« Personne ne veut bloquer le pays. Nous ne sommes pas une droite scrogneugneu. Mais une coalition, ce n’est pas une addition d’individualités dans un gouvernement provisoire qui n’a d’autre objectif que d’obtenir une majorité absolue pour En Marche. (…) Si nous avons la majorité, c’est notre projet qui sera mis en œuvre. Si ce n’est pas le cas, le jeu est totalement nouveau. Mais c’est peut-être ce que veulent les Français. On a connu des temps de cohabitation, mais là, ce serait différent. Cela n’aura rien de conflictuel. (…) Certains parlent de covoiturage, mais c’est un terme impropre aux institutions. Il s’agit en tout cas d’un partage de responsabilités. » (François Baroin, "Le Figaro" le 28 mai 2017).
Qui aurait imaginé il y a encore quelques mois que les formations centristes obtiendraient (sans l’appui du PS ou de LR) une majorité absolue à l'assemblée ? C'est ce que les sondages laisseraient entendre avec environ 30% d'intentions de vote pour En Marche et ses alliés (évaluation autour de 330 sièges sur 577). C'est le rêve de François Bayrou qui se réalise …sans lui.
Certes, il fait partie du train en marche, il est même ministre, et pas des moindres, à la Justice, un grand Ministère d'Etat, comme Pierre Méhaignerie sous Édouard Balladur (Pierre Méhaignerie UDI dont une charmante fille se retrouve candidate EM en Bretagne), et sans doute avec un groupe MoDem à l'AN (là encore, incroyable). Mais sans le vrai pouvoir de décision. François Bayrou va être l'indépendantiste du gouvernement à la justice, comme l'a été Vincent Peillon à l'Éducation nationale sous François Hollande. Il n'aura aucune influence décisive sur la détermination de la politique nationale. Même dans la rupture avec le clivage gauche/droite; il a été supplanté par LR dont l’un des barons locaux a obtenu Matignon.
Ce Premier Ministre, Édouard Philippe, a présenté au cours d’une conférence de presse, le 6 juin 2017, c’est-à-dire cinq jour avant le scrutin, son programme de gouvernement pour les dix-huit prochains mois, oubliant qu’avant d’agir, il lui faudrait quand même obtenir une majorité parlementaire.
Sans surprise, la campagne des élections législatives est atone. Elle a commencé officiellement le 22 mai 2017 et se termine le 9 juin 2017 pour le premier tour du 11 juin 2017. Le dépôt des candidatures a été clos le 19 mai 2017 à 18 heures. On parle d’autre chose, même quand il n’y a pas, hélas, des attentats. Les électeurs ont l’impression que la bataille est terminée après l’élection présidentielle, ce qui est bien évidemment faux, comme l’a rappelé Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, le 7 juin 2017 sur Public Sénat : les élections législatives sont essentielles pour choisir la majorité parlementaire qui votera les futures lois.
La plupart des partis qui ont soutenu un autre candidat que le candidat élu Emmanuel Macron à l’élection présidentielle avaient considéré que les élections législatives seraient une second chance pour eux, un moyen de compenser, de modifier, d’infléchir l’équilibre politique déterminé par l’élection présidentielle.
Il semblerait, selon les sondages et selon les résultats des Français de l’étranger qui ont voté pour le premier tour un peu en avance le 4 juin 2017, que la logique des institutions de la Ve République va prévaloir, comme cela le fut en juin 1981, juin 1988, juin 2002, juin 2007 et juin 2012, c’est-à-dire, à chaque fois que des élections législatives ont été organisées quelques semaines après une élection présidentielle : d’une manière assez rationnelle, le corps électoral apporterait une majorité parlementaire au nouveau Président de la République.
Les sondages affichent des intentions de vote de l’ordre de 28% à 30% pour LREM (La République En Marche) suivi de Les Républicains (LR) entre 19% et 23% puis du FN, de la France insoumise et du PS. Les projections qui prêtent encore plus à contestation que les intentions de vote ne laisseraient planer aucun doute sur l’obtention d’une majorité absolue pour le Président Macron, et les derniers sondages pronostiqueraient même jusqu’à 380 sièges (sur 577) pour LREM.
Les résultats des circonscriptions des Français de l’étranger ont donné la première place à LREM dans 10 circonscriptions sur 11, parfois avec une majorité absolue des suffrages exprimés mais avec une telle abstention qu’un second tour est nécessaire (il faut au moins 25% des inscrits pour être élu au premier tour). En effet, la participation n’a été que de 19%, ce qui peut aussi s’expliquer par le contexte parfois difficile des Français de l’étranger (circonscriptions gigantesques, à l’échelle d’un continent, peu de bureaux de vote avec nécessité de se déplacer parfois à plusieurs centaines de kilomètres pour trouver le bureau le plus proche, suppression du vote électronique introduit dans les années précédentes, etc.).
Même si les Français de l’étranger pouvaient être acquis à Emmanuel Macron, le "Président de la mondialisation heureuse", et que l’abstention a été amplifiée comme expliqué plus haut, ces premiers éléments factuels du scrutin donnent un aperçu du 11 juin 2017. Les Républicains et l’UDI, menés par le "chef de file" François Baroin, ne croient plus beaucoup à la possibilité d’obtenir une majorité, même relative, à l’Assemblée Nationale. La logique institutionnelle est implacable et donne raison avec dix ans de retard à François Bayrou dont l’un des arguments pour éviter l’élection en 2007 était qu’il n’aurait pas de majorité au Parlement. Pour la première fois, le MoDem et plus généralement la mouvance centro-centriste serait majoritaire, renvoyant les autres partis, notamment les deux grands de gouvernement, à leurs études.
Dans une interview à "Paris-Match" le 7 juin 2017, François Baroin l’a reconnu : « La primaire nous a tués. ». C’est évident que les législatives n’allaient pas rattraper l’échec de l’élection présidentielle, pour la simple raison que les électeurs pensent que la messe est dite. Si bien que ce sont les électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour qui vont probablement le mieux se mobiliser aux législatives, au détriment du camp des perdants, nombreux puisque le paysage politique est éclaté en cinq grandes partitions : LREM, LR et UDI, FN, FI et PS. François Fillon aura donc envoyé l’avion LR dans le mur non seulement de la présidentielle mais aussi des législatives.
Recomposition du paysage politique
Le Président Macron n’a pas eu à beaucoup travailler dans le futur éclatement du PS. Sa propre candidature, hors de toute attache partisane, et notamment socialiste, a suffi pour faire éclater le choix de l’électorat socialiste entre trois candidats à l’élection présidentielle.
L’objectif d’Emmanuel Macron s’est donc concentré sur l’éclatement de l’autre grand parti de gouvernement, LR, en nommant un proche de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé, Édouard Philippe, à la tête du gouvernement. Pour l’instant, deux seuls autres responsables LR ont succombé à la tentation de la sirène En Marche, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, mais il ne fait aucun doute que d’autres "tomberont" après le 18 juin 2017. Nathalie Kosciusko-Morizet aurait rêvé d’être nommée Ministre de la Défense ou encore Ministre de l’Éducation nationale, mais non seulement elle n’a pas été retenue, mais LREM a présenté un candidat contre elle qui devrait la battre très largement au second tour, dans le but d'éliminer une concurrente dans la perspective des élections municipales de 2020 : Benjamin Griveaux rêverait de devenir maire de Paris.
Reste à savoir si le parti LR amputé de sa partie macroniste (le 17 mai 2017, 123 élus LR-UDI ont appelé à la main tendue à Emmanuel Macron) saura rester le parti pluraliste ou s’il deviendra, par le choix de placer Laurent Wauquiez à sa tête, un groupuscule de la droite dure qui aura alors vocation à une (réelle) alliance avec le FN, auquel cas, la recomposition du paysage serait consommée.
LR se retrouve en effet dans une situation "centriste", celle de l’UDF de François Bayrou d’il y a dix ans, à l’époque coincée entre l’UMP et le PS. LR se retrouve maintenant pris en sandwich entre le FN et LREM. Certes, Jean-Luc Mélenchon voudrait que LREM soit l’aile droite du nouveau paysage politique qui se dessinerait, mais il semblerait à l’évidence qu’il en serait plutôt l’aile gauche, face à LR qui garderait encore une certaine puissance parlementaire et un FN qui, par sa présence au second tour du 7 mai 2017, aurait pu jouer le rôle de principal opposant à la politique nationale actuelle.
Les 7 882 candidats (moyenne d’âge de 48 ans, 42% de femmes)
La règle du financement des partis politiques explique qu’il faut au moins 50 candidats inscrits au même parti ayant obtenu au moins 1% des voix pour pouvoir recevoir un financement public (un double montant annuel pendant cinq ans : 1,42 euro par voix obtenue et 37 000 euros par siège gagné). Cela signifie que de nombreux groupuscules, parfois qui n’ont rien de politique (comme la défense de la vie animale, entre autres), ont présenté des candidats partout en France. Cela fait des circonscriptions avec une vingtaine voire une quarantaine de candidats dans des grands centres urbains ! La moyenne nationale est de 14 candidats par circonscription. Un électeur qui s’abstiendrait aurait peu de crédibilité à dire qu’il n’y trouverait pas une offre politique suffisante.
La liste des candidats a été publiée le 23 mai 2017 par le Ministère de l’Intérieur (visible ici). 224 députés sortants (sur 577) ne se représentent pas en raison de la loi contre le cumul des mandats (parlementaire et exécutif local) qui s’applique à partir de ces élections-là ou en raison de la peur de se prendre une défaite magistrale. Ils n’étaient que 105 députés sortants à ne pas se représenter en juin 2012 et 98 en juin 2007.
La loi contre le cumul (que voulait maintenir aussi le candidat François Fillon malgré la demande de nombreux élus LR) fera sans doute plus pour le renouvellement de la classe politique que l’élection d’Emmanuel Macron elle-même.
On voit qu’en général (à quelques exceptions près, comme Jean-Christophe Lagarde à Drancy), la plupart des députés à la tête d’un exécutif local préfèrent leurs fonctions opérationnelles. Avant d’y être contraints par la loi (parfois contraints par un risque d’échec, mais pas toujours), certains avaient déjà adopté ce choix auparavant, en particulier : André Rossinot puis Laurent Hénart maires de Nancy, Alain Juppé maire de Bordeaux, Martine Aubry maire de Lille, Jean-Luc Moudenc maire de Toulouse, Bertrand Delanoë puis Anne Hidalgo maires de Paris, etc.
Les sortants qui ne se présentent pas pour raison de cumul sont notamment : Bernard Accoyer, Édouard Philippe, Benoist Apparu, Laurent Wauquiez, Christian Estrosi, Philippe Houillon, Xavier Bertrand, Hervé Morin, Gérald Darmanin, Valérie Pécresse, Hervé Gaymard, Dominique Bussereau, Arnaud Robinet, Jean Leonetti, Patrick Ollier, Patrick Devedjian, Luc Chatel, Laurent Degallaix, Alain Claeys, Olivier Carré, André Santini, François Vannson, Jean-François Copé, François Sauvadet, Jean-Christophe Fromantin, Jean-Claude Guibal, François de Mazières, Christophe Priou, Patrick Labaune, Carole Delga, Alfred Marie-Jeanne, Alain Rousset, Noël Mamère, Jean-François Mancel, Patrick Balkany et Hervé Mariton.
Plutôt par peur d’une cuisante défaite : Claude Bartolone, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Michel Sapin, Thierry Mandon, Alain Vidalies, Hélène Geoffroy, Thierry Braillard, Victorin Lurel, Philippe Martin (ex-ministre PS), Michel Vauzelle, Alain Rodet, Marylise Lebranchu, Marc Dolez, Marie-Arlette Carlotti, Denis Baupin et Thomas Thévenoud.
Dont la candidature a été rejetée localement ou nationalement, et qui n’étaient pas députés sortants : Audrey Azoulay, Jean-Jacques Aillagon et Gaspard Gantzer.
Par ailleurs, ne se représentent pas non plus à ces élections notamment : François Fillon, Jean-Marc Ayrault, Bernard Cazeneuve, Bernard Debré, René Dosière, Arnaud Leroy, Geneviève Fioraso, Pierre Lellouche, Christophe Caresche, Pierre Lequiller, Pascal Terrasse (recasé), Bernard Roman (recasé pour laisser la circonscription à François Lamy), Jean-Yves Le Déaut, Jean-François Mancel (laissant son fils Alexis se présenter dans sa circonscription), Laurent Cathala, Jacqueline Fraysse, François Loncle, François Asensi, Alain Bocquet et Marion Maréchal-Le Pen.
LREM et MoDem
Plus de 19 000 personnes ont fait acte de candidature pour obtenir l’investiture de LREM. La sélection a été réalisée par une commission d’investiture présidée par l’ancien ministre RPR Jean-Paul Delevoye au cours de 1 700 entretiens individuels, parfois téléphoniques. Une première série d’investitures (seulement 14) a été rendue publique le 6 avril 2017. La grande majorité des investitures ont été annoncées le 11 mai 2017 avec 5% de députés sortants (seulement des députés PS), pour des âges allant de 24 à 72 ans. Enfin, les dernières investitures ont été publiées le 15 mai 2017 (la procédure avait été amorcée le 19 janvier 2017).
Le parti d’Emmanuel Macron a choisi de faire une alliance avec le MoDem pour que ce dernier puisse avoir un groupe parlementaire en lui cédant 76 circonscriptions. Il n’a pas présenté de candidats dans certaines circonscriptions de droite ou de gauche afin d’aider à l’élection de certains responsables qu’il considérerait comme "alliés", en particulier : Manuel Valls, Bruno Le Maire, Franck Riester, Thierry Solère (soutenu par Jean-Louis Borloo le 30 mai 2017 à Boulogne-Billancourt), Gilles Boyer, Yves Jégo, Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, Myriam El Khomri, George Pau-Langevin, David Habib, François Pupponi, etc. ainsi que les candidats LR à la succession de Xavier Bertrand, Benoist Apparu, Édouard Philippe, Hervé Gaymard, Gérald Darmanin, Arnaud Robinet, Hervé Mariton et Christian Estrosi qui ne se représentent pas en raison de la loi contre le cumul des mandats.
L’une des raisons qui rend LREM favori, c’est que c’est aussi le parti du meilleur second choix. Dans les circonscriptions, le candidat LREM (comme à l’élection présidentielle) va être préféré, au second tour, au candidat LR ou FN pour des électeurs PS ou FI, et au candidat FI ou PS voire FN pour des électeurs LR. Résultat, il est capable de ratisser large par les deux côtés au même titre que le FN est capable de rassembler les électeurs en colère de gauche comme de droite.
Paradoxalement, l’affaire Ferrand (Richard Ferrand, patron de LREM, ministre actuel et candidat à sa réélection) ne semblerait pas avoir d’incidence sur le score de son parti alors qu’une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de Brest le 1er juin 2017 après les premières révélations du "Canard enchaîné" du 24 mai 2017. Le même 1er juin 2017, François Bayrou, Ministre de la Justice, a présenté les grandes lignes de ses lois de moralisation de la vie politique.
Six ministres seulement (sur vingt-deux) se présentent ou représentent aux élections législatives : Richard Ferrand, Annick Girardin, Christophe Castaner, Bruno Le Maire (ces quatre derniers députés sortants) et Marielle de Sarnez ainsi que Mounir Mahjoubi (ce dernier sur la circonscription de Jean-Christophe Cambadélis). La situation la plus délicate est celle de Marielle de Sarnez, jamais élue au Palais-Bourbon, qui doit affronter notamment une personne dissidente de LREM. Quant à Richard Ferrand, malgré son "affaire", il est probable qu’il serait réélu dans une circonscription réputée "facile" pour lui.
LR et UDI
Le 11 mai 2017, Bernard Accoyer, secrétaire général de LR, a annoncé que LR avait renouvelé 60% de ses candidats aux élections législatives et que le plus jeune candidat avait 23 ans.
Si François Baroin a présenté le 10 mai 2017 le programme législatif de LR-UDI sans doute le plus abouti de tous les partis pour ces élections législatives, il ne se fait guère d’illusions sur les chances d’atteindre une majorité à l’Assemblée Nationale. Cela ne l’empêche pas de participer à des dizaines et des dizaines de meetings pendant ces trois semaines de campagne, pour aider les candidats LR-UDI.
Lors de son meeting à Vertou le 29 mai 2017, François Baroin a proclamé la fin de la politique du ni-ni soutenue à l’UMP par Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé : les candidats LR-UDI qui n’auraient aucune chance d’être élus s’effaceraient au second tour si leur maintien donnait une chance d’élire un candidat du Front national. Cette politique du barrage au FN a été confirmée par le sénateur-maire de Troyes le 30 mai 2017 dans la matinale sur France Inter. Elle est la suite logique de la déclaration de François Fillon le 23 avril 2017 qui avait clairement appelé à voter en faveur d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle.
Dans le cadre de leur accord électoral, LR présente 480 candidats et l’UDI 148, en organisant dans certaines circonscriptions la double candidature. En cas de candidature unique, celle-ci a reçu la double investiture de LR et de l’UDI.
FN
Le Front national subit les conséquences de sa grande progression depuis 2012. Deux ailes politiquement opposées sont en pleine confrontation après la défaite présidentielle de Marine Le Pen (qui est redevenue présidente du FN le 15 mai 2017). Les élections régionales de décembre 2015 l’ont bien illustré : il y a le FN du Nord, canal d’extrême gauche, antimondialiste et contre l’Europe, symbolisé par Marine Le Pen et son acolyte irremplaçable, Florian Philippot, et il y a le FN du Sud, canal d’extrême droite, anti-immigration mais libéral et anti-impôt sur le revenu, symbolisé par Marion Maréchal-Le Pen et son grand-père Jean-Marie Le Pen. L’aile ouvrière et l’aile petits-commerçants.
Or, ces deux ailes sont en difficulté. D’une part, le 9 mai 2017, Marion Maréchal-Le Pen a annoncé son retrait de la vie politique alors qu’elle était l’une des deux députés FN élus en juin 2012 (l’autre, Gilbert Collard, serait en mauvaise posture dans sa circonscription du Gard). D’autre part, Florian Philippot a menacé le 19 mai 2017 (sur BFM-TV) de quitter le FN si ce dernier renonçait à vouloir quitter la zone euro. Pour maintenir un rapport de forces interne, il a créé le 15 mai 2017 l’association "Les patriotes" (après l’échec de l’alliance avec le parti de Nicolas Dupont-Aignan qui présente 388 candidats).
Par ailleurs, au-delà de ces divergences de fond, le FN va devoir s’expliquer sur les propos racistes ou antisémites d’une centaine de ses candidats aux élections législatives. Le site Buzzfeed a réalisé un travail de titans en scrutant toutes les interventions des 571 candidats FN et a publié son catalogue des horreurs. Le journaliste Daniel Schneidermann en a été écœuré : « La masse parle d’elle-même. Elle dit assez clairement à la fois le sérieux de "l’écrémage" des candidatures dont se vantent pourtant les dirigeants du mouvement et le fond de la pensée et des obsessions du "front profond". Elle permet d’en mesurer la cohérence intellectuelle. » (6 juin 2017).
France insoumise
Le 11 mai 2017, Jean-Luc Mélenchon est allé à Marseille dans la circonscription qui a le mieux voté pour lui au premier tour de l’élection présidentielle et où il se présente donc (contre le député PS sortant Patrick Mennucci). Son parachutage a valeur de symbole et il n’a pas caché son objectif : « Je ne veux pas affaiblir le PS. Je veux le remplacer ! ». Sa vieille rancœur contre un parti qui l’a nourri pendant de si longues décennies (sénateur PS au scrutin proportionnel entre 1986 et 2009 !).
Juste après l’élection présidentielle, comme François Baroin, Jean-Luc Mélenchon a fait campagne pour proposer une majorité de cohabitation face à Emmanuel Macron. Il aurait voulu que la France insoumise, son mouvement hétéroclite, fût le noyau dur d’une nouvelle gauche.
Pourtant, les tergiversations de Jean-Luc Mélenchon entre les deux tours de l’élection présidentielle, faisant de lui un allié tacite de Marine Le Pen, ont particulièrement scandalisé bon nombre d’électeurs notamment communistes. D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon a présenté des candidats contre des candidats communistes parfois député sortant. En tout, France insoumise présente 556 candidats et le PCF 461 candidats, ce qui fait des centaines de circonscriptions avec deux candidats de l’ancien Front de gauche.
PS
Le verdict présidentiel de 6,3% a été une catastrophe pour le PS car il a annoncé la disparition pure et simple du PS du paysage politique français. Tous les députés PS sortants se sont donc raccrochés à des bouées, d’un côté LREM ou "majorité présidentielle", de l’autre côté France insoumise.
Benoît Hamon, Anne Hidalgo, Martine Aubry, etc. veulent créer leur propre mouvement, et pour cette campagne, c’est la politique du sauve-qui-peut qui prévaut. Benoît Hamon a soutenu des candidats contre des députés PS sortants, comme Manuel Valls et Myriam El Khomri.
Positions de quelques candidats
Certaines circonscriptions sont plus scrutées que d’autres en raison de la présence de certaines personnalités.
Les candidats qui sont dans une position très difficile sont notamment : Jean-Christophe Cambadélis, Manuel Valls, Nathalie Koscusko-Morizet (voir le sondage en illustration), Najat Vallaud-Belkacem et Benoît Hamon.
En revanche, certains candidats qui n’ont encore jamais pu être élus députés pourraient être élus car ils ont choisi des circonscriptions "en or" pour eux. C’est le cas notamment de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont et de Jean-Luc Mélenchon à Marseille.
Sur la base du résultat de l’élection présidentielle dans les 577 circonscriptions, LREM arriverait au second tour dans 427 circonscriptions, FN dans 295, LR-UDI dans 227 et France insoumise dans 237 circonscriptions. Cependant, la forte abstention prévisible (autour de 40%) et la logique institutionnelle qui favoriserait LREM (largement) amplifieraient le score de LREM et minoreraient celui des autres partis, d’autant plus que le passage au second tour nécessite de réunir au premeir tour un minimum de 12,5% des électeurs inscrits.
L’intérêt de l’Élysée
On pourrait croire que l’intérêt d’Emmanuel Macron serait d’avoir une large majorité absolue à l’Assemblée Nationale.
Et pourtant, je pense le contraire. D’une part, les larges majorités rendent les députés dissipés et indisciplinés, ce serait encore plus le cas pour des élus qui n’ont jamais fait de politique auparavant. Les exemples historiques sont nombreux, le dernier en date sans doute est la grande victoire de la coalition UDF-RPR en mars 1993 qui avait été tellement divisée que deux candidats majeurs se sont présentés à l’élection présidentielle suivante (Jacques Chirac et Édouard Balladur). Au contraire, une majorité absolue à quelques sièges près, comme en mars 1986 pour la même coalition, avait rendu nécessaire une discipline parlementaire très rigoureuse pour éviter tout risque de perdre la majorité lors d’un projet de loi.
Un autre exemple devrait être le modèle pour Emmanuel Macron, celui des gouvernements de Michel Rocard qui a gouverné de 1988 à 1991 avec une majorité seulement relative du PS, l’obligeant à négocier (à coups de 49-3) parfois avec les communistes, parfois avec les centristes, reprenant l’idée chère à Edgar Faure mais aussi à François Bayrou de "majorité d’idées".
Or, si Emmanuel Macron veut vraiment changer la pratique et le type de gouvernance, il ne doit pas s’attacher à un parti godillot (malgré son nom de marcheurs) qui voterait tout ce que le gouvernement lui présenterait à l’Assemblée Nationale. Il serait plus logique, pour montrer son pluralisme, sa volonté de rassembler et d’unifier la classe politique pour soutenir des réformes sociales particulièrement fondatrices, de proposer un contrat de gouvernement entre LREM-MoDem, LR-UDI et, pourquoi pas, une partie sociale-démocrate du PS. Cela aurait l’avantage d’impliquer un large éventail de l’électorat dans une mission socialement et politiquement périlleuse.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (08 juin 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Liste des 7 882 candidats aux élections législatives du 11 juin 2017 (à télécharger).
Liste des 511 candidats investis par La République En Marche le 15 mai 2017 (document).
Programme LR-UDI pour les législatives présenté le 10 mai 2017 (à télécharger).
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
Emmanuel Macron et la fierté nouvelle d’être Français ?
Richard Ferrand, comme les autres ?
Édouard Macron : d’abord l’Europe !
Composition du premier gouvernement d’Édouard Philippe (17 mai 2017).
Édouard Philippe, nouveau Premier Ministre.
L’investiture d’Emmanuel Macron (14 mai 2017).
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Qui sera nommé Premier Ministre en mai et juin 2017 ?
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Macronités.
Ensemble pour sauver la République.
Débat du second tour du 3 mai 2017.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170522-legislatives2017-az.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2017-logique-193921
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/06/08/35332583.html
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