Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 février 2017 2 21 /02 /février /2017 06:57

« Quand l’importance des processus quantiques pour le fonctionnement du cerveau sera reconnue et quand la physiologie du cerveau sera étudiée de ce point de vue, on arrivera certainement à découvrir l’importance de la réduction du paquet d’ondes. » (Henry Pierce Stapp, mathématicien américain de presque 89 ans, spécialiste en physique quantique).



_yartiMacronJBC05

Le paquet d’ondes, je l’avais déjà évoqué lors de la campagne de l’élection présidentielle de 2007, juste après le premier tour, puis après le second tour. L’une des particularités d’une particule, comme l’électron, par exemple, c’est qu’il est impossible de connaître dans l’absolu sa position et sa quantité de mouvement. La position n’est décrite par les équations qu’au moyen d’une "fonction d’onde" qui est basée sur un calcul de probabilités.

Pour connaître précisément la position de l’électron, il faut alors l’observer. Mais le problème, c’est qu’en l’observant, on doit bousculer la réalité (comme si on regardait un jeu de billard en lançant dans le jeu une autre boule). On parle alors de "réduction du paquet d’ondes" lorsqu’on "lève l’indétermination d’Heisenberg" sur les caractéristiques de la particule.

Cette explication simplifiée à l’extrême d’un des principes essentiels de la physique quantique, qui a engendré historiquement un débat passionnant tant philosophique que scientifique entre Niels Bohr et Albert Einstein, propose une bonne image pour décrire les thèmes de campagne et surtout, le positionnement d’un candidat centriste "majeur" à l’élection présidentielle. Ce qui avait été valable pour François Bayrou en 2007 l’est également pour Emmanuel Macron en 2017, d’autant plus qu’au contraire de François Bayrou, "particule" déjà bien répertoriée, Emmanuel Macron est une "particule" non identifiée (ou nouvellement accessible sur le marché électoral).

Ce n’est pas anodin que la campagne d’Emmanuel Macron soit en train de patiner depuis une semaine, en ce milieu du mois de février 2017. Son objectif avait été de rester le plus flou possible pendant le plus longtemps possible afin d’attirer le plus de monde possible derrière sa propre personne (et seulement derrière sa propre personne), hors de tout parti, hors de tout programme (il a admis tardivement la nécessité d’un programme qu’il devrait présenter le 2 mars 2017), des personnes venant de tous les horizons, de droite, de gauche, du centre, de nulle part…

_yartiMacronE01

La question du titre (Emmanuel Macron est-il de gauche ?) fera frémir évidemment tous ceux qui se sentiraient à sa gauche et qui le considéreraient comme "de droite", mais ce ne serait qu’un raisonnement de position relative qui n’a pas beaucoup d’intérêt. Sinon, à ce compte-là, pour un mélenchoniste, Benoît Hamon pourrait aussi être considéré comme un candidat de droite.

Souvent, d’ailleurs, pour quelqu’un qui se considère "de gauche", est "de droite" tous ceux qui ne défendent pas ses idées. Pourquoi pas ? Comme il y a plus d’identification à gauche (au point de parler de "peuple de gauche", ce qui est une hérésie républicaine) qu’à droite, cette "gauche" est à dans toutes les sauces, qui, parfois, comme l’huile et l’eau, ne se mélangent pas (ou ne le mélenchent pas).

Et pourtant, la meilleure façon d’identifier les candidats, au lieu de projeter des étiquettes artificielles sur eux (autant de projections que de projecteurs), c’est de connaître leurs propres revendications. François Hollande était un candidat de gauche, en 2012, qui avait même très habilement fait de la "finance internationale" son principal ennemi (le 22 janvier 2012 au Bourget). D’ailleurs, dès le 22 avril 2012 à 20 heures, Jean-Luc Mélenchon avait appelé à voter pour lui inconditionnellement. François Hollande était donc clairement identifié, qu’on le veuille ou pas, comme un "candidat de gauche", revendiqué comme tel (y compris par Jean-Luc Mélenchon, insistons !) et sa majorité fut tellement "de gauche" qu’elle a souvent été l’aiguillon des gouvernements depuis 2012 (mais sans jamais à censurer ces mêmes gouvernements, ce qui, au-delà des pseudo-états d’âme, est une position claire d’appartenance à la majorité).

Emmanuel Macron, en ce sens, n’est pas sans revendication. Il a clairement assumé qu’il était "de gauche" (il avait même soutenu la candidature de Jean-Pierre Chevènement en 2002, du reste comme le numéro deux du FN Florian Philippot). Il a été "le" conseiller économique du candidat socialiste François Hollande en 2012, le secrétaire général adjoint de l’Élysée de 2012 à 2014 qui a défini toute la politique économique du quinquennat Hollande et enfin, le Ministre de l’Économie de François Hollande de 2014 à 2016. Cerise sur le gâteau, en 2007, certaines indiscrétions auraient permis de savoir que François Fillon aurait proposé à Emmanuel Macron de venir travailler dans son cabinet à Matignon. Il a refusé, mais il a toutefois travaillé comme rapporteur à la commission de Jacques Attali mise en place par le Président Nicolas Sarkozy pour trouver des moyens de renforcer la croissance économique.

Quoi qu’il en dise, Emmanuel Macron est parti de la gauche, sa trajectoire le démontre assez facilement, il l’assume volontiers. En revanche, son discours, c’est de considérer que le clivage gauche/droite n’aurait aucun intérêt et ne structurerait plus la pensée politique des Français, ce que François Bayrou ne cesse pas de répéter depuis 2002. Sur France Inter le 1er février 2017, il a déclaré : « Il faut respecter les histoires et les identités de chacun, sans les travestir. ». Ce qui ne fait pas vraiment avancer le schmilblick !

S’il est difficile de parler de programme pour Emmanuel Macron, la philosophie générale de sa vision politique est relativement bien construite et cohérente : il est "libéral" dans tous les sens du terme. Libéral économiquement et libéral socialement et même "sociétalement". C’est inédit en France puisque généralement, le libéralisme économique serait défendu "à droite" (pragmatique) et le libéralisme "sociétal" serait défendu "à gauche" (libertaire).

Inédit aussi, c’est de faire agiter le drapeau européen en même temps que le drapeau français dans ses meetings. Son leitmotiv, c’est l’ouverture sur le monde. Il est clairement favorable aux traités commerciaux avec le Canada (CETA) ou avec les États-Unis. Certains le comparent même à Justin Trudeau, l’actuel (jeune) Premier Ministre canadien qui est venu prononcer un discours important au Parlement Européen le 16 février 2017 à Strasbourg.

Si l’on regarde ses soutiens, il n’y a pas trop photo : "à droite", quelques anciens ministres sans beaucoup de visibilité ni d’envergure (et oubliés), tandis que, "à gauche", de nombreux élus socialistes ou radicaux de gauche, paniqués par la tempête électorale qui se prépare sur leurs circonscriptions, sont venu rejoindre celui qui, grâce à un marketing médiatique efficacement orchestré, pourrait leur sauver leur petite carrière.

_yartiMacronF01

Comme avec François Bayrou en 2007 se pose ainsi que récurrente question de la majorité parlementaire en cas d’élection à l’Élysée d’Emmanuel Macron : quelle serait sa majorité s’il était élu ? C’est essentiel et cela contribuera, évidemment, à "réduire le paquet d’ondes". Pour l’instant, dans l’hypothèse Macron, si jamais une majorité se précisait, elle ne serait ni LR ni centriste (trop soudés contre Emmanuel Macron), donc,elle serait forcément parmi les députés sortants PS ou les candidats socialistes. Un électeur qui se sentirait "de droite" pourrait donc être particulièrement surpris par la tournure d’un vote Macron quelques semaines plus tard…

Puisqu’il n’y a pas de programme, prenons surtout les "petites phrases" visant à positionner le candidat. C’est peut-être pour cela qu’il y a un ralentissement de sa campagne, car certains parlent d’incohérences, d’autres parlent de gaffes et de boulettes. En fait, à force de vouloir rassembler tous les camps, on dit n’importe quoi. Exactement comme François Hollande, à force de vouloir unifier la chèvre et le chou, on devient l’ennemi et du chou et de la chèvre.

Beaucoup d’exemples ont été fournis ce mois-ci par le candidat lui-même.

On peut citer le mariage gay : dans "L’Obs" le 14 février 2017, Emmanuel Macron a voulu caresser dans le sens de la Manif pour tous : « C’est ce qui s’est passé avec le mariage pour tous. On a humilié cette France-là. ». Réaction immédiate des pro-mariage gay qui ont été choqués par ses propos, rapidement corrigés. Dans un tweet le 16 février 2017, Emmanuel Macron a rappelé ainsi sa position : « Le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable. ». Donc reprenons clairement les choses : pour des raisons électorales, Emmanuel Macron a voulu racoler auprès des opposants à la loi Taubira, mais en fait, il prône le renforcement de la loi Taubira, et même encourage les GPA à l’étranger !

Abordant un sujet de polémique totalement inutile car cela n’a rien à voir avec l’avenir de la France et des Français, Emmanuel Macron a déclaré à la télévision algérienne le 15 février 2017 que la colonisation était un « crime contre l’humanité ».  Une expression à connotation juridique bien précise. Propos particulièrement scandaleux qui veut mettre sur le même plan la colonisation et la Shoah. Valérie Pécresse sur BFM-TV le 20 février 2017 a carrément parlé d’une confusion entre Jules Ferry et Hitler… Lors de son meeting à Toulon, le 18 février 2017, peu fréquenté pour une fois (seulement 1 500 personnes), Emmanuel Macron est revenu en arrière en demandant pardon, en reconnaissant des aspects positifs de la colonisation, mais il a fait la boulette de dire "je vous ai compris" (« Parce que je veux être Président, je vous ai compris et je vous aime. Parce que la République, elle doit aimer chacun ! »). Ce n’était pas très habile de sa part de s’adresser aux Pieds-noirs avec une telle référence de De Gaulle

Sur la légalisation du cannabis, les évolutions macroniennes restent également incohérentes : d’abord favorable en décembre 2016, il semblerait plus réticent aujourd’hui. Emmanuel Macron est le roi de camouflage idéologique.

À son meeting à Lyon, le 4 février 2017, Emmanuel Macron a fait applaudir la figure de Valéry Giscard d’Estaing, mais à son meeting à Lille, le 14 janvier 2017, il a fait applaudir la figure du concurrent, François Mitterrand. Il s'est pris pour Jeanne d'Arc à Orléans au printemps dernier, puis est allé sympathiser avec Philippe de Villiers l'été dernier en Vendée.

_yartiMacronE02

Bref, partout, dans tous les sens, ce qui est d’ailleurs fort sympathique, Emmanuel Macron clame à tous ses interlocuteurs qu’il les aime, qu’il a leurs idées, qu’il défend leurs  valeurs. Le problème, c’est qu’il se base sur des sondages grandeur nature, grâce à ses comités locaux (plusieurs milliers répartis dans les départements) qui lui permettent de tester des mesures et en fonction des retours, il les propose ou pas (c’était le cas, par exemple, de la vente des médicaments à l’unité pour réduire les pertes de la sécurité sociale). Cela, forcément, ne donne pas une cohérence interne globale.

En fait, ces inconsistances de fond, ces allers et retours (je vous dis ce que vous voudriez entendre), ont surtout montré l’absence de conviction forte du candidat Emmanuel Macron, et cela préfigure mal d’un éventuel quinquennat s’il était élu. Quelle serait, par exemple, sa position face à Donald Trump ? Face à Vladimir Poutine ? Face à Recep Tayyip Erdogan ? Devra-t-il sonder auparavant ses électeurs ?

À la Villette le 29 janvier 2017, François Fillon ne l’a pas "raté" : « Il fait croire qu’il est seul et qu’il vient de nulle part ; en réalité, il a fait le programme de monsieur Hollande, mais aussi une grande partie de sa politique… Il est parti pour une échappée en solitaire, mais ses équipiers ne sont pas loin. Qui sont-ils ? Eh bien, c’est toute l’équipe gouvernementale de monsieur Hollande… Bonjour la nouveauté ! Macron, c’est le sortant. Macron, c’est le bilan de Hollande. Macron, c’est surtout le prototype des élites qui ne connaissent rien à la réalité profonde de notre pays ! ».

Reprenant le "ni-ni" du candidat François Mitterrand, héritier réel de François Hollande et de son esprit supposé de synthèse, symbole, selon Valérie Pécresse de la « gauche caméléon » (BFM-TV le 20 février 2017), Emmanuel Macron va avoir du mal, dans les prochaines semaines, à prendre des engagements forts sans perdre une partie de son électorat. Il ne serait que le futur praticien d’un très mauvais hollandisme, celui qui ne décide rien, celui qui cherche l’approbation des contraires, ce que les électeurs ne veulent plus !

_yartiMacron20160904G03

Jean d’Ormesson avait déjà noté, le 20 janvier 2017 dans "Le Figaro" ce loup : « Macron, c’est le grand flou ! Entre l’électeur de droite et l’électeur de gauche qui votent pour Macron, l’un des deux, forcément, sera cocu, mais toute l’intelligence de Macron est de faire croire à l’un que ce sera l’autre et inversement. ».

Le 2 février 2017, le chroniqueur Jean-Baptiste de Montvallon a aussi constaté : « La "performance" de M. Macron consiste parfois à parler pour ne rien dire. Ce qui reste le plus sûr moyen de ne créer aucun remous. Pour ce faire, l’apôtre du renouvellement ne dédaigne pas les lieux communs piochés dans une antique langue de bois. » ("Le Monde").

Le cardinal de Retz avait déjà proposé une phrase qui collerait parfaitement à la candidature d’Emmanuel Macron, ce qui rappelle son "socle" très fragile : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. ». Eh bien, pour être crédible à une élection présidentielle, il va bien falloir sortir de l’ambiguïté …avant l’élection ! C’est même le moment.

De son côté, dans le même créneau qu’Emmanuel Macron, François Bayrou va faire une importante déclaration le 22 février 2017, pour donner sa position sur l’élection présidentielle et son éventuelle candidature.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 février 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La démocratie française est devenue quantique (24 avril 2007).
La réduction du paquet d'onde centriste (10 mai 2007).
Comptes à débours.
Emmanuel Macron va-t-il dynamiter la présidentielle 2017 ? 
Programme d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Emmanuel Macron est-il de gauche ?
François Bayrou.
Bernard Cazeneuve.
Benoît Hamon.
François Fillon.
Primaire socialiste de janvier 2017.
Les investissements productifs.
La France archaïque.
Et si… ?
L’élection présidentielle en début janvier 2017.
Ramasse-miettes du système politique français.
JJSS, un Macron des années 1970.
Le Centre aujourd’hui.
Manuel Valls.
François Hollande.
Une colombe dans un nid de crocodiles.
Hollande démacronisé.
Michel Rocard.
Populismes.
Mystère ou Mirage Macron ?
Discours d’Emmanuel Macron le 8 mai 2016 à Orléans (à télécharger).
La vivante énigme d’Emmanuel Macron.
Le saut de l'ange.
La Charte de En Marche (à télécharger).
Emmanuel Macron à "Des paroles et des actes" (12 mars 2015).
La loi Macron.
Casser le clivage gauche/droite.
Paul Ricœur.
La France est-elle un pays libéral ?

_yartiMacronJBC04



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170204-macron.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-est-il-de-gauche-189962

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/02/21/34962876.html

 

Partager cet article
Repost0

commentaires


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).