emmanuel Macron avait déclaré : « Ce voile n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays. C’est-à-dire au rapport qu’il y a entre les hommes et les femmes dans notre pays. ».

Jamais aucun texte n’a exigé des femmes musulmanes de porter le voile qui était avant tout un vêtement de circonstance. En revanche, le voile est, au-delà de toute considération religieuse, une insulte à la dignité des femmes. Un enfermement, qu’il soit volontaire (comme cela semble le cas ici) ou imposé par des proches (père, grand frère, mari).

Le Parlement est en session extraordinaire depuis ce mardi 15 septembre 2020 et travaille à nouveau après la courte période estivale. Parmi les nouveautés, la création, à l’Assemblée Nationale, de la commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse. Constituée le 8 septembre 2020, elle est présidée par la députée LREM de Haute-Garonne Sandrine Mörch, et a commencé ses séances d’audition ce jeudi 17 septembre 2020. Parmi les invités à écouter l’après-midi, des représentantes de l’Unef, et en particulier Maryam Pougetoux, portant le voile (ainsi que le masque, comme c’est obligatoire dans l’enceinte du Parlement).

Après l’introduction des syndicalistes étudiants auditionnés, le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont a pris la parole pour un rappel au règlement et a exprimé son indignation qu’une personne invitée porte le voile au sein même de l’Assemblée Nationale, considérant que c’était un « acte communautariste délibéré ». Il a annoncé que tous les députés LR de la commission allaient donc quitter immédiatement la salle en signe de protestation.

Encore plus courageuse, la députée LREM de Paris Anne-Christine Lang, par ailleurs l’une des vice-présidente de cette commission, a également exprimé son refus d’écouter une personne voilée : « Je vais (…) quitter cette réunion. En effet, je ne peux accepter qu’au sein de l’Assemblée Nationale, le cœur battant de la démocratie, où règnent les valeurs fondatrices de la République, dont la laïcité, nous acceptions qu’une personne se présente en hijab devant une commission d’enquête. ». Elle a quitté la salle très émue, sous la réponse sèche et méprisante d’une pourtant "amie politique" LREM présidente de la commission, Sandrine Mörch, considérant (à tort) que ce n’était pas le sujet et que c’était un « mauvais procès ».

_yartiVoileAssemblee02

Cet incident a marqué les médias qui, bien sûr, ne manqueront pas de le rediffuser fréquemment le lendemain pour évoquer le sujet ultrasensible qu’est le port du voile à l’Assemblée Nationale. Beaucoup de collègues députés non membres de cette commission ont exprimé dans la soirée leur solidarité vis-à-vis de leurs collègues pour cette indignation, en particulier (et à titre personnel) le député LREM Sylvain Maillard par ailleurs porte-parole du groupe LREM. Leur nouveau président de groupe, Christophe Castaner, va avoir du mal à maintenir dans la cohésion un groupe aussi hétérogène, d’autant plus que ces dissensions concernent les valeurs et pas les projets.

Il ne s’agit pas d’en faire une nouvelle "affaire du voile" comme la France aime bien s’en créer depuis trente et un ans, mais il s’agit cependant de dénoncer ce que l’islam politique, progressivement, est en train de faire. D’ailleurs, dans cette affaire, qui est un bon marqueur, il est intéressant à écouter les réactions de tous les responsables politiques et éditoriaux, et immanquablement, on retrouvera l’islamo-gauchisme se diffusant auprès de personnalités qui vous expliqueront gentiment qu’on a bien le droit d’être musulman (oui, évidemment) et que le leur refuser serait de l’islamophobie. En clair, il faut être tolérant avec les musulmans, ce qui, à mon sens, n’est pas le problème. La laïcité ne saurait stigmatiser aucune religion.

Ces islamo-gauchistes, on les retrouve à gauche de l’échiquier politique, évidemment, mais aussi parmi les écologistes, mais c’est moins voyant, à moins que vert, c’est vert… Ainsi, le nouveau maire de Bordeaux a posé la première pierre d’une mosquée, mais refuse d’installer le sapin de Noël qui fait la joie des enfants chaque année, sous des prétextes peu convaincants : on doit respecter l’islam, on n’a plus le droit de respecter le christianisme, si tenté que soit le fait que le sapin de Noël représente le christianisme. Bref, cette "tolérance" est toujours dans le même sens. Ou plutôt, à sens unique, dans l’esprit de ces idéologues.

Même relativisme avec la liberté d’expression. Ainsi, après le portrait de Maryam Pougetoux sur M6 en 2018, l’ancien candidat du NPA à l’élection présidentielle Olivier Besancenot s’était indigné le 25 mai 2018 sur RTL de la caricature en une du "Charlie Hebdo" du 23 mai 2018 représentant Maryam Pougetoux sous la légende : "Parcoursup c’est la m*rde… Ils m’ont prise pour diriger l’Unef" (à 18 ans, j’aurais trouvé cela au contraire très flatteur d’être caricaturé et affiché en une d’un journal satirique).

Choqué, Olivier Besancenot : « La une Charlie, elle m’a pas plu, elle m’a pas fait rire, c’est pas la première fois. Quant à ceux qui sont là à demander à tout le monde de prononcer le mot "laïcité", moi, le mot "laïcité", je peux le prononcer, mais le mot "islamophobie", je peux aussi le prononcer. ». On ne pouvait être plus clair : pour ces gens-là, la laïcité, c’est moins important qu’aider l’islam politique à se développer en France. C’est là le danger, pas les croyants, mais les politiques. L’hebdomadaire "Marianne" commentait ces déclarations : « C’est d’ailleurs le mouvement d’Olivier Besancenot qui est à l’origine du tournant communautariste de l’Unef : (…) à partir de 2012, c’est bien la tendance du syndicat étudiant issue du NPA qui a promu l’instauration de réunions "non mixtes" réservées aux femmes, puis "non mixtes racisées", c’est-à-dire interdites aux Blancs. ».

Attention à ne pas se méprendre. L’affaire de la commission parlementaire n’a rien à voir au microscandale provoqué par un élu RN du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté en mal de notoriété, qui avait protesté le 11 octobre 2019 contre une accompagnatrice scolaire qui portait un voile. Elle était venu accompagner des enfants pour assister à une séance du conseil régional. La femme était discrète, n’était pas intervenue et ne dérangeait personne, ce qui est bien différent d’une personnalité convoquée officiellement par une commission d’enquête avec expression publique.

Du reste, des personnalités venues à des auditions de commissions parlementaires ont pu venir avec des signes ostentatoires de leur religion …quand elles étaient invitées ès qualités : un rabbin, un prêtre, un pasteur, un imam, venus donner le point de vue de leur religion sur un sujet particulier (notamment dans le domaine de la bioéthique), s’exprimaient au nom de leur religion. C’est moins normal pour une syndicaliste étudiante qui, en principe, représente des étudiants et pas une communauté religieuse particulière (j’imagine qu’il y a des chrétiens, des athées, etc. à l’Unef).

D’un point de vue "juridique", c’est-à-dire, à la question de savoir si on a le droit ou pas de porter le voile quand on est auditionné par une commission d’enquête parlementaire, il faut se référer au règlement intérieur de l’assemblée en question, et, a priori, il n’y a rien qui l’interdit. Interrogé par France Inter, un administrateur de l’Assemblée Nationale a confirmé : « Aucune règle n’existe et n’empêche d’auditionner une femme voilée (…). Rien dans le règlement ne fait obstacle à une quelconque tenue pour une audition. ». Mais rien n’interdit les députés de compléter le règlement intérieur.

Bravo à la députée Anne-Christine Lang qui a été courageuse et dont l’indignation a rendu plus symbolique cette affaire, car si c’étaient seulement les députés LR qui s’étaient indignés, on aurait pu les accuser d’une manœuvre politicienne. Au moins, la protestation de cette députée LREM, qui embarrasse tout son groupe, ne peut être que sincère et grave.

Mais la députée va plus loin, et alors que le 25 mai 2018, le relativiste Olivier Besancenot insistait pour trouver un "équilibre" entre "laïcité", "droits des femmes" et "islamophobie", Anne-Christine Lang considère que ce n’est pas seulement une atteinte à la laïcité, le plus grave est une atteinte à la dignité de la femme. Dans un tweeet quelques heures plus tard, elle a en effet expliqué : « En tant que députée et féministe, attachée aux valeurs républicaines, à la laïcité et aux droits des femmes, je ne peux accepter qu’une personne vienne participer à nos travaux à l’Assemblée Nationale en hijab, qui reste pour moi une marque de soumission. J’ai donc quitté cette audition. ».

Elle a tout à fait raison. Je connais plusieurs amis musulmans pour qui les droits des femmes, la laïcité, et plus généralement les valeurs de la République et aussi, bien sûr, les lois de la République ne posent pas de problème, en ce sens qu’il n’y a aucune incompatibilité à suivre les règles institutionnelles tout en cultivant leur foi. Ceux pour qui cela semble incompatible (au point que ceux qui défendent les valeurs de laïcité et droits des femmes deviennent des "islamophobes") sont clairement des soutiens plus ou moins implicites de l’islam politique. Et de cela pour mon pays, je n’en veux pas ! Au groupe majoritaire (LREM) de prendre ses responsabilités et de prendre l’initiative de réviser le règlement intérieur en ce sens !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Islamo-gauchisme : le voile à l’Assemblée, pour ou contre ?
Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
Une collusion tacite des secours humanitaires avec les passeurs criminels ?
Comment salir Danièle Obono ?
Ils sont tombés par terre, c’est la faute à Colbert !
Mort d’Adama Traoré : le communautarisme identitaire est un racisme.
La guerre contre le séparatisme islamiste engagée par Emmanuel Macron.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
5 ans de Soumission.
Mosquée de Bayonne : non assistance à peuple en danger ?
La société de vigilance.
N’oublions pas le sacrifice du colonel Arnaud Beltrame !
La Commission Stasi : la République, le voile islamique et le "vivre ensemble".
Rapport Stasi du 11 décembre 2003 sur la laïcité (à télécharger).
L’immigration, une chance pour la France : Bernard Stasi toujours d’actualité !
La laïcité depuis le 9 décembre 1905.
Le burkini réseau en question.
L’apéro saucisson vin rouge (12 juillet 2011).
Terrorisme islamiste de Daech.
L’esprit républicain.
Le patriotisme.
Représenter le prophète ?
L’islam rouge (19 septembre 2012).
La laïcité et le voile.
La burqa et la République.
Terrorisme et islamisme.

_yartiVoileAssemblee03



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200917-voile-assemblee-nationale.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/islamo-gauchisme-le-voile-a-l-227178

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/17/38540308.html




 

Partager cet article
Repost0
11 septembre 2020 5 11 /09 /septembre /2020 03:23

« Le ministère des Armées se souviendra de son audace au combat, de son patriotisme ardent, de sa modestie dans la Victoire. Edgard Tupët-Thomé reste un modèle d‘engagement, un exemple du service désintéressé au nom d’un idéal. (…) À l’instar de ses 1 038 frères d’armes, il personnifia l’honneur de la France et la participation de notre pays à la Victoire. » (Communiqué, le 9 septembre 2020).



_yartiTupetThomeEdgard01

Les héros s’éteignent, c’est hélas dans l’ordre des choses avec ce satané temps qui ne fait rien que d’avancer. Le doyen des compagnons de la Libération (décret du 17 novembre 1945) est parti ce mercredi 9 septembre 2020 à Paris, aux Invalides où il habitait après avoir longtemps vécu à Bicnic, près de Saint-Brieuc. Un hommage dans la cour d’honneur des Invalides est prévu le 17 septembre 2020. Veuf depuis deux ans, il a atteint les 100 ans le 19 avril 2020. Par le décret du Président Emmanuel Macron en date du 31 décembre 2019, le colonel Edgard Tupët-Thomé a reçu les insignes de Grand-croix de la Légion d’honneur (le grade le plus élevé) le 28 janvier 2020 des mains de son alter ego, Hubert Germain, compagnon de la Libération, devenu comme lui centenaire et séjournant comme lui aux Invalides.

En outre, l’ambassadeur du Royaume-Uni en France, Sir Ed Llewellyn, lui a remis le 2 juillet 2020 chez lui, aux Invalides, les insignes de membre honoraire de l’Ordre de l’Empire britannique après la décision du Premier Ministre britannique Boris Johnson, annoncée le 18 juin 2020, d’honorer ainsi les quatre derniers compagnons de la Libération. C’était une réponse diplomatique au choix du gouvernement français d’attribuer la Légion d’honneur à la Ville de Londres le 18 juin 2020. Les trois autres compagnons de la Libération sont Hubert Germain (né le 6 août 1920), Daniel Cordier (né le 10 août 1920) et Pierre Simonet (né le 27 octobre 1921). À l’intérieur de la crypte du mémorial érigé au Mont Valérien, un dix-septième caveau reste vide et est réservé au dernier survivant des compagnons de la Libération. Daniel Cordier a déjà pris les devants en refusant cet honneur si cet honneur devait lui échoir. Ce ne sera en tout cas pas Edgard Tupët-Thomé.

Comment peut-on encore imaginer l’été 1940 en été 2020 ? Les témoins sont de plus en plus rares, et la disparition de ce héros si moderne, si actuel, qui a risqué de nombreuses fois sa vie en si peu de temps, mais qui, finalement, l’a poussée très loin (nul n’est vraiment maître de sa destinée), est l’occasion, une fois encore, au-delà de l’émotion indicible des proches et entre les lignes des communiqués officiels, de rappeler, surtout pour les générations les plus jeunes, ce qu’est être patriote, ce qu’est aimer son pays au point de s’y consacrer, de s’y risquer, parfois de s’y perdre.

On est tellement dans la mode du "France bashing", par les Français eux-mêmes, qui n’ont plus besoin d’ennemis, une mode qui ne fait voir que les défauts de son propre pays, sans pour autant y voir ses atouts, son rayonnement, sa richesse, même plongé dans une crise profonde tant économique que sanitaire, que je me demande bien comment, aujourd’hui, on pourrait encore mobiliser des résistants pour sauver notre pays. Des "résistants", je dis bien, au sens de De Gaulle, au sens de l’été 1940, pas au sens des crypto-militants anti-masques qui, croyant être insoumis à un pouvoir supposé dictatorial (mais paradoxalement issu des urnes), jouant aux faux héros égoïstes et hypocrites dans leur salon, mettrant peut-être en danger un membre de leur famille par négligence, insouciance, inconscience, voire insolence.

Impossible donc de faire le parallèle entre notre situation actuelle, difficile, et cela va hélas continuer dans les mois à venir, et cette situation absolument effroyable de la débâcle en mai et juin 1940. L’impression qu’une si grande puissance, au sommet de la "communauté internationale" lors du Traité de Versailles, vingt et une petites années auparavant (c’est quoi, vingt et un ans en arrière ? c’est l’été1999, l’éclipse du soleil en août !), s’est écroulée comme un château de cartes, avec des responsabilités dans l’impréparation, l’absence d’anticipation des stratèges militaires et surtout, l’absence d’envergure des dirigeants politiques (en ce sens, De Gaulle est né trop tard et Clemenceau trop tôt !).

Emmanuel Macron a évoqué dans un communiqué le 9 septembre 2020 le « résistant de la première heure, qui fut jusqu’à son dernier souffle un homme engagé, prêt à opposer aux mauvais vents de l’histoire le souffle de l’idéal ».

_yartiTupetThomeEdgard02

Selon le site de l’Ordre de la Libération, après des velléités d’études de théologie, Edgard Tupët-Thomé s’est engagé dans l’armée en octobre 1938 en devançant son appel. Devancer son service juste avant la Seconde Guerre mondiale. Il n’a jamais quitté l’armée jusqu’en 1945. Envoyé aux combats en Lorraine en septembre 1939 et en Belgique en mai 1940, il s’est retrouvé à Dunkerque du 26 mai au 3 juin 1940, fut pris par l’armée allemande le lendemain mais a réussi à s’évader une semaine plus tard. Il refusa la défaite et l’armistice mais n’est pas parvenu à rejoindre Londres.

Quelques mois plus tard, il a intégré un réseau de résistance à Clermont-Ferrand, où il avait trouvé un emploi, et ce réseau fut en connexion avec De Gaulle dès mars 1941. Parmi les cinq premiers membres des FFL, Egard Tupët-Thomé s’est rendu à Londres en août 191 pour suivre un entraînement de parachutisme et a fait partie de l’état-major particulier de De Gaulle. Il fut parachuté à Châteauroux le 9 décembre 1941, il s’y blessa la tête, a poursuivi malgré tout ses missions puis fut exfiltré en Angleterre le 29 mai 1942 pour se faire soigner. Il quitta Londres en novembre 1942 pour d’autres missions FFL, à Saint-Pierre-et-Miquelon, puis en février 1943, dans les Antilles, puis en août 1943, retourna en Grande-Bretagne pour se préparer à ses prochaines missions de parachutisme. Plus tard, il a décrit son entraînement au sein du 4e Bataillon d’Infanterie de l’Air : « La formation militaire que nous avons reçue là-bas était très poussée. Nous étions surentraînés. Et il régnait un professionnalisme et un état d’esprit qui m’ont poussé. ».

Trois missions héroïques. Au début du mois d’août 1944 dans le Finistère, il libéra Daoulas (à 12 contre 60) et Landerneau : « La liberté qui était la mienne me permettait de jouer sur l’effet de surprise chez l’adversaire. Ainsi, nous avons franchi le poste de contrôle ennemi à Daoulas dans un véhicule de commandement allemand, sans être remarqués. Notre action dans l’opération Derry est d’ailleurs toujours citée en exemple à l’école militaire de Saint-Cyr. ».

Puis, deuxième mission, le 27 août 1944 dans le Doubs (il se blessa) pour renforcer les résistants du maquis du Lomont, près de la frontière suisse. Il libéra Clerval, où il a tué beaucoup de soldats allemands. Rejoignant l’armée américaine, il a sauvé, au péril de sa vie, un soldat américain et a ramené le corps d’un camarade tué le 23 septembre 1944 à Arches en Moselle.

Enfin, il est parachuté une troisième fois le 7 avril 1945 aux Pays-Bas pour des opérations elles aussi réussies, pour repousser l’armée allemande. Il fut d’ailleurs décoré aussi bien par les Pays-Bas que par le Royaume-Uni comme un soldat exemplaire et héroïque (en Angleterre, il a même été reçu par la reine mère !).

Après la guerre, il a travaillé comme viticulteur en Tunisie puis éleveur au Canada, puis, il a repris des études et est devenu ingénieur, d’abord dans un groupe industriel d’équipement ménager, puis dans un laboratoire pharmaceutique, enfin chez un constructeur automobile avant de terminer sa carrière professionnelle à la tête d’une agence de tourisme.

Pendant très longtemps, il était toujours présent aux cérémonies, tant à Bicnic qu’à Paris pour le 18 juin, le 8 mai , etc. mais cette année était un peu spéciale à cause de la crise sanitaire, il n’a pas participé à la cérémonie du Mont Valérien. Sa fierté la plus grande, ce fut : « avoir eu peu de pertes et ne pas avoir causé de dégâts aux civils. ».

Dans son livre de témoignage sorti en 1981 chez Grasset (et réédité aux éditions Atlante), Edgard Tupët-Thomé évoquait sa « nostalgie pour une époque où nous avons eu la chance rarissime de vivre loin des imposteurs, des tricheurs et des "habiles", entre hommes de bonne volonté ».

Car ce qui caractérisait le plus ce combattant, c’était la grande modestie : après la guerre, comme du reste Daniel Cordier entre autres, il ne s’est jamais prévalu de ses nombreux actes courageux commis pendant la guerre, alors qu’il aurait pu le faire à l’instar d’un François Mitterrand, âgé de seulement trois ans et demi de plus que lui. Interrogé par Marie-Claudine Chaupitre dans "Ouest-France" le 2 janvier 2020, un proche qui le connaissait bien, à Bicnic, Bernard Le Néel, a pu témoigner de cette discrétion et humilité : « Il ne voulait pas être considéré comme un héros. Il disait : "C’est le hasard, et puis, quand nous nous battions, nous avions l’avantage d’être des professionnels bien formés". ».

Hasard ou pas hasard, le courage, ce n’est pas forcément naturel, le vrai courage, celui qui fait risquer sa vie pour libérer celle des autres. Qu’Edgard Tupët-Thomé soit remercié par la nation française tout entière de cet héroïsme, il est un modèle, un exemple et une leçon pour tous les vrais patriotes. Souvenir et condoléances.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Edgard Tupët-Thomé.
Seconde Guerre mondiale.
Charles Denner.
Jacques François.
Le courage exceptionnel de deux centenaires.
Libération de Paris.
18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.
Hubert Germain.
Daniel Cordier.
Le programme du Conseil National de la Résistance (CNR).
Stéphane Hessel.
Daniel Mayer.
Roland Leroy.
Antoine de Saint-Exupéry.
Joseph Kessel.
Georges Mandel.
Jean Zay.
Simone Veil.
Antisémitisme.
Maurice Druon.
Joseph Joffo.
Anne Frank.
Robert Merle.
L’amiral François Flohic.
Jean Moulin.
André Malraux.
Edmond Michelet.
Loïc Bouvard.
Germaine Tillion.
Alain Savary.
Être patriote.
Charles Maurras.
Philippe Pétain.
L’appel du 18 juin.
Marie-Jeanne Bleuzet-Julbin.
Raymond Sabot.
François Jacob.
Pierre Messmer.
Maurice Schumann.
Jacques Chaban-Delmas.
Yves Guéna.
Général Leclerc.

_yartiTupetThomeEdgard03




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200909-edgard-tupet-thome.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/edgard-tupet-thome-parmi-mes-stars-227017

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/10/38525874.html








 

Partager cet article
Repost0
8 septembre 2020 2 08 /09 /septembre /2020 03:47

« Si nous contestons fermement les accusations dont nos contempteurs nous accablent, nous avons suffisamment de clairvoyance pour comprendre que la principale intéressée, madame Danièle Obono, ait pu se sentir personnellement blessée par cette fiction. Nous le regrettons et lui présentons nos excuses. À l’avenir nous maintiendrons la vigilance absolue dont doit faire preuve un journal comme "Valeurs actuelles", attaqué quotidiennement. » (Communiqué de "Valeurs actuelles", le 29 août 2020).


_yartiObono01

Même le journal reconnaît la faute morale ! Mais c’est trop tard, le mal est fait. La députée FI Danièle Obono a été l’objet d’une caricature odieuse au cœur d’une fiction dessinée dans le numéro de "Valeurs actuelles" du 29 août 2020. Comme la vie politique française aime bien depuis plusieurs années, une polémique est née de cette fiction parce qu’elle représentait Danièle Obono enchaînée en esclave. Une représentation qui a de quoi scandaliser unanimement toute la classe politique. Une telle unanimité est assez rare dans ce genre de polémique.

À qui profite la forte polémique ? On aurait pu imaginer aux deux parties, c’est-à-dire au journal "Valeurs actuelles" qui, par cette provocation, s’est fait un grand coup de publicité, et Danièle Obono, sa victime, qui a reçu des soutiens bien au-delà de ses frontières politiques habituelles.

"Valeurs actuelles" est un journal qui se situe généralement à droite de l’échiquier politique, et quand j’écris "à droite", il faut comprendre "bien à droite", c’est-à-dire "très à droite", principalement proche de Marion Maréchal. Les thèmes sécuritaires, les thèmes anti-élites sont généralement le miel de ce journal qui essaie en général de surfer sur l’électorat LR tenté par le RN. Mais avec cette polémique, le voici projeté encore plus à droite : car le RN, avec son trésorier et un vice-président, a rejoint les cohortes de l’indignation de ceux qui, pour l’occasion, soutiennent Danièle Obono.

Grâce à "Valeurs actuelles", le Rassemblement national devient un parti modéré, mesuré, le cœur sur la main, et prêt, à l’occasion, à soutenir une parlementaire qui pourtant faisait partie de ses pires adversaires, encore que l’histoire, même récente, a montré, à de très nombreuses reprises, des collusions évidentes (dans les  thèmes de campagne) entre extrême droite et extrême gauche. Mais ici, Danièle Obono n’est pas une représentante de l’extrême gauche, elle est plutôt la représentante du "camp du bien" face au "camp du mal".

Les idées et même la personnalité de Danièle Obono ne sont pas "ma tasse de thé", ou plutôt, pour être clair, je me sens très éloigné des idées politiques de Danièle Obono et sa personnalité ne m’attire pas beaucoup parce que je l’ai souvent entendu plonger dans de nombreuses polémiques souvent inutiles, souvent contreproductives avec les causes qu’elle défend (qui, parfois, pourraient être justifiées), mais il peut aussi y avoir une forme de maladresse (par exemple, ses réflexions à propos des "Indigènes de la République" sont peu claires car partagées entre un sentiment de "lutte commune" et des propos particulièrement scandaleux des dits militants en question). Proche de José Bové, ancienne membre de la direction nationale du NPA, Danièle Obono a rejoint Jean-Luc Mélenchon en 2012 à l’occasion de sa première campagne présidentielle.

En revanche, j’apprécie la combativité de Danièle Obono. D’autres, dans la même situation qu’elle, sont beaucoup moins combatifs et même, beaucoup moins actifs. Le 21 décembre 2017, le magazine "Capital" a classé Danièle Obono en 6e position parmi les députés les plus actifs ! Au moins, elle participe très activement au débat national et qu’on soit pour, contre, sans opinion, elle concourt un peu à ce qu’on pourrait dire la lente progression de la conscience collective. On ne peut pas en dire autant de tous les députés !

Et pourtant, Danièle Obono a été élue de façon plutôt surprenante, personne, pas même Jean-Luc Mélenchon, n’avait probablement imaginé l’élection de cette jeune bibliothécaire parisienne de 36 ans  le 18 juin 2017, de justesse au second tour, avec 50,7% des voix face à la candidate LREM donnée favorite.

Dans cette 17e circonscription de Paris (une partie des 18e et 19e arrondissements de Paris), plutôt de "gauche modérée", et terre électorale de Daniel Vaillant, ancien Ministre de l’Intérieur et député PS sortant (qui n’a fait que 6,6% au premier tour du 11 juin 2017 alors qu’il avait été réélu le 17 juin 2012 avec 72,8%), Danièle Obono n’a recueilli que 17,0% au premier tour, contre 31,0% pour sa concurrente LREM, soit le double. La gauche était particulièrement explosée dans la circonscription puisqu’il y avait un candidat communiste (assez connu) Ian Brossat (10,4%), une candidate avec l’investiture du PS et alliés (9,0%) mangeant sur l’électorat de Daniel Vaillant (6,6% donc) sans oublier les écolos EELV (6,3%) et de nombreux très petits candidats qui se réclamaient de la gauche ou de l’écologisme qui ont pris quelques %. À ces candidats, il faut aussi ajouter la candidate LR (6,5%) et la candidate FN (4,8%), tandis qu’en juin 2012, une autre candidate LR faisait quand même 18,3% et 27,2%, respectivement au premier et au second tours.

On voit clairement que les élections législatives ont suivi la logique présidentielle avec l’explosion des duels habituels LR vs PS en duels soit LREM vs FI, soit LREM vs RN. Il faudra d’ailleurs vérifier si cette évolution est pérenne et se renouvellera en juin 2022, même si, évidemment, il ne faut pas oublier la forte abstention en juin 2017 ni que les résultats de l’élection présidentielle de 2022 auront une grande influence sur les élections législatives (je reviendrai sans doute sur les velléités  de changement de mode de scrutin qu’on entend en ce moment).

Tout cela pour dire que l’élection de Danièle Obono n’avait rien d’une évidence, car si le bon score de son adversaire LREM était imaginable (mordant sur l’électorat du PS et de LR), en face de cette candidate, Ian Brossat (dont Danièle Obono avait été la candidate suppléante en 2012) avait beaucoup plus de probabilité pour récupérer la mise du vote "gauche de la gauche". D’autant plus que Danièle Obono n’avait pas eu une très forte influence électorale jusqu’à ce scrutin : elle a mené la liste Front de gauche dans le 2e arrondissement de Paris aux élections municipales de mars 2014 et n’avait recueilli que… 2,8% ! (certes, ce n’était pas le même terreau électoral parisien).

_yartiObono02

Mais revenons à la polémique avec "Valeurs actuelles". Je ne sais pas si l’opération de la revue a été positive pour elle, probablement en vente ou en audience, mais peut-être pas en réputation : le directeur de la rédaction Geoffroy Lejeune, dont j’apprécie le talent de débatteur, souvent avec des arguments réfléchis qui méritent de s’y attarder même si on n’a pas les mêmes convictions, a été débarqué de LCI, du groupe TF1, parce que le groupe de télévision ne voulait pas voir sa propre réputation être salie comme "Valeurs actuelles". En outre, un autre journaliste de cette revue a quitté le navire pour rejoindre la station Europe 1 (mais cette transhumance peut évidemment ne pas être liée, elles sont courantes à chaque rentrée).

On peut bien sûr, comme c’est le cas des "lynchages" médiatiques quasi-unanimes, avoir un doute et surtout, refuser d’en rajouter. Après tout, l’idée de "Valeurs actuelles", qui était, à chaque nouvelle publication pendant l’été, de proposer à ses lecteurs une bande dessinée mettant en situation une personnalité politique connue dans une autre époque pour peut-être la confronter à ses propres idées, était intéressante en elle-même. Ainsi, Danièle Obono n’a pas été la première "victime" de "Valeurs actuelles" qui a aussi mis en scène Éric Zemmour, Didier Raoult, François Fillon, sans que ceux-ci ne s’en aient ému.

Des vraies fictions (présentées comme telles, donc, il n’y a pas d’ambiguïté sur cela) mettant en scène des vraies personnalités politiques, c’est même monnaie courante chez les romanciers et chez les éditorialistes politiques. J’ai par exemple le souvenir d’un livre d’anticipation de Christine Clerc qui imaginait le premier gouvernement de la cohabitation en mars 1986, plusieurs mois avant ces élections. Ce sont souvent des livres sans lendemain, car quand on connaît la suite, quel intérêt, sinon pour des historiens sociologues en manque de sujet d’études, d’avoir à relire des hypothèses d’école (c’est même un grand risque que prend l’auteur, si les événements ne lui donnent pas raison ; en revanche, un jackpot de réputation et crédibilité dans le cas contraire).

Des bandes dessinées qui mettent en scène des vrais personnages politiques, il y en a beaucoup aussi, tous les Présidents de la République, aussi les candidats, Marine Le Pen en a été la cible dans plusieurs d’entre elles, etc. Et cela est tout à fait admissible dès lors qu’on explique ou fait comprendre que c’est une fiction (c’est le problème des sites d’humour comme le Gorafi ou autres qui sont parfois repris au premier degré par des complotistes n’ayant pas compris que c’était de l’humour, notamment à propos de cette affaire faisant intervenir Danièle Obono).

C’est pour cette raison que je ne pense pas que l’ouvrage de "Valeurs actuelles" pourrait être condamné par la justice car il relève de la liberté d’expression. Dès lors qu’une personne est publique, et aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, tout le monde est susceptible d’être une personne publique, elle peut être "utilisée" en étendard, en cible, en objet de fiction, etc. Le regard des autres n’appartient plus aux personnes concernées, et heureusement, car c’est le signe d’une bonne santé démocratique.

Pourtant, je comprends l’indignation collective contre ces dessins et cette fiction représentant Danièle Obono enchaînée et je me joins à cette indignation car je trouve sa représentation très violente. Le Président Emmanuel Macron, qu’on ne peut franchement pas dire adulé par Danièle Obono, l’a appelée au téléphone pour lui assurer de son soutien, au même titre qu’il l’avait fait avec Alain Finkielkraut et Éric Zemmour lorsque chacun d’eux a été agressé, là physiquement, dans la rue, près de chez lui. Je trouve ce coup de fil tout à fait raisonnable et rassurant, même si, à ce rythme, le Président de la République risque de devoir téléphoner à tous les journalistes et tous les responsables et élus politiques, à tel point ces derniers peuvent être "bousculés" par d’indélicats contempteurs.

Car de quoi s’agit-il vraiment ? Pas de droit, car je pense que "Valeurs actuelles" utilisent la liberté d’expression et que la mention de fiction devrait éviter tout risque de calomnie. Il ne s’agit pas non plus de politique. Certes, l’idée sous-jacente et lourdement démonstrative de "Valeurs actuelles", c’est de dire que les Africains aussi ont été des négriers et de tenter, maladroitement, de dire que les Européens n’y étaient pas pour grand-chose. Une thèse discutable mais qui ajoute à un débat qui, de toute façon, ne sera jamais clos, mais qui relève plus de l’histoire que de la politique. J’ai d’ailleurs toujours trouvé stupide de s’exprimer ou d’agir en tant que "descendant d’esclave",car c’est de l’imposture intellectuelle.

On peut agir en tant qu’enfant, petit-enfant, voire arrière-petit-enfant d’une personne qu’on a connue ou dont on a entendu parler par un parent, mais descendant au cinquième, dixième degré n’a aucun sens, car d’une part, on n’est pas 100% le un sur deux puissance le degré de génération, on est aussi tout le reste, et si cela se trouve, parmi les ascendants, on peut aussi avoir les contraires. Et d’autre part, c’est l’essentiel, on n’a pas besoin d’être descendant d’esclave pour lutter fermement et efficacement contre toute forme d’esclavage (même moderne, cela existe même encore dans des maisons bourgeoises de Paris), et heureusement, sinon, l’esclavage existerait toujours !

Ce n’est pas du droit, ce n’est pas de la politique, je pense que ce qu’a commis "Valeurs actuelles" est une faute morale. Or, la morale, rarement elle est condamnable devant les tribunaux. Heureusement, sinon, on risquerait d’être sous une emprise d’une dictature de l’ordre moral (à définir).

Mais c’est bien de morale qu’il s’agit. Il ne s’agit pas de racisme, car il ne faut pas trouver du racisme dans toute intervention désagréable, c’est un côté victimaire, qui ne me paraît pas pertinent, d’y voir du racisme ou du sexisme dans toute attaque personnelle (puisque, ici, Danièle Obono est à la fois femme et à peau noire), même s’il y a une part de vérité dans cette réalité du racisme, en le dénonçant comme tel, on ne fait que l’alimenter, il vaut mieux l’ignorer.

Cette réflexion est discutable puisque le procureur de Paris a lui-même ouvert le 31 août 2020 une enquête préliminaire pour « injures à caractère raciste » (le titre de la bande dessinée était : "Obono l’Africaine") et Danièle Obono, de son côté, a déposé une plainte le 2 septembre 2020. Un article de Mediapart cite l’essayiste Albert Memmi (mort le 22 mai 2020) sur la définition du racisme qui conviendrait appliquée à cette fiction : « La valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles et imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier ses privilèges ou son agression. ».

De son côté, "Valeurs actuelles" a rejeté toutes les accusations de racisme : « Notre texte n’a rien de raciste. Sans quoi nous n’en aurions pas publié une ligne. Évidemment. Il est commode pour nos adversaires de nous imputer cette accusation, que rien n’étaie dans le contenu. Chacun pourra juger par lui-même de l’opportunité d’une telle fiction, mais personne n’y trouvera une banalisation de l’esclavage ou une quelconque stigmatisation. Évidemment. ». Dans son communiqué, le journal reconnaît toutefois la violence des images : « Les images néanmoins, et d’autant plus quand elles sont isolées sur les réseaux sociaux, renforcent la cruauté inhérente au sujet même. Il s’agit de dessins accompagnant cette fiction, et tout comme l’esclavage lui-même, les images de l’esclavage sont d’une ignominie sans nom. ».

Pour moi, il ne s’agit pas d’abord de racisme (rappelons que le racisme n’est pas une opinion mais un délit), mais il s’agit plus généralement de morale. Représenter un personnage public, même homme à la couleur de peau blanche, enchaîné pareillement, n’aurait pas été moins scandaleux.

Représenter une personnalité politique en dessin pour la fustiger, c’est chose courante. Toutes les caricatures y concourent et souvent pour le plus grand plaisir des lecteurs et même, parfois, des cibles (on peut aussi avoir le sens de l’humour jusqu’à l’autodérision). C’est ce que fait notamment "Charlie Hebdo" en sachant que le principe même du journal est d’être "audacieux" pour ne pas dire "grossier" voire "ordurier". Représenter Danièle Obono enchaînée en esclave aurait peut-être pu mieux passer, sans doute, dans un journal satirique car c’est l’objet même du journal, celui de transgresser les "bonnes mœurs".

"Valeur actuelles" a plutôt l’objectif d’être un magazine d’information générale de référence, pas un journal satirique. On peut donc plus s’étonner de dessins "orduriers" dans un tel journal, mais pourquoi finalement ? Ce qui choque en premier, c’est la représentation dégradante.

En effet, c’est une faute morale parce que c’est une humiliation, en plus, une humiliation inutile. J’ai l’impression qu’elle était le fruit d’un fantasme de l’auteur de la bande dessinée en question, du reste, auteur anonyme (courage, fuyons !). Ceux qui ne sont pas choqués devraient imaginer leur fille, leur femme voire leur mère (s’ils n’ont ni la première ni la deuxième) dessinée, caricaturée en tant qu’elle, ressemblante, nue dans une position érotique dégradante, quelle serait alors tout de suite leur réaction ?

Être représenté(e) en état de soumission totale donne une image particulièrement dégradante de la personne visée. C’est cela qui est méprisable dans le procédé de "Valeurs actuelles". Assouvir les plus bas instincts, les plus bas fantasmes d’un certain nombre de leurs lecteurs (j’imagine) pour attaquer la personne hors de tout raisonnement politique (parce que les débats sur le colonialisme et l’esclave  méritent beaucoup mieux que cette polémique qui n’a fait rien avancer).

Cette représentation est du même niveau que Christiane Taubira représentée en singe dans un réseau social, image là franchement raciste mais c’était dans la fachosphère, ce n’était pas dans un journal reconnu, réputé et établi. J’ai vu d’ailleurs que Christiane Taubira restait encore une référence importante puisque Marine Le Pen a dit à Fréjus le 6 septembre 2020 que l’actuel ministre de la justice Éric Dupond-Moretti était pire qu’elle !

Cette polémique m’a fait comprendre au moins une chose : c’est que le Rassemblement national a rejoint les chœurs de lamentation de l’antiracisme ordinaire. Je ne sais pas si c’est un bien ou un mal, mais c’est clair que pour la plupart des sujets de société ou de politique (et je ne parle pas d’économie), le Rassemblement national propose de moins en moins de valeur ajoutée, même si à l’origine, je considère que spécificité ne signifie pas valeur ajoutée et que je n’ai jamais entendu de ce parti que des idées réchauffées et reconditionnées…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Comment salir Danièle Obono ?
Ils sont tombés par terre, c’est la faute à Colbert !
Mort d’Adama Traoré : le communautarisme identitaire est un racisme.
La guerre contre le séparatisme islamiste engagée par Emmanuel Macron.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.

_yartiObono03




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200829-obono.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/comment-salir-daniele-obono-226963

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/03/38513332.html









 

Partager cet article
Repost0
5 septembre 2020 6 05 /09 /septembre /2020 03:17

« La liberté dans notre République est un bloc. (…) C’est la liberté de conscience, et en particulier, la laïcité, ce régime unique au monde qui garantit la liberté de croire ou de ne pas croire, mais qui n’est pas séparable d’une liberté d’expression allant jusqu’au droit au blasphème. (…) Être Français, c’est défendre le droit de faire rire, la liberté de railler, de moquer, de caricaturer, dont Voltaire soutenait qu’elle était la source de toutes les autres. Être Français, c’est être toujours du côté des combattants de la liberté. » (Emmanuel Macron, le 4 septembre 2020 au Panthéon).



_yartiMacron2020090401

À l’occasion du 150e anniversaire de la proclamation de la Troisième République par Gambetta (le 4 septembre 1870), le Président de la République française Emmanuel Macron a prononcé ce vendredi 4 septembre 2020 un discours assez attendu dans l’enceinte même du Panthéon, à Paris, où est honorée la mémoire de grandes personnalités qui ont fait la France (dont on peut lire ou écouter l’intégralité ici).

Ce fut l’occasion, au-delà d’attribuer la nationalité française à six nouveaux Français, de donner les mots sans faux-semblants et sans hypocrisie, à un moment clef de la nation française puisque depuis quelques jours, a lieu le procès des auteurs des attentats islamistes de janvier 2015. Le point le plus fort, c’est d’avoir défendu le droit au blasphème ; c’est la première fois qu’un Président de la République, depuis la loi du 9 décembre 1905 sur la laïcité, l’a explicitement dit, avec ce mot si fort, pour qu’il n’y ait plus aucune ambiguïté, même si, pour être précis, on ne peut parler de "blasphème" que lorsqu’on est soi-même croyant.

Le discours d’Emmanuel Macron a donc zigzagué entre le présent direct, la montée des séparatismes, la cohésion républicaine en question, la naturalisation de nouveaux citoyens, et les leçons de l’histoire, des cent cinquante ans d’histoire de notre République, en citant de grands noms : Voltaire, Léon Gambetta, Marie Curie, Joséphine Baker, Félix Éboué, Gisèle Halimi, disparue récemment et qui va prochainement être honorée à la cour des Invalides, Charles De Gaulle, Victor Schœlcher, Charles Péguy, Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès France, Marc Bloch, Albert Camus, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Émile Zola, André Malraux, Aimé Césaire, François Mauriac, l’abbé Grégoire, Jean Bodin, Condorcet, Jean-Jacques Rousseau. D’autres figures ont été associées à cette cérémonie : Adolphe Crémieux, Maria Deraismes, Georges Clemenceau, Germaines Poinso-Chapuis, Jacques Chaban-Delmas, Germaine Tillion...

Emmanuel Macron a défini ce qu’est devenir puis être Français, notamment : « Devenir Français, c’est avoir ancré en soi-même la conscience que parce que la République est toujours fragile, toujours précaire, elle doit être un combat de chaque aube, une conquête de chaque jour, un patriotisme républicain de chaque instant. La République n’est pas donnée, jamais acquise, et je le dis ici aussi pour nos jeunes. C’est une conquête. Elle est toujours à protéger ou à reconquérir. ». En somme, la République est une création permanente.

Il a décliné la devise française. La liberté, notamment la liberté d’expression (voir plus haut). L’égalité : « Cette idée simple au fond : chaque citoyen, quel que soit le lieu où il vit, le milieu d’où il vient, doit pouvoir construire sa vie par son travail, par son mérite. Nous sommes encore loin, trop loin de cet idéal. Combien encore d’enfants de France sont discriminés pour leur couleur de peau, leur nom ? Combien de portes fermées à de jeunes femmes, de jeunes hommes, parce qu’ils n’avaient pas les bons codes, n’étaient pas au bon endroit ? L’égalité des chances n’est pas encore effective aujourd’hui dans notre République. C’est pourquoi elle est plus que jamais une priorité de ce quinquennat. ».

Cette égalité, elle est aussi pour tous, face aux lois de la République : « L’égalité devant la loi implique ainsi que les lois de la République sont toujours supérieures aux règles particulières. C’est pourquoi il n’y aura jamais de place en France pour ceux qui, souvent au nom d’un Dieu, parfois avec l’aide de puissances étrangères, entendent imposer la loi d’un groupe. Non, la République, parce qu’elle est indivisible, n’admet aucune aventure séparatiste. ». Ce mot "séparatisme" reprend la notion d’islamisme politique mais aussi d’aide des puissances étrangères qui est une accusation très forte.

Enfin, la fraternité : « Notre Nation a ceci de singulier qu’elle a développé un État providence, un modèle de protection sociale qui ne laisse personne au bord du chemin. Or, ce système unique au monde ne tient que par les liens toujours fragiles qui unissent nos concitoyens, liens du respect et de la civilité qu’à tout moment, la violence et la haine peuvent briser. C’est pour cela qu’en République, les policiers, les gendarmes, les magistrats, les maires, les élus de la République, plus largement, toutes celles qui luttent contre la violence, contre le racisme et l’antisémitisme jouent un rôle déterminant, et que, par symétrie, ceux qui s’en prennent à eux doivent être lourdement condamnés. ».

Ce sont des références communes qui peuvent lier les Français : « Le partage d’un commun est décisif et je ne peux en effet consentir des sacrifices pour mes compatriotes que si je me sens lié à eux non seulement par un contrat social, mais par des références, une culture, une histoire commune, des valeurs communes, un destin commun dans lequel nous sommes engagés. C’est cela, la République. ».

C’est pour cette raison qu’il ne faut pas déboulonner les statues, comme celle de Colbert : « Entrer en République française. Aimer nos paysages, notre histoire, notre culture en bloc, toujours. Le Sacre de Reims et la Fête d la Fédération, c’est pour cela que la République ne déboulonne pas de statues, ne choisit pas simplement une part de son histoire, car on ne choisit jamais une part de la France, on choisit la France. La République commence, vous l’avez compris, bien avant la République elle-même, car ses valeurs sont enracinées dans notre histoire. Et devenir Français, c’est l’épouser tout entière et c’est aussi épouser une langue qui ne s’arrête pas à nos frontière (…), mais qui fut aussi l’un des ciments de notre Nation. ».

Emmanuel Macron a voulu remettre la République et la citoyenneté dans son contexte historique, certes, mais aussi dans le réel d’aujourd’hui qui n’est pas "rose" : « La République, c’est une transmission. La République est une volonté jamais achevée, toujours à reconquérir. Et si elle tient depuis la Révolution, c’est parce qu’entre ceux qui l’ont rêvée,ceux qui l’ont fait advenir, ceux qui l’ont défendue parfois dans les heures les plus tragiques de notre histoire, ceux qui l’ont renouvelée dans le projet européen, entre toutes ces femmes et tous ces hommes s’est nouée une scène des temps qui a traversé les siècles. Et en ce jour anniversaire, ce n’est pas tant la joie qui domine, je dois bien l’avouer, qu’une forme de gravité lucide, face aux menaces qui pèsent sur elle. ».

Cette gravité, ce sont les multiples événements, parfois symboliques (les militants qui déboulonnent Colbert, les malfrats qui taguent le musée d’Oradour-sur-Glane, les menaces de dirigeants pakistanais contre "Charlie Hebdo", etc.), et parfois dramatiques (le chauffeur du bus assassiné pour non port du masque, le maire assassiné dans l’exercice de ses fonctions, les attentats islamistes, ceux commis et les plusieurs dizaines de tentatives déjouées depuis quelques années seulement, etc.).

_yartiMacron2020090402

Emmanuel Macron, dans un environnement quasi-religieux (les lieux résonnaient comme dans une église, ce qu’était le Panthéon à l’origine), a toujours su manier les mots : « Être Français n’est jamais seulement une identité. C’est une citoyenneté. Ce sont des droits qui vont avec. Ce sont aussi ses devoirs, c’est-à-dire l’adhésion à ses valeurs, à une histoire, à une langue, à une exigence qui tient la République debout, car elle dépend de chacune et de chacun d’entre nous à chaque instant. ».

On pourra reprocher au Président de la République de n’avoir rien fait d’autre que marquer un petit pas, que commenter une actualité très bouillonnante où la cohésion nationale a atteint un équilibre très fragile et toujours instable. On pourra regretter que la référence historique, la seule qui tenait en cet anniversaire, la proclamation de la République, n’ait pas été exploitée assez profondément, il aurait fallu rappeler que cette Troisième République si oubliée désormais était nos racines dans les valeurs républicaines, la liberté de la presse, la liberté d’association, la laïcité sont toutes issues de cette révolution pacifique que fut la chute du Second Empire.

Et bien entendu, la révolution par l’instruction. L’école obligatoire et gratuite fut une singularité dans l’histoire nationale. Elle provient d’une réflexion de Gambetta et d’autres républicains qui faisaient campagne dans les campagnes et qui voyaient que les non instruits s’en remettaient plus aisément aux monarchistes. Par une éducation éclairée, ils pourraient au contraire choisir la République et les libertés. Après un siècle d’horribles cafouillages institutionnels et sociaux (le pire étant la Terreur, à mon sens), la France s’est trouvé, avec la République, son système permettant enfin de mettre en pratique l’esprit des Lumières, celui de Voltaire et Montesquieu.

Ce discours du 4 septembre 2020 au Panthéon ne sera donc pas un grand discours référence sur la République et la laïcité, sur l’ordre et la justice. Il n’est qu’un petit jalon, parmi les sept ou huit autres, qu’Emmanuel Macron a posé pour bâtir une stratégie régalienne dont Gérald Darmanin (plus qu’Éric Dupond-Moretti) est sans doute la pièce maîtresse.

Malgré ces réserves que je viens de formuler, ce discours aura peut-être un effet salutaire : Emmanuel Macron a nommé un droit qu’il fallait nommer dans le contexte actuel, le droit au blasphème. Cette expression est malheureuse car le blasphème ne concerne que les croyants, mais la liberté de se moquer des religions, tout en respectant la dignité de ceux qui ont la foi, est un élément majeur du vivre ensemble. Pas étonnant qu’Emmanuel Macron, sans tradition politique historique clairement identifiée, puisse prendre siennes les quelques belles phrases de Marc Bloch qu’il a rappelées dans son discours : « La France est la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’ai bu aux sources de sa culture. J’ai fait mien son passé. Je ne respire bien que sous son ciel et je me suis efforcé à mon tour de la défendre de mon mieux. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours du Président Emmanuel Macron le 4 septembre 2020 au Panthéon à Paris (texte intégral et vidéo).
Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
150 ans de traditions républicaines françaises.
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 3 septembre 2020 à Paris (texte intégral).
France Relance, 100 milliards d’euros pour redresser la confiance française.
Jean Castex et France Relance.
Roselyne Bachelot, la culture gaie.
Éric Dupond-Moretti, le ténor intimidé.
Barbara Pompili, "l’écolo" de service.
François Bayrou sera-t-il le Jean Monnet du XXIsiècle ?
Secrétaires d’État du gouvernement Castex : des nouveaux et des partants.
Nomination des secrétaires d’État du gouvernement Castex I.
Gérald Darmanin, cible des hypocrisies ambiantes.
Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 16 juillet 2020 au Sénat (texte intégral).
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 15 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale (texte intégral).
La déclaration de politique générale de Jean Castex le 15 juillet 2020.
Interview du Président Emmanuel Macron le 14 juillet 2020 par Léa Salamé et Gilles Bouleau (retranscription intégrale).
Emmanuel Macron face aux passions tristes.
L'enfant terrible de la Macronie.
Composition du gouvernement Castex I.
Le gouvernement Castex I nommé le 6 juillet 2020.
Jean Castex, le Premier Ministre du déconfinement d’Emmanuel Macron.
Discours du Président Emmanuel Macron devant la Convention citoyenne pour le climat le 29 juin 2020 à l’Élysée (texte intégral).
Après-covid-19 : écologie citoyenne, retraites, PMA, assurance-chômage ?
Édouard Philippe, le grand atout d’Emmanuel Macron.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Convention citoyenne pour le climat : le danger du tirage au sort.
Les vrais patriotes français sont fiers de leur pays, la France !
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
Retraites : Discours de la non-méthode.
La réforme de l’assurance-chômage.
Emmanuel Macron explique sa transition écologique.

_yartiMacron2020090403




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200904-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/au-pantheon-de-la-republique-226886

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/01/38510469.html








 

Partager cet article
Repost0
1 septembre 2020 2 01 /09 /septembre /2020 03:14

« Le risque d’origine sunnite demeure la principale menace à laquelle est confronté notre pays. » (Gérald Darmanin, le 31 août 2020 à Paris).



_yartiCharlieHebdoF03

L’exfiltration d’urgence de chez elle, le matin du 22 septembre 2020, de l’actuelle DRH du journal "Charlie Hebdo" (il vaut mieux ne pas citer son nom, elle n’est pas un personnage public et a droit à la tranquillité) n’était pas une mesure paranoïaque. En effet, deux personnes ont été très gravement blessées à l’arme blanche par un ou deux terroristes islamistes ce vendredi 25 septembre 2020 parce qu’elles travaillaient (me semble-t-il) dans le même immeuble que l’ancien siège de "Charlie Hebdo".

On pourra toujours polémiquer sur : aurait-on pu éviter cet attentat ? Il est clair que les terroristes sont comme ces hackers capables de contourner les protections informatiques : quelqu’un prêt à perdre sa vie en voulant entraîner dans son trip infernal le maximum d’autres vies humaines, évidemment innocentes, pourra toujours trouver la petite fenêtre des possibilités, puisqu’il est impossible de protéger chaque citoyen par un représentant des forces de l’ordre, protection qui aurait d’ailleurs le goût amer d’une surveillance d’État et d’une restriction des libertés publiques. On se rappelle notamment l’attentat qui a coûté la vie à un policier en pleins Champs-Élysées le 20 avril 2017, juste avant le premier tour de la dernière élection présidentielle.

La médaille de la réaction la plus inadaptée revient (sans surprise) à Marine Le Pen qui, comme un robot du web, avant même de connaître les circonstances exactes de l’attentat, a immédiatement fustigé la politique d’immigration du gouvernement, en se demandant honteusement combien de morts auraient été évitées si on avait fermé les frontières. Quel manque de respect pour les victimes, aucune compassion à un moment où leur pronostic vital était encore engagé. Déconnectée, et discrédité car n’apportant aucune solution dans l’intérêt des Français. Juste de la posture politicienne et électoraliste prévisible dans la perspective de 2022.

Ce qui est clair, c’est que les cellules anti-terroristes en France ne sont pas inactives et Gérald Darmanin l’avait déjà annoncé dans son discours sur l’état de la menace terroriste le 31 août 2020 au siège de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure).

Il disait notamment : « Depuis 2013, 61 attentats ont été déjoués, dont 32 depuis 2017 ; au début de l’année encore, un projet d’ampleur a été déjoué (…). Depuis 2017, ce sont 10 attaques qui ont abouti, sur le territoire national, à la mort de 20 personnes. ».

_yartiCharlieHebdoF06

Et le ministre a ajouté : « La menace représentée par des individus adeptes d’un islam radical, sensibles à la propagande, mais non nécessairement liés à un groupe constitué, devient un défi croissant pour les services de renseignement qui assurent aujourd’hui le suivi de 8 132 individus inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). (…) À ce jour, 505 détenus terroristes islamistes en lien avec la mouvance islamiste [sont recensés et] 702 détenus de droit commun [sont] susceptibles de radicalisation (…). Le défi sécuritaire est majeur pour les services de renseignement. En 2020, les prévisions de libération sont évaluées à 45 détenus condamnés pour des faits d’association de malfaiteurs terroristes (…). Ce chiffre connaîtra une nouvelle hausse en 2021 avec la sortie prévisionnelle de 63 terroristes islamistes condamnés. ».

En outre, la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a permis la mise en place de 532 périmètres de protection, la fermeture de 7 lieux de culte, la notification de 312 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, dont 65 encore actives, et la réalisation de 170 visites domiciliaires, dont plus d’un tiers a eu des suites judiciaires. En revanche, cette loi est expérimentale et ne devrait plus s’appliquer à partir du 31 décembre 2020.

L’attentat du 25 septembre 2020 n’est donc pas anodin, il n’est que la surface d’une véritable bulle submergée du terrorisme islamique qui, aujourd’hui, continue de cibler le journal "Charlie Hebdo". Depuis le 2 septembre 2020 se déroule le procès des auteurs de l’attentat de "Charlie Hebdo" ou plutôt, des attentats de janvier 2015 qui ont fait dix-sept victimes.

Citons-les : Frédéric Boisseau, Cabu, Charb, Tignous, Honoré, Wolinski, Bernard Maris, Elsa Cayat, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet, Clarissa Jean-Philippe, Yohan Cohen, Philippe Braham, François-Michel Saada et Yoav Hattab. Souvenons-nous d’eux, dont certains ont eu des gestes ultimes d’héroïsme.

Prenant l’occasion de ce procès, "Charlie Hebdo" a republié des caricatures de Mahomet le 2 septembre 2020 ("Tout ça pour ça"). Encore pour ce numéro, il y a eu des déclarations très violentes dans le monde musulman, notamment des dirigeants pakistanais qui se sont associés aux expressions de haine et de délires d’une foule enflammée contre la France. On ne s’étonnera donc pas que, d’après le Ministre de l’Intérieur, l’un des assaillants au hachoir serait de nationalité pakistanaise.

J’ai envie de rappeler cette tirade du "Mariage de Figaro" : « Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. ». Ce texte de Beaumarchais date de 1778, toujours d’actualité.

À la même époque, Voltaire disait un peu la même chose dans "Questions sur l’Encyclopédie" : « Paraît-il parmi vous quelque livre nouveau dont les idées choquent un peu les vôtres (supposé que vous ayez des idées), ou dont l’auteur soit d’un parti contraire à votre faction, ou, qui pis est, dont l’auteur ne soit d’aucun parti : alors vous criez au feu ; c’est un bruit, un scandale, un vacarme universel dans votre petit coin de terre. (…) Un livre vous déplaît-il, réfutez-le ; vous ennuie-t-il, ne le lisez pas. ». Ce texte date de 1772.

Ce monde d’islamisme radical est "fou". En quoi un "obscur" journal qui n’est probablement pas proposé dans les kiosques au Pakistan peut-il gêner un musulman pakistanais ? Faudrait-il brûler tous les journaux qui publieraient un article qui détesterait ce que j’aime ou qui aimerait ce que je déteste ? Monde de "fous" mais esprit bien sur terre pour organiser le combat terroriste notamment en France.

_yartiCharlieHebdoF02

Je répète ce que j’ai déjà écrit auparavant : je n’ai pas du tout l’esprit de ce journal satirique qui tire sur tout ce qui bouge, mais c’est son style et c’est sa manière d’exister. Ils ont publié par exemple des caricatures qui ont été odieuses pour les catholiques, ou la religion catholique en général, mais jamais je ne me sentirais blessé par des attaques éditoriales qui ont bien le droit d’exister si elles ont un public, dès lors qu’elles restent dans le cadre de la loi (notamment, pas d’incitation à la haine). Qu’un bouffe-curé bouffe du curé ne me paraît pas vraiment étonnant et encore moins scandaleux, c’est même dans l’ordre des choses, mais cela ne m’engagerait pas à le lire ni à apprécier prose ou dessins. Je serais plutôt blessé par un proche ou par une personne qui compte dans le "domaine" attaqué (on parle de religion mais on peut aussi de profession, de nationalité, etc.).

En revanche, je ne peux que me sentir "Charlie" ("Je suis Charlie") quand je vois que la rédaction a été massacrée pour avoir publié des caricatures de Mahomet. En balance, finalement, l’inconfort intellectuel de dessins qui dérangent ou la solidarité avec des membres d’une rédaction qui ont payé de leur vie pour faire vivre le flambeau de la liberté d’expression ?

S’il y a bien une personne dont la réflexion sur les attentats de "Charlie Hebdo" est utile et instructive, c’est bien Philippe Val, qui fut très longtemps le directeur de la rédaction de "Charlie Hebdo" et qui fut aussi directeur de France Inter par la suite. C’est lui qui a décidé de publier les caricatures de Mahomet, et son but était de ne pas se laisser intimider par les menaces des islamistes. Il avait cru qu’il serait suivi par tous ses collègues français. Or, à part un hebdomadaire, "Charlie Hebdo" fut le seul à avoir eu le courage de publier ces caricatures et ce manque de solidarité dans la presse française a transformé les journalistes de la rédaction de "Charlie Hebdo"en cibles permanentes. Pas seulement les journalistes, d’ailleurs, tous ceux qui travaillent pour ce journal.

En ce moment, Philippe Val est souvent dans les médias. Son message est souvent le même : il veut le marteler pour qu’il soit compris, pour qu’il soit entendu. Par exemple, sur France 5, dans "C à vous" le 2 septembre 2020, Philippe Val a insisté sur le manque de solidarité de ses confrères. Il aurait fallu, selon lui, que toute la presse française publiât ces caricatures de Mahomet, et il y aurait eu une solidarité de fait entre toutes les rédactions face à l’islamisme radical. De même, il considérait que le procès des auteurs des attentats devait être un procès politique, qu’on fasse le procès politique de l’islamisme politique.

Entre autres interventions sur les plateaux de télévision, il était aussi chez David Pujadas le 22 septembre 2020 sur LCI, un plateau où il est un invité récurrent. Il a expliqué que les menaces de mort faisaient maintenant partie de sa vie, il est en permanence sous protection policière et cela a pu lui arriver qu’être en alerte, c’était alors une dizaine de policiers qui étaient chargés d’assurer sa protection et celle de sa famille. Le confinement avait à peine changé sa vie quotidienne. Et il a clairement indiqué d’où venaient les menaces : d’Al-Qaïda au Yémen. C’était d’ailleurs ce groupe terroriste qui avait revendiqué les attentats de janvier 2015.

_yartiCharlieHebdoF04

Mais Philippe Val va beaucoup plus loin dans sa critique du manque de solidarité, même si ce manque de solidarité a finalement été démenti, certes tardivement, par la publication simultanée, le 23 septembre 2020, par une centaine de médias, d’une lettre ouverte à nos concitoyens : "Ensemble, défendons notre Liberté d’expression" pour soutenir "Charlie Hebdo".

En effet, Philippe Val a fustigé le principe de l’autocensure, que les intellectuels, aujourd’hui, en France, préfèrent se brider pour éviter de se mettre en danger. Que finalement, les terroristes avaient gagné la partie car ils ont insufflé la terreur parmi ceux qui analysent et réfléchissent, ceux qui devraient avoir l’esprit lucide et critique.

Et il a pointé du doigt ce qu’il considère comme une imposture intellectuelle : le principe de l’islamophobie. Selon lui, ce mot provient des mollahs iraniens lorsqu’ils ont condamné Salman Rushdie pour faire habilement diversion. L’idée effectivement est de faire l’amalgame entre l’islam et l’islamisme et de crier à l’islamophobie quand on ose critiquer l’islamisme politique. Philippe Val n’est ainsi pas tendre avec une certaine partie de la gauche française qui n’hésite pas à mélanger les deux, probablement en considérant que les Français musulmans seraient le nouveau prolétariat à défendre, ce qui n’a rien à voir. En clair, mais sans dire je crois le mot, Philippe Val a fustigé l’islamo-gauchisme.

Ce qui est frappant, mais ce n’est pas une nouveauté, c’est le traitement de l’information pour cet attentat du 25 septembre 2020. Description gore, détail presque clownesque (un assaillant aurait été interpellé parce qu’il portait des baskets rouges, comment imagine-t-on préparer minutieusement un attentat et porter des chaussures rouges qui distinguent des autres ? quelle impréparation).

Et on a pu entendre, dans le flux ininterrompu des réactions et surréactions, des propos parfois révoltants, comme, sur le plateau de "C dans l’air" sur France 5, cet intervenant (dont je tais le nom par charité chrétienne) qui a osé faire une différence de gravité entre ceux qui sont assassinés parce qu’ils sont Juifs et ceux qui sont assassinés parce qu’ils ont dessiné Mahomet (le pire, à mon sens, c’est que personne n’a réagi autour de lui). Pourquoi scandaleux ? Parce que, avec cette logique, ceux qui ont caricaturé Mahomet auraient pu ne pas le faire et être épargnés ? C’est n’avoir rien compris au terrorisme islamique. Et ceux qui se détendaient sur une terrasse de café aussi auraient mieux fait de ne pas le faire ? C’est dire "ils l’ont bien cherché" qui n’est pas moins scandaleux que lorsqu’on explique le viol par "elle l’a bien cherché" ("elle aurait pu porter une tenue décente, vraiment !"). Pour dire : "ils auraient pu respecter un peu mieux une religion". Non, la France, c’est de pouvoir choquer les autres si c’est fait sans appel à la haine. C’est cela, être Charlie.

Le 25 septembre 2020 toujours sur LCI, Philippe Val a réagi à l’attentat en disant que le risque pesait sur tout le monde, pas seulement les journalistes de "Charlie" : « C’est la France qui est visée, et les États de droit », en soulignant que les islamistes radicaux étaient en guerre politique contre "nous", contre les États de droit qui sont en cette période fragile avec la crise économique et sanitaire, il y a une volonté politique de faire vaciller les démocraties.

_yartiCharlieHebdoF05

Le quinquennat de François Hollande a mis un temps fou à associer islamisme politique et terrorisme. Emmanuel Macron, au contraire, n’hésite pas même à employer l’expression s’il préfère sans doute le mot séparatisme (ou séparatismes, au pluriel). En tout cas, il l’a dit clairement, il a défendu le droit au blasphème. Tout comme Gérald Darmanin encore au journal télévisé de France 2 le 25 septembre 2020 où il a déclaré que certains dessins de "Charlie Hebdo" pouvaient le choquer personnellement mais que le journal avait la liberté de choquer s’il le voulait.

Ce qui tue la liberté, c’est d’abord cette indifférence diffuse. Et la question, qui va continuer à être posée, c’est : à chaque attentat islamiste, et hélas, il y en aura probablement encore dans le futur, faut-il d’abord s’inquiéter d’un regain d’une supposée islamophobie ou pleurer les vies blessées ou massacrées des victimes ?

Au moins, la rédaction de "Charlie Hebdo" a déjà répondu à la question en ne se laissant pas intimider : « Loin de nous terroriser, de tels événements doivent nous rendre encore plus combatifs dans la défense de nos valeurs. Il n’est pas question de céder quoi que ce soit à la logique mortifère et criminelle des idéologies qui motivent ces actes. ». L’essentiel est dit. Je reste Charlie !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


(Les trois dessins proviennent de "Charlie Hebdo").


Pour aller plus loin :
Charlie Hebdo : mortelle indifférence.
Charlie Hebdo en 2015.
Islamo-gauchisme : le voile à l’Assemblée, pour ou contre ?
5 ans de Soumission.
Mosquée de Bayonne : non assistance à peuple en danger ?
La société de vigilance.
N’oublions pas le sacrifice du colonel Arnaud Beltrame !
Strasbourg : la France, du jaune au noir.

_yartiCharlieHebdoF01




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200902-charlie-hebdo.html

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/27/38557221.html



 

Partager cet article
Repost0
28 août 2020 5 28 /08 /août /2020 05:53

« Sur ma carte d’identité, rien ne dit mon identité, mais plusieurs appartenances. » (Michel Serres, "Libération", le 19 novembre 2009).


_yartiSerresMichel03

Le philosophe Michel Serres, qui s’est éteint le 1er juin 2019, est né il y a 90 ans, le 1er septembre 1930. C’est l’occasion de revenir sur ce courtois et regretté académicien, très prévenant, aussi courtois et prévenant que médiatique. Il a fait partie des penseurs de notre temps, indépendant, brillant, pédagogue, capable de dire ce qu’il pense, capable de s’échapper des modes ambiantes, des conformismes de la pensée, mais dont le charisme, le charme même, lui faisait ouvrir tous les médias possibles.

Parmi les nombreuses réflexions dont il a pu faire part dans sa longue carrière de chercheur, il y en a une que je souhaite souligner car le sujet est toujours aussi sensible et aussi actuel. Il s’agit de l’identité. Michel Serres a voulu réagir au débat ambiant sur l’identité nationale voulue par le Président Nicolas Sarkozy, il y a plus d’une dizaine d’années, qui a provoqué sur l’Internet un flux d’expressions particulièrement haineuses et agressives. Il a alors publié une courte tribune très intéressante le 19 novembre 2009 dans le journal "Libération".

Son propos est assez simple : il ne faut pas confondre identité et appartenances. Il reprend le concept d’identité développé par exemple par Alfred Grosser. Se définir par l’identité est une méthode particulièrement exclusive, tandis que se définir par ses appartenances donne un ensemble parfois contrasté, en tout cas, toujours nuancé, de ce qu’on est réellement. Et d’ailleurs, qui sait vraiment qui on est soi-même ?

Au début de son petit texte, Michel Serres prend justement l’exemple de la carte d’identité qui se nomme mal car elle n’indique que des appartenances, celle de plusieurs groupes ou "communautés", celui de ceux qui s’appellent "Michel Serres" (il y en a plus d’un millier), celui de ceux qui sont nés à Agen, celui de ceux qui mesurent 1,80 mètres, etc. et évidemment, celui de ceux qui ont la nationalité française.

Et le faux "immortel" de bien distinguer ces deux notions, avec le concours des mathématiques (la théorie des ensembles) : « Confondre l’identité et l’appartenance est une faute de logique réglée par les mathématiques. Ou vous dites A est A, je suis je, et voilà l’identité ; ou vous dites A appartient à telle collection, et voilà l’appartenance. Cette erreur expose à dire n’importe quoi. ».

Cette erreur, pour lui, est cruciale car elle permet tout : « Mais elle se double d’un crime politique : le racisme. Dire, en effet, de tel ou tel, qu’il est "noir" ou juif ou femme est une phrase raciste parce qu’elle confond l’appartenance et l’identité. ».

_yartiSerresMichelB02

C’est de cette réduction de l’identité que Michel Serres parle : « Réduire quelqu’un à une seule de ses appartenances peut le condamner à la persécution. ». Le sommet a été sans doute atteint avec la Shoah. Être massacré parce que Juif, qu’importe les autres "appartenances". C’était cette difficulté que Barack Obama a exprimée dans son grand discours de Philadelphie le 18 mars 2008, la difficulté de devoir choisir d’être "noir" ou d’être "blanc" alors qu’il est métis, et finalement, n’est-ce pas plutôt son appartenance à l’élite intellectuelle de son pays qui a le plus caractérisé le Président Obama ?

Cette erreur de réduction est très commune : « Or cette erreur, or cette injure, nous les commettons quand nous disons : identité religieuse, culturelle, nationale. Non, il s’agit d’appartenances. ».

Et cette réduction identitaire a beaucoup plus de conséquences philosophiques que l’on ne pourrait le croire. En effet, réduire une personne à une seule appartenance n’est jamais un signe d’intelligence dans un monde si complexe (par exemples, réduire Louis Aragon à son engagement au parti communiste, est-ce pertinent alors qu’il était un poète génial ? réduire Salvador Dali à ses provocations monarchistes, n’est-ce pas oublier le peintre génial qu’il fut ? etc.).

Cette réduction est philosophiquement très grave car elle empêche toute évolution des personnes : faudrait-il rejeter Edgar Morin parce qu’il a été très brièvement communiste, alors qu’il a quitté le parti communiste très tôt et qu’il a au contraire refusé tout esprit partisan dans ses très nombreuses années de vie ultérieures ? (j’écris "rejeter" mais je pourrais écrire "aduler", le raisonnement tiendrait tout autant, bien sûr).

Michel Serres apporte ainsi la clef de l’identité, elle n’est jamais stable, elle est toujours en devenir, en avenir : « Qui suis-je, alors ? Je suis je, voilà tout ; je suis aussi la somme de mes appartenances que je ne connaîtrai qu’à ma mort, car tout progrès consiste à entrer dans un nouveau groupe : ceux qui parlent turc, si j’apprends cette langue, ceux qui savent réparer une mobylette ou cuire les œufs durs, etc. ». Quelque part, le réseau social Facebook montre l’importance sociale de l’appartenance à des "communautés", groupes et sous-groupes humains, mais la fiche de profil de Facebook est-elle réellement la personne citée ?

En somme, pour Michel Serres, réduire l’identité d’une personne à une seule de ses appartenances, et même, à toutes ses appartenances présentes et passées, c’est faire fi de ses appartenances futures, c’est rejeter toute idée de progrès humain. C’est une position philosophique, elle est respectable, mais il faut alors savoir l’assumer, au lieu de seulement crier au repli identitaire, d'une manière ou d'une autre, à la moindre occasion…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 août 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les jeunes filles égyptiennes et leur petite vertu.
Michel Serres : ne confondons pas identité et appartenance !
Paul Valéry.
François Jacob.
Edgar Morin, le dernier intellectuel ?
Michel Droit.
18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.
Vladimir Jankélévitch.
Marc Sangnier.
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Jean-Paul Sartre.
Pierre Teilhard de Chardin.
Boris Vian.
Jean Daniel.
Claire Bretécher.
George Steiner.
Françoise Sagan.
Jean d’Ormesson.
Les 90 ans de Jean d’O.

_yartiSerresMichel02




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200901-michel-serres.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/michel-serres-ne-confondons-pas-226671

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/08/25/38497650.html





 

Partager cet article
Repost0

Résultats officiels
de l'élection présidentielle 2012
 


Pour mettre la page en PDF : Print


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).