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6 mars 2020 5 06 /03 /mars /2020 03:21

« Les réunions politiques publiques sont interdites. Le préfet autorise les réunions des conseils municipaux (et communautaires) à huis-clos, selon les dispositions de l’art. 2121-18 du CGCL [code général des collectivités locales]. Le public ne peut pas se rassembler dans une autre salle en marge du conseil municipal. (…) Les rassemblements dans les lieux de culte sont interdits. Les mariages et enterrements peuvent être célébrés à la condition de réduire le public présent au strict minimum. » (3 mars 2020).


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Interdiction de rassemblement politique et religieux : sommes-nous dans la pire des dictatures ? Non. Cette courte citation d’une circulaire du préfet du Morbihan en date du 3 mars 2020 a de quoi faire frémir les besoins de liberté des citoyens. Le département du Morbihan semble très touché par le coronavirus provoquant la maladie dite COVID-19, les mesures de protection contre la propagation du virus sont draconiennes. Ce serait facile à admettre… mais hors contexte. Car nous sommes en pleine campagne des élections municipales et le scrutin a lieu dans moins de dix jours.

Le premier principe de réalité à accepter, c’est que le coronavirus n’est pas un simple virus de la grippe. Il peut y avoir un côté morbide à comptabiliser chaque jour le nombre de personnes infectées et le nombre de personnes décédes par le coronavirus, car chaque personne atteinte est un scandale, mais l'approche statistique est pourtant essentiel en épidémiologie. Au 5 mars 2020, il a déjà tué 3 356 personnes en moins de deux mois, soit à peu près l’équivalent de l’hécatombe sur les routes françaises chaque année, et il a infecté déjà 98 088 personnes, dont 54 237, heureusement sont aujourd’hui guéris. Il touche quasiment tous les pays, 89 États à ce jour, et le risque est que des pays africains, d’Amérique latine et aussi l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie… sous-évaluent énormément le nombre de personnes infectées par manque de tests de dépistage.

Depuis une semaine, la France, comme l’Allemagne (545 cas) et l’Espagne (282 cas, 3 décès), se trouve en pleine "flambée" du coronavirus : 423 cas d’infection, dont 23 en état sérieux ou critique, qui ont entraîné la mort de 7 personnes. C’est, par rapport à la veille, 138 de plus. Alors que l’épidémie a atteint son pic il y a quelques jours en Chine, trois pays sont en "mauvaise posture" : la Corée du Sud (6 088 cas soit +467 en un jour, 40 décès), l’Iran (3 513 cas soit +591 en un jour, 108 décès) et l’Italie (3 858 cas soit +769 en un jour, 148 décès). Rien n’indique que la France ne suive pas la pente de l’Italie d'ici à la semaine prochaine.

Certains disent que le nombre de morts est somme toute très faible par rapport à la population d’un pays ou par rapport à d’autres causes de mortalité. Néanmoins, j’attire l’attention sur le fait que ces morts se cumulent aux autres et que, sans ce coronavirus, des milliers de vies auraient été sinon sauvées au moins prolongées. C’est même très stupide de vouloir faire un concours de mortalité. Car à ce compte-là, laissons les meurtriers tuer leurs victimes, puisqu’il n’y a pas 1 000 homicides chaque année, un nombre très faible qui ne devrait pas justifier une telle couverture médiatique ni une telle démagogie politique sur la supposée insécurité.

L’esprit républicain français rappelle d’ailleurs, au même titre que certaines religions, qu’une vie est une vie, que la mort d’une personne, c’est une bibliothèque qui brûle, que tout doit être fait pour sauver même une seule vie. Et puis, la mécanique de l’épidémie justement mélange liberté individuelle et conséquences collectives.

Ce virus est dangereux pour plusieurs raisons : au moins vingt fois plus létal que la grippe, et surtout, il est inconnu, on ne connaît pas toutes les conséquences de ce virus à court et long terme.

Un gouvernement, quel qu’il soit, sera toujours critiqué dans de telles circonstances : on dira qu’il n’en a pas fait assez ou qu’il en a fait trop. Le juste équilibre nécessite une observation fine et dynamique, sans cesse renouvelée, pour éviter le pire tout en continuant à vivre normalement. Même si gouverner, c’est prévoir, personne n’est madame soleil.

La situation se complique évidemment encore plus lorsque nous sommes en période électorale. La campagne et aussi les opérations de vote. Repousser le scrutin ? Si c’est d’un ou deux mois, rien ne garantit que la situation ne sera pas pire dans un ou deux mois. Et repousser dans six mois, un an, pourrait bouleverser complètement les institutions, en particulier parce que les élus municipaux et leurs délégués représentent environ 95% des grands électeurs pour les élections sénatoriales qui sont prévues le 27 septembre 2020 (renouvellement de la moitié du Sénat).

De plus, la situation étant ce qu’elle est, à savoir une forte probabilité pour que ces élections marquent une certaine défiance vis-à-vis de la majorité, les repousser pourrait laisser prise aux soupçons d’autoritarisme du gouvernement. Résultat, ce 5 mars 2020, le gouvernement a confirmé que les élections municipales auraient bien lieu les 15 et 22 mars 2020.

Or, pour faire campagne, généralement, il faut rencontrer les électeurs. Pour la dernière semaine, cela va être très difficile. Les mesures de protection sont connues, et le sont même hors période d’épidémie, bien se laver les mains régulièrement, tousser dans son coude (pas dans ses mains car on touche beaucoup de choses avec les mains), et aussi ne plus se serrer les mains ni faire la bise, ce qui va être difficile pour faire campagne. Et ne porter un masque que lorsqu’on est malade, pour ne pas transmettre le virus, pas avant, pour laisser les masques à ceux qui en ont besoin.

Ces mesures de précaution, de bon sens finalement, ont déjà désengorgé les services des urgences (souvent en grève théoriquement) de autres infections habituelles de l’hiver (rhume, bronchite, etc.). Il y a quand même un petit côté de défiance dans le refus de se toucher pour saluer, du reste comme pour se protéger du sida avec un préservatif, son utilisation pouvant être une preuve de manque de confiance de son ou sa partenaire.

Certains pourraient croire qu’ils ont la baraka, qu’ils ne craignent pas le virus, qu’ils en ont connu d’autres, mais le fait de ne pas se toucher n’est pas qu’une question de peur, c’est aussi une question de responsabilité collective : en serrant la main d’une autre personne, on envisage de se faire contaminer par le coronavirus, on envisage beaucoup moins de le transmettre, et pourtant, on peut être un porteur sain, et donc, l’avoir sans le savoir et le transmettre sans l’avoir voulu.

Le plus dur est évidemment l’interdiction, dans certains territoires, de faire des réunions publiques, car comment pouvoir convaincre les électeurs si on ne tente pas de les rassembler dans un même lieu ? Sans compter qu’il faut se méfier de toutes les sources de contamination, notamment les microphones (postillons) et les téléphones fixes (utilisés par plusieurs personnes, le smartphone étant plus individuel, le risque est beaucoup plus faible).

Mais le problème ne s’arrête pas avec la campagne électorale, il reste tout entier dans la journée même du scrutin, dans les opérations de vote. Il y a quelque temps, j’avais argumenté pour refuser absolument le vote électronique au nom de la sincérité, de la liberté et du secret du vote, mais le vote électronique a au moins cet avantage (le seul qui pèse faiblement face à ses grands défauts) d’éviter plus efficacement la propagation des virus.

En effet, les assesseurs devront prendre la carte d’identité de plusieurs centaines de personnes (les votants), les électeurs devront ensuite émarger la liste électorale avec un stylo utilisé par d’autres, et au moment du dépouillement, il faudra bien toucher des centaines de bulletins de vote issus de centaines de personnes. On pourra toujours prendre des gants, ceux-ci ne sont utiles que si on les change souvent, autant se laver souvent les mains dans ce cas-là. Le peuple israélien a voté le 2 mars 2020 et la procédure ont été très rigoureuse pour éviter la propagation du coronavirus.

Probablement que les électeurs et les assesseurs attendent du gouvernement qu’on les rassure sur les opérations de vote. Il faut noter que la peur pourrait engendrer une très forte abstention, en particulier des plus fragiles, à savoir, majoritairement, des plus âgés. Ce qui aura nécessairement des conséquences sur les résultats électoraux…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 mars 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Municipales 2020 (2) : le coronavirus s’invite dans la campagne.
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Article 49 alinéa 3 : le coronavirus avant la réforme des retraites ?
Les frontières arrêteront-elles le coronavirus ?
Coronavirus : la croisière ne s’amuse plus.
Le docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte de l’épidémie de coronavirus.
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
L’apocalypse par l’invasion de paléovirus géants ?
Le virus de la grippe A(H1N1) beaucoup plus mortel que prévu.
"Estimated global mortality associated with the first 12 months of 2009 pandemic influenza A H1N1 virus circulation : a modelling study" ("The Lancet", 26 juin 2012).
Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
L’arbre de la vie.
Découverte du virus du sida.
Vaccin contre le sida ?
La grippe A.
Un nouveau pape de la médecine.

_yartiCoronavirusF04




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200305-municipales-2020b.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/municipales-2020-2-le-coronavirus-222072

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/03/04/38074982.html





 

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27 février 2020 4 27 /02 /février /2020 03:17

« On décompte à ce jour plus de 80 000 cas de coronavirus sur la planète et 3 000 décès. Chaque jour, de nouveaux lieux, parfois des villes entières, sont confinés. L’épidémie s’étend et commence à toucher notre pays. Pour notre population, ces nouvelles sont évidemment anxiogènes. Elles occasionnent d'ailleurs de déplorables réactions de racisme, que nous condamnons fermement. Nous devons aborder cette épidémie dans un esprit de responsabilité, soucieux de protéger nos concitoyens. Il ne faut ni minimiser le risque ni confondre la réalité sanitaire du virus, qui est loin de la grippe espagnole, avec ses effets psychologiques. Cette réalité appelle du sang-froid, sans dramatisation. » (Bernard Jomier, sénateur, le 26 février 2020 au Sénat à Paris).



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Alors que l’épidémie voire la pandémie de COVID-19 semble être à son maximum en Chine, les places boursières européennes ont dévissé ce lundi 24 février 2020 en raison de très forte hausse, au cours du week-end dernier, de personnes infectées par le coronavirus SARS-CoV-2 en Italie, en Iran et en Corée du Sud.

Il paraît indécent de parler d’économie lorsque des personnes meurent de cette épidémie. Certes, la croissance va être plombée par cette épidémie. Les échanges internationaux sont beaucoup plus nombreux qu’auparavant. Il suffit de voir qu’en 2003, à l’époque de l’épidémie de coronavirus SRAS, les vols aériens à destination de la Chine représentaient seulement 3% des vols mondiaux. Aujourd’hui, 23%, ce qui signifie un manque à gagner pour les compagnies aériennes de 30 milliards d’euros. Quant au tourisme, l’absence de touristes chinois représente pour la France une perte de 4 milliards d’euros.

Mais ces considérations sont des conséquences secondaires, et rien ne prouve qu’il n’y aura pas, après la fin de l’épidémie, dans quelques semaines ou quelques mois, un réajustement de la croissance avec une relance en Chine. Car de nombreux produits du monde sont fabriqués en Chine et devront bien, un jour ou l’autre, être fabriqués de nouveau et livrés.

Mais il y a une indécence encore plus forte de parler de politique à propos du coronavirus. Certes, il y a aujourd’hui une position d’équilibriste, d’une part, à dire que cette épidémie est grave et qu’il faut prendre des mesures, se préparer au pire, et, d’autre part, à refuser toute panique car on sait bien que la peur ne résout aucun problème et que les émotions font le lit des démagogues.

Pourtant, la peur est justifiée. Ceux qui veulent voir dans le COVID-19 qu’une simple grippe devraient s’inquiéter un peu. Ce que dit par exemple le professeur Marc Gentilini, président honoraire de l’Académie de médecine, le 26 février 2020, est intéressant à cet égard : certes, le virus de la grippe tue beaucoup plus, en principe (sauf cette année où les victimes sont en faible nombre, tant mieux), plusieurs milliers en France, mais il y a deux éléments actuellement inquiétants sur ce nouveau coronavirus. D’une part, le coronavirus est beaucoup plus mortel (environ 2% au lieu de 0,2%, mais ce taux est toujours sujet à caution car on ne sait exactement que le nombre de décès, plus difficilement le nombre réel de personnes atteintes), et d’autre part, il est beaucoup plus contagieux (un taux d’environ 3,5).

Plus précisément, une étude du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies publiée le 24 février 2020 dans le "New England Journal of Medecine" a porté sur les 72 314 cas d'infection jusqu'au 11 février 2020. Sur ces cas, 889 (soit 1%) étaient des cas asymptomatiques. Il y avait 1 023 décès (soit 2,3%), 208 des personnes décédées (soit un taux de létalité de 14,8%) avaient au moins 80 ans (alors qu'il y avait 1 408 personnes infectées d'au moins 80 ans, soit 3% de toutes les personnes infectées). 2% des personnes infectées ont moins de 20 ans, et le taux de létalité est de 0% pour les 416 enfants infectés de moins de 10 ans. Sur les 44 672 cas d'infection confirmée avec signes cliniques, 2 087 cas (soit 5% sont des formes critiques de la maladie, avec un taux de létalité de 49% (1 023 décès). Le taux de létalité du coronavirus dans la seule ville de Wuhan serait de 5,5%, dans la province du Hubei hors la ville de Wuhan, il serait de 1% et au niveau national, en Chine, hors province du Hubei, il serait de 0,3%.

Or, pour le professeur Marc Gentilini, ce qui change tout, ce ne sont pas les statistiques (qui peuvent hélas évoluer), mais l’ignorance sur le comportement du coronavirus, et en particulier sur son mode de transmission, d’autant plus qu’il y a des cas, comme celui de ce Français de 60 ans, professeur dans un collège de l’Oise, décédé dans la nuit du 25 au 26 février 2020, qui n’était pas revenu d’un voyage dans un pays foyer de l’épidémie et qui n’avait a priori pas eu de contact avec des personnes issues de ces pays. Ce n’est pas la première fois que des cas d’infection se passe dans un pays sans rapport avec un pays de foyer, en Allemagne par exemple.

Autre ignorance inquiétante, parmi les victimes, il n’y a pas que des personnes âgées ou affaiblies par d’autres problèmes (hypertension, diabète, immunodéficience, etc.) mais aussi des personnes en bonne santé, parfois jeunes (Li Wenliang, le médecin lanceur d’alerte, n’avait que 33 ans).

Pour autant, il ne faut pas s’affoler car cela ne sert à rien. Sinon peut-être aux vendeurs de masques. Il faut rester vigilant, ce qui pose quelques questions sur le maintien par exemple d’un match à Lyon avec la venue de nombreux supporteurs de Turin. C’est cet équilibre qu’il faut trouver, de manière dynamique, car il faut aussi continuer à vivre tout en prenant le minimum de risques.

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Les statistiques exposées ici sont du mercredi 26 février 2020. La situation en Chine est la suivante : il y a 78 064 personnes infectées dont 2 715 qui sont décédées (en moins de huit semaines). Des pays comme la Mongolie mais aussi la Corée du Nord ont fermé leurs frontières depuis plusieurs semaines.

La situation en Corée du Sud est elle aussi grave avec 1 261 personnes atteintes dont 12 décédées. Quatre personnes sont mortes du coronavirus, parmi les 705 personnes infectées qui étaient dans le bateau de croisière, le Diamond Princess.

Si la situation du Japon (178 personnes infectées dont 2 décédées), de Hong Kong (89 personnes infectées dont 2 décédées), de Singapour (93 personnes infectées) et de Thaïlande (40 personnes infectées) est grave aussi, ce sont surtout deux nouveaux foyers très graves de l’épidémie qui inquiètent car ils ont surgi ce week-end, l’Iran et l’Italie.

En Iran, avec pour l’instant 139 personnes infectées (la réalité devrait être bien plus grave) dont 19 décédées, ce foyer peut hélas s’expliquer par un refus de se préoccuper de ce sujet avant les élections du 21 février 2020. Même le Ministre iranien de la Santé a été dépisté positif le 25 février 2020, et il était la veille encore en conseil des ministres. C’est carrément tous les dirigeants iraniens qui risquent d’être atteints par le coronavirus.

En Italie, une négligence dans un hôpital du nord de l’Italie a, semble-t-il, fait bondir, en quelques jours, les statistiques à 453 personnes infectées dont 12 décédées.

En Afrique, on compte très peu de cas de personnes infectées, deux personnes, une en Égypte et une en Algérie. Mais rien ne dit que le continent n’est pas touché massivement. Cela veut surtout dire que les tests de dépistage sont quasi-inexistants et donc, qu’il est très difficile d’avoir une mesure réelle de la situation sanitaire en Afrique. Même remarque avec l’Amérique du Sud (seulement une personne testée positive au Brésil).

En France, le 24 février 2020, le nouveau ministre Olivier Véran avait annoncé qu’il n’y avait plus aucun patient hospitalisé atteint du coronavirus (des 12 personnes atteintes auparavant dont une est décédée), mais ce fut de courte durée. Au 26 février 2020, il y a 6 personnes atteintes (soit 18 en tout) dont une est décédée la nuit dernière (le professeur de l’Oise) et une autre (de 55 ans) en situation critique. Il est probable que ce nombre évolue.

Alors, faut-il fermer les frontières comme le préconisent Marine Le Pen depuis le 23 février 2020 ou encore d’autres extrémistes comme Nicolas Dupont-Aignan ? Évidemment non, car cela ne résoudra rien et au contraire, fera plus de mal que de bien (des infirmières transfrontalières ne pourraient même plus s’occuper des malades).

Lors d’une question au gouvernement au Sénat, le 26 février 2020, le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a tenu à rappeler : « Face à la menace d'une épidémie, l'union nationale est indispensable. De même, en présence d'un risque infectieux, il y a des réflexes, des gestes qui sauvent, comme tousser dans sa manche et se laver les mains régulièrement, et il y a des gestes qui peuvent être dévastateurs : les gestes de division, les gestes de repli. C'est pourquoi j'étais hier à Rome avec mes homologues ministres de la santé européens, pour dire à l'Italie que la France la soutient dans cette épreuve et que vous voulons travailler de façon intelligente, entre partenaires européens, pour trouver des solutions concertées. Nous avons évidemment, à cette occasion, acté qu'il était hors de question de fermer nos frontières. ».

Pour terminer ce tableau instantané de la situation du coronavirus, je propose ici de présenter la position de l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. Au-delà de son expérience de Premier Ministre lors de la dernière grande épidémie (le SRAS en Chine en 2003), Jean-Pierre Raffarin est aussi un fin connaisseur de la Chine, et a proposé une analyse pertinente le mercredi 26 février 2020 sur LCI.

Jean-Pierre Raffarin a voulu d’abord rassurer : « Je pense très franchement que la situation est évidemment difficile dans le monde entier. Chaque gouvernement a un grand nombre de difficultés à surmonter. Je pense que notre gouvernement est raisonnablement bien mobilisé et il ne faut pas s'affoler sur cette question. ». Pour preuve, il est prêt à se rendre en Chine si c’est nécessaire : « Je n'aurais pas de problème à aller en Chine si cela était un devoir d'État. ».

Fustigeant les extrémistes, l’ancien Premier Ministre a rappelé l’importance des synergies internationales pour lutter plus efficacement contre l’épidémie : « C'est quand même très important de montrer la solidarité. Et je vois bien que tous ces gens extrémistes qui rappellent les frontières comme étant la solution à tout problème politique. Est-ce que les frontières arrêtent les problèmes climatiques ? Est-ce que les frontières arrêtent le virus ? Moi, ce qui me frappe aujourd'hui, c'est qu'on a une démagogie qui appelle toujours la frontière alors que tous nos problèmes reposent sur la coopération internationale. C'est la coopération qui est la solution. C'est de travailler avec les scientifiques chinois. C'est de renforcer le multilatéralisme de santé et l'OMS. C'est la coopération qui peut nous aider. Ce n'est pas de nous enfermer chacun dans nos problèmes. ».

Jean-Pierre Raffarin, comme Olivier Véran quelques heures plus tard, y a vu aussi un risque de racisme : « J'ai vu des Chinois dans la rue avec des pancartes : "Je ne suis pas un virus". Je pense qu'il faut faire très attention, et de ce point de vue-là, soyons extrêmement vigilants parce que si on devait avoir des contaminations avec l'Afrique, si on devait avoir un certain nombre d'autres sujets, on verrait que les tensions pourraient être très vives. Et donc soyons très vigilants et surtout, gardons le sang-froid, gardons un peu de sens des responsabilités. ».

Quant au régime de Xi Jinping, Jean-Pierre Raffarin a voulu bien distinguer le totalitarisme, ici plus efficace pour lutter contre l’épidémie (en Chine, on ne peut pas critiquer le manque d’autorité ni le manque d’organisation avec la construction d’un hôpital en dix jours), et le manque de liberté individuelle : « On peut critiquer Xi Jinping (...), le système autoritaire n'est pas le nôtre, moi, je n'adhère pas à l'organisation politique de la Chine. Mais là, aujourd'hui, le plus important, c'est quand même de faire preuve de compassion vis-à-vis du peuple chinois qui souffre. La solidarité, ça compte en matière internationale et pour l'équilibre du monde. Aujourd'hui, il y a un peuple qui souffre. ».

Les démagogues de tous poils se discréditeront d’eux-mêmes en utilisant l’épidémie de COVID-19 à des fins politiciennes. Quand des personnes meurent, il ne faut pas faire de la récupération électoraliste, mais il faut de la compassion, comme dit Jean-Pierre Raffarin, de la solidarité et l’esprit civique, à savoir, se conformer aux recommandations des autorités sanitaires du pays dans lequel on séjourne. Et c’est peut-être cet esprit collectif du bien commun qui peut manquer à l’esprit de certains citoyens français…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 février 2020)
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Pour aller plus loin :
Les frontières arrêteront-elles le coronavirus ?
Coronavirus : la croisière ne s’amuse plus.
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Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
L’arbre de la vie.
Découverte du virus du sida.
Vaccin contre le sida ?
La grippe A.
Un nouveau pape de la médecine.

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20 février 2020 4 20 /02 /février /2020 03:21

« Japan. Diamond Princess currently held under quarantine at Yokohama port, after somebody who got off the cruise ship in HK on Jan 25 developed symptoms of coronavirus 6 days later. » (Twitter, le 3 février 2020).


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J’ai toujours détesté le principe des croisières. Certes, l’avantage économique est indéniable : on fait construire de gros paquebots, et l’industrie française peut même bénéficier de ce genre de commandes dont elle a l’expertise, et on permet à une population pas forcément hyper-riche de jouer les riches sur leur yacht. Les paquebots sont aux HLM ce que les yachts sont aux villas. Toute proportion gardée, car je doute que les bénéficiaires de logements sociaux puissent s’offrir une semaine en croisière.

Mais à part cet intérêt économique (celui qui "corrompt"), je ne vois que des inconvénients aux croisières : des inconvénients pour la planète (les paquebots sont parmi les plus gros pollueurs), des inconvénients pour le tourisme dont la masse signifie l’écrasement ou l’étouffement, des inconvénients pour les habitants visités. Le désastre écologique provoqué par les croisières est assez connu, et il faut y ajouter un désastre civique parfois (quand un capitaine préfère se sauver en cas de malheur, oubliant "les femmes et les enfants"), un désastre urbain (quand un paquebot arrive un peu trop brutalement en ville) et un désastre esthétique terrifiant.

Un exemple parmi d’autres : à Dubrovnik, au sud de la Croatie, le port accueille (ou plutôt accueillait, cela fait déjà plusieurs années que j’y étais allé) de très nombreux paquebots de six, sept, huit étages gigantesques. Parmi les milliers de touristes de croisière, certains ne se donnent même pas la peine de quitter le navire pour visiter cette sympathique cité dalmate et restent sur leurs chaises longues à siroter du pastis et à piquer un ou deux plongeons dans la piscine en plein air (à ce compte-là, autant rester chez vous et trouver une piscine en plein air près de chez vous).

Autre exemple désolant : le Nil est souvent bordé de paquebots pour une croisière allant d’Assouan jusqu’au Caire. Pas facile de connaître les habitants, avec ce genre de vacances.

Mais, bon, business is business, et puis, chacun fait comme il l’entend, si cela se trouve, pour certains, ce sont des lots de tombola ! En revanche, je n’avais pas compté sur un autre inconvénient majeur de faire une croisière : le coronavirus ! Gare au coronavirus en pleine croisière !

Cette épidémie commence à devenir un véritable fléau planétaire. Certes, les statistiques sont faibles, mais la contagiosité du coronavirus découvert à Wuhan est très élevée. Il y a de quoi s’inquiéter. Sa mortalité es beaucoup plus élevée que pour le virus de la grippe et il peut aussi tuer des personnes jeunes et en bonne santé. Le touriste chinois octogénaire qui avait été dépisté le premier à Paris est décédé le 15 février 2020, quelques heures avant la démission de la Ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn pour cause de campagne municipale. C’est la première fois qu’un malade décède hors d’Asie (et la première fois en Europe).

C’est en Chine que la situation est la plus préoccupante et une cinquantaine de millions de personnes sont actuellement confinées sans transports pour éviter l’a propagation du coronavirus. S’il y a un reproche à faire aux autorités chinoises, ce n’est pas d’en faire trop mais de ne pas en avoir fait assez. D’ailleurs, les numéros uns du parti communiste chinois de la ville de Wuhan et de la province du Hubei ont été limogés le 14 février 2020 pour cette raison. Xi Jinping souhaite traiter cette épidémie avec la plus grande efficacité et donc transparence.

Ce mercredi 19 février 2020, hélas, l’épidémie est la cause de déjà plus de 2 000 décès : 2 014 personnes sont mortes du coronavirus (dont 2 006 en Chine continentale), 75 318 personnes ont été atteintes de ce virus (dont 74 187 en Chine continentale) et parmi ces personnes, 15 112 personnes sont guéries et hors de danger (dont 14 926 en Chine continentale).

Le fléau reste donc principalement chinois, mais la forte mondialisation de la Chine a fait que de nombreuses personnes infectées ont voyagé avant l’alerte donnée et ont contaminé les pays qu’ils ont visités.

Dans un tel contexte, une croisière en Asie est fort peu recommandée. Ainsi, le paquebot MS Westerdam n’a, initialement, trouvé aucun port acceptant de l’accueillir. Puis, finalement, le Cambodge l’a accepté, si bien que le paquebot a accosté le 14 février 2020 à Sihanoukville. 1 274 passagers ont débarqué en deux jours et sont repartis dans leurs pays respectifs avec leurs propres moyens de transports (avion, etc.). Le problème, c’est que le 16 février 2020, la Malaisie a dépisté une personne atteinte du coronavirus. Or, aucun dépistage ni mise en quarantaine n’a été fait sur l’ensemble des voyageurs qui pourraient donc contaminer leurs proches rapidement.

Le MS Westerdam avait quitté Hong Kong le 1er février 2020 avec 2 257 personnes à bord (dont 802 membres d’équipage). La croisière devait se faire au Japon et à Taiwan mais le Japon a refusé sa présence du paquebot dans ses ports. Les 983 passagers restés à bord du MS Westerdam ont été mis en quarantaine et sont actuellement en cours de dépistage. Il faut quatorze jours (le temps d’incubation du coronavirus) pour savoir si une personne isolée a été infectée ou pas.

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La situation était cependant nettement plus préoccupante pour un autre paquebot, le Diamond Princess. Heureusement, le cauchemar va commencer à s’achever ce mercredi 19 février 2020 après quatorze jours de quarantaine, avec le débarquement des premiers passagers non contaminés au Japon (500 sont attendus cette semaine). À ce jour, 621 personnes ont été infectées du coronavirus dans le paquebot, et il est probable que ce nombre sera à la hausse dans les jours prochains. C’était un scénario catastrophe au fil de l’eau.

Ce paquebot mis en service le 27 mai 2004 de près de 300 mètres  de longueur a une capacité de 3 922 passagers (dont 1 238 membres d’équipage). Ce monstre marin faisait croisière au départ de Yokohama le 20 janvier 2020, pour aller au Vietnam, puis à Taiwan, puis retour au Japon.

Une première alerte a eu lieu le 1er février 2020 avec le dépistage d’un homme ayant les symptômes de la maladie COVID-19 (la pneumonie du coronavirus de Wuhan, le SARS-CoV-2) qui avait débarqué à Hong Kong le 25 janvier2020. Mais, après une quarantaine à Okinawa (une île japonaise), le bateau est reparti le 3 février 2020 tandis qu’au moins dix personnes parmi les 3 711 passagers (dont 1 045 membres d’équipage) ont été diagnostiquées positives au coronavirus le surlendemain.

Résultat, dès le 4 février 2020, le gouvernement japonais (alors que le Diamond Princess était encore dans les eaux territoriales japonaises) a décidé de confiner le paquebot au port de Yokohama, dans la baie de Tokyo, pour une quarantaine de quatorze jours. Le paquebot a pu s’approcher du port pour être ravitaillé et pour exfiltrer les personnes malades et les faire hospitaliser.

Le 5 février 2020, dix autres personnes ont été diagnostiquées positives. Ce fut un véritable cauchemar. Chaque jour, l’épidémie prenait de l’ampleur dans le bateau malgré les conditions strictes (confinement dans les cabines, parfois sans fenêtre, masque et gants pour servir les repas, etc.), jusqu’à atteindre 621 personnes détectées positives au coronavirus le 19 février 2020. Parmi les passagers contaminés se trouvaient quatre Français. Pour passer le temps, les réseaux sociaux ont fonctionné énormément avec beaucoup de témoignages et de vidéos.

Chaque jour, le nombre de personnes contaminées progressait. Le problème était que le nombre de personnes testées chaque jour était limité à 300. Le journal "Ouest France" qui a publié ce 19 février 2020 un reportage intéressant sur cette croisière infernale avait eu ce témoignage d’un passager : « Une des raisons pour lesquelles il n’y a pas de mouvement de panique découle de la gestion de la situation par le capitaine. Il fait des annonces régulièrement, répond aux autres demandes des passagers et s’excuse pour les délais de distribution de médicaments. ».

Comment ne pas être contaminé dans un paquebot alors qu’il y a une centralisation des fluides : air, eau, eaux usées, etc. Toutes les cabines sont effectivement communicantes les unes avec les autres. La progression de l’épidémie était impressionnante, ce qui a encouragé certains pays à organiser le rapatriement de certains de ses ressortissants, comme les États-Unis le 17 février 2020 (300 Américains évacués dont 14 contaminés), également le Canada et l’Australie.

La malheureuse expérience du Diamond Princess fera probablement l’objet d’études ultérieures pour analyser ce qu’il ne conviendrait pas de faire. L’une des explications du problème fut sans doute le décalage entre la date de la contamination et la date du dépistage positif au coronavirus. Au bout de neuf jours, seules 710 personnes avaient été testées soit seulement 19% du total des passagers.

Nul doute que cette sombre expérience fera l’objet d’une fiction dans le genre "La Tour infernale"… à moins que Françoise Sagan, du haut de son Olympe, ne réécrive son superbe roman (le meilleur à mon sens) "La Femme fardée" que je conseille de lire, si le confinement dans une cabine sans ouverture à la lumière naturelle continuait à s’éterniser.

NB. Deux passagers de la croisière atteints du coronavirus sont morts ce jeudi 20 février 2020.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Coronavirus : la croisière ne s’amuse plus.
Le docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte de l’épidémie de coronavirus.
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
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Le virus de la grippe A(H1N1) beaucoup plus mortel que prévu.
"Estimated global mortality associated with the first 12 months of 2009 pandemic influenza A H1N1 virus circulation : a modelling study" ("The Lancet", 26 juin 2012).
Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
L’arbre de la vie.
Découverte du virus du sida.
Vaccin contre le sida ?
La grippe A.
Un nouveau pape de la médecine.

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7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 03:29

« Vous envoyez des commentaires mensongers sur Internet. Serez-vous capable de cesser ces actions illégales ? Nous vous mettons sévèrement en garde : si vous continuez vos activités illégales, vous allez être poursuivi par la loi. Comprenez-vous ? » (Police de Wuhan, 3 janvier 2020).



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C’était (ci-dessous) le texte où il fallait apposer une signature (texte reproduit en bas de cet article). La vie d’un lanceur d’alerte n’est pas vraiment un long fleuve tranquille, surtout dans un pays où les libertés individuelles sont bafouées en permanence et remplacées par une surveillance tout aussi permanente.

L’épidémie de coronavirus de Wuhan, appelé "2019-nCoV", qui s’est développée en Chine depuis maintenant deux mois (8 décembre 2019) a (hélas) un héros, ou plutôt, un héraut. Ophtalmologue de 33 ans (il est né le 12 octobre 1986) au Wuhan Central Hospital (hôpital central de Wuhan), Li Wenliang a fait partie des premiers médecins à avoir donné l’alerte de ce nouveau virus (de type SRAS) dès le mois de décembre 2019, alors que les autorités chinoises n’ont communiqué sur l’épidémie qu’à partir du 9 janvier 2020.

Le médecin a découvert le 30 décembre 2019 qu’un patient de son hôpital était positif à un test de dépistage proche du coronavirus du SRAS issu de l’épidémie de 2002-2003 (à l’époque, la Chine avait été complètement dépassée et avait très mal géré l’épidémie). Li Wenliang a décidé alors d’en informer ses camarades de promo dans un groupe de discussion sur Internet (site WeChat) : « Il y a sept cas confirmés de SRAS au marché de gros de fruits de mer de Huanan. ». Il leur a envoyé le rapport du patient et a complété un peu plus tard : « Les dernières nouvelles confirment qu’il s’agit d’infections au coronavirus, mais le virus exact reste à sous-typer. ».

L’information a commencé à se propager à vive allure, jusqu’aux oreilles (ou aux yeux) de la police qui est intervenue auprès de lui dès le 3 janvier 2020 pour le mettre en garde de ne plus diffuser des "rumeurs" sur Internet. Mais l’information s’est propagée de toute façon, au point que le docteur Li Wenliang est devenu le premier lanceur d’alerte d’une épidémie de coronavirus. L’ophtalmo a protesté : « Je pense qu’il devrait y avoir plusieurs sons de cloche dans une société normale, et je désapprouve l’utilisation des pouvoirs publics pour interférer de manière excessive. ». Il n’avait cependant pas l’intention de recourir à la justice car l’important était ailleurs pour lui : « Il est plus important que les gens connaissent la vérité, la justice est moins importante pour moi. ».

Le 4 février 2020, la Cour populaire suprême de Chine a cependant donné raison à Li Wenliang et à quelques autres médecins avec lesquels il avait échangé : en effet, cette instance, qui est la plus haute cour du pays, a formellement désavoué la police de Wuhan pour avoir menacé ces internautes de diffusion de fausses nouvelles, dans la mesure où les informations diffusées n’étaient pas vraiment fausses : « Cela a pu être une chance si les lecteurs ont réagi à ces informations en se mettant à porter des masques, à faire des désinfections et à ne plus fréquenter le marché de Huanan. ». Li Wenliang craignait d’être sanctionné par son hôpital et cette intervention de la cour l’a, en quelques sortes, disculpé.

Apparemment, les autorités locales, par crainte du faux pas, voulaient beaucoup moins de transparence que le gouvernement central qui voulait prendre l’affaire à bras le corps, surtout en raison d’une diplomatie qui veut rendre la Chine crédible au sein de la plupart des organisations mondiales. Il n’est pas anodin que le Président chinois Xi Jinping lui-même soit intervenu plusieurs fois sur le sujet depuis quelques semaines (j’y reviendrai dans un autre article).

On se rend ainsi compte que la transparence des autorités chinoises n’était pas une évidence lorsqu’elles ont pris conscience de l’épidémie. Mais les technologies ont beaucoup évolué en dix-sept ans, depuis la mauvaise expérience de gestion de crise avec le précédent coronavirus (SRAS) : les réseaux sociaux, les smartphones, tous les citoyens sont capables d’émettre et de recevoir à la vitesse de la lumière des nouvelles informations et ce serait compliqué d’en garder l’absolu contrôle.

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Le changement le plus important, c’est la balance du commerce extérieur qui fait qu’il y a nettement plus d’échanges internationaux avec la Chine : à ce jour, vendredi 7 février 2020, vingt-huit pays sont touchés par ce coronavirus, soit 34 395 cas détectés dont 34 068 en Chine (hors Hongkong), dont 6 en France, 12 aux États-Unis, 14 en Allemagne (dont une personne contaminée en Allemagne même)… Hélas, la maladie a provoqué 720 décès, dont 718 en Chine (les deux autres à Hongkong et aux Philippines). Le taux de mortalité est toujours resté de l’ordre de 2% (ici 2,1%). La mortalité est quatre fois plus faible que celle du SRAS mais la contagiosité est nettement plus importante. Cela dépasse de loin, en absolu, l’ampleur de l’épidémie de 2002-2003 : 8 346 cas avec 646 décès au 7 mai 2003 (l’épidémie a commencé en novembre 2002, le coronavirus détecté en février 2003 et l’alerte mondiale déclenchée par l’OMS le 12 mars 2003 ; au 1er juillet 2003, à la fin de l’épidémie, il y a eu 774 décès). Ce samedi 8 février 2020, ont été détectés au total 34 877 cas provoquant 725 décès (dont un Américain).

L’histoire du jeune docteur Li Wenliang aurait donc pu être heureuse, celle d’un lanceur d’alerte reconnu par l’un des gouvernements au monde les plus autoritaires contre la liberté d’expression. Hélas, Li Wenliang est mort aux premières heures du 7 février 2020, il a fait partie de ces victimes du coronavirus. Marié, père d’un enfant, il en attendait un second. Effroyable nouvelle d’un arrêt cardiaque.

En effet, Li Wenliang a contracté le coronavirus dans son hôpital en soignant un patient qui présentait un glaucome. Ce dernier était infecté. Après quelques jours de forte toux et de fièvre, Li Wenliang fut admis aux soins intensifs le 12 janvier 2020 et mis en quarantaine par principe de précaution. Il n’a été dépisté réellement que tardivement, le 1er février 2020 : entre-temps, il avait contaminé sa famille, ses collègues, etc. Le retard provenait d’un manque de moyens pour faire les cests de dépistage.

Alors que ses parents ont pu quitter l’hôpital guéris après une période d’observation, Li Wenliang n’a pas survécu à la contamination. Ceux qui pensent que cette épidémie n’est pas grave sont un peu légers sinon irresponsables, en tout cas, manque de lucidité. Le coronavirus de Wuhan peut être mortel même pour des jeunes adultes qui n’ont aucun signe de faiblesse, pas seulement pour des personnes âgées ou en état de grande faiblesse.

Cette épidémie a tout en elle des prémices d’une catastrophe à l’échelle mondiale. Le pire n’est heureusement jamais sûr, mais ceux qui en sous-estiment la gravité manquent, à mon avis, de lucidité (pour diverses raisons). On ne paralyse pas l’économie d’un des premiers pays du monde pour rien. J’y reviendrai, mais je rappelle en attendant ce tragique mot du cinéaste Billy Wilder, rappelé par David Foenkinos dans sa sublime biographie "Charlotte" (2014), en parlant des Juifs : « Les pessimistes ont fini à Hollywood, et les optimistes à Auschwitz. ». Je suis plutôt d’un naturel positif et optimiste, mais le plus efficace, c’est de se préparer au pire…


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Sylvain Rakotoarison (07 février 2020)
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Pour aller plus loin :
Le docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte de l’épidémie de coronavirus.
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
L’apocalypse par l’invasion de paléovirus géants ?
Le virus de la grippe A(H1N1) beaucoup plus mortel que prévu.
"Estimated global mortality associated with the first 12 months of 2009 pandemic influenza A H1N1 virus circulation : a modelling study" ("The Lancet", 26 juin 2012).
Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
L’arbre de la vie.
Découverte du virus du sida.
Vaccin contre le sida ?
La grippe A.
Un nouveau pape de la médecine.

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22 janvier 2020 3 22 /01 /janvier /2020 03:13

« Dans toutes les crises sanitaires, le public comme les politiques étaient prompts à pointer les errements des scientifiques et leur incapacité à fournir des scénarios indiscutables qui apporteraient des réponses fiables et permettraient d’anticiper l’avenir. Comme si une épidémie était une science exacte, prévisible et maîtrisable ! » (Xavier Müller, "Erectus", éd. XO éditions, 2018).


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L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) va se réunir d'urgence ce mercredi 22 janvier 2020 à Genève pour peut-être décréter une "urgence de santé publique de portée internationale". Il y a de quoi s’inquiéter, effectivement. Un nouveau virus vient d’être détecté en Chine qui peut se transmettre entre humains. L’épidémie deviendrait-elle une pandémie, c’est-à-dire qui connaît un développement à l’échelle mondiale ?

À l’origine, plusieurs personnes furent atteintes d’une pneumonie de cause non explicable. Le foyer de l’épidémie est situé dans la ville de Wuhan, une grande métropole chinoise de plus de 11 millions d’habitants. Il proviendrait d’un marché (Huanan Seafood Market) qui fait de la vente en gros de poissons et de fruits de mer et qui a été fermé le 1er janvier 2020. Le premier cas suspect a été signalé le 31 décembre 2019 mais les premiers symptômes datent du 8 décembre 2019. Le virus s’est rapidement propagé.

Selon le maire de Wuhan, le bilan est passé ce mardi 21 janvier 2020 à 6 personnes mortes (le premier décès a eu lieu le 9 janvier 2020, le deuxième le 15 janvier 2020). Au 21 janvier 2020, il y a eu 77 nouveaux cas recensés en Chine, soit un total de 291 cas et 922 patients sont en observation. Trois patients étrangers ont été contaminés, deux Thaïlandaises (dont une hospitalisée le 8 janvier 2020) et un Japonais (hospitalisé le 10 janvier 2020), qui s’étaient rendus à Wuhan. Le 22 janvier 2020, ont été diagnostiqués un premier cas à Taiwan et un premier cas hors d’Asie, aux États-Unis, près de Seattle. Des cas ont été diagnostiqués également en Corée du Sud.

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Avec la globalisation des échanges, la transmission peut se faire rapidement d’un continent sur l’autre. Selon la Ministre de la Santé et des Solidarités Agnès Buzyn, le risque est peu probable mais pas impossible que le coronavirus puisse atteindre la France et des mesures ont été prises aux aéroports pour éviter toute contamination.

Des biologistes chinois ont réussi à isoler le virus impliqué. Il s’agit d’un coronavirus, appelé 2019-nCoV, jusqu’à maintenant inconnu, qui serait une septième souche de cette famille de virus (coronavirus),

Ce genre de virus SRAS circule parmi les animaux et peut être transmis aux humains, se diffuse dans l’air, lors de contacts rapprochés ou au contact avec des objets contaminés. Les autorités chinoises l’ont placé dans les maladies infectieuses de classe B (c’est-à-dire les moins graves), mais avec des mesures de prévention et de surveillance utilisées pour les maladies de classe A (les plus graves, comme la peste et le choléra). Le Président chinois Xi Jinping est même intervenu le 20 janvier 2020 en affirmant que la vie et la santé du peuple étaient sa priorité absolue.





Les signes observés sont : fièvre, toux, souffle court, difficultés respiratoires, symptômes gastriques et diarrhée. Dans les cas graves : pneumonie, syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), insuffisance rénale et mort pour les personnes les plus fragiles (personnes âgées, nourrissons, etc.). Il n’existe pas de vaccin mais on peut soigner les symptômes.

L’inquiétude des autorités chinoises est grande car les Chinois vont fêter le nouvel an chinois le 25 janvier 2020, c’est une période généralement de nombreux déplacements dans le pays pour rejoindre la famille ou des amis.

Cette épidémie est une tragédie en raison des premiers décès, elle est aussi un fait historique : détection d’un nouveau virus et risque de panique générale sur toute la planète. La rapidité des informations mondiales a un effet anxiogène mais il faut aussi comprendre que plus l’information se transmet rapidement, moins le virus se transmettra. Depuis quelques jours, de nombreux pays sont prêts à accueillir et isoler les éventuelles personnes qui seraient atteintes de ce nouveau virus. En France, on sait faire puisqu’on a déjà accueilli il y a quelques années (en 2014-2015) des patients contaminés par le virus Ebola.

Ce nouveau drame sanitaire mondial (il n’est pas le premier et ne sera hélas pas le dernier) me fait penser à un très bon roman de Xavier Müller, intitulé "Erectus" sorti chez XO éditions en 2018. Ce "thriller" (comme on appelle ce genre), qualifié d’apocalyptique effrayant par le critique de VSD, a été écrit par un docteur en science qui semble bien connaître les rouages de l’OMS et le fonctionnement des virus, et qui s’est reconverti dans l’écriture pour le grand plaisir de ses lecteurs.

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Je présente rapidement ce roman en cherchant à éviter d’en dire trop. L’idée principale est très originale puisqu’il est question d’un virus très nouveau dont le foyer est près d’une réserve en Afrique du Sud, plus précisément dans un laboratoire secret d’un grand groupe pharmaceutique. Le virus se transmet tant par les animaux que par les humains et il n’y a pas de vaccin. En quelques semaines, la planète entière est contaminée, et en quelques mois, plusieurs millions de personnes meurent de ce mal étrange dont on a réussi à isoler le virus.

Le livre est bien écrit, les personnages crédibles et décrits avec une certaine profondeur des sentiments (ce qui est assez rare pour ce genre de thème), il se déroule dans de très nombreux points du monde (Afrique du Sud, France, Suisse, États-Unis, Nouvelle-Guinée Papouasie, au fond des océans, etc.), il y a des scènes qui se déroulent à l’ONU, etc. Le suspens est intéressant même s’il y a une (petite) incohérence scientifique que je ne précise pas ici pour ne pas trop en dire.

Si je parle de ce livre, c’est parce qu’il y a beaucoup de pages qui analysent avec vraisemblance les relations entre les scientifiques (biologistes, virologues, paléontologues), les responsables politiques (ceux qui décident), et le grand public (en particulier, la presse). Le problème d’une pandémie, c’est l’urgence : l’urgence à détecter la cause du mal, à savoir le virus, savoir éventuellement en faire des vaccins (ce qui est très rare), mais aussi l’urgence à mettre en place toutes les procédures de prévention et de contrôle pour éviter toute propagation du virus (isolement, mise en quarantaine, etc.). Or, ces deux urgences sont contradictoires en termes de communication publique. L’urgence pour éviter la propagation nécessite une information publique immédiate et totale, tandis que l’urgence pour faire de la recherche sur le sujet nécessite réflexion, doute, discrétion, silence et efficacité.

Notons d’ailleurs que l’information concernant ce nouveau coronavirus de Wuhan provient du gouvernement chinois et que celle-ci a été émise rapidement et en toute transparence. Il semble qu’aucune rétention d’information n’a été faite pour le drame actuel, ce qui n’est pas une évidence dans un pays dont l’idéologie communiste préfère ne parler que des choses qui vont bien (on se rappelle les problèmes de transparence pour la catastrophe nucléaire de Tchernobyl).

Le livre reste assez subtil puisque, au-delà des enjeux scientifiques, économiques, sanitaires et politiques, l’auteur y glisse aussi, malicieusement, des enjeux d’ego et de susceptibilité personnelle qui épicent, humanisent et rendent plus difficile toute résolution du problème.

J’aurais néanmoins deux critiques à formuler sur "Erectus". D’une part, la fin est peu intéressante et peu originale, une sorte de guérilla urbaine au cœur de Paris que Bernard Werber a déjà proposée dans son livre "Demain les chats", et d’autre part, une sorte d’anachronisme géopolitique en donnant à l’ambassadeur de Russie le "mauvais rôle", c’est-à-dire le rôle du "méchant" qui n’a pas de cœur et qui milite pour la sauvegarde de l’espèce (humaine) au mépris froid et inhumain de toutes les autres espèces. C’est donc inutilement caricatural car le rôle de la Russie aurait pu échoir à n’importe quel autre pays assez influent pour emporter l’adhésion internationale).

Je termine avec cet autre extrait du livre "Erectus" en espérant qu’on arrivera à contenir l’épidémie du coronavirus de Wuhan avant une catastrophe mondiale :

« De son passé de traqueur de virus, le médecin avait tiré une certitude : la guerre invisible que l’humanité menait contre les microbes exigeait qu’on suive toutes les pistes, même les plus improbables. L’expérience lui avait appris qu’éradiquer des micro-organismes en perpétuelle évolution nécessitait une vigilance extrême. Le danger pouvait éclore partout, en n’importe quel point de la planète. Or, pour qu’une épidémie démarre, il suffisait qu’un seul microbe infectant un organisme unique. Au début du siècle, quelque part en Afrique de l’Ouest, le chasseur de viande de brousse infecté par le sang d’un chimpanzé ignorait qu’il serait à l’origine, quelque quatre-vingts ans plus tard, de vingt millions de morts du sida. » (Xavier Müller).

NB du 22 janvier 2020 le matin. Selon un nouveau bilan rendu public ce 22 janvier 2020 par le vice-ministre chinois de la commission nationale de la Santé, le bilan s'est aggravé à 9 personnes décédées et 440 patients atteints par le coronavirus. Ce virus qui se transmet par les voies respiratoires « pourrait muter et se propager plus facilement ».

NB du 22 janvier 2020 le soir. Selon un nouveau bilan, 17 personnes sont mortes du coronavirus de Wuhan, 548 en sont atteintes et la ville de Wuhan a été coupée du monde (gares et aéroports sont fermés).


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Sylvain Rakotoarison (21 janvier 2020)
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Pour aller plus loin :
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
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Le virus de la grippe A(H1N1) beaucoup plus mortel que prévu.
"Estimated global mortality associated with the first 12 months of 2009 pandemic influenza A H1N1 virus circulation : a modelling study" ("The Lancet", 26 juin 2012).
Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
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Découverte du virus du sida.
Vaccin contre le sida ?
La grippe A.
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20 novembre 2019 3 20 /11 /novembre /2019 03:55

« Je pense que lorsqu’on conduit, on ne doit pas boire, c’est aussi simple que ça. (…) Je pense qu’on peut faire la fête et qu’on peut boire des coups, et boire du vin français, des vins d’excellence. Je pense que c’est très bon, mais lorsqu’on boit, on ne conduit pas. » (Didier Guillaume, le 17 novembre 2019 sur LCI).


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Boire ou conduire, il faut choisir. Invité le dimanche 17 novembre 2019 du "Grand Jury" de RTL, "Le Figaro", TF1/LCI, le Ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a affirmé soutenir l’interdiction totale de l’alcool pour les conducteurs.

Je "rassure" tout de suite les éventuels lecteurs inquiets qui seraient conducteurs et buveurs (de seulement un ou deux verres alcoolisés) : Matignon a affirmé, dès le lendemain, le 18 novembre 2019, qu’il n’était pas question d’adopter la mesure proposée par Didier Guillaume.

Néanmoins, il est intéressant d’évoquer cette mesure.

D’abord, parce qu’elle est très étonnante venant d’un Ministre de l’Agriculteur en général, souvent gagné par la cause des viticulteurs, et de Didier Guillaume en particulier, qui avait montré un grand soutien à ces viticulteurs, au point de faire une différenciation, comme il l’a fait le 16 janvier 2019 sur BFM-TV : « Le vin n’est pas un alcool comme les autres. » en ajoutant : « L’addiction à l’alcool est dramatique, et notamment dans la jeunesse, avec le "binge drinking", etc. C’est dramatique mais je n’ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit, et qui est saoul parce qu’il a bu du Côtes-de-Rhône, du Crozes-hermitage, du Bordeaux, jamais ». Propos qui ont provoqué des remous, notamment chez les médecins qui luttent contre l’alcoolisme.

À l’époque, il avait confirmé ses propos le 23 janvier 2019 sur Europe 1 : « J’assume ce que j’ai dit et en même temps, je veux lutter contre l’alcoolisme, contre l’addictologie [sic]. (…) Il n’y a pas de débat, la position du gouvernement est de lutter contre l’alcoolisme. (…) Il y a un grand plan de lutte contre l’alcoolisme qui a lieu (…). La filière viticole en fait partie, travaille avec les ministères de l’agriculture et de la santé. (…) Je n’incite pas du tout les jeunes à boire, je veux lutter contre l’alcoolisme, mais c’est une réalité, il y a une viticulture en France, c’est ce qui fait notre force et c’est ce qui fait l’excédent de notre balance commerciale. ».

Cette dernière déclaration avait suivi un recadrage le 18 janvier 2019 par la Ministre de la Santé et des Solidarités Agnès Buzyn qui avait rappelé que l’alcool tuait 50 000 personnes en France et que c’était « la même molécule dans le vin que dans n’importe quel autre alcool ». Ce à quoi Didier Guillaume avait répondu étrangement : « Une molécule de vin et de whisky a le même degré d’alcool, mais je ne bois pas des molécules, je bois des verres. ».

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Ensuite, parce que cette mesure de rabaisser le seuil au taux zéro n’est pas nouvelle. En Europe, plusieurs pays ont déjà adopté ce taux zéro : la République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie. La Pologne, l’Estonie, la Suède et la Norvège sont à 0,2 g/l (l’Estonie est particulièrement sévère avec 677 contrôles d’alcoolémie pour 1 000 habitants en 2015). Seuls Malte et le Royaume-Uni sont restés à 0,8 g/l (sauf l’Écosse à 0,5 g/l).


L’alcool tue beaucoup sur la route (au moins 747 personnes tuées en 2018)

La raison d’un abaissement du taux limite est évidente : il s’agit de réduire la mortalité routière. L’alcool est la deuxième cause de mortalité routière en France, après la vitesse excessive ou inadaptée. C’est la première cause de mortalité dans les accidents dont les auteurs présumés ont entre 35 et 44 ans.

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Selon le bilan de l’ONISR (Observatoire national interministériel de la sécurité routière) publié le 29 mai 2019 pour l’année 2018, l’alcool a été responsable de 18% des accidents mortels et les stupéfiants 9% des accidents mortels.

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En 2018, il y a eu 5 398 accidents corporels dus à l’alcool qui ont tué au moins 747 personnes (dont 494 conducteurs alcoolisés) et blessé au moins 7 202 personnes (dont 3 295 conducteurs alcoolisés). Pour rappel, en tout, il y a eu 3 488 personnes tuées sur la route en 2018, mais seulement 2 462 personnes tuées sur la route dont on connaît l’alcoolémie des auteurs présumés de l’accident, ce qui fait que l’alcool au volant est la cause de 30,3% des personnes tuées sur la route. Cette part de mortalité est stable depuis 2000 malgré la baisse globale de la mortalité, mais elle grimpe à 50% lorsque l’accident a lieu la nuit (à 56% lorsque c’est en plus le week-end).

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Parmi les personnes tuées dans les accidents avec alcool, 66% sont les conducteurs alcoolisés, 14% les passagers du véhicule avec conducteur alcoolisé, 16% des usagers d’un véhicule tiers et enfin, 4% de piétons.

En moyenne, le risque d’être responsable d’un accident mortel est multiplié par 18 chez les conducteurs alcoolisés (multiplié par 6,4 pour un taux entre 0,5 et 0,8 g/l, par 8,3 entre 0,8 et 1,2 g/l, par 24,4 entre 1,2 et 2,0 g/l et par 44,4 au-dessus de 2,0 g/l). Les accidents corporels avec un conducteur alcoolisé sont plus graves que les autres puisque 13% sont mortels au lieu de 5% sans conducteur alcoolisé.


La loi actuelle

Actuellement, le seuil légal d’alcoolémie est de 0,5 gramme d’alcool par litre de sang (0,25 milligramme d’alcool par litre d’air expiré), sauf pour les nouveaux conducteurs pour lesquels le seuil a été abaissé en 2015 à 0,2 gramme d’alcool par litre de sang. [Insistons sur le vocabulaire : évitons l’emploi de l’expression "taux d’alcoolémie" qui ne veut rien dire puisque "alcoolémie" veut dire "taux d’alcool"].

Concrètement, un verre de vin, de bière ou de vodka, dosé par un bar correspond à un taux d’alcool dans le sang d’environ 0,20 à 0,25 g/l : « Ce taux peut augmenter en fonction de l’état de santé, le degré de fatigue ou de stress, mais aussi le tabagisme, ou simplement les caractéristiques physiques de la personne : pour les plus minces, chaque verre peut représenter un taux d’alcool de 0,30 g/l. » (Sécurité routière). De plus, des verres servis chez des amis sont plus remplis que dans un débit de boisson commercial, augmentant d’autant le taux d’alcool. Le taux est au sommet dans le sang un quart d’heure après absorption à jeun et une heure en cas de repas. La baisse du taux est assez lente, en moyenne de 0,10 à 0,15 g/l en une heure, selon la Sécurité routière.

Les sanctions sont importantes en cas de contrôle : entre 0,5 et 0,8 g/l, l’amende est de 135 euros avec un retrait de six points du permis de conduire (pour le jeune conducteur, cela signifie le retrait du permis de conduire) ; si l’alcoolémie est supérieure à 0,8 g/l, l’amende peut monter jusqu’à 4 500 euros, avec deux ans de prison et une suspension ou annulation du permis de conduire.


Pas si simple que cela

Interdire purement et simplement de boire de l’alcool avant de conduire serait une mesure très simple que certains conducteurs appliquent déjà pour eux-mêmes : c’est assez compliqué de calculer le volume exact de quelques boissons durant un repas pour rester dans la légalité. Aucun verre, c’est simple, net et précis. D’autant plus que certaines personnes supportent moins bien l’alcool que d’autres, pour la même quantité.

Mais cette simplification n’est pas si simple que cela. Parce que zéro ne signifie rien, les appareils de mesure doivent avoir une marge d’erreur. Or, avoir quelques centièmes de gramme d’alcool par litre de sang peut être possible pour diverses raisons (il y en a dans certains médicaments, aliments, etc.). Et il ne sert à rien d’augmenter les contraintes s’il n’y a pas plus de contrôles sur la route.

Anne Lavaud, déléguée générale de la Prévention routière, interrogée par "Ouest France" le 18 novembre 2019, est opposée à cette mesure : « Le taux zéro n’est pas réaliste ni efficient. (…) On est pragmatique. Il faudrait un déploiement de contrôles très important en parallèle. Or, aujourd’hui, alors que les contrôles d’alcoolémie existent, le sentiment généralisé des Français est qu’ils peuvent conduire toute une vie sans souffler dans l’éthylotest. Ca ne sert à rien de miser encore davantage sur le répressif. ». C’est un fait que je ressens personnellement : de toute ma carrière d’automobiliste, je n’ai subi qu’un seul contrôle d’alcoolémie. C’est inconcevable quand on veut agir contre ce phénomène si prégnant dans la société.

Anne Lavaud serait plutôt favorable à la généralisation de l’obligation d’installer un éthylotest anti-démarrage sur les voitures neuves (ce qui ferait qu’en dix ans, plus de la moitié du parc automobile en serait équipé). C’est une technologie déjà obligatoire pour les transports scolaires depuis 2015 et plutôt efficace.

Alors, pourquoi le ministre Didier Guillaume a-t-il pris une position très strict sur l’alcool au volant ? À mon avis, c’était une manière de se dédouaner des propos très polémiques du début de l’année qui laissaient entendre qu’il préférait promouvoir le vin français, un produit français comme un autre, à préserver la santé des Français. En surprenant ainsi ses interlocuteurs, Didier Guillaume a rappelé que dans ses priorités, la santé publique est évidemment bien plus importante que l’économie nationale. Ouf !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 novembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Les trois illustrations statistiques sont issues du Bilan 2018 de la sécurité routière par l’ONISR, Observatoire national interministériel de la sécurité routière.


Pour aller plus loin :
Alcool au volant : tolérance zéro ?
80 km/h : le recul irresponsable adopté par les sénateurs.
Le vandalisme des radars par les gilets jaunes coûte cher en vies humaines.
80 km/h : 116 vies humaines sauvées en 6 mois.
Vers la suppression de la limitation à 80 km/h ?
Les gilets jaunes ?
80 km/h : 65 vies déjà sauvées en deux mois ?
L’efficacité de la limitation à 80 km/h.
Guide argumentaire sur la limitation à 80 km/h sur les routes à une voie.
Décret n°2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules (à télécharger).
Rapports sur l’expérimentation de la baisse à 80 km/h (à télécharger).
Documentation sur la sécurité routière (à télécharger).
Argumentaire sur la sécurité routière du professeur Claude Got (à télécharger).
La nouvelle réglementation sur les routes à une voie.
Le nouveau contrôle technique automobile.
Sécurité routière : les nouvelles mesures 2018.
La limitation de la vitesse à 80 km/h.
Documentation à télécharger sur le nouveau contrôle technique (le 20 mai 2018).
Documents à télécharger à propos du CISR du 9 janvier 2018.
Le comité interministériel du 9 janvier 2018.
Le comité interministériel du 2 octobre 2015.
Documents à télécharger à propos du CISR du 2 octobre 2015.
Cazeneuve, le père Fouettard ?
Les vingt-six précédentes mesures du gouvernement prises le 26 janvier 2015.
Comment réduire encore le nombre de morts sur les routes ?
La mortalité routière en France de 1960 à 2016.
Le prix du gazole en 2008.
La sécurité routière.
La neige sur les routes franciliennes.
La vitesse, facteur de mortalité dans tous les cas.
Frédéric Péchenard.
Circulation alternée.
L’écotaxe en question.
Ecomouv, le marché de l’écotaxe.
Du renseignement à la surveillance.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191117-securite-routiere-qg.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/alcool-au-volant-tolerance-zero-219382

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/11/19/37801613.html



 

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25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 04:38

« J’ai voyagé sur ton souffle jusqu’aux lointains de l’amour. » (Louise de Vilmorin, 1946).


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J’ai ressenti beaucoup d’émotion en apprenant la mort de la jeune Inès, une adolescente de 14 ans, peu avant midi le jeudi 21 juin 2018 à l’hôpital de Nancy. J’imagine la douleur de ses parents et de tous ses proches.

C’est parce que j’imagine cette douleur que je me doute qu’aucun proche ne voudrait qu’Inès soit "instrumentalisée" par les uns ou par les autres, parce qu’elle est unique, elle est singulière, comme tout être humain, et qu’elle ne saurait être un "cas" (un "cas" médical, par exemple) et encore moins une "affaire" (une "affaire" judiciaire, par exemple). Elle était une personne, avec toute sa dignité, toute sa richesse, tout son amour, quel qu’ait été son état.

Pourtant, si sa situation personnelle a quitté la sphère privée et intime pour atteindre la surface des médias, au contraire d’autres personnes aux situations aussi difficiles et aux destinées aussi diverses, c’est parce qu’elle a été le sujet d’une profonde opposition entre le "corps médical" et la famille.

Là encore, je veux être très nuancé et prudent, je ne veux fustiger ni le "corps médical" en général, ni même l’équipe médicale en particulier qui s’est occupée d’Inès. Si l’on devait dire une généralité, ce serait au contraire que les équipes médicales et soignantes sont pour la plupart du temps dévouées, consciencieuses, et compétentes.

L’histoire d’Inès est malheureuse. Elle était atteinte d’une maladie neuromusculaire auto-immune et, à la suite d’une crise cardiaque, elle est tombée le 22 juin 2017, il y a un, dans un état de conscience minimal. Selon l’équipe médicale, l’état d’Inès était sans espoirs, et au titre de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, le médecin en charge d’Inès a engagé le 21 juillet 2017 une procédure collégiale pour procéder à l’arrêt des traitements.

Selon cette loi, la définition des "traitements" a été précisée, et ils concernent tant les traitements médicaux pour soigner une maladie que l’alimentation, l’hydratation et même la respiration artificielles. Inès était branchée à un appareil de respiration artificielle et à une sonde gastrique pour être nourrie et hydratée.

La raison invoquée est que le maintien des traitements correspondrait à une "obstination déraisonnable", autrement dit, à un acharnement thérapeutique "inutile" puisque l’état de santé est prévu comme n’ayant aucune possibilité de s’améliorer (certains acharnements thérapeutiques sont "utiles" et ont permis de sauver des patients).

Si cette décision d’arrêt des soins avait été prise avec la totale acceptation de l’entourage le plus proche de l’adolescente (ses parents), cette décision et sa conclusion malheureuse et inéluctable n’auraient pas franchi les barrières de l’intimité familiale ni du secret médical.

Mais ce ne fut pas ainsi, justement. Dès le début, les parents d’Inès se sont opposés à l’arrêt des traitements. Le diagnostic peut être juste et vérifié, mais il n’est pas possible qu’il soit fiable à 100% car la vie a parfois des ressources insoupçonnables. Une équipe de chercheurs a même réussi à "réveiller" une personne en état de conscience minimal (lire ici), contre tout pronostic ou imagination.

Pendant près d’une année, les parents et leur avocat ont fait donc des recours, et forcément devant la justice, la justice administrative puisqu’il s’agit d’une administration publique (le centre hospitalier universitaire). La décision de l’équipe médicale a été validée par le tribunal administratif de Nancy le 7 décembre 2017, puis par la plus haute cour administrative du pays, le Conseil d’État, le 5 janvier 2018. Enfin, le dernier recours des parents devant la Cour européenne des droits de l’homme a également été rejeté le 25 janvier 2018. Forte des validations successives de la justice française et européenne, l’équipe médicale a "débranché" le système de respiration artificielle le soir du 20 juin 2018 et ce qui devait arriver arriva, l’adolescente est morte le lendemain matin.

Avec un dispositif législatif très différent, un enfant bien moins âgé (23 mois) a "subi" le 28 avril 2018 le même type de sort (décès après débranchement de l’appareil respiratoire) en Angleterre, Alfie Evans, malgré la volonté de ses parents de maintenir les traitements.

Il faut aussi préciser que, contrairement à ce qu'affirment en boucle certains médias, la situation d’Inès était très différente de celle de Vincent Lambert pour deux raisons : d’une part, il n’y a pas à "débrancher" Vincent puisqu’il n’est pas "branché", il n’a pas besoin d’assistance respiratoire, il a cependant besoin d’un accompagnement pour se nourrir et s’hydrater en raison de son état handicapant ; d’autre part, il y a divergence entre les proches sur la décision à prendre (arrêt des traitements, ce qui signifie ici purement et simplement d’arrêter de le nourrir et de l’hydrater, ou pas), l’épouse étant pour et les parents étant contre.

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Pour comprendre le fondement juridique de l’arrêt des traitements sans l’accord des parents, il faut reprendre l’article 2 de la loi Claeys-Leonetti qui dit : « Les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté des patients et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire. ».

Précisons d’abord que le texte initial du projet de loi avant adoption avait évoqué un "maintien inutile de la vie", ce qui pouvait laisser entendre qu’il existerait des vies utiles et des vies inutiles. La rédaction a donc été heureusement transformée par les parlementaires avec des termes beaucoup plus précis et respectueux de la vie, de toute vie, quelle qu’elle soit.

Précisons ensuite que la patiente, Inès, n’était pas en capacité d’exprimer sa volonté et qu’elle n’était de toute façon pas majeure, et donc, sa volonté devait donc être exprimée par ses parents, responsables légaux de l’adolescente. À mon sens, il y a ici un manquement à l’interprétation de ce que je ferais de cet article de la loi : la "volonté du patient" ici peut être exprimée, puisque les parents peuvent l’exprimer.

Ce ne fut pas cette "voie" qui a été adoptée, mais la voie de la procédure collégiale. Selon l’article 3 de la même loi, la procédure collégiale « permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies. ». La procédure collégiale est définie juridiquement selon l’article R. 4127-37 du code de la santé publique (par l’article 3 du décret n°2016-1066 du 3 août 2016).

La procédure collégiale a été définie lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et qu’il est décidé d’une limitation ou d’un arrêt des traitements. Elle est engagée par le médecin (en charge du patient) de sa propre initiative ou au vu des directives anticipées, ou encore à la demande de la personne de confiance, de la famille ou de l’un des proches. La décision d’arrêt des traitements prend en compte les souhaits du patient en cas de rédaction des directives anticipées ou de désignation de la personne de confiance, de l’avis de la famille et des proches et de l’avis du titulaire de l’autorité parentale quand le patient est mineur. Cette procédure s’applique aux cas du patient maintenu artificiellement en vie et du patient en phase avancée ou terminale d’une pathologie incurable.

Les étapes de la procédure collégiale, initiée par le médecin en charge du patient, sont ainsi : d’abord, collecte des informations concernant les souhaits du patient et de ses proches, consultation d’un autre médecin (médecin consultant) qui n’a aucun lien hiérarchique avec le médecin en charge du patient (l’idée est d’avoir un regard extérieur, selon l’ordre des médecins), consultation de l’équipe soignante, éventuellement, consultation d’un second médecin consultant, enfin, décision finale du médecin en charge du patient, qui doit être motivée, prise en conscience, éventuellement à justifier en cas de contradiction avec les directives anticipées. Ces étapes sont "tracées" dans le dossier médical du patient.

Le principe de la procédure collégiale a été adopté par le législateur avec trois objectifs : le refus de l’obstination déraisonnable dans le seul intérêt du patient, la préservation du patient de toute décision médicale solitaire et arbitraire, et la protection juridique du médecin pour lui éviter des poursuites pénales.

On note d’ailleurs que les recours contre la procédure collégiale sont des recours administratifs et pas pénaux et la validation de la procédure collégiale protège définitivement le médecin de poursuites judiciaires (car au-delà de la loi, les recours ont été rejetés, recours visant à interpréter d’une manière ou d’une autre la loi).

Concrètement, cela signifie que le médecin en charge d’Inès a pris la décision, contre l’avis de la famille, d’arrêter les traitements et donc, de programmer à brève échéance la mort d’Inès.

Le fait que la procédure d’arrêt des traitements a pu aller jusqu’au bout en totale opposition de la volonté des représentants de la patiente est très inquiétant. J’ai évoqué le risque d’une dérive par un potentielle "dictature des médecins" concernant la vie et la mort de leurs patients. La loi Claeys-Leonetti avait justement pour but, comme du reste les quatre précédentes lois sur le sujet depuis une vingtaine d’années, de redonner le pouvoir aux patients ou à leurs représentants face au corps médical dont les décisions ne devaient plus être arbitraires ni solitaires. Manifestement, il y a une incompréhension de la famille dans l’absence d’écoute de cette volonté pourtant clairement exprimée au cours de la procédure collégiale et des trois recours judiciaires.

Cela montre, hélas, la réalité de l’application de ce type de loi (je reste favorable à la loi actuelle car elle a réussi à atteindre un point d’équilibre sage et unanime, et je pense que c’est sans doute la réalisation la plus positive du quinquennat de François Hollande). Cela montre qu’une loi qui légaliserait l’euthanasie serait sujette aux mêmes risques de dérives et ne permettrait donc pas d’éviter les abus et les excès, quels que soient les encadrements précisés par la loi ou la réglementation.

En effet, l’un des arguments déployé par les partisans de l’euthanasie est qu’il s’agirait seulement d’un droit nouveau que seuls, les patients volontaires pourraient utiliser. La démonstration est hélas faite : non, forcément non. D’autres seraient amenés à prendre cette décision à la place du patient. Les risques d’abus seraient d’autant plus grands que la gestion comptable des hôpitaux aboutirait nécessairement à prendre la question sous l’angle économique : qui le médecin devrait-il favoriser dans le maintien des traitements (et l’occupation des lits) et pour qui déciderait-il que "cela n’en vaudrait plus la peine" ? L’euthanasie ne serait donc pas un nouveau droit des patients mais assurément un nouveau droit des médecins.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 juin 2018)
http://www.rakotoarison.eu

Illustrations : les trois tableaux ont été réalisés par la peintre Paula Modernsohn-Becker (1876-1907).


Pour aller plus loin :
Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
Le départ programmé d’Inès.
Alfie Evans, tragédie humaine.
Pétition : soutenez Vincent !
Vers une nouvelle dictature des médecins ?
Sédation létale pour l’inutile Conseil économique, social et environnemental.
Vincent Lambert et Inès : en route vers une société eugénique ?
Le congé de proche aidant.
Stephen Hawking, le courage dans le génie.
Le plus dur est passé.
Le réveil de conscience est possible !
On n’emporte rien dans la tombe.
Le congé de proche aidant.
Un génie très atypique.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
Un fauteuil pour Vincent !
Pour se rappeler l'histoire de Vincent.
Dépendances.
Sans autonomie.
La dignité et le handicap.
Alain Minc et le coût des soins des "très vieux".
Euthanasie ou sédation ?
François Hollande et la fin de vie.
Les embryons humains, matériau de recherche ?
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Indépendance professionnelle et morale.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Chaque vie humaine compte.

_yartiInes03


http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180621-ines-fdv2018ce.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/le-depart-programme-d-ines-205515

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/06/25/36514771.html


 

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24 juin 2018 7 24 /06 /juin /2018 18:32

(verbatim)


Pour en savoir plus :
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180621-ines-fdv2018ce.html


Texte de l’article R. 4127-37 du code de la santé publique (article 3 du décret n°2016-1066 du 3 août 2016)

« Dans les cas prévus au cinquième alinéa de l'article L. 1111-4 et au premier alinéa de l'article L. 1111-13, la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés ne peut être prise sans qu'ait été préalablement mise en œuvre une procédure collégiale. Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l'un des détenteurs de celles-ci mentionnés à l'article R. 1111-19 ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l'un des proches. Les détenteurs des directives anticipées du patient, la personne de confiance, la famille ou, le cas échéant, l'un des proches sont informés, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. » ;
« La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l'équipe de soins si elle existe et sur l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile.
« La décision de limitation ou d'arrêt de traitement prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s'il en a rédigé, l'avis de la personne de confiance qu'il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d'un de ses proches.
« Lorsque la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre, selon les cas, l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur, hormis les situations où l'urgence rend impossible cette consultation.
« La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l'équipe de soins ainsi que les motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement sont inscrits dans le dossier du patient. »
« La personne de confiance, si elle a été désignée, la famille ou, à défaut, l'un des proches du patient sont informés de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. »
« Lorsqu'une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé en application de l'article L. 1110-5 et des articles L. 1111-4 ou L. 1111-13, dans les conditions prévues aux I et II du présent article, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d'accompagner la personne selon les principes et dans les conditions énoncés à l'article R. 4127-38. Il veille également à ce que l'entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire. »

Source : légifrance.

http://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20180624-procedure-collegiale.html
 

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8 juin 2018 5 08 /06 /juin /2018 04:07

« Trop se taire ne vaut parfois guère mieux que trop parler. » (Chrétien de Troyes, 1191).


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C’est la Ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn qui n’a pas été contente lors de la séance du Sénat de ce mercredi 6 juin 2018. Une proposition de loi déposée le 5 février 2018 par le très influent président de la commission des affaires sociales du Sénat, Alain Milon (LR), par ailleurs médecin, a été adoptée à l’unanimité, tant à la commission qu’en séance publique par l’ensemble des sénateurs, y compris les sénateurs LREM. La cause de ce mécontentement ? Le "timing". Elle trouvait l’adoption de cette proposition beaucoup trop tôt par rapport à l’avancement de certains travaux, notamment des rapports attendus un peu plus tard.

Ce texte a été discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat : « Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission. ». La discussion en commission a eu lieu le 30 mai 2018 et le vote en séance publique ce 6 juin 2018.

De quoi s’agit-il ? De permettre aux morts de communiquer ! Dit comme cela, cela peut paraître étonnant, et pourtant, c’est quasiment cela. La loi actuelle de bioéthique (2011) demande le consentement du patient pour procéder à des analyses génétiques.

Or, il se trouve que les progrès de la génétique permettent d’analyser la transmission des caractères héréditaires prédisposant à la survenue de pathologies (en particulier les cancers). Les médecins onco-généticiens ont notamment la tâche de connaître le plus précisément possible les risques de leurs patients mais aussi des membres de leur famille pour mieux surveiller voire prévenir certaines pathologies.

Parfois, pour mieux comprendre, il est important de remonter l’historique à des personnes décédées, ce qui demande de faire des analyses génétiques sur ces personnes afin de recueillir des données utiles à la famille. Il se trouve que les prélèvements de sang sont conservés longtemps, même après la mort du patient. Les techniques actuelles permettent de faire des analyses génétiques sur des prélèvements conservés depuis longtemps. Mais ces analyses sont juridiquement interdites quand le patient est décédé, puisqu’il ne peut plus donner son consentement comme l’y oblige la loi de bioéthique de 2004. Cela n’a cependant pas empêché certains médecins de le faire quand même, à leur risque et péril judiciaire, pour le bien de leurs patients.

Ce texte permet donc à une personne décédée avant de connaître le résultat du diagnostic génétique, ou en l’absence d’un tel diagnostic, de protéger ses descendants grâce à un dépistage précoce.

En clair, la personne décédée pourra communiquer ses secrets génétiques sans son consentement pour aider à prévenir ou, du moins, à surveiller, les pathologies éventuelles de ses descendants. Le sujet est donc très important puisqu’il s’agit de vies humaines à sauver. Cela explique l’unanimité en commission et en séance publique pour mettre dans la loi cette exception au consentement du patient pour faire une analyse ADN (notons que le juge pouvait aussi imposer cette analyse ADN sans le consentement de la personne, qu’elle soit décédée ou pas, pour des recherches de paternité notamment, ou dans des affaires criminelles, possibilité qui a été réduite en 2004).

Depuis 2004, il y a également une obligation d’information de la parentèle en cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave susceptible de mesures préventives ou thérapeutiques (art. L. 1131-1-2 du code de la santé publique). La loi actuelle a ainsi établi un équilibre entre le secret souhaité par le patient et le devoir moral de solidarité familiale, équilibre que ne remet pas en cause le texte adopté par le Sénat.

La rapporteure de la proposition de loi est la sénatrice Catherine Deroche. Son rapport n°523 (2017-2018), déposé le 30 mai 2018, précise toute l’importance du texte : « Aujourd’hui, un examen des caractéristiques d’une personne ne peut être réalisé que dans le seul intérêt de la personne (…). Lorsque la personne est décédée, qu’elle ait ou non donné son consentement, la possibilité de réaliser un tel examen au bénéfice potentiel de la parentèle n’est pas prévue. C’est précisément cette lacune que la proposition de loi entend combler : elle étend la possibilité de réaliser un examen génétique aux personnes décédées au bénéfice de leurs proches. ».

Et de donner quelques exemples concrets : « Au plan scientifique, l’intérêt qu’il y aurait à faire accéder la parentèle d’une personne décédée aux informations sur les anomalies génétiques identifiées chez cette personne est bien étayé. C’est le cas dans plusieurs spécialités médicales. À titre d’exemple, en cardio-génétique, les analyses ADN par les technologies de diagnostic moléculaire permettent aujourd’hui d’identifier les gènes responsables de cardiomyopathies ou d’arythmies héréditaires. Dans les cas de mort subite chez des sujets jeunes, qui peuvent résulter d’une pathologie cardiaque susceptible de concerner également la fratrie, celle-ci pourrait, le cas échéant, être orientée vers un conseil génétique. ».

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Malgré l’unanimité, cette disposition juridique n’est pas anodine. Elle pourrait aussi remettre en cause la stabilité des familles si l’on se rend compte que finalement, les liens filiaux ne sont pas ce qu’on croyait (autre parent biologique). Elle pourrait même avoir un effet sur un possible eugénisme dès lors qu’on s’inquiéterait de certaines prédispositions génétiques sur un fœtus.

Le sénateur Bernard Jomier a rappelé certains enjeux : « Lors des débats sur la loi bioéthique de 2004, marqués par l’affaire Yves Montand, il avait été acté qu’en matière de filiation, "la génétique devait s’arrêter à la porte des cimetières", selon l’expression de Jean-François Mattéi, protégeant de l’exhumation toute personne n’ayant pas expressément consenti à des analyses génétiques de son vivant. » (6 juin 2018).

Le texte a donc été assorti d’un certain nombre de garanties afin de respecter deux "principes cardinaux" : la protection de la volonté et de la dignité de la personne décédée, et la garantie d’une prise en charge de qualité pour les familles. Cela se traduit par quatre conditions et une règle.

Première condition, la personne décédée ne doit pas avoir, de son vivant, exprimé son opposition à cet examen (c’est le même principe que pour les dons d’organe). Deuxième condition, l’examen est réalisé à de seules fins médicales dans l’intérêt des ascendants, descendants et collatéraux de la personne décédée (pour prévenir tout risque de déstabilisation familiale). Troisième condition, le médecin prescripteur qualifié en génétique doit apprécier si la condition relative à l’intérêt de la parentèle est remplie. Quatrième condition, l’examen est réalisé à la demande d’un membre de la famille potentiellement concerné.

La règle, c’est que l’examen pourra être effectué dans deux circonstances médicales, identifiées par l’Agence de la biomédecine : à partir d’éléments du corps prélevés préalablement au décès de la personne ou dans le cadre d’une autopsie médicale, ce qui exclut l’hypothèse d’une exhumation pour effectuer des prélèvement post mortem : « On évite les dérives potentielles. L’intégrité du corps du défunt est respectée. » (Bernard Jomier, le 6 juin 2018).

Alain Milon, médecin LR qui est particulièrement ouvert dans le domaine de la bioéthique (il est plutôt favorable à la PMA), savait évidemment qu’il y avait la préparation d’une nouvelle loi de bioéthique et qu’il y avait encore les États généraux de la bioéthétique (qui n’a pas parlé de ce sujet) quand il a déposé sa proposition. Cependant, il voulait justement découpler ce sujet précis, plutôt consensuel et essentiel pour des malades potentiels, des polémiques qui ne manqueront pas de survenir lors d’une éventuelle discussion sur la légalisation de la PMA pour tous (le rapport du Comité d’éthique remis le 5 juin 2018 a cependant affirmé qu’il n’y avait pas de consensus sur le sujet, or, le Président Emmanuel Macron considérait que ce consensus était un préalable pour légiférer sur la PMA).

Agnès Buzyn, qui est d’accord sur le fond de cette proposition de loi sur les tests ADN sur des personnes décédées, aurait préféré attendre la remise de plusieurs travaux sur le sujet et l’intégrer dans la loi de bioéthique à venir. Elle n’a pas été écoutée, pas même par les sénateurs LREM, mais il est probable que l’Assemblée Nationale attendra la discussion sur la loi de bioéthique avant de prendre position sur ce sujet. Elle l’a ainsi affirmé : « Je comprends le souci de prévenir les risques en utilisant les progrès de la génétique. Mais je regrette que le débat sur ces sujets de bioéthique s’engage alors que l’avis du Comité consultatif national d’éthique, de l’Office pour l’évaluation des choix scientifiques et techniques et du Conseil d’État sont encore attendus. Le vecteur le plus approprié sera la loi de bioéthique, dont la révision interviendra d’ici à quelques mois. » (6 juin 2018).

En séance, la rapporteure Catherine Deroche a déclaré : « Ce texte ne modifie pas l’équilibre entre le secret souhaité par le patient et le devoir moral de solidarité familiale. (…) Cette proposition de loi est très attendue par les professionnels de santé et l’Agence de la biomédecine y voit une évolution fondamentale. (…) En clarifiant le droit, elle unifiera les pratiques. Ce dispositif est consensuel et attendu, Madame la Ministre. Il serait dommage de différer son adoption pour de simples considérations de forme ou de calendrier. » (6 juin 2018).

Cette proposition de loi adoptée avec une « belle unanimité » au Sénat concourt au renforcement de la politique de prévention et c’est pourquoi les députés seraient bien inspirés de se saisir de ce texte consensuel intitulé "proposition de loi relative à l’autorisation des examens des caractéristiques génétiques sur les personnes décédées", pour l’adopter le plus rapidement possible, et de le différencier de la discussion sur la nouvelle loi de bioéthique qui ne manquera pas d’être très animée dans les prochains mois.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 juin 2018)
http://www.rakotoarison.eu

Source : le Sénat.


Pour aller plus loin :
Documents sur le texte de la proposition de loi (à télécharger).
Rapport de synthèse des États généraux de la bioéthique remis le 5 juin 2018 (à télécharger).
Bientôt, les morts pourront parler !
En quoi le progrès médical est-il immoral ?
ADN : pour ou contre ? (23 octobre 2007).
Tests ADN : confusion au Sénat et péril pour le principe de filiation (3 octobre 2007).
Loi Hortefeux : tests ADN acceptés avec réticence (15 novembre 2007).
La traçabilité de la vie privée.
Trente ans de fécondation in vitro.
Robert Edwards Prix Nobel 2010.
Le fœtus a-t-il un état-civil ?
Le père de nos pères.
Notre arbre généalogique.
La rousseur du Néandertalien.
Un rival pour Darwin ?

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180606-test-adn.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/bientot-les-morts-pourront-parler-205003

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/06/08/36468493.html



 

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 03:41

« En qualité de membre de la profession médicale, je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au service de l’humanité ; je considérerai la santé et le bien-être de mon patient comme ma priorité ; je respecterai l’autonomie et la dignité de mon patient ; je veillerai au respect absolu de la vie humaine ; je ne permettrai pas que des considérations d’âge, de la maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou tout autre facteur s’interposent entre mon devoir et mon patient (…). » (Extrait de la Déclaration de Genève adoptée en septembre 1948 par l’assemblée générale de l’Association médicale mondiale, dans sa version modifiée en octobre 2017 à Chicago, équivalent moderne du Serment d’Hippocrate).


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À la suite d’un recours en référé-liberté déposé le 17 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a ordonné, ce vendredi 20 avril 2018, de procéder à une nouvelle expertise médicale sur l’état de santé de Vincent Lambert, la dernière ayant été faite en 2014, avant de se prononcer sur la décision du 9 avril 2018 du CHU de Reims d’arrêter les traitements. Vincent Lambert va donc bénéficier d’un petit sursis, mais l’épée de Damoclès n’est pas pour autant enlevée. Les parents de Vincent ont considéré que c’était une "première victoire" pour celui qui a reçu un soutien remarqué du pape François deux fois cette semaine, le 15 et le 18 avril 2018.

Cette "affaire" médicale et multi-judiciaire est effrayante pour de nombreuses raisons. La première raison, elle tient à ce qu’il y a d’abord une personne, qui malgré son état d’extrême vulnérabilité, doit conserver toute sa dignité que toute personne humaine mérite. La deuxième raison, c’est qu’au-delà de lui-même, il est honteusement et odieusement instrumentalisé par des promoteurs féroces et tenaces de l’euthanasie qui voudraient absolument en faire un "exemple". La troisième, c’est que Vincent n’est ni en fin de vie, ni malade. Il n’a pas besoin de machine pour vivre. Il a juste besoin qu’on l’aide pour s’hydrater et pour se nourrir parce que, paralysé, il ne peut pas  le faire tout seul. Et pourtant, on voudrait lui faire appliquer la loi sur la fin de vie. La quatrième raison, c’est que pèse sur des juges administratifs dont ce n’est pas l’attribution la lourde responsabilité, dans les faits, de prononcer la mort ou la survie d’une personne. Je ne m’attarderai pas sur d’autres raisons qui doivent rester dans l’intimité privée et qui ont trait à la division de l’entourage familial qui reste la principale cause du "problème" insoluble depuis cinq ans.

Cinq ans ! Encore une preuve concrète que Vincent n’est pas en fin de vie. En avril 2013, une première procédure d’arrêt des traitements a eu lieu. Vincent a survécu trente et un jours sans nourriture ! On appellerait cela plutôt un attachement à la vie. Cinq ans sont passés, et il n’est toujours pas mort, fort heureusement : la fin de vie ne peut vraiment pas être invoquée dans sa situation, aussi dégradée soit-elle.

Mais venons au pouvoir de ces médecins qui ont voulu condamner Vincent.

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Alors que, pendant des décennies, certains médecins pouvaient être considérés comme des personnages providentiels, au point de parfois infantiliser leurs patients (c’étaient les "mandarins"), depuis une vingtaine d’années, les rapports entre médecins et patients se sont équilibrés, surtout depuis l’adoption de deux lois voulues par le ministre Bernard Kouchner, la loi n°99-477 du 9 juin 1999 et la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 qui donnent quelques droits aux patients, en particulier le droit de recevoir des soins palliatifs en cas de nécessité, le droit de refuser les traitements médicaux et le droit d’accéder à son dossier médical.

Ce dernier point avait été parfois contesté par certains médecins qui considéraient le dossier médical comme un cahier de manipes, à savoir, donnant l’occasion d’inscrire de l’info et de la réflexion brut, et donc, pas forcément destinées à la lecture du patient, soit pour des raisons de fond mais aussi de forme. Pourtant, ce droit à l’information est d’autant plus essentiel qu’il rejoint le droit accordé par la loi Informatique et Liberté n°78-17 du 6 janvier 1978 qui explique que chaque personne présente dans un fichier a droit de regard et de rectification sur les données personnelles la concernant.

Deux autres lois, dans la continuité des deux déjà citées, ont poursuivi le mouvement en accordant encore plus de droits aux patients, la loi Leonetti n°2005-370 du 22 avril 2005 et la loi Claeys-Leonetti n°2016-87 du 2 février 2016 qui évoquent principalement la fin de vie. Et parmi l’accroissement des droits du patient, il y a la rédaction des directives anticipées, la désignation de la personne de confiance et la procédure dite collégiale pour décider (ou pas) de l’arrêt des traitements pour les malades en fin de vie.

Mon titre d’article est volontairement provocateur et certainement injuste car je n’ai jamais connu que des médecins respectueux de mes droits et de ma dignité, de mes volontés et de mes réflexions, soucieux de ma santé et en pleine conscience professionnelle. Les médecins subissent eux-mêmes une "dénotabilisation sociale", comme l’ont connue un peu avant eux les enseignants. Certains sont même insultés voire menacés par certains patients peu commodes. Il est loin le temps où le médecin infantilisait son patient et où ce dernier parlait de "la faculté" pour parler d’un spécialiste !

Cependant, certaines situations particulières, devenues médiatiques ces derniers temps, laissent l’effrayant arrière-goût d’un nouveau pouvoir des médecins, celui d’être l’arbitre de la vie et de la mort de certains de leurs patients. Et cela en contradiction avec le serment qu’ils ont prononcé en devenant médecins.

La dernière loi, celle du 2 février 2016, censée accorder plus de droits aux malades en fin de vie, semble paradoxalement redonner du pouvoir aux seuls médecins. Et pas n’importe lequel, celui de l’arrêt des traitements. Or, l’arrêt des traitements, cela signifie la mort à court terme dans le cas de maladie ou d’infirmité graves.

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La situation de Vincent Lambert est complètement surréaliste. Il est "emprisonné" (le mot est dur mais y en a-t-il un autre ?) dans un hôpital qui n’a pas la compétence pour répondre le mieux possible à son état pauci-relationnel. Je ne reproche pas à l’hôpital ce manque de compétence car certains hôpitaux ont certaines spécialités. En revanche, ce que je reproche, c’est le refus permanent de cet hôpital de transférer Vincent dans un établissement qui, lui, serait compétent pour traiter au mieux son état de santé. Ce n’est pas de la pure théorie puisque plusieurs établissements ont déjà affirmé être d’accord pour s’occuper de lui. Au lieu de cela, l’hôpital, pour la quatrième fois en cinq ans, a procédé à une "procédure collégiale" pour arrêter les traitements.

Pourquoi ne pas tenter tout pour faire revivre Vincent ? Pourquoi imaginer comme seule solution sa mort ?

Soixante-dix médecins ont signé une tribune publiée dans "Le Figaro" le 18 avril 2018 pour exprimer leur « incompréhension » et leur « extrême inquiétude » au sujet de Vincent Lambert qu’ils ne considèrent pas en fin de vie : « Un tissu d’incertitudes et d’hypothèses, ainsi que des jugements contradictoires concernant le niveau de conscience, les capacités de relation et de déglutition, le pronostic, fondent une sanction dramatique, incompréhensible. Certains d’entre nous ont une expérience de trente à quarante ans de soins et de réflexion autour de ces personnes. La circulaire du 3 mai 2002, qui a marqué une étape essentielle pour l’organisation et la qualité de la prise en charge des personnes EVC-EPR, constitue une référence toujours d’actualité. ». Et de considérer que « M. Vincent Lambert est bien en état pauci-relationnel, à savoir qu’il n’est pas dans le coma, ne requiert aucune mesure de réanimation et qu’il a des capacités de déglutition et de vocalisation. ».

Le professeur Xavier Ducrocq, professeur de neurologie et d’éthique au CHU de Nancy, avait proposé ce diagnostic le 27 février 2015 : « De Vincent, on peut dire qu’il n’est pas en coma, qu’il n’est pas branché. Il n’est pas malade, mais dans un état de handicap très sévère, privé de communication. Il n’est pas un légume. Il n’est pas en fin de vie ; des personnes peuvent vivre de nombreuses années en EPR. Cela est dû à des lésions cérébrales sévères et les chances d’amélioration sont pratiquement inexistantes. Si Vincent ne communique pas, pour autant une relation est-elle strictement impossible ? Un échange, silencieux, mystérieux, indicible, ne se produit-il pas avec l’entourage et l’environnement ? (…) Vincent déglutit sa salive, depuis des mois. Il peut avaler quelques gouttes d’eau, quelques miettes de gâteau, alors qu’il n’a pas bénéficié d’une rééducation de la déglutition. (…) Il y a longtemps que Vincent est privé de ces soins. Il est enfermé à clef dans cette chambre. (…) Vincent est bien incarcéré dans sa chambre, surveillée par une caméra, sous écoute au moyen d’une baby phone. Tel un détenu, dangereux, dans l’attente de la mort à laquelle on l’a condamné. ».

Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’Université de Paris Sud-Saclay et directeur de l’Espace éthique Île-de-France, a déclaré dans Huffington Post le 20 avril 2018 : « M. Vincent Lambert aurait pu poursuivre son existence dans un cadre adapté bénéficiant d’un environnement humain et d’un accompagnement compétents, comme tant d’autres blessés traumatisés crâniens. ».

Il a rendu hommage à tous les soignants et aidants : « Faute de qualificatifs capables de leur épargner l’insulte d’une stigmatisant indigne, ces personnes sont reléguées au statut de "pauci-relationnel", "d’éveil sans conscience" ou "de végétatif constant". Comme si déjà, nous les excluons de notre humanité. Lorsque des familles, des professionnels ou des membres d’associations ne désertent pas et demeurent présents dans tous les moments de leur existence, alors que la vox populi qui ignore tout de ces "grands blessés" semblerait préférer le renoncement dans la mort donnée, un tel engagement nous est précieux. Sans "obstination déraisonnable", avec courage et lucidité, ils combattent pour une démocratie soucieuse de nos valeurs d’humanité. Nos obligations à l’égard des personnes en situation de vulnérabilité extrême sont inconditionnelles. ».

Il s’est permis d’élever le débat en posant des questions essentielles : « Qu’en est-il de nos solidarités et de notre sollicitude, dès lors qu’elles sembleraient se satisfaire d’une approche compassionnelle ou d’un consensus approximatif estimant certaines vies "indignes d’être vécues" (…) ? Au regard de quelles normes ou de quelle expertise ériger un "droit à la vie digne d’être vécue" ou estimer pour l’autre, au seul motif que son handicap altèrerait ses facultés relationnelles, que sa "mort serait préférable à sa survie" ? ».

Et de conclure avec un frisson dans le dos : « Si demain, nous apprenions sa mort [celle de Vincent Lambert], je souhaiterais être certain qu’il n’aura pas été l’otage, jusque dans cette décision médicale en attente d’exécution, de logiques qui auront finalement imposé leurs règles sans tenter d’explorer tout autre possible. ». Tout autre possible, comme celui d’être transféré dans une unité spécialisée, d’être « accueilli dans une structure qui lui restitue la plénitude de ses droits » (Emmanuel Hirsch).

C’est là une véritable incompréhension de la décision du CHU de Reims : pourquoi ne pas vouloir essayer d’abord les soins dans une structure spécialisée plutôt que d’avoir recours à l’ultime sédation terminale ? Pourquoi ne pas lui laisser sa chance ?

Mais le "scandale", c’est l’absence de consensus avec la famille. C’est pourquoi je considère qu’il faudrait amender la loi Claeys-Leonetti sur deux points, afin de mieux cadrer l’interprétation de la loi et de mieux conforter les droits du patient.

Le premier, c’est le consentement des proches. En l’absence de directives anticipées et même de désignation d’une personne de confiance, le patient doit pouvoir s’assurer de la compassion de son entourage rapproché qu’on pourrait définir par son conjoint, ses parents et grands-parents, s’ils sont en état de pouvoir y participer, et ses enfants et petits-enfants, s’ils sont majeurs. Je propose que la décision de sédation profonde et continue et d’arrêt des traitements de maintien de la vie ne puisse être exécutée qu’avec l’accord unanime de cet entourage rapproché. La moindre contestation démontrerait, le cas échéant, que la décision n’est pas pertinente, ne va pas de soi, n’est pas évidente.

L’autre point à préciser, et à mon sens, c’est essentiel, c’est qu’il ne soit pas possible d’invoquer une "obstination déraisonnable" quand les seuls traitements de maintien de la vie sont l’hydratation et la nutrition artificielles. Il existe un très grand nombre de personnes qui doivent être assistées pour se nourrir et pour boire (au-delà même des bébés), et il n’est pas possible humainement d’imaginer que les aider puisse être considéré comme une "obstination déraisonnable".

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Cette volonté terrible de vouloir mettre fin aux jours de Vincent Lambert, contre sa volonté (non exprimable) et contre la volonté d’une partie de sa famille très proche (ses parents et certains de ses frères et sœurs), est au moins la démonstration par l’absurde qu’une loi qui légaliserait l’euthanasie serait une catastrophe pour les patients les plus vulnérables.

En effet, la situation de Vincent Lambert, mais aussi d’autres, comme celle de cette adolescente de 14 ans, Inès, condamnée, elle aussi, à mort contre la volonté de ses parents, montrent que les médecins gardent un pouvoir absolu de vie et de mort sur leurs patients. Cela prouve bien que l’euthanasie ne sera pas, in fine, un droit mais une menace terrible qui sera forcément reliée, à un moment ou à un autre, à des préoccupations comptables et budgétaires.

Un lecteur du journal "Le Figaro" l’a exprimé très précisément et excellemment le 21 avril 2018 (à moins que ce ne fût un copier-coller, ce qui n’ôterait en rien la pertinence des propos) : « L’euthanasie n’est pas l’exercice d’une ultime liberté : c’est donner au médecin et à l’administration hospitalière le pouvoir de décider qui doit vivre ou mourir. ».

Et de développer : « Voir dans l’euthanasie l’exercice d’une ultime liberté est une vision très idéaliste qui occulte la réalité toujours très complexe, diverse et difficile de la fin de vie. L’exercice de cette ultime liberté suppose un consentement totalement libre, éclairé et réitéré. Mais dans la réalité de la fin de vie, il est fréquent que ces conditions ne soient pas réunies et qu’aucune directive anticipée n’ait été rédigée. Dans la complexité de ces situations, la légalisation de l’euthanasie ne donnerait pas à la personne en fin de vie le droit à l’exercice d’une ultime liberté, mais donnerait plutôt au médecin et à l’administration le pouvoir de décider quelle vie est digne de se poursuivre, et laquelle doit être abrégée. Le plus souvent sur la base de critères financiers, qui n’ont rien à voir avec l’intérêt ou le bien-être du patient en fin de vie. Quand une juridiction administrative (tribunal administratif voire Conseil d’État) en arrive à être saisie par un hôpital pour trancher le cas d’un patient qu’il juge en fin de vie, et décider du bien-fondé d’un arrêt des [traitements], il y a de quoi se poser des questions, et s’inquiéter des dérives graves qui pourraient survenir si l’euthanasie était légalisée. Ces dérives sont déjà constatées dans des pays tels que la Belgique : enfants, handicapés mentaux, personnes atteintes d’Alzheimer… ».

Ce serait exactement cela, la légalisation de l’euthanasie ne serait pas un nouveau droit des patients, mais des médecins. Il est là le danger, que la volonté des proches du patient ne soit pas écoutée même lors de l’ultime épreuve.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 avril 2018)
http://www.rakotoarison.eu

Les illustrations proviennent de tableaux de Salvador Dali.


Pour aller plus loin :
Pétition : soutenez Vincent !
Vers une nouvelle dictature des médecins ?
Sédation létale pour l’inutile Conseil économique, social et environnemental.
Vincent Lambert et Inès : en route vers une société eugénique ?
Le congé de proche aidant.
Stephen Hawking, le courage dans le génie.
Le plus dur est passé.
Le réveil de conscience est possible !
On n’emporte rien dans la tombe.
Le congé de proche aidant.
Un génie très atypique.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
Un fauteuil pour Vincent !
Pour se rappeler l'histoire de Vincent.
Dépendances.
Sans autonomie.
La dignité et le handicap.
Alain Minc et le coût des soins des "très vieux".
Euthanasie ou sédation ?
François Hollande et la fin de vie.
Les embryons humains, matériau de recherche ?
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Indépendance professionnelle et morale.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Chaque vie humaine compte.

_yartiFinDeVie2015ZF09



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180420-vincent-lambert-fdv2018cc.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/vers-une-dictature-nouvelle-des-203640

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/04/23/36340403.html



 

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